Disclaimer : Les personnes trans sont tous·tes merveilleux·euses. Celleux qui oeuvrent contre leurs droits méritent qu'on leur crache au visage.

Attention: Rated T pour le langage et les scènes violentes.


RàR :

katimyny : Hello ! Merci beaucoup pour ta review ! Il était temps que Chris et Crystal se rencontrent, hein ? Remus sera un peu plus présent pendant le tome 5 (je l'aime beaucoup aussi et Tonks ne me laisse guère le choix de toute façon!). Le compteur final est de 30 chapitres (parce que mon cerveau aime les chiffres ronds!) Je te laisse avec la suite ! Bonne lecture !

mh :
Hey ! Merci beaucoup pour ta review ! Ravie que le dernier chapitre t'ait autant plu ! (wink : wink pour Sauvez Willy). Je te laisse avec la suite ! Bonne lecture !

Guest (27/06) :
Salut ! Merci beaucoup pour ta review ! Des fois, ce sont les évidences qui sont les plus dures à voir ! (je le tease depuis un long moment xD). Contente que cette histoire continue à te plaire ! Je te laisse avec la suite ! Bonne lecture !

Juliette :
Coucou ! Merci beaucoup pour ta review ! Tu n'es pas la seule à être passée à côté de mes indices pour la forme Animagus de Maellyn mais c'est bien aussi, les surprises ! Il n'est pas impossible que cette histoire d'oiseau m'arrange aussi pour des raisons scénaristiques ! Je te laisse avec la suite ! Bonne lecture !

Kasia :
Hello ! Merci beaucoup pour ta review et bienvenue par ici ! Ravie que mon histoire t'ait plu et merci beaucoup pour tous tes compliments, ça m'a fait super plaisir ! Je te laisse donc avec la suite ! Bonne lecture !

Guest (7/08) :
Hey hey hey ! Merci beaucoup pour ta review ! Et bienvenu·e par ici, surtout ! J'ai plein de surprises en magasin (et d'autres que je n'ai pas encore découvertes, sans doute). Stay tuned pour la suite !
Ravie que tu trouves mes personnages attachants (pour la plupart, hein, certain·es sont détestables, mais c'est aussi fait exprès).
Alalala, Narcissa ne cesse de partager mon lectorat (et mes personnages). On ne peut pas lui refuser d'avoir fait des choses très bien, mais elle a aussi fait des erreurs. Je crois que le véritable problème, c 'est qu'elle refuse de reconnaître ces dernières… Loin de moi de dire qu'Andy est une sainte (mes points de vue sont toutefois très biaisés selon qui parle).
Très bonne remarque pour le changement de ton dans sa relation avec Lucius. Je pense que la source de ça est que Lucius trouve un moyen de prendre l'ascendant sur elle en menaçant Sirius, Alya, Chris… Il sait que le point faible de sa femme est sa famille. Toutefois, Narcissa n'a pas encore renoncé (et elle sait perdre une bataille pour gagner la guerre!)
J'ai encore plusieurs années devant moi pour écrire un rapprochement entre Maellyn et Harry… A voir si elle accepte xD
Je te laisse avec la suite ! Bonne lecture !

Matt :
Hey ! Merci beaucoup pour tes reviews et bienvenu par ici ! Je suis ra-vie d'être à l'origine d'un petit binge reading, c'est un très beau compliment ! XD Merci pour tes compliments ! J'espère que la suite continuera à te plaire ! Bonne lecture !


Merci à Niris, katimyny, Tiph l'Andouille, tzvine, NyannaCh, mh, Guest, Luluberlue972, Eanthy, Juliette, Kasia, Meliroxy, Guest, Matt (x2), Sun Dae V et Feufollet pour leur review. Vos messages sont mes rayons de soleil ! Vous n'avez pas idée à quel point ça m'aide à écrire !


Bonjour à toutes et à tous !

Non, vous ne rêvez pas ! Une nouvelle mise à jour par ici alors que c'est la saison du Nano ? Tout est décidément possible !

J'espère que vous allez bien ! De mon côté, j'espérais passer une année plus tranquille que la précédente, mais je ne suis pas sûre que ça en prenne la direction. Mon temps va donc être investi en priorité dans l'écriture et, puisque je dois faire avancer la timeline de Gravity, les mises à jours seront plus récurrente du côté du Spin-Off !

Depuis la dernière fois, j'ai quand même réussi à venir à bout de (presque) toutes les corrections qui traînaient un peu partout sur Supernova, ce qui signifie que le décompte pour cette partie est bien arrêté à 30 chapitres tout rond ! La suite a déjà son prologue et son premier chapitre d'écrit. Je compte sur le Nano pour terminer le chapitre 2 et peut-être même commencer le troisième ! Je vous en reparlerai, mais le format va sans doute évoluer un peu !

Cela état dit, je vous laisse avec la suite ! J'espère que ça vous plaira ! Bonne lecture !


La honte doit changer de camp.

Si vous ne laissez pas de reviews, vous n'êtes plus les bienvenu·e·s sur mes histoires. Au fond, ça ne change rien pour moi.


Un grand merci à Sun Dae V pour son travail de bêta ! Et je ne le dis peut-être pas assez, mais sa fic La Course au Chien Sauvage est un must-read si vous aimez Sirius Black !


Black Sunset

Partie IV : Supernova

Chapitre 19


Supernova: cataclysmic explosion caused when a star exhausts its fuel and ends its life. Supernovae are the most powerful forces in the universe.


Jeudi 10 Août 1995, Manoir Black, 12 Square Grimmauld, Londres, Angleterre.

Le manoir était si calme qu'il avait l'impression d'être de retour dans le passé, quand Walburga, Orion et Regulus étaient encore vivants et que l'étiquette Sang-Pur pesait sur chaque mot, chaque geste.

Il avait eu l'impression d'étouffer, pendant si longtemps, quand il vivait ici. Il avait cru que la mort de ses géniteurs et de son frère aurait changé la donne mais dès qu'il se retrouvait seul dans l'une des pièces, il se sentait à nouveau épié, jugé en permanence.

Sans compter les souvenirs – mauvais pour la plupart, douloureux pour certains – qui lui revenaient par vague, sans prévenir, volant l'air dans ses poumons et lui donnant envie de vomir.

Les cris de Walburga, l'indifférence teintée de mépris d'Orion, les hésitations – si nombreuses – de Regulus. La solitude aussi. Cette impression viscérale d'être un ennemi au sein de sa propre famille, de ne jamais être assez bien, d'être trop différent la honte d'avoir soif d'autre chose, sa colère face à la haine et le mépris des autres.

Il porta le verre à ses lèvres. Il avait trouvé une très vieille bouteille de Whisky dans la cave d'Orion. Le liquide ambré était comme fumé par les années. Il était doux au début puis devenait amer ensuite. Il brûlait délicieusement le long de sa gorge.

Ce matin, il s'était pourtant juré de ne plus boire. Il avait maudit Dingus et sa bouteille tandis qu'il vidait ses entrailles dans les toilettes, le cerveau broyé par un mal de crâne mémorable, les yeux brûlants dans leurs orbites, la peau trempée par la sueur.

Ça n'avait servi à rien. Il était aussi misérable ivre que sobre. Ça ne ramènerait pas Judy – parce qu'elle était morte quatorze ans plus tôt – et ça ne lui rendrait pas les années perdues avec leur fille.

Ses mains se mirent à trembler. Une boule se forma dans sa gorge, raréfiant l'air.

Judy.

Un bruit sourd résonna quelque part dans sa mémoire, suivi par un silence aussi pesant qu'irréel.

Il enfouit sa tête dans ses mains, appuyant ses paumes contre ses yeux à s'en faire mal.

Son cœur battait à grands coups dans sa poitrine. Ses yeux le brûlaient à nouveau.

Il se concentra sur les points lumineux qui dansaient sous ses paupières, pressant davantage pour éviter que l'image du corps sans vie de Judy ne s'y imprime à la place.

Merlin, il avait oublié.

Il savait – bien sûr qu'il savait, il avait été aux premières loges – que l'anniversaire de la mort de Judy suivait de très près l'anniversaire de leur fille, mais il avait passé trop de temps à être privé d'un calendrier pour s'y confronter. A Azkaban, il n'avait eu que la position des étoiles dans le ciel pour lui indiquer quelle était la période de l'année et il avait passé l'été dernier coupé du monde.

C'était une toute autre histoire que d'affronter la réalité.

Quatorze ans plus tôt, tout avait basculé.

Revoir la date sur la première page de La Gazette avait fait remonter les souvenirs de l'été 1981 avec une intensité qui n'avait rien à envier aux pouvoirs des Détraqueurs. Il avait beau avoir passé douze ans à ressasser les souvenirs qu'il gardait de cette nuit-là et des jours qui avaient suivis – le corps sans vie de Judy, le berceau vide de Maellyn, l'impression qu'on venait de lui arracher le cœur de la poitrine, les cauchemars sans fin, la douleur de ses poings quand il avait frappé le mur chez James et Lily, l'étreinte de son frère tandis que les sanglots le déchiraient de l'intérieur –, ce n'était pas pareil.

Au moins, il pouvait voir Judy, parfois.

Ce n'était qu'une hallucination, conjurée par le pouvoir des Détraqueurs, la fatigue et la faim, et elle venait uniquement pour lui faire des reproches, nourrissant la culpabilité qu'il n'expierait jamais, mais il pouvait retrouver le son de sa voix, croiser son regard, sentir son odeur s'il était vraiment mal.

Quatorze ans, et elle lui manquait toujours autant.

Il but une nouvelle gorgée. La cuisine commença à tourner autour de lui. La lumière diffusée par les quelques bougies se reflétait d'une façon étrange sur les casseroles cuivrées accrochées au mur, lui donnant envie de vomir. Il enfouit à nouveau son visage dans ses mains en gémissant.

Une part de lui se demandait ce que pouvait bien penser Judy, là-bas, dans cet après qui était censé exister selon le dieu des moldus. Elle avait toujours trouvé stupide qu'il boive au lieu d'affronter ses problèmes, il doutait qu'elle ait changé d'avis sur la question. Elle devait être en colère contre Narcissa aussi.

Oh oui.

Entre le fait que sa cousine avait fait croire à Maellyn qu'elle était la fille de Bellatrix pendant toutes ces années, et son idée d'effacer la mémoire de Grant et Burt pour empêcher leurs retrouvailles.

Elle devait être furieuse.

Sa pensée lui arracha un sourire, qui se transforma en grimace quand il se rappela qu'il n'avait sans doute rien à envier à sa cousine, quand il s'était débrouillé pour abandonner leur fille en se lançant à la poursuite de Peter et que, grâce à cela, Maellyn était dans une situation délicate, bientôt dangereuse quand Voldemort irait libérer Bellatrix.

Il fallait que Maellyn rejoigne les États-Unis !

La porte grinça derrière lui.

Il se redressa dans un sursaut. Il lui fallut une seconde pour réaliser qu'il venait de pointer sa baguette sur Harry et que son filleul le dévisageait avec inquiétude.

- Désolé, gamin, souffla-t-il, en abaissant sa baguette.

Harry fit un pas de plus dans la cuisine, son regard fit plusieurs aller-retours entre la bouteille de Whisky devant lui et son visage, ignorant sans doute qu'il avait la même expression que James quand il essayait de deviner pourquoi il avait eu besoin de se réfugier dans l'alcool et comment il pouvait l'amener à se confier.

Il finit par s'asseoir en face de lui sans un mot. La lumière des bougies lui permit de le détailler un peu mieux. Il nota ses yeux légèrement rougis et la tension dans ses épaules.

Il pencha la tête sur le côté.

- Cauchemars ? tenta-t-il.

Harry eut une grimace et détourna les yeux.

- Ouais...

- Bienvenue au club, grogna-t-il en se levant.

Il ramassa son verre et la bouteille dans un des placards pour les remplacer par deux tasses. Puisque Molly et Remus vivaient également Square Grimmauld, il n'eut aucune difficulté à trouver une tablette de chocolat noir et une bouteille de lait entamée. Il sentait le regard de Harry sur lui tandis qu'il attendait que le chocolat fonde dans le lait chaud.

- Merci, souffla-t-il quand il déposa une tasse devant lui, avant de retrouver sa place.

Il voulut lui dire que c'était de cette façon que Fleamont Potter l'aidait à surmonter ses insomnies quand il vivait chez les Potter – il ignorait comment, mais le père de James était toujours dans la cuisine avant lui ces nuits-là – et qu'il avait pris l'habitude de réconforter Lily de la même façon quand sa relation avec Pétunia avait implosé.

Les mots restèrent coincés dans sa gorge, sans qu'il ne sache pourquoi. L'alcool avait tendance à le rendre plus bavard – ce que Lily avait toujours su exploiter – et il savait que Harry aurait bu ses paroles – Pétunia n'avait pas dû lui parler beaucoup de Lily –.

C'était juste trop dur ce soir.

- Tu veux en parler ? demanda-t-il après une éternité de silence.

Harry lui avait jeté plusieurs coups d'œil – qu'il croyait sans doute discrets – et ils avaient chacun but la moitié de leur chocolat chaud.

Ça ne brûlait pas sa gorge de la même façon que le Whisky, mais entre le goût sucré, la tasse chaude entre ses mains et le vert émeraude du regard de Harry, c'était étrangement réconfortant.

Son filleul garda la tête baissée vers sa tasse.

- Je... Ils se terminent tous au cimetière. Diggory meurt, encore et encore...

Il serra les dents. Il n'aimait pas la tension dans la voix de Harry. Merlin, il avait quinze ans ! Il était bien trop jeune pour être marqué par la guerre, quand bien même la guerre lui avait déjà pris ses parents.

Que Pettigrow soit derrière ça, encore, lui donnait envie d'envoyer Dumbledore se faire foutre et de se lancer à sa poursuite, qu'importe que l'Ordre n'ait pas la moindre idée de l'endroit où il pouvait se planquer – Shacklebolt semblait en avoir fait une histoire personnelle – et qu'importe que cela reviendrait sans doute à se jeter dans la gueule du loup.

Harry releva la tête. Son regard brillait. Il se racla la gorge.

- Je lui ai dit de prendre le trophée avec moi.

- Tu ne pouvais pas savoir qu'il était piégé. Voldemort, Croupton et Pettigrow sont les seuls coupables. C'est eux qui ont tout manigancé. C'est eux qui ont lancé l'Avada. Pas toi.

Ce qui est arrivé n'est pas de ta faute, Sirius, tu le sais ça, pas vrai ?

La voix de Lily surgit du fin fond de sa mémoire, aussi lointaine que celle d'un fantôme.

Il secoua la tête. Ce n'était pas le moment.

- Je... Sans moi...

Il se pencha vers lui et braqua ses yeux dans les siens.

- Tu n'es pas responsable, Harry. Crois-moi, gamin, tu ne veux pas de cette culpabilité-là.

Le regard de Harry se posa brièvement sur le placard où il avait rangé la bouteille d'alcool, avant de revenir sur son visage. Une ombre résolue passa sur ses traits.

- La mort de mes parents, ce n'est pas de ta faute non plus.

Il essaya de rester impassible. D'une certaine façon, Harry n'était pas tombé loin. Il se blâmait autant pour la mort de Judy que pour celle des Potter. Peut-être un peu plus pour la mort de Judy, parce que Bellatrix était sa cousine. Il avait ignoré ses menaces, sous-estimé sa folie, attisé sa haine.

C'était personnel.

La mort de James et Lily n'avait pas été cruelle de la même façon. Ils savaient qu'ils étaient en danger. Ils avaient été prudents, ils avaient tout fait pour se mettre en sécurité. Ils avaient juste placé leur confiance dans la mauvaise personne, lui compris.

Parfois, il se demandait à quel point la mort de Judy l'avait influencé à proposer Peter plutôt que lui.

- Je sais, souffla-t-il finalement, même s'il n'y croyait pas vraiment.

Après tout, ça avait été son idée.

Ce fut à son tour de contempler le fond de sa tasse avec obstination. La veille, l'alcool avait fait remonter beaucoup de souvenirs – bons et mauvais – qu'il avait été obligé d'enfouir pour survivre à Azkaban. Sa mémoire continuait de conjurer des images dès qu'il fermait les yeux trop longtemps. Il n'était pas certain de réussir à faire bonne figure devant Harry s'il devait contempler à nouveau les corps sans vie de James et Lily.

- Et toi ?

Il eut un bref sourire amusé. Harry semblait avoir eu cette question sur le bout de la langue depuis qu'il avait passé le pas de la pièce.

- Je crois que ça serait plus rapide de te dire ce qui ne figure pas dans mes cauchemars.

Son cerveau semblait prendre un malin plaisir à fusionner ses pires souvenirs et ses peurs les plus viscérales. L'alcool avait au moins le mérite de rendre les scénarios plus approximatifs et les images floues, ce qui lui permettait de grappiller quelques heures de sommeil.

Il se redressa.

- Je déteste être ici, dit-il finalement.

- Au moins, tu es en sécurité et ça ne peut pas être pire qu'Azkaban.

Son ton semblait le mettre au défi de le contredire. Au fond, ce n'était peut-être pas plus mal que Maellyn et lui ne se fréquentent pas, ou ils se seraient ligués tous les deux contre lui.

- Non. Mais ce n'est pas le meilleur été que j'ai jamais passé pour autant.

Harry sembla vouloir insister. Il ne put retenir un rictus mauvais de mise en garde.

Godric en soit témoin, il pourrait mourir ou tuer pour le gamin de James et Lily mais il n'était pas en état de lui décrire par le menu en quoi le top cinq de ses pires étés consistait.

Non plus qu'il soit certain de pouvoir mettre une année sur le dernier été qui en avait vraiment valu la peine.

Harry termina son chocolat chaud en silence même s'il pouvait presque voir les rouages tourner sous sa coupe de cheveux impossible. Il y avait une certaine tension dans ses épaules et ses lunettes ne parvenaient pas à cacher le pli entre ses sourcils.

De toute évidence, il n'était pas le seul à passer un été de merde et ça le faisait profondément chier pour Harry. Il avait quinze ans. Il devrait jouer au Quidditch le jour et se fabriquer des souvenirs avec Ron et Hermione la nuit. Peut-être acheter de l'alcool en secret pour goûter à sa première cuite ou tomber amoureux d'une fille sans savoir quoi faire à ce sujet.

Au lieu de ça, il était coincé Square Grimmauld à faire du ménage pour l'Ordre du Phénix.

- C'était comment, la première guerre ?

- Harry...

Il releva les yeux vers lui, son regard brillant derrière ses lunettes rondes.

- J'ai besoin de savoir... Je... On sait tous les deux que je ne vais pas échapper à celle-ci, d'une façon ou d'une autre... S'il te plaît ?

Il soupira.

Qui était-il pour refuser des réponses à son filleul, alors qu'il y avait une prophétie à son nom au Département des Mystères ? A entendre Dumbledore, Harry était peut-être le seul à pouvoir les débarrasser de Voldemort, ce qu'il ignorait encore.

Pendant une folle seconde, il contempla la possibilité de tout lui dire, avant qu'il ne se rappelle de la promesse qu'il avait faite à Dumbledore – et à Remus – d'attendre, parce que Harry n'avait que quinze ans et qu'il était trop jeune pour apprendre qu'il était voué à tuer ou à être tué.

Et parce que le directeur de Poudlard lui soutenait que Harry aurait des questions, auxquelles il n'avait pas les réponses – en partie parce que Dumbledore ne lui disait pas tout concernant son filleul –.

Il faillit se lever pour se servir un nouveau verre d'alcool fort.

- C'était la merde, dit-il à la place. Les premières attaques ont commencé quand j'avais une dizaine d'années. Juste une de temps en temps, accompagnée d'une rumeur dans le monde Sang-Pur que quelqu'un allait enfin remettre les Nés-Moldus à leur juste place... Voldemort s'est constitué son petit groupe de fidèles au fur et à mesure. Les choses se sont précisées pendant notre sixième année. Il y avait une attaque presque toutes les semaines, certains ont commencé à perdre des membres de leur famille... Poudlard s'est coupé en deux camps... James, Remus, Lily et moi, on a rejoint l'Ordre dès qu'on a eu dix-sept ans et on a commencé à se battre en quittant Poudlard. Quelques missions mises à part, notre job c'était de faire en sorte que le moins de moldus possibles ne trouvent la mort. Bien sûr, Voldemort a mis nos têtes à prix, ce qui a compliqué les choses. Beaucoup de membres de l'Ordre ont perdu la vie, encore plus de familles ont été détruites... C'était la vraie merde.

Dès l'instant où ils avaient mis un pied hors de Poudlard, ils avaient été emportés par une tempête sombre, ballottés entre la mort, l'horreur, la fatigue et la colère, sans moments de répit, sans beaucoup d'espoir de voir les choses s'arranger.

- On se battait pour que les gamins comme toi ne connaissent jamais un truc pareil, Harry. Je suis désolé qu'on ait échoué.

Harry grimaça.

- Au moins, vous avez essayé.

- Ouais...

Il enferma ses regrets dans un coin de son cœur. Tout cela ne ramènerait ni James, ni Lily, ni Judy et ça ne changerait pas le fait que Harry était mouillé jusqu'au cou dans cette nouvelle guerre. Tout ce qu'il pouvait faire maintenant, c'était de limiter la casse. Il devait bien exister un moyen de tuer Voldemort avant qu'il ne fasse trop de mal. Il avait beau avoir retrouvé son corps, il n'avait pas encore récupéré tous ses fidèles. Ses appuis dans le pays demeuraient fragiles, essentiellement portés par la société Sang-Pur.

Ils pouvaient encore faire une différence.

- Assez parlé de trucs déprimants. Quoi d'intéressant à Poudlard à part le Quidditch et ta tendance à sauver l'école chaque mois de juin ?

Le changement de sujet décontenança Harry. Il le dévisageait, la bouche entrouverte.

- Rien !

Il se retint de justesse de rire – un Potter vexé était beaucoup moins facile à faire parler –. La réponse de son filleul avait été trop rapide.

Il haussa un sourcil. Les joues de Harry devinrent un peu plus foncées.

Il sentit son sourire en coin étirer ses lèvres. Merlin, c'était presque trop facile.

- Comment s'appelle-t-elle ?

Harry ressemblait à un poisson hors de l'eau.

- Ou il. Pas de jugement de ma part, Potter.

Le fard qui décorait ses joues se diffusa sur tout son visage, de la base de son cou aux racines de ses cheveux. Harry jeta un coup d'œil vers la porte, puis croisa les bras sur sa poitrine, son regard accusateur.

- Ne me regarde pas comme ça, gamin. Tu t'es vendu tout seul.

Il resta silencieux pendant de longues secondes. Son visage retrouva peu à peu une couleur – presque – normale. Il détourna les yeux puis sembla hésiter à croiser son regard à nouveau.

Pendant tout ce temps, Sirius retint son souffle, l'impression de déjà-vu étouffante.

- Cho Chang, souffla-t-il finalement, à peine assez fort pour qu'il puisse l'entendre.

Il lui sourit doucement pour l'encourager.

- Quelle maison ?

Sa question réussit à lui dénouer la langue. Cho Chang, Serdaigle de sixième année, Attrapeuse de son équipe. Harry lui avait demandé de l'accompagner au Bal de Noël, sans succès puisqu'elle s'y était rendue avec Cédric Diggory.

Ce qui était un détail qui compliquait un peu la situation.

- Elle doit me détester maintenant, grommela-t-il, la tête baissée.

- Attend d'être à Poudlard pour arrêter un pronostic, d'accord ?

- Oui, si je retourne à Poudlard.

- Dumbledore s'occupe de ça. Bien sûr que tu vas retourner à Poudlard.

Si Dumbledore avait réussi à faire éviter Azkaban à Severus Rogue, il avait plutôt intérêt à s'assurer que son filleul ne soit pas exclu, ou il allait lui briser le nez une deuxième fois.

Harry ne sembla pas vraiment convaincu, mais il eut le bon sens de ne pas le contredire. Quand il releva la tête, il semblait avoir du mal à retenir un sourire nerveux.

- Et toi ?

Il plissa les yeux. Il connaissait cette intonation moqueuse. Elle était arrivée assez tard dans sa vie, et elle lui manquait beaucoup.

- Comment s'appelait-elle ?

Il retint difficilement une imprécation.

- Harry, grogna-t-il.

Il resta impassible.

- Ou il. Pas de jugement de ma part non plus.

Entre l'étincelle dans son regard vert et son ton qui se voulait détaché, sans y parvenir une seule seconde, il ne put qu'éclater de rire.

Harry l'imita.

L'espace d'une seconde, il se sentit plus léger.

- Tu es vraiment le fils de Lily Evans, marmonna-t-il.

Elle avait été la spécialiste des confessions au cœur de la nuit, ne reculant pas à le faire boire s'il le fallait, engourdissant sa vigilance avec ses révélations. Il aurait dû se méfier un peu plus.

- Alors ?

Il soupira, vaincu.

- Elle s'appelait Judy Adler, dit-il finalement, ignorant le nouveau sanglot qui torturait sa poitrine.

Harry retrouva son sérieux.

- Elle est morte, pas vrai ?

- Ouais...

Il contempla la possibilité de lui parler de Maellyn, avant de repousser l'idée aussi vite qu'elle lui était venue. Le retour de Voldemort rendait la situation de sa fille encore plus délicate. Elle n'avait pas besoin que la curiosité des Potter vienne compliquer les choses.

L'arrivée de Kreattur dans la cuisine leur tira le même sursaut. L'Elfe grommela dans sa barbe sans qu'il ne comprenne quoique ce soit – même s'il s'agissait sans doute d'insultes –. Il se leva.

- Allez, au lit, gamin. Molly a prévu une grosse journée demain.

Il attrapa les tasses et serra l'épaule de son filleul quand il passa près de lui, sans être vraiment certain de savoir qui il essayait de réconforter.

...

Samedi 12 Août 1995, Manoir Malefoy, Angleterre.

Je devais reconnaître que Narcissa s'était surpassée.

Des guirlandes de fleurs – plus de variétés que je n'en avais jamais vu au même endroit – pendaient avec élégance, dissimulant le plafond derrière une composition florale démesurée. D'autres fleurs décoraient le mur du fond, formant une sorte d'alcôve au centre de laquelle se tenait la petite scène où Lucius déclamerait un discours sans âme pour saluer mon entrée dans le monde adulte. Le sol avait été recouvert d'un immense tapis vert qui imitait une pelouse tendre.

J'avais envie d'enlever mes chaussures et de m'y promener pieds nus.

L'ensemble évoquait un jardin enchanté. J'imaginais qu'il y aurait des lanternes, peut-être même seraient-elles illuminées par des fées. La musique serait délicate et la nourriture raffinée.

J'avais envie de vomir.

- Qu'en penses-tu, Maellyn ?

Le tapis avait étouffé le bruit des talons de Narcissa. Du coin de l'œil, je vis qu'elle était déjà prête. Sa robe, d'un bleu très clair, s'accorderait parfaitement à la mienne. Elle avait glissé des fleurs dans ses cheveux et ses bijoux renvoyaient la lumière qui inondait encore la pièce.

- On parlera du Bal de Débutante d'Alya Lestrange pour les années à venir, crachai-je. L'illusion est parfaite.

Son visage se crispa. J'eus un rictus mauvais.

Le bal de ce soir n'était pas pour moi. Il était pour la parfaite nièce de Lady Malefoy. Puisque Alya Lestrange était censée être l'héritière la plus en vue du pays, il fallait marquer les esprits, offrir un spectacle à la hauteur de sa dot.

Faire monter les enchères.

Je me détournai. Pansy devait être arrivée et je devais me préparer.

- Je suis désolée, Maellyn.

Je me stoppai. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas essayé de me faire entendre ses excuses ou les raisons qui l'avaient poussée à me mentir. Depuis le début de l'été, elle m'imposait le moins possible sa présence et elle évitait même de m'adresser la parole quand elle le pouvait.

C'était une bonne chose, car avec tout ce que j'avais à gérer d'autre, ma magie aurait sans doute refait des siennes si elle avait continué sur sa lancée de l'année dernière.

- Tant mieux, répondis-je avant de m'éloigner.

Pansy m'attendait dans ma chambre, installée sur mon lit, feuilletant le livre sur l'ornithologie que le professeur McGonagall m'avait envoyé en retour de mon courrier lui apprenant que j'avais réussi ma première transformation.

- Ah, pas de baignade aujourd'hui ?

Je déposai mon Eclair de Feu sur mon bureau avec délicatesse, même si c'était sans doute inutile. Mon balai avait été conçu pour résister à des Cognards et des chutes, et je venais de le pousser à plusieurs dizaines de kilomètres par heure. Il ne risquait pas de s'abîmer tout seul.

- Non. C'est moins marrant toute seule.

Elle releva la tête.

- Christopher fait toujours la tête ?

J'haussai les épaules. Ce n'était pas qu'il faisait la tête, c'était plutôt qu'il s'était renfermé comme une huître depuis l'enterrement d'Euphémia Rowle. La journée de mon anniversaire exceptée – durant laquelle je l'avais vu sourire et rire à nouveau –, il passait le plus clair de son temps dans sa chambre, soi-disant à lire. J'avais échoué à lui arracher des confidences, aussi me contentais-je de passer du temps avec lui en silence, quand il acceptait ma compagnie.

- Ton bain t'attend, petite. Tu as l'air aussi tendu qu'un arc, ça ne te fera pas de mal.

Je poussai la porte de la salle de bain avec un soupir. J'avais été voler dans l'espoir de me vider la tête. J'avais poussé mon Eclair de Feu à la limite de ses capacités, manquant par deux fois de m'écraser sur les protections du manoir. Les conditions étaient idéales – ciel dégagé et une absence de vent –, pourtant, je n'avais pas réussi à distancer mes pensées. Qu'importe la vitesse à laquelle je volais, cela ne changeait pas le fait que j'avais eu quatorze ans et que je devrais parader ce soir devant plusieurs centaines d'invités.

La température de l'eau était parfaite. Patty avait ajouté mes sels de bains préférés. La mousse sentait le jasmin et ressemblait à de la chantilly.

Je me laissai glisser sous la surface, retenant mon souffle le plus longtemps possible, mes cheveux flottant autour de moi les battements de mon cœur le seul son qui me parvenait.

J'attendis que mes poumons me donnent l'impression de vouloir exploser pour remonter à l'air libre.

- Parkinson ! criai-je, plaquant mes bras sur ma poitrine et ramenant mes jambes contre moi.

Elle avait déplacé ma chaise de bureau à côté de mon bain. Ses pieds nus reposaient sur le rebord de la baignoire et elle feuilletait toujours le livre d'ornithologie. Elle releva à peine les yeux de sa lecture à mon cri.

- Pas la peine de faire la prude, Black, tu n'as rien que je n'ai déjà vu. Et puis, vu l'épaisseur de la mousse...

Mon regard noir ne lui fit pas le moindre effet. Elle tourna le livre vers moi.

- Celui-ci ?

L'oiseau était noir à l'exception d'une tache blanche à la base de sa queue. Sa taille moyenne aurait pu correspondre mais il s'agissait d'un oiseau marin.

Océanites tempêtes

- Non. Elle n'a pas de pattes palmées.

Elle grogna.

- Tu ne veux pas te transformer ? Que j'ai au moins une idée de ce que je cherche ?

Je me détendis à nouveau dans l'eau. Mon cou trouva le sortilège de coussinage qui m'éviterait de terminer avec un torticolis et je fermai les yeux.

- Non. Tu vas lui faire peur.

Si ma première transformation s'était déroulée dans les règles de l'art – selon le professeur McGonagall –, cela ne signifiait pas pour autant que je maîtrisais ma forme Animagus. Il me fallait apprivoiser la part animale qui vivait en moi afin que nos deux esprits puissent cohabiter quand j'empruntais son apparence. Je me transformais tous les jours, quelques minutes à chaque fois, seule.

Draco et Pansy étaient particulièrement frustrés que je leur refuse de me voir transformée. J'ignorais encore pourquoi, mais ils voulaient à tout prix savoir quelle était l'espèce précise de ma forme Animagus.

- J'aurais pensé que les oiseaux noirs étaient plus rares que ça, marmonna Pansy.

J'eus un bref sourire.

Ma forme Animagus était encore craintive. Je prenais bien soin de me transformer quand le manoir était endormi. La nuit, les distractions visuelles étaient moins nombreuses, ce qui évitait que ma forme Animagus se mette à voler dans tous les sens à la recherche d'une cachette – ça me compliquait toujours la tâche pour retrouver forme humaine après –.

J'avais toutefois pu apercevoir mon reflet : le haut de la gorge était d'un gris très clair, presque blanc et le reste de mon plumage était d'un brun très foncé. Seules quelques plumes sous mes ailes étaient plus claires.

Tout bien considéré, c'était une très bonne chose que l'orage ait eu lieu avant mon Bal de Débutante. Mes essais pour contrôler ma forme Animagus étaient la seule chose qui réussissait à me changer les idées.

Pansy finit par se lasser au bout de la dixième espèce d'oiseau.

- Dépêche-toi !

L'eau était juste tiède, aussi me résignai-je à me laver les cheveux avant de m'envelopper dans un peignoir.

Elle m'installa devant la coiffeuse avec autant de douceur que d'habitude, puis s'appliqua à me recouvrir de plusieurs couches de crème.

- C'est dommage que Millicent n'ait pas pu venir plus tôt, dis-je.

Millie était plus délicate que Pansy quand il s'agissait de maquillage, et sa présence avait un effet apaisant, sans doute parce qu'elle avait une façon de parler très posée et des gestes doux. Pansy et elle étaient définitivement à l'opposé l'une de l'autre, ce qui semblait marcher parfaitement bien.

- Ne t'inquiète pas, je l'ai vue hier, elle m'a donnée des conseils. Tu vas tous les mettre à genoux.

Je grognai. Ce n'était vraiment pas mon intention. La soirée allait être une succession de danses avec des personnes que je n'appréciais pas pour la plupart, voire même auxquelles j'allais adresser la parole pour la première fois au moment où ils m'inviteraient. La dernière chose dont j'avais besoin, c'était de susciter de l'intérêt.

- Quel est le meilleur moyen pour qu'on me fiche rapidement la paix ce soir ?

Pansy plissa le nez, sans s'arrêter d'appliquer le léger fond de teint, qui s'adapta parfaitement à la couleur de ma peau.

- J'ai à peu près tout essayé. Le résultat le plus probant est de répondre en souriant par monosyllabe, ce qui mène toujours à un silence pesant, puis à un malaise de leur part. Tu peux aussi essayer de diriger la danse. Ça ne manque jamais de les perturber, c'est très drôle.

Lucius ne manquerait pas de me reprocher sa deuxième idée, mais la première pourrait marcher.

Millicent avait choisi un maquillage léger – un rose brillant sur mes paupières, un trait d'eye-liner, du rouge à mes joues et mes lèvres nues –. Je reconnaissais le reflet dans le miroir, ce que je préférais.

Pansy passa ensuite à ma coiffure. Elle boucla les pointes de mes cheveux pour rappeler les anglaises qui ne m'avaient pas quittée jusqu'à l'été dernier, puis dégagea mon visage à l'aide de pinces.

Elle prit ensuite le diadème que Narcissa m'avait donné la veille.

Je le trouvais affreux, et pas seulement parce le blason des Lestrange était gravé en son centre. L'argent avait mal vieilli, les pierres précieuses semblaient fausses, les décorations étaient censées représenter des fleurs – sans grand réalisme –.

Pansy le fit tourner entre ses doigts.

- Bellatrix a vraiment porté une horreur pareille le jour de son mariage ?

- Bellatrix est une grande fan des traditions si tu n'avais toujours pas remarqué.

Elle déposa le diadème sur le sommet de ma tête.

J'avais l'air ridicule.

- Heureusement que ma robe est un vrai chef d'œuvre. Ça fera diversion.

Avant d'enfiler ma tenue, j'eus au moins le droit de mettre un soutien-gorge.

La robe s'arrêtait pile au niveau du sol et donnait l'impression que j'étais enveloppée dans un morceau de la voie lactée.

Pansy me tendit mes escarpins – argenté, eux aussi –.

Je ne ressemblai définitivement plus à une petite fille.

Je vis Pansy hocher la tête dans le miroir.

- Je suis la meilleure.

Elle ajusta le col carmen sur mes épaules, puis la ceinture, et, enfin, le jupon en tulle.

- Très bien. A mon tour de me préparer. Pas de folie, Black, ou je t'étrangle.

Fidèle à son habitude, elle quitta ma chambre pour celle de Draco – ce que je ne comprendrai jamais –.

Je me retrouvai donc seule, mes pensées pour seule compagnie, ce qui n'était pas forcément une bonne chose.

La tentation de me débarrasser de cette robe – aussi belle soit-elle – et de ces chaussures – qui commençaient déjà à torturer mes orteils – était particulièrement grande. Sans personne pour m'en empêcher, il ne me faudrait que quelques minutes pour me changer, rassembler quelques affaires, et sauter dans la première cheminée qui croiserait ma route.

Dans un quart d'heure, je pouvais être sur le Chemin de Traverse.

Avec les bonnes transformations, je pouvais même avoir disparu dans le monde moldu d'ici une heure.

Bien entendu, cela reviendrait à me voiler la face. Narcissa lancerait les Aurors à mes trousses. Lucius userait de son influence au Ministère pour que l'on me retrouve à l'aide de ma Trace. Je n'étais pas mon père, je n'avais pas de refuge loin du manoir.

M'enfuir reviendrait à signer le début de mes ennuis.

Partir serait renoncer à ma promesse de faire payer Bellatrix, d'une façon ou d'une autre.

Je veux la détruire.

Si la société Sang-Pur en venait à avoir des doutes sur ma loyauté, je risquais bien d'être la première personne à mourir sous la baguette de Bellatrix Lestrange à son retour. Mes chances pour qu'elle se contente de l'Avada Kedavra étaient très minces.

- On dirait bien que Parkinson s'est surpassée.

Je tournai la tête avec un temps de retard.

Crystal se tenait dans l'encadrement de ma porte, vêtue d'une des tenues traditionnelles de son clan, un détail qui ne manquerait pas de susciter la curiosité du reste de la société Sang-Pur, surtout à l'approche de son propre bal de Débutante à la fin du mois d'août.

- Tu es aussi très élégante.

Crystal se fendit d'une révérence parfaite, un sourire que beaucoup risquaient de qualifier de docile aux lèvres.

Ceux-là seraient sans doute les premiers à se faire berner.

Crystal fit un premier pas prudent dans ma chambre.

- Ainsi, c'est ici que tu as grandi.

Je secouai la tête.

- Pas vraiment. J'ai plus ou moins mis le feu à mon ancienne chambre l'été dernier. Narcissa m'a attribuée celle-ci à la place. Tu noteras le délicat clin d'œil de mon ciel de lit.

Crystal haussa un sourcil.

- Les Black et les étoiles… D'où vient cette obsession familiale ? J'eus un vague geste de la main.

- La légende veut que la lignée des Black remonte à la nuit des temps. C'est aussi le cas des étoiles.

Crystal leva les yeux au ciel.

- Toutes les lignées remontent à la nuit des temps, si tu veux aller par-là.

- Tu sais que le propre des légendes est leur manque de logique, n'est-ce pas ?

Je l'observai tandis qu'elle faisait le tour de la pièce, effleurant le mobilier du bout des doigts, ses yeux donnant l'impression de se poser partout.

En réalité, il n'y avait pas grand-chose à voir. Lucius était tellement vicieux depuis l'enterrement d'Euphémia Rowle que j'avais dissimulé tout ce qui pourrait me causer des ennuis, usant de la Métamorphose pour m'assurer qu'il ne trouverait rien. Narcissa – ou peut-être la grand-mère de Draco – avait décoré la pièce des années de cela – du bois précieux, des meubles ouvragés, le tout soigneusement entretenu par la magie des Elfes de Maison –. D'ordinaire, je pouvais au moins laisser tomber le masque, mais le reflet dans le miroir racontait une autre histoire ce soir.

Crystal attrapa le livre d'ornithologie que Pansy avait abandonné sur mon lit, un sourire amusé aux lèvres. Elle consulta le sommaire, puis le feuilleta rapidement.

- C'est le livre de McGonagall ? demanda-t-elle.

J'hochai la tête. Je lui avais bien sûr envoyé une lettre, ainsi qu'à mon père.

Sans vraie surprise, il avait reconnu être un peu vexé que j'y sois parvenue avant lui – même s'il semblait considérer que j'avais triché puisque le professeur McGonagall m'avait guidée – mais il avait tout de même hâte de voir ma forme Animagus de ses propres yeux, afin que Lunard et lui puissent me trouver un surnom à la hauteur.

Vu la poésie dont ils avaient fait preuve, je n'étais pas sûre que celui-ci serait à mon goût – ce qui ne semblait pas vraiment être le but de toute façon –.

Crystal tourna le livre vers moi.

- Tu es sûre que ce n'est pas celui-ci ?

L'oiseau était un rapace imposant, à la tête blanche et au corps d'un brun profond. Il était toutefois bien trop gros – immense, presque – pour correspondre à ma forme Animagus. Il m'était vaguement familier, mais je n'aurais su dire pourquoi.

La question devait se lire sur mon visage, parce que Crystal ricana.

- C'est un pygargue à tête blanche, l'emblème des États-Unis. Tout bien reconsidéré, tu es peut-être un peu plus subtile que ton père.

J'éclatai de rire, ce qui sembla la satisfaire.

- Je finirais par trouver. Je crois savoir qu'il y a un pari en cours, non ? Outre celui qui consistait à deviner que, bien évidemment, le choix se porterait sur un oiseau.

Je secouai la tête. Christopher m'avait tenu presque le même discours, le lendemain de ma première transformation.

- Suis-je si prévisible ?

Elle me fit un clin d'œil.

- Disons que je commence à te connaître.

Mon cœur devint plus chaud dans ma poitrine. Crystal avait beau être ma meilleure amie, je n'avais pas la moindre idée de ce que pourrait être sa forme Animagus.

Un délicat pop annonça l'arrivée de Parky.

- Miss Alya, les premiers invités ne vont pas tarder. Lady et Lord Malefoy vous attendent.

J'eus un soupir.

- J'arrive…

Crystal eut un sourire un peu crispé.

- J'ai appris de nouveaux sortilèges en Afrique du Sud. Au moindre signal, je peux te briser la cheville à distance.

Je levai les yeux au ciel.

- Et après c'est moi qui manque de subtilité ?

- Je peux aussi te provoquer une entorse, mais j'ai comme l'impression que cela ne sera pas une excuse suffisante aux yeux de ton oncle.

Elle avait sans doute raison.

Je pris une profonde inspiration avant de prendre le chemin du rez-de-chaussée. Crystal m'accompagna, évoquant rapidement son oncle, sa grand-mère et sa marraine à Belfast, ainsi que les préparatifs pour son propre bal de Débutante – durant lequel elle n'aurait pas le droit à l'erreur –.

Si je ne l'écoutai que d'une oreille, je lui fus reconnaissante d'essayer de me changer les idées, juste un peu.

Lucius et Narcissa se tenaient dans le hall, en face de la cheminée, comme à chaque réception au Manoir.

Lucius me détailla de la tête au pied. Pansy avait dû bien travailler car il ne trouva rien à redire concernant mon apparence.

- Tu es en retard, Alya, grinça-t-il.

- Toutes mes excuses, mon oncle.

Mon ton sec flirtait avec l'impertinence, mais la présence de Crystal le dissuada de le relever. Draco arriva quelques minutes plus tard, sa robe d'un bleu marine qui se mariait aussi bien avec ma robe qu'avec celle d'un vert profond de Pansy.

Je me retrouvais bientôt seule devant Lucius, Narcissa et Draco. Un Bal de Débutante ne marquait pas seulement l'entrée officielle en société. Il s'agissait également de montrer ses capacités à se comporter en parfaite hôtesse, surtout pour une jeune femme. Je savais que tout serait analysé dans les moindres détails : ma tenue, la décoration, la nourriture servie, l'alcool, la musique… Puisque Narcissa avait décidé d'impressionner toute la société Sang-Pur, peu de personnes s'imagineraient que j'étais derrière l'organisation de cette soirée, ce qui faisait également parti du jeu.

D'aucun irait imaginer que Narcissa cherchait à faire diversion. A vrai dire, des commères comme Regina Zabini ou Lauryn Parkinson auraient été bien plus soupçonneuses si la fête n'était pas à la hauteur du faste habituel.

Quelques minutes plus tard, les flammes de la cheminée devinrent vertes et Caelina Flint apparut, fidèle à son habitude d'être la première arrivée lors des réceptions au manoir. Des années à faire des révérences à la chaîne, à des personnes que je n'apercevais jamais plus de quelques minutes, me firent basculer dans une espèce d'état second, ce qui était sans doute mieux. Le sourire sur mes lèvres était aussi faux que mon nom, mes réponses aux vœux d'anniversaires étaient entendues, mon regard revenait toujours sur l'horloge puisque je ne pourrais rejoindre la salle de réception qu'à partir de vingt heures.

Même en essayant d'être la plus détachée possible – priant en silence pour que cette soirée se termine le plus vite possible –, je ne pus que remarquer que le nombre d'invités dépassait de loin ce à quoi j'étais habituée, rivalisant facilement avec le bal pour les quatorze ans de Draco.

Toute la société Sang-Pur semblait s'être donnée le mot.

- Narcissa, votre nièce est absolument charmante ce soir, dit Lord Nott, après que son regard m'ait détaillé – presque déshabillée – de la tête au pied.

Les cheveux fins de ma nuque se dressèrent, tandis qu'un goût métallique se diffusait dans ma bouche.

- Merci, Lord Nott.

Je crus déceler une pointe dangereuse dans la voix de Narcissa mais sans doute n'était-ce pas le cas.

Théodore s'avança à son tour, un sourire aimable aussi faux que le mien sur son visage.

- Joyeux anniversaire, Alya. Tous mes vœux de félicité.

Il me tendit une rose – blanche, cette fois – assortie à celle qu'il avait à la boutonnière.

C'était vraiment regrettable que Christopher n'ait pas été autorisé à venir. Je doutais d'avoir eu besoin d'insister pour qu'il assène un coup de tête à Nott.

L'étiquette Sang-Pur voulait que je le remercie. Je me contentai toutefois d'une révérence encore plus raide que les autres.

- Il est l'heure pour nous de rejoindre nos invités. Théodore, peux-tu escorter Alya dans la salle de réception ?

Je serrai les poings.

Évidemment.

- Cela serait un honneur, Lord Malefoy, répondit Nott en me tendant son bras.

Je jetai un regard suppliant vers Draco.

- Je peux tout à fait accompagner ma cousine, père, tenta-t-il.

- Tu ouvres déjà le bal avec elle. Ne sois pas égoïste et laisse donc les autres profiter de sa compagnie.

Lucius ignora le regard sombre de sa femme.

Nott se racla la gorge.

A son sourcil levé, ma magie crépita le long de ma peau, et je fus vraiment tentée de la libérer, curieuse de voir ce qu'il se produirait.

En règle générale, j'avais une prédilection pour le sortilège de répulsion, mais peut-être serais-je surprise ?

Un sortilège cuisant serait très satisfaisant.

- Alya ! ordonna sèchement Lucius.

J'attrapai donc le bras de Nott en retenant de justesse un grognement de rage. La petite distance qui me séparait de l'estrade entourée de fleurs me parut interminable – surtout que je pouvais sentir le regard de tous les autres invités sur moi – et je les passai à maudire Lucius, Lord Nott, Théodore, et tous les autres fils des Vingt-Huit Consacrées qui viendraient me parler pour le reste de la soirée.

Merlin, Morgane, Viviane et Circé !

Une fois juchée sur mon petit promontoire, je pris le verre de champagne sur le petit plateau en lévitation, regrettant de ne pas pouvoir le boire immédiatement.

Même si cela ne changerait pas grand-chose à ma situation.

Lucius se plaça à ma gauche et leva son verre. Le silence tomba presque aussitôt dans la pièce, ce qui était remarquable compte tenu du nombre de personnes.

- Mes très chers amis, merci infiniment d'être venus ce soir pour le bal de Débutante de ma nièce, Alya Lestrange. Je suis certain que votre présence est un vrai réconfort pour elle en l'absence de ses parents, Bellatrix et Rodolphus Lestrange.

Le goût métallique dans ma bouche s'accentua.

Depuis mes sept ans, c'était bien la première fois que Lucius mentionnait les Lestrange. Si certains invités en furent au moins aussi surpris que moi – pour ne pas dire dégoûtés – d'autres eurent un sourire appréciateur.

Ceux-là portaient sans doute la Marque.

- Je compte sur vous pour l'accueillir chaleureusement en notre sein, maintenant qu'elle a atteint l'âge de raison. A Alya Reina Lestrange.

Je vidai mon verre d'une traite. Si l'alcool chassa le mauvais goût dans ma bouche, il n'atténua pas mon envie dévorante de briser le nez de Lucius.

J'aurais aimé rejoindre Crystal, Pansy et Millicent – toutes les trois au premier rang – mais il était encore trop tôt pour cela. D'autres invités allaient arriver, il me revenait d'échanger quelques mots avec les plus prestigieux d'entre eux.

Et qui pouvait prédire ce que Lucius avait d'autre en tête ?

Draco m'aida à descendre de l'estrade et m'offrit son bras. Sa présence à mes côtés était un maigre réconfort, mais c'était mieux que rien.

- Pansy et Millicent vont se charger d'accaparer Théo, me souffla-t-il.

- Tu crois que Lord Nott les laissera faire ?

- Il peut toujours essayer de les en empêcher, mais je lui souhaite bien du courage, parce qu'elles ne sont pas à leur coup d'essai.

D'aussi loin que je puisse me souvenir, Millie et Pansy avaient toujours été amies, et j'étais presque certaine qu'elles ne s'étaient jamais fâchées, ce qui était remarquable compte tenu du tempérament de Pansy. Entre la tendance des personnes à sous-estimer Millicent, et le talent de Pansy pour menacer à peu près n'importe qui, leur duo pouvait se révéler redoutable.

Elles n'auraient pas peur d'enfermer Théodore Nott dans un placard si tous leurs autres stratagèmes échouaient.

Draco m'entraîna à la suite de ses parents. A chaque arrêt auprès d'un groupe d'invités, on ne manqua pas de me complimenter pour mon apparence, de louer mes bons résultats à Poudlard – à tel point que je me demandai si mon dernier bulletin n'avait pas servi d'invitation – et de s'extasier sur la décoration – le choix de l'alcool, la qualité des petits fours –. Plus rarement, certains osèrent une remarque sur Bellatrix et Rodolphus. A les entendre, ils ne manqueraient pas d'être fiers de moi et Bellatrix n'aurait pas su organiser une plus belle fête. Apparemment, il était presque injuste que leur sentence à Azkaban les empêche d'être présents.

- Je me souviens parfaitement du bal de Débutante de Bellatrix. Tous les garçons bons à marier n'avait d'yeux que pour elle et je dois dire que les autres jeunes filles étaient jalouses. Il faut dire que Bellatrix a toujours eu un charisme surprenant pour une femme.

Draco serra mon poing avec douceur, comme pour m'inciter à relâcher mes doigts, ce dont je me sentais incapable. C'était ça ou lâcher ma magie sur la vieille sorcière qui me faisait face – et dont je n'arrivais pas à retrouver le nom –.

Toutefois, le pire restait les regards que toutes ces personnes me jetaient et qui me rappelaient ceux de Lucius quand nous nous rendions à certaines expositions. A la différence de Draco qui s'émouvait vraiment devant un tableau ou une sculpture réussie, Lucius donnait plutôt l'impression de chercher les défauts et de deviner quelle opération financière il pourrait tirer de son achat. Il ne demandait jamais à un artiste quel était le message qu'il avait voulu faire passer. Non, ce qui l'intéressait, c'était le nombre d'œuvres qu'il avait déjà vendues, le nom des galeries où il avait été exposé et l'adresse de son atelier. Il se vantait souvent de pouvoir déduire de ces trois réponses les chances de l'artiste à véritablement percer dans les années à venir.

Ce soir, j'étais l'œuvre d'art qui allait être vendue aux enchères dans les années – les mois, si Lucius avait son mot à dire – à venir. Toutes ces personnes allaient être affreusement déçues quand ils apprendraient que je n'étais qu'une contrefaçon.

Ce fut cette pensée qui me permit de tenir ma langue jusqu'au moment d'ouvrir le bal.

Les invités se dispersèrent dans la pièce de telle sorte à dégager suffisamment de place pour danser. Draco me mena au centre du cercle.

Nous avions appris à valser tous les deux dès que j'avais eu sept ans. Avec la musique familière, j'aurais presque pu me convaincre que ce n'était qu'une répétition de plus.

- Le pire est presque passé, cousine.

Mes dents grincèrent.

- Le pire ne fait que commencer, Draco. Chaque bal, ça sera la même chose.

- Tu sais que tu pourrais partir, pas vrai ?

Je retins de justesse une malédiction. Il n'y avait que le fils de Lucius Malefoy pour profiter de cette soirée pour remettre le sujet sur le tapis, après plusieurs jours sans l'avoir mentionné.

- La grand-mère de Crystal est là ce soir. Tu as fait ta malle ?

Je saluai son regard accusateur d'un sourire dur. Ni lui, ni moi, ne pouvait dire de quoi les prochaines années seraient faites – pas avec le retour du Seigneur des Ténèbres et celui inévitable de Bellatrix – mais j'étais bien décidée à l'affronter avec lui.

Même si ça se terminait mal.

Peu à peu, d'autres couples nous rejoignirent sur la piste de danse. La pression des regards diminua légèrement.

J'eus ensuite un bref répit, pendant lequel Draco, Pansy, Millicent et Crystal jouèrent le rôle de mes gardes du corps, décourageant mes prétendants avant même qu'ils aient pu m'adresser la parole. Millicent insista pour que j'avale quelques petits fours – ils avaient tous le goût de terre – tandis que Pansy présentait la société Sang-Pur à Crystal – associant une anecdote à chaque nom qu'elle citait –. Si Crystal avait été n'importe qui d'autre, j'aurais douté qu'elle retienne le quart de tout ce que Pansy pouvait bien raconter, mais l'expression concentrée de mon amie me confirma qu'elle buvait ses paroles.

Bien entendu, Narcissa ne tarda pas à me rappeler mes obligations.

- Tu pourras te permettre de disparaître les prochaines fois, Alya, mais pas ce soir.

Sa voix était cajoleuse – comme lorsque j'étais plus petite et qu'elle essayait de me convaincre de terminer mon assiette ou de mettre une robe –. Elle semblait vraiment désolée que je sois obligée de maintenir les apparences, mais puisque ma situation était largement de sa faute, j'avais plus envie de lui cracher au visage que d'obéir.

- Ma proposition tient toujours, Maellyn, me souffla Crystal.

Je fus tentée d'accepter – le temps que le Médicomage Perrin arrive, je pouvais sans doute acheter une heure de tranquillité –. L'arrivée de Théodore Nott choisit pour moi. Lucius et Lord Nott n'étaient pas loin et leurs regards étaient braqués sur nous.

Viviane toute puissante.

Je pris la main qu'il me tendit après s'être incliné devant moi. Le sourire satisfait qui étira ses lèvres attisa la colère qui couvait au fond de mon cœur depuis plusieurs jours.

- Parfois, je me demande pourquoi tu as été répartie à Serpentard, m'apprit-il, après plusieurs pas.

- Je voulais faire de ta vie un Enfer, Nott. Je me devais d'être aux premières loges.

Il leva les yeux au ciel.

- Ton cousin est plus doué pour cela, sans même essayer. Tu sais que le meilleur moyen pour que l'on te laisse tranquille, c'est effectivement que l'on se fiance, toi et moi ?

Je me stoppai, me retenant de justesse de le repousser violemment – Christopher m'avait appris quelques prises très efficaces – tandis que je me dégageais.

S'entendait-il parler ? J'avais eu quatorze ans six jours plus tôt et il s'en faudrait encore de trois années avant que je sois majeur. Je n'allais certainement pas accepter de me lier à quelqu'un pour le restant de mes jours à mon âge !

Il fit claquer sa langue contre son palais.

- Laisse-moi au moins t'expliquer mon plan, Lestrange. Tu auras tout le temps de me gifler après si tu y tiens tant, même si je doute que ton oncle apprécie ton initiative.

Non, Lucius allait être furieux, sans que cela ne change grand-chose à ma situation.

Le poids des regards devint à nouveau écrasant, aussi me résignai-je à saisir sa main tendue.

- Éblouie-moi, Nott.

- Pour tout ce que j'en sais, mon père et ton oncle ont déjà commencé la rédaction d'un contrat de fiançailles. Je crois qu'ils craignent tous les deux que le retour imminent de ta mère ne mette fin à leur projet, aussi, vont-ils tout faire pour sceller l'accord le plus vite possible.

Mes entrailles se glacèrent. J'aurais aimé pouvoir soutenir qu'il se trompait, mais si je me fiais aux événements de la soirée, il avait très probablement raison.

- Lady Malefoy ne les laissera jamais faire.

Narcissa n'avait pas intérêt à me faire un coup pareil, parce que je n'hésiterais pas à envoyer une lettre à mon père.

- Je crains que Lord Malefoy ait trouvé une façon de la forcer à accepter. Dans tous les cas, serait-ce si terrible ? Je n'aurais pas à faire semblant de courtiser toutes les jeunes filles de la société Sang-Pur, et on te fichera aussi la paix. Je suis même prêt à décourager ces idiots pour toi.

Je fronçai les sourcils. Depuis que j'étais toute petite, j'avais rarement vu Lucius sortir vainqueur de ses joutes avec sa femme. Narcissa parvenait souvent à avoir le dernier mot, et quand elle échouait, sa vengeance devenait vicieuse.

- Comme c'est romantique de ta part, Nott.

Il eut un rictus.

- Depuis quand le romantisme a quoi que ce soit à voir dans toute cette histoire ?

Je détournai le regard. Il avait raison. Dans le monde Sang-Pur, les mariages ressemblaient plus souvent à des transactions financières qu'à des contes de fée. Pour tout ce que j'en savais, le seul moyen de trouver l'amour était de tourner le dos à la société Sang-Pur.

Je gardai le silence tandis qu'il me guidait à travers la piste de danse, ses pas assurés, sa main légère entre mes omoplates.

Je devais reconnaître qu'il valsait aussi bien que Draco.

A la fin du morceau, il me libéra avec une révérence.

- Mon père m'impose trois danses avec toi au total ce soir. A plus tard.

Après cela, ce fut un véritable défilé. J'eus l'impression de danser avec la quasi-totalité des garçons de Serpentard – qu'ils soient encore ou non à Poudlard –, Hadrian Flint et Sven Avery compris, ce qui se révéla être particulièrement pénible concernant ce dernier.

J'eus donc tout le loisir de réaliser pourquoi Pansy et Millicent faisaient tout leur possible pour éviter certains partenaires. Mes orteils, déjà ratatinés dans mes nouvelles chaussures, subirent des attaques qu'ils ne méritaient certainement pas. Des mains se posèrent là où elles n'auraient pas dû – ce qui me permit d'évacuer une partie de ma frustration en leur promettant mille tourments, une initiative que Pansy allait sans doute saluer–.

Lorsque Nott s'imposa pour sa deuxième danse, je ne sentais plus mes pieds, ma tête tournait au point de me donner la nausée et j'avais abandonné tout espoir que cette soirée se termine un jour. Je m'attendais à ce qu'il me fasse remarquer que j'aurais pu échapper à ce calvaire si j'avais accepté de faire semblant d'être sa petite-amie quand il me l'avait proposé, des mois de cela, mais il eut le bon goût de ne rien dire.

Il me mena même jusqu'à Crystal, Pansy et Millicent.

- On dirait que tu vas t'évanouir, petite, m'apprit Pansy, tout en me forçant à m'asseoir. Tu ne m'as pas écoutée quand je t'ai dit de ne pas enchaîner plus de trois danses à la suite ?

- Ils me sautent tous dessus !

- Évidemment ! C'est pour ça qu'il faut que tu les envoies paître ! Si tu te débrouilles bien, tu peux même en faire pleurer certains.

Millicent leva les yeux au ciel, puis me tendit un verre d'eau.

- Ne fais pas attention à elle. Je ne crois pas me souvenir l'avoir vue faire la maligne lors de son bal de Débutante.

Pansy releva le menton. Marcus Belby eut la mauvaise idée de l'inviter à danser à ce moment-là et je crus qu'elle allait lui arracher la langue. Elle s'éloigna à grands pas, ce qui obligea Millicent à abandonner mon chevet pour la suivre.

Crystal prit sa place avec un soupir.

- D'après le Petit précis de l'Étiquette Sang-Pur que tu m'as si gracieusement offert, ne sont-ils pas censés te demander ton accord ?

J'eus une grimace.

- Tu as dû louper le passage où l'auteur insiste sur l'obligation pour la jeune fille d'accepter, car il lui revient toujours de se montrer aussi aimable que possible.

Crystal plissa le nez.

- Pour ton information, ma proposition tient toujours. Que t'a dit Nott ?

Je pris une nouvelle gorgée de mon verre d'eau.

- Que son père et Lucius ont commencé à rédiger un contrat de fiançailles contre lequel Narcissa ne pourra rien mais que, selon lui, c'est une bonne chose étant donné que ma vie sera beaucoup plus simple une fois que nous serions fiancés. Il m'a même proposé ses services de garde du corps.

Crystal resta silencieuse une longue minute, ses sourcils froncés.

- Il me semble qu'il n'a pas tout à fait tort quand même, non ? Je veux dire, outre le fait que l'on attendra de toi que tu ne danses plus qu'avec lui, les autres risquent effectivement de te laisser tranquille.

- C'est le seul avantage, grognai-je. La liste des inconvénients est nettement plus longue.

Parce que je devrais passer du temps avec la famille Nott, que Théo et moi devrions être constamment chaperonnés, qu'il me deviendrait impossible d'avoir un petit-ami, que j'allais devoir commencer à réfléchir à l'organisation d'une fête de fiançailles puis de mon mariage.

Je n'avais que quatorze ans !

- Tu sais ce qui t'épargnerait tout ce cirque ?

Je serrai les dents. Pendant une folle seconde, je contemplai même la possibilité de lui vider le reste de mon verre au visage.

De toute évidence, mes amis s'étaient donnés le mot ce soir et je soupçonnais Pansy d'être la cheffe d'orchestre derrière cette litanie insupportable.

Comme si fuir était la seule solution à tous mes problèmes ! Certes, il n'y aurait pas de fiançailles, pas de mariage, pas de guerre, pas de Seigneur des Ténèbres et pas de Bellatrix Lestrange. De l'autre côté de l'Atlantique, je pourrais être simplement Maellyn Black. Salem m'accueillerait à bras ouverts.

Le prix à payer – une solitude absolue et l'éternelle inquiétude pour tous ceux que j'aimais – était juste trop élevé.

- Aux dernières nouvelles, ta grand-mère est toujours tenue en échec et c'est la condition pour que je puisse partir.

Mon regard noir suffit à la décourager. Mon bal de Débutante battait son plein, nous étions entourés par toute la société Sang-Pur et par des Mangemorts. Si quelqu'un entendait que je projetais de m'enfuir, mon espérance de vie risquait de brutalement chuter.

Toutefois, je ne me faisais pas d'illusions : ce n'était que partie remise. J'étais prête à parier beaucoup de Gallions que Pansy avait profité que je sois accaparée par mes nombreux prétendants pour l'inciter à tenter sa chance pour me convaincre de m'exiler.

Je veux la détruire.

Je me raccrochai à ma résolution – ma promesse – pour relever le menton et faire bonne figure. Au fond, cette soirée n'était qu'une opportunité de plus d'apprendre à faire semblant, à faire croire à toutes ces personnes que j'étais Alya Reina Lestrange, héritière prestigieuse des Vingt-Huit Consacrées, fille unique du bras droit du Seigneur des Ténèbres.

Personne ne devait douter. Jamais.

Au cours de l'heure qui suivit, je réussis à échapper à non moins de dix danses – me cachant derrière mes pieds endoloris ou mon verre plein ou une ancienne querelle de famille pour justifier mon refus –. A trois reprises, Draco me sauva la mise. Il découvrit pendant la soirée que Potter avait fait usage de la magie au début du mois d'août et qu'il avait été convoqué à une audience disciplinaire.

-J'espère que le Ministère va sauter sur l'occasion pour se débarrasser de lui ! A nous la coupe !

Draco ne semblait pas vraiment réaliser que si Potter se faisait virer, alors le Gryffondor ne serait plus à Poudlard et il ne pourrait donc plus passer ses journées à épier ses faits et gestes.

J'avais trop besoin de lui ce soir pour le lui faire remarquer.

Et puisque Lucius Malefoy et Lord Nott étaient deux champions de la communication, ma dernière danse fut pour Théodore Nott.

- Alors, as-tu eu l'occasion de réfléchir à ma proposition ?

- J'ai été très sollicitée, éludai-je.

Il ouvrit la bouche. J'abattis mon talon droit sur ses orteils, me promettant en silence d'aiguiser mes talons pour le prochain bal. Nott étouffa difficilement un grognement de douleur, ce que je saluai de mon sourire tordu.

Il eut le bon sens de ne pas insister.

- Je ne serais pas contre discuter de ta proposition à un autre moment, dis-je finalement, tandis qu'il s'écartait.

Ma réponse le surprit, ce qui était inédit.

- Cela me paraît acceptable.

- Cela ne signifie pas que je vais accepter, précisai-je.

- Pas si j'arrive à te convaincre.

Je ne voulais pas de ces fiançailles – encore moins de ce mariage –. Une part de moi avait envie d'arracher la rose blanche à la boutonnière de Théo pour lui crever l'œil avec la tige. D'un autre côté, Lucius allait bien se garder de discuter avec moi des détails de cette union, je ne voulais pas être redevable à Narcissa… Il ne me restait pas beaucoup de possibilités pour en apprendre plus. Quitte à marcher tout droit dans un piège, je préférais le faire les yeux bien ouverts.

Il s'inclina devant moi, profitant du fait qu'il tenait toujours ma main pour porter mes doigts à sa bouche, me faisant déjà regretter d'avoir cédé à une discussion…

- Encore un joyeux anniversaire, Alya.

Je ne pus que l'assassiner du regard tandis qu'il s'éloignait.

La fin de la soirée resta un peu floue. Je dus à nouveau faire un nombre ridicule de révérences pour saluer le départ de certains invités.

Quand je poussai la porte de ma chambre, j'étais épuisée.

Christopher était installé en tailleur sur mon lit.

- Alors ?

Je grimaçai.

- Je crois que j'ai échappé de justesse à une demande en mariage publique, dis-je, tandis que je retirais mes chaussures.

J'avais une énorme ampoule sur mon pied droit.

- Juste une seule ?

Il me fallut quelques secondes pour comprendre sa plaisanterie, ce qu'il sembla trouver très drôle.

- Je te déteste, grognai-je.

Et pour faire bonne mesure, je lui lançai ma chaussure, ratant sa tête de justesse.

Il éclata de rire.

Vendredi 18 Août 1995, Isola di Mal di Ventre, Sardaigne.

- Maellyn, tu es prête ?

J'eus un sourire en reconnaissant la voix de Christopher.

- J'arrive, répondis-je en reposant ma plume, abandonnant la réponse que j'avais commencé à rédiger pour mon père.

J'attrapai la serviette de plage sur mon lit au passage.

Christopher et Draco m'attendaient dans le couloir, tous les deux vêtus d'un short de bain et d'un t-shirt. Puisque mon cousin avait refusé de se protéger du soleil à son arrivée, il ressemblait un peu à une écrevisse.

Sans un mot, nous primes la direction de l'escalier de service aussi discrètement que possible. Durmstrang lui ayant appris à espionner sans se faire prendre, Christopher menait notre petite escapade. En moins de dix minutes, nous nous glissâmes par l'entrée des employées, juste derrière les cuisines sans que personne ne nous ait remarqué.

Après cela, ce fut facile de trouver le chemin de notre plage préférée.

Il fallait dire que l'île n'était pas très grande.

J'avais été un peu déçue que Narcissa choisisse de séjourner dans la seule ville – village, vraiment – sorcière de Sardaigne plutôt que Cagliari comme deux étés plus tôt, même si je comprenais pourquoi.

Le Seigneur des Ténèbres avait retrouvé ses pouvoirs. Lucius Malefoy était un Mangemort. Je ne donnais pas cher de notre peau si on apprenait que Narcissa Malefoy avait passé ses vacances parmi les moldus, qu'importe l'hôtel cinq étoiles et les paysages à couper le souffle.

L'île Mal di Ventre était séparée en deux parties : la première, très plate, balayée par les vents et peu hospitalière était visible par les moldus. Aucun n'y habitait, et rares étaient ceux qui s'y aventuraient – les charmes qui dissimulait la deuxième partie de l'île les dissuadaient de rester bien longtemps –. La deuxième – quatre fois plus grande – était déjà plus escarpée. Il y avait une petite forêt de pins, au sol recouvert d'épines où Christopher m'avait emmené courir tous les matins depuis notre arrivée. Les plages étaient des successions de petites criques où il était facile de se retrouver seul.

Pour le reste, la ville en elle-même n'était pas plus grande que Pré-au-Lard – le marchand de glaces était l'endroit préféré de Draco –, les habitants étaient sympathiques, et puisque personne ne nous connaissait, je n'avais pas besoin de jouer à la parfaite petite héritière Lestrange.

Ce n'était qu'un bref répit – peut-être le dernier avant très longtemps – mais j'avais enfin l'impression d'être en vacances.

Même si Christopher partait demain chez Anton, puisque sa rentrée à Durmstrang était dans deux jours et que la nièce du professeur McGonagall ne pouvait pas l'accompagner cette fois.

La marée était basse à cette heure de la journée. Draco et Christopher rassemblèrent du bois flotté qu'ils disposèrent au milieu d'un cercle de pierre. Un coup de baguette suffit pour enflammer le bois sec. Des étincelles se mirent à tournoyer, chassant l'obscurité. La chaleur était bienvenue, mais pas indispensable.

Les nuits italiennes étaient bien plus chaudes que celles des étés britanniques.

Par habitude, je levai les yeux vers le ciel. Perdus au large des côtes Sardes comme nous l'étions, le ciel était magnifique. J'ignorai du mieux que je pus la constellation du Serpent – à sa queue, Alya n'était pas si brillante –. Un rapide tour d'horizon me confirma qu'il n'y avait pas beaucoup de Black au-dessus de nous cette nuit – seuls Androméda, Cygnus et Arcturus veillaient –.

- Maellyn, un bain de minuit ?

Christopher avait déjà enlevé son t-shirt.

A la différence de Draco, il avait bronzé durant la semaine.

- Bien sûr ! Draco ?

Mon cousin hésita – il s'était fait piquer par une bestiole le lendemain de notre arrivée, et il préférait maintenant voir où il mettait les pieds –. Christopher n'eut qu'à lui rappeler qu'il était à l'origine de cette escapade et qu'il allait rester tout seul près du feu pour qu'il se décide.

Paradoxalement, l'eau semblait plus chaude qu'en journée. Une vague plus haute que les autres souleva la surface de la mer.

Je plongeai dessous avant qu'elle ne commence à mousser. L'eau avait beau être cristalline tout autour de l'île, j'étais à peine capable de deviner mes mains devant moi. S'il n'y avait pas eu le bruit de l'eau contre le sable fin, j'aurais presque pu penser que je flottais au milieu de l'espace.

Fidèles à leurs habitudes, Draco et Christopher s'affrontèrent dans un concours de poiriers aquatiques – les seuls que mon cousin parvenait à faire –. Dans la pénombre, il était difficile de deviner leurs jambes tendues au-dessus de l'eau.

- Vraiment, Draco, je ne sais pas pourquoi tu t'acharnes. Christopher te bat à chaque fois !

Si nous avions été sur la terre ferme, il m'aurait sans doute reproché de prendre le parti de Chris plutôt que le sien.

Il préféra me couler.

Cela marqua le début des hostilités. Je fis d'abord équipe avec mon cousin – juste pour pouvoir couler Christopher au moins une dernière fois avant son départ – puis Christopher et Draco s'allièrent contre moi – il fallait que je boive la tasse et que je menace de sortir pour qu'ils se calment –. Sans surprise, Draco était assez mauvais joueur quand il se retrouvait seul face à Christopher et moi.

Il prétexta qu'il avait froid juste après que Christopher l'ait entraîné sous l'eau cinq fois de suite.

Je me retins de saluer sa sortie d'un éclat de rire, de peur de le vexer.

Je préférai me laisser flotter sur le dos. Christopher m'imita.

Les vagues me berçaient doucement. J'aimais le bruit qu'elles faisaient quand elles s'échouaient sur la plage. L'air était à peine troublé par une légère brise.

J'étais vraiment heureuse de ne plus être au Royaume-Uni.

- Pressé de retrouver Anton ?

Le bref éclat de rire de Christopher me fit sourire. L'île avait le même effet sur lui que sur moi. Sans Lucius pour nous compliquer la vie et à l'abri du regard de la société Sang-Pur, il était plus détendu, comme s'il avait oublié l'enterrement d'Euphémia, les coups portés à son père et son reniement public.

- Assez, oui. Je suis même pressé de retrouver Durmstrang. Ma compagnie me manque un peu.

A part Björn Lothbrok, il n'évoquait pas beaucoup les cinq autres personnes qui formaient sa compagnie. Je savais qu'il y avait trois filles et deux autres garçons en plus de lui et Björn, mais c'était à peu près tout. Toutefois, ils formaient une bonne équipe, tous les sept, et si Christopher avait mis du temps à faire sa place, il était désormais reconnu comme un fin stratège.

- Tu feras attention à la petite sœur de Radimir Lomonosov, pas vrai ?

- Évidemment. J'avais parlé d'elle à Björn l'année dernière, il m'a promis de surveiller mes arrières.

La petite sœur de Radimir était la Caporale de sa propre compagnie et elle était redoutable. Je ne doutais toutefois pas que Björn soit en mesure de lui tenir tête si elle tentait de mettre les menaces de son frère à exécution.

- Il est fort probable qu'elle sache, pour Anton et toi.

- Je sais. Mais ne t'inquiète pas pour ça, d'accord ? Tu as assez de choses à gérer de ton côté.

Quoiqu'il puisse en dire, sa situation n'était pas non plus idéale. Je le connaissais assez pour savoir que l'année durant laquelle il avait été enfermé au manoir Rowle l'avait marqué en profondeur. Il avait passé les deux dernières années à couteaux tirés avec ses parents – surtout son père – et, quelques semaines plus tôt, il avait été publiquement renié. Par-dessus tout cela, son attirance pour les garçons n'avait pas fini de lui attirer des ennuis et je ne parvenais pas à prédire les conséquences du retour du Seigneur des Ténèbres le concernant.

- Tu es mon meilleur ami, Chris, et tu passes la quasi-totalité de l'année à l'autre bout de l'Europe. Bien sûr que je m'inquiète pour toi.

- Je t'assure que c'est inutile. Je sais prendre soin de moi.

- Est-ce que ça veut dire que tu ne t'inquiètes pas pour moi ?

Il ricana.

- Il te faudra devenir bien plus raisonnable que tu ne l'es maintenant pour que je sois tout à fait serein. Heureusement que je peux compter sur Crystal pour surveiller tes arrières.

J'eus un soupir.

- Parfois, je préférerais que tu sois là pour le faire toi-même…

Non pas que Crystal n'excellait pas dans le rôle de ma meilleure amie. A la différence de Deloris, elle m'était loyale et, quand elle se montrait dure, c'était uniquement parce qu'elle prenait mes intérêts très à cœur, et pas seulement parce que j'étais l'héritière Lestrange.

Toutefois, mon amitié avec Christopher remontait à mes premiers souvenirs. Il était sans doute la personne qui me connaissait le mieux, il avait grandi dans une famille des Vingt-Huit Consacrées, il connaissait le monde Sang-Pur… Même s'il était un garçon, je n'avais pas à lui expliquer ce qu'on attendait de moi et ce qui pourrait m'arriver si je ne me montrais pas à la hauteur de mon nom.

Il se racla la gorge.

- Tu as décidé ce que tu allais faire concernant la proposition de Nott ?

Mon cœur s'accéléra dans ma poitrine. J'eus envie de me laisser couler jusqu'au fond de la mer. Depuis notre arrivée en Italie, j'avais fait de mon mieux pour ne pas penser à mes problèmes – parce que j'étais en vacances et que j'avais mérité une pause –. Pour tout ce que j'en savais, je ne reverrais peut-être pas Nott avant notre retour à Poudlard. J'aurais donc le temps de peser le pour et le contre plus tard.

- Non. Une part de moi espère encore que Narcissa trouvera un moyen de me sortir de cette situation.

Je n'avais toujours pas trouvé le courage de lui poser la question de vive voix, mais je savais que Lucius et elle s'étaient disputés sur la question, le lendemain de mon bal de Débutante.

Cela avait précipité notre départ.

- Si Durmstrang m'a bien appris une chose, c'est qu'il est dangereux de se contenter d'une unique solution à un problème.

Je passai une main sur mon visage. C'était notre dernière soirée ensemble. J'étais incapable de deviner si je le reverrai avant l'été prochain – si je le reverrai l'été prochain tout court –. Mes possibles fiançailles avec Théodore Nott étaient le dernier sujet de conversation que je voulais avoir.

- Je pars demain, Maellyn. Je préfère qu'on parle de ça maintenant que par lettre. Au moins, je suis sûre que tu m'écoutes et que tu n'arranges pas la vérité pour ne pas m'inquiéter.

Je faillis protester – au moins pour changer de sujet – mais Christopher me connaissait un peu trop bien. Outre le fait qu'il me démontrerait par A + B qu'il avait raison, cela ne suffirait pas à le distraire.

J'étais têtue, mais il n'était pas beaucoup mieux.

- Très bien, qu'est-ce que tu en penses, alors ?

Il tira sur ma main et m'incita à lui faire face d'un simple geste de la tête.

- Je pense que Nott est un fouineur et que passer du temps avec lui est dangereux.

Je grimaçai. Nott avait mis des mois avant d'arrêter de me harceler pour découvrir ce qui avait bien pu m'arriver à la fin de ma deuxième année. J'ignorais s'il s'était lassé – ce qui lui ressemblait assez peu – mais j'étais presque sûre qu'il n'avait rien découvert – parce qu'il n'aurait pas hésité à utiliser cette information plus tôt -.

- Tu votes contre sa proposition, donc ?

Il secoua la tête.

- J'aimerais que ça soit aussi simple… Si Narcissa parvient à t'épargner ces fiançailles, tu te seras compromise pour rien.

Parfois, je me demandais si mes amis ne me prenaient pas pour une simple d'esprit. J'avais certes tendance à m'emporter, mais j'avais grandi dans le monde Sang-Pur. Je savais que je devais rester sur mes gardes en présence de Théodore Nott.

- Ce sera loin d'être la première fois que je discute seule à seul avec Nott, Chris. Je ne lui ai encore jamais fait de confidences et il n'a encore jamais rien tenté pour me les arracher.

Un pli apparut entre les sourcils de mon ami. Il ouvrit la bouche une première fois, secoua la tête, puis reprit à nouveau.

- Il n'est pas stupide. Peut-être les risques étaient-ils plus élevés que les bénéfices qu'il aurait pu en tirer.

Je doutais que Théodore ait le moindre scrupule à utiliser du Veritaserum s'il l'estimait nécessaire et il se vanterait même de pouvoir le faire sans que personne ne puisse le soupçonner. Toutefois, ce n'était pas ce qu'il avait laissé entendre lors de mon bal de Débutante.

- Si tu veux mon avis, Nott a l'air plutôt résigné sur son sort.

Chris leva les yeux au ciel.

- Ca, ou alors son père lui a demandé d'obtenir des informations qui lui permettraient d'avoir l'avantage lors des négociations.

Cette fois, ce fut à mon tour de refermer la bouche sans que le moindre son n'en sorte. La relation entre Théodore et son père semblait très formelle, mais pour tout ce que j'en savais, il lui obéissait.

- Ne sous-estime pas Lord Nott, Maellyn. Il venait parfois au manoir Rowle et Thorfinn lui a toujours déroulé le tapis rouge. Mon géniteur n'est pas du genre à s'écraser devant beaucoup de monde.

Je n'avais pas une haute opinion de Thorfinn Rowle, mais Chris me reprocherait mon manque d'objectivité.

- Qu'est-ce que je dois faire alors, hein ?

- Te montrer plus prudente et plus méfiante que jamais, Maellyn.

En d'autres circonstances, j'aurais pu rire à l'ironie de la situation.

J'étais obligée de jouer à la parfaite petite héritière en permanence, je devais faire semblant de croire la doctrine Sang-Pur, il me faudrait convaincre Bellatrix Lestrange – et le Seigneur des Ténèbres – que je n'avais jamais rêvé d'autre chose que de devenir Mangemort.

Je n'avais pas d'autre choix que d'être prudente et méfiante. Le contraire reviendrait à signer mon propre certificat de décès.

- Je n'ai que quatorze ans ! Je ne veux pas être fiancée, à qui que ce soit !

Merlin, Viviane, Morgane et Circé, cette histoire de mariage arrangé était en train de me faire regretter de ne pas avoir fui pour les Etats-Unis à la seconde où j'avais appris que le Seigneur des Ténèbres avait retrouvé ses pouvoirs.

Je veux la détruire.

Ma promesse me revint, laissant un goût amer dans ma bouche que le sel de la mer ne saurait chasser.

J'étais prête à prendre la Marque des Ténèbres si cela me permettait, d'une façon ou d'une autre, de faire payer Bellatrix Lestrange. Cet arrangement avec Nott était ridicule en comparaison.

- Où as-tu vu jouer que les héritiers d'une grande famille comme la tienne ont le moindre choix sur la question ?

Mon regard noir ne le fit même pas frémir.

- Tu es le meilleur parti de notre génération, bien sûr que Lord Nott veut mettre la main sur ta fortune, encore plus maintenant que le nom Lestrange est revenu à la mode. Ce qui est plus étonnant, c'est que Lucius n'ait pas essayé de faire monter les enchères et que Lord Nott ait pris le risque de faire scandale compte tenu de ton âge.

Malgré moi, la colère me dévora les entrailles. Je n'aimais pas la façon dont il parlait de moi comme un bien rare et, pourtant, c'était bien ce qu'était Alya Lestrange aux yeux du monde Sang-Pur. Je me laissai couler et je restai sous l'eau jusqu'à ce que mes poumons crient grâce et que je retrouve un semblant de sang-froid.

- Bellatrix et Rodolphus sont sur le point d'être libérés, repris-je, après avoir vraiment réfléchi à ce qu'il venait de dire. Nott devra tout recommencer avec eux et il ne sera peut-être pas autant en position de force.

Les Lestrange étaient censés être fâchés avec les Nott et Bellatrix était du genre rancunière.

- Je ne sais pas, et je n'aime pas ça. Si on part du principe que Théodore a pour mission de découvrir des informations sur toi, tu devrais en profiter pour essayer de découvrir ce que manigance son père.

La perspective d'une telle tâche ingrate me tira un soupir tremblant. J'avais déjà tant à faire, mon cerveau allait finir par exploser.

- Je ne veux pas de ces fiançailles, Chris, soufflai-je, à peine assez fort pour couvrir la rumeur des vagues.

Sa seule réponse fut un sourire terriblement triste.

- Je sais, Ely… Et je suis désolé.

Mes yeux devinrent brûlants et je basculais sur le dos, mon visage tourné vers les étoiles dans l'espoir de les lui cacher. Du coin de l'œil, je le vis m'imiter, puis je sentis sa main dans la mienne. Il serra mes doigts doucement.

- Tu peux toujours changer d'avis et partir, chuchota-t-il. Avec un peu de mise en scène, la tête de Lucius pourrait vraiment valoir le détour.

J'éclatai de rire. Des larmes roulèrent sur mes joues puis se perdirent dans la mer.

- Pansy me conseillerait sans doute d'attendre ma fête de fiançailles.

Il rit à son tour.

- Et elle aurait raison. Ca serait le scandale du siècle.

J'avais beau savoir que je n'en ferais rien, je décidai de me raccrocher quelques minutes à cette fantaisie.

Finalement, Draco s'impatienta de nous voir toujours dans l'eau. Nous n'eûmes pas d'autres choix que de le rejoindre sur la plage de peur qu'il ne réveille toute l'île avec ses cris – dont Narcissa –.

Nous restâmes autour du feu jusqu'au lever du soleil, même si je somnolai une paire d'heures. Il n'y avait que le bruit des vagues, les crépitements du feu et les deux garçons qui m'étaient le plus cher.

C'était dommage, vraiment, que nos vies ne puissent pas être aussi simples que cette nuit-là.

...

Dimanche 27 Août 1995, Manoir Malefoy, Angleterre.

Après plusieurs semaines à emprunter le même parcours dans les bois accompagné de Christopher, mon corps était capable de m'y guider sans plus que je réfléchisse. Je connaissais les parties en descente – sur lesquelles je pouvais accélérer – et celles où il fallait que je me concentre pour ne pas perdre une cheville sur le terrain inégal – cela serait une bonne excuse pour la fête de ce soir, mais je ne pouvais pas faire ça à Crystal –. Lorsque la dernière ligne droite apparut, je ne pus retenir un soupir de soulagement.

Si je parvenais enfin à faire tout le chemin sans m'arrêter, cela ne signifiait pas pour autant que je n'avais pas le souffle court, les jambes douloureuses et le corps trempé de sueur à l'arrivée.

Il m'en faudrait encore de plusieurs mois pour que ce genre d'exercices ne soit rien d'autre qu'un échauffement.

C'était regrettable, vraiment, que je ne puisse pas continuer à Poudlard.

Je m'étirai rapidement, consciente que je m'étais levée plus tard que d'habitude – nous étions rentrés la veille d'Italie et, sans le bruit des vagues pour me bercer, j'avais mis plus de temps à m'endormir –. La grande horloge de l'entrée indiquait déjà neuf heures, aussi pris-je le chemin du salon où nous prenions toujours notre petit-déjeuner.

Je ne pensais pas trouver Lucius et Narcissa autour de la table.

Narcissa haussa un sourcil en me voyant, puis secoua la tête, désapprobatrice.

Lucius avala sa gorgée de thé de travers. Il toussa pendant une longue minute, son visage devenant de plus en plus rouge.

Je me retins de justesse de souhaiter qu'il ne retrouve pas son souffle.

Puisqu'il était trop tard pour que je rejoigne ma chambre pour me changer, je fis comme si de rien était.

- Ma tante, mon oncle, singeai-je en me fendant d'une révérence.

Christopher m'avait laissé son ancienne tenue de sport aux armoiries de Durmstrang – un short qui ne couvrait même pas mes genoux et un t-shirt un peu ample – et mes baskets étaient maculées de boue – il avait dû pleuvoir régulièrement la semaine passée –. Sûrement, le tableau devait être surprenant.

- Alya, que cela signifie-t-il ! éructa Lucius tandis que je m'asseyais. Je croyais t'avoir interdit de poursuivre cette comédie !

- Vous m'avez interdit de m'entraîner au combat magique avec Christopher, mon oncle. Puisqu'il est de retour à Durmstrang, je ne vois pas en quoi je vous ai désobéi.

Il eut un rictus mauvais.

- Et quelle est ton excuse pour être aussi peu vêtue qu'une traînée ?

Je refusai de m'émouvoir – cela faisait longtemps qu'il ne m'avait pas qualifiée de la sorte – et je voulus même lui demander ce que son idée de me fiancer sitôt mes quatorze bougies soufflées faisait de lui, mais Narcissa me prit de vitesse.

- Lucius ! Je t'interdis de t'adresser à ma filleule de cette façon ! Si tu la considères assez âgée pour être fiancée, peut-être l'est-elle aussi pour mettre les vêtements qu'elle souhaite lorsqu'elle se trouve au Manoir !

Lucius et Narcissa s'affrontèrent pendant un long moment du regard. J'en profitai pour me servir copieusement.

Je n'avais jamais aussi faim qu'après un peu d'exercices.

Peut-être pourrais-je convaincre le Médicomage Perrin de me prescrire un tel régime ?

- Tu es décidément incapable de lui interdire quoique ce soit, gronda Lucius.

- Et plus tu me le feras remarquer, moins je ferais en sorte que cela change, très cher.

Sans vraie surprise, Lucius referma sèchement son exemplaire de La Gazette et quitta la table. La porte claqua, précédant un silence pesant.

Narcissa soupira.

- Je ne suis pas certaine que ce genre de provocation te rende service, Maellyn.

Pour satisfaisant qu'ait été le visage carmin de Lucius, je savais qu'elle avait raison. Cela ne signifiait pas que j'allais le reconnaître à voix haute.

- Peut-être que s'il cesse de me voir comme une parfaite héritière, il renoncera à son projet de me marier avec Théodore Nott, répliquai-je.

Je soutins le regard de Narcissa pendant qu'elle me dévisageait.

- Je doute que cela se produise, Maellyn. Lucius semble vraiment décidé à conclure cette alliance avec Lord Nott.

- Ne devais-tu pas m'épargner ce genre de calvaire ?

Les traits de son visage s'affaissèrent. Une autre fois, j'aurais pu penser qu'elle essayait de m'amadouer pour éviter mes reproches, mais quelque chose dans son expression me donna l'impression d'avoir avaler un énorme caillou.

Je crains que Lord Malefoy ait trouvé une façon de la forcer à accepter.

Les mots de Nott surgirent de ma mémoire. Mon cœur se mit à se débattre dans ma poitrine.

Je serrai les dents.

Narcissa rouvrit la bouche à trois reprises avant que le moindre son ne passe ses lèvres, ce qui me fit craindre le pire.

- Peut-être que tu ne vas pas me croire, Maellyn, mais j'ai tout fait pour le dissuader d'accepter la proposition de Lord Nott ou, au moins, d'attendre que tu sois majeure. Je lui ai promis de refuser de signer le moindre contrat de fiançailles sans ton accord. Il a été jusqu'à me menacer de mettre Christopher à la porte, mais j'ai tenu bon… Jusqu'à ce qu'il s'en prenne à Sirius.

Cette fois, une pellicule de sueur froide perla à la base de mes cheveux. Mes entrailles se glacèrent et mon cœur me donna l'impression de vouloir s'échapper par ma gorge.

J'avais envie de vomir.

- Peter Pettigrow a appris au Seigneur des Ténèbres que Sirius est un Animagus non déclaré, Maellyn. Lucius m'a très clairement fait comprendre qu'il n'hésiterait pas à envoyer une lettre aux Aurors si je continuais à m'opposer à lui sur cette question.

Je crains que Lord Malefoy ait trouvé une façon de la forcer à accepter.

Je ne pus qu'enfouir mon visage dans mes mains tremblantes. Narcissa m'avait menti pendant longtemps mais j'aurais mis ma baguette à brûler que, cette fois, elle était sincère.

Cela ressemblait beaucoup trop à Lucius.

C'était même parfait. Narcissa n'avait jamais caché sa loyauté pour sa famille. Elle avait tout fait pour éviter que Lucius termine à Azkaban à la fin de la première guerre, elle m'avait recueillie et élevée quand il aurait été plus simple que je termine dans un orphelinat, elle m'avait un jour confié qu'elle s'était arrangée pour acheter de meilleures conditions de détention à Bellatrix… Lucius savait que sa femme refuserait de participer à la capture de son cousin.

Merlin, Viviane, Morgane et Circé !

Avec une telle menace, j'aurais accepté d'épouser Lord Nott en personne s'il le fallait.

- La partie n'est pas terminée, Maellyn, reprit Narcissa, m'obligeant à relever les yeux vers elle. Je vais essayer de te faire gagner du temps, d'accord ? Un contrat de fiançailles est un long processus et je compte bien me montrer la plus pointilleuse possible. D'ici à ce que sa rédaction soit terminée, j'ai bon espoir que la grand-mère de Crystal ait retrouvé ta famille moldue. Tu partiras pour les États-Unis et tout cela ne sera plus ton problème.

Je déglutis difficilement, ma salive comme du verre pilé dans ma gorge.

Puisque je refusais de discuter avec Narcissa – de tout, par principe, mais encore plus de ce qui touchait à ma fausse identité –, j'avais réussi à la faire taire – ou à quitter la pièce – avant qu'elle n'ait eu le temps d'aborder cette conversation.

J'étais presque surprise qu'elle envisage de m'envoyer vivre aux États-Unis, elle qui n'avait pas hésité à effacer la mémoire de mon grand-père quand l'occasion s'était présentée.

Toutefois, cette décision ne lui appartenait pas. Moi seule serait prévenue quand Gloria Ngozi aurait retrouvé Grant Adler et Burt White – si elle parvenait à les retrouver –. Pour le moment, je ne comptais pas fuir.

- Et si ce n'est pas le cas ?

Narcissa serra les lèvres.

- Si, d'une façon ou d'une autre, je suis obligée de signer ce contrat de fiançailles en ton nom, je vais m'assurer qu'il n'engage qu'Alya Reina Lestrange. Mon avocate m'a déjà certifiée qu'il sera nul et non avenu au moment où la vérité éclatera. C'est une maigre garantie, Maellyn, mais c'est tout ce que je peux t'assurer pour le moment.

Je clignai lentement des yeux.

J'avais beau savoir que j'avais été mise à prix depuis presque un an – plus, même, puisque Théo semblait convaincu que son père voulait faire de moi sa belle-fille depuis ma première année –, c'était une toute autre chose d'entendre Narcissa le confirmer à voix haute.

Quelque part dans le bureau de Lucius Malefoy, il y avait un contrat de fiançailles à mon nom, et il n'y avait rien que je ne puisse faire pour y échapper.

Je reniflai sèchement pour retenir mes larmes.

- Pourquoi ?

Narcissa fronça les sourcils.

- Comment cela ?

- Pourquoi est-il si pressé de me fiancer ? Pourquoi Théodore Nott ? Que peut-il bien obtenir en échange ?

Si Lucius n'avait jamais caché qu'il essaierait de tirer profit de mon mariage, je ne comprenais pas en quoi les Nott rentraient dans cette catégorie. Pour tout ce que j'en savais, Lord Nott n'était pas membre du Magenmagot, il ne travaillait pas au Ministère et il n'était pas à la tête d'une grande entreprise. C'était un homme grand, sec, très âgé, que je n'avais jamais vu sourire. Son nom ne revenait jamais dans les discussions.

Narcissa eut une moue douloureuse.

- Je l'ignore encore, Maellyn. Je sais toutefois que Lord Nott est quelqu'un de très influent. Il connaît beaucoup de monde. Mon père et mon oncle le craignaient, même Bellatrix faisait profil bas devant lui.

Si cela était encore possible, mon estomac s'alourdit davantage.

Les Black étaient connus pour être difficilement impressionnables. Orion et Cygnus Black avaient été des notaires réputés, que l'on citait encore en exemple lors des réceptions. Bellatrix, quant à elle, avait eu pour réputation de ne répondre qu'au Seigneur des Ténèbres lui-même.

Narcissa se leva.

- Crois-moi, Maellyn, j'ai toujours voulu t'éviter cette situation. S'il existe un moyen de te sortir de là, je vais le trouver.

Avant, je n'aurais pas douté une seconde qu'elle y parviendrait. Elle était Narcissa Malefoy. Je l'avais vue affronter Lucius des dizaines de fois et terminer victorieuse.

Ses épaules légèrement voûtées et ses lèvres pincées ne me donnèrent pas l'impression qu'elle croyait beaucoup en ses chances.

Le silence qui salua son départ raisonna à l'infini sous mon crâne. Je fixai mon assiette sans la voir, mon appétit remplacé par une profonde envie de vomir, ma gorge serrée.

Des bras entourèrent mes épaules avec douceur.

Je sursautai.

- Ça va aller, cousine, me souffla Draco. Mon père n'est pas le seul à pouvoir faire du chantage. Je vais trouver quelque chose.

Il était peu probable qu'il y parvienne. Si Lucius en était à menacer Narcissa, c'était qu'il ne reculerait devant rien, mais son soutien me réchauffa un peu le cœur. J'attrapai sa main droite pour la serrer doucement.

- Merci, Draco.

Il embrassa ma joue.

Nous restâmes immobiles jusqu'à ce qu'un léger toc toc sur l'une des fenêtres nous sorte de notre étrange torpeur.

Je croisai les grands yeux jaunes de Mirzha. Draco me libéra pour que je puisse lui ouvrir. Elle me tendit sa patte pour que je récupère ma lettre, puis elle s'envola pour se poser sur mon épaule comme à son habitude.

A côté des hiboux de Draco et Lucius – voire même d'Arthur, celui de Chris – Mirzha était d'une douceur inégalée – avec moi, du reste – et d'une grande intelligence. Je caressai son ventre doucement, prenant soin de ne pas déranger ses plumes. Elle fit claquer son bec d'une façon appréciative puis ferma les yeux.

Elle ne bougea pas tandis que je rejoignais ma place.

Sans vraie surprise, la lettre venait de mon père.

Après le départ de Christopher pour Durmstrang, je n'avais plus eu d'autre choix que de lui écrire pour lui raconter mon bal de Débutante et ma première semaine de vacances en Italie. Je savais déjà qu'il serait en colère concernant mes fiançailles imminentes, mais peut-être aurait-il une idée pour m'éviter d'en arriver là ?

Mon estomac se contracta.

A la lumière de ce que je venais d'apprendre, j'aurais peut-être mieux fait de ne rien lui dire.

Je pris une profonde inspiration avant d'ouvrir sa lettre.

Chaton,

Je ne sais pas encore comment je vais m'y prendre, mais je te promets que je vais trouver un moyen de t'éviter ça ! Nott et tous les autres dégénérés devront me passer sur le corps avant que le moindre contrat de fiançailles ne soit signé. Si Lucius croise ma route dans les semaines à venir, je ne manquerais pas de lui faire entendre raison à grands coups de poings et qu'il s'estime heureux que Grant Adler ne soit plus au Royaume-Uni.

Tout ça pour te dire que je m'en occupe. J'ai envoyé une lettre à Narcissa pour lui rappeler de remettre son mari à sa place si elle ne souhaite pas devenir prématurément veuve, Tonks est en train de chercher des horreurs sur Nott et lui pour qu'on puisse leur faire du chantage et Andy s'est proposée pour éplucher les vieux traités du monde Sang-Pur pour vérifier s'il n'y a pas une faille quelque part. Dans le pire des cas, il existe des moyens de gagner du temps. Ils n'auront pas terminé de rédiger la moitié de ce putain de contrat que tu seras déjà en chemin pour les États-Unis. Je leur souhaite tous bonne chance pour essayer un truc pareil avec Grant et Burt.

Je suis désolé que tu te retrouves dans une situation pareille, ma fille…

Sinon, j'étais un peu plus content d'apprendre que tu as passé du bon temps en Sardaigne. Je ne suis allé là-bas qu'une seule fois avec ma tante Druella, quand j'avais huit ans, mais j'en garde un bon souvenir. Je pouvais passer la journée dehors sans aucun adulte pour me dire de me tenir correctement. Je crois même me rappeler qu'Andy et moi nous amusions beaucoup à lancer des algues sur Bellatrix. Ça ne manquait jamais de la mettre hors d'elle. Le marchand de glace existe toujours ? (Regulus insistait pour qu'on y passe tous les jours).

Je pense que d'ici à ce que tu me répondes, tu auras rejoint Poudlard. Concernant ta question, non, Harry n'a pas été viré de Poudlard et oui, les rumeurs dont a entendu parler Draco sont exactes. Il a été attaqué par trois Détraqueurs du côté de sa famille moldue et il a été obligé d'utiliser la magie pour s'en sortir. Je doute toutefois que ce soit l'œuvre de Voldemort. Il a l'air un peu trop décidé à se charger de Harry lui-même… Draco a-t-il été nommé préfet comme son père avant lui ? (Ron et Hermione ont eu leurs badges aujourd'hui).

Où en es-tu concernant ta forme Animagus ? (Je suis un peu jaloux que Minerva soit la première à la découvrir en vrai, mais je suppose qu'elle l'a un peu mérité). J'ai pu me procurer un livre d'ornithologie : je t'accorde qu'il va me falloir un peu plus de détails pour déterminer en quelle espèce précise tu te transformes.

Puisque Dumbledore continue à insister pour que je fasse profil bas, je ne suis pas près d'être en mesure de prendre des risques inconsidérés, donc inutile de t'inquiéter pour moi.

Passe une bonne rentrée, chaton.

Je t'aime fort.

Papa.

Je repliai soigneusement la lettre à la fin de ma lecture. Si je ne pouvais pas vraiment reprocher à mon père d'être en colère concernant les manigances de Nott et Lucius, cela ne l'empêchait pas d'être inquiète à l'idée qu'il mette ses menaces à exécution.

Je passai une main tremblante sur mon front encore moite.

Douce Viviane, j'allais vraiment devoir discuter avec Théodore Nott de notre situation.

- Alors ? me demanda Draco.

- Je crois qu'il envisage d'assassiner ton père, ainsi que celui de Théo pour faire bonne mesure. Le connaissant, ce sera sans doute quelque chose de très public, et de très graphique, juste pour décourager tous les autres.

Draco grimaça.

- Pour répondre à ta question, Potter n'a pas été viré et il a bien été attaqué par des Détraqueurs. Weasley et Granger sont les préfets de Gryffondor.

Sans véritable surprise, Draco avait aussi été nommé préfet, comme tous les hommes de sa famille depuis cinq générations, ce qui avait ravi Lucius. Il avait toutefois été aussi surpris que moi que Pansy reçoive elle aussi le badge.

Lui comme moi pensions que l'honneur reviendrait à la parfaite Daphné Greengrass.

- Weasley ? Préfet ? Tu es sûre ?

- Certaine.

- Pas Potter ?

Il semblait déçu.

Je haussai un sourcil.

- Non, mon père a bien écrit Weasley.

Il dut surprendre mon regard inquisiteur car il se redressa sur sa chaise, drapé dans sa fierté – pour changer –.

- Tu ferais bien de manger un peu, cousine, ou le Médicodomage Perrin va encore devoir te faire une leçon de morale.

J'étais presque convaincue que cela ne serait pas le cas – je m'attendais même à des félicitations pour mon bulletin de santé irréprochable – mais je me forçai quand même à avaler un toast et un peu de fruits, juste pour avoir la paix.

La nourriture n'avait pas eu ce goût de terre depuis longtemps.

La matinée s'écoula lentement – je regrettais plus que jamais l'absence de Christopher et mon impossibilité de m'entraîner au combat magique –. Après ma leçon obligatoire d'Occlumencie – durant laquelle Narcissa me fit passer en revue toutes les nouvelles techniques qu'elle m'avait apprise – je me résignai à relire mes devoirs pour la rentrée en désespoir de cause.

Le professeur McGonagall m'avait donné non moins de deux essais supplémentaires : un sur les transformations humaines – puisque j'étais loin d'avoir couvert tout le programme – et l'autre sur les sortilèges de bannissement – qui restaient ma bête noire –. Pour le reste, seul celui de Potion m'avait donné du fil à retordre.

Après le déjeuner – où Lucius brilla par son absence –, je profitai du soleil et du ciel dégagé pour voler pendant une petite heure, essayant de laisser derrière moi toutes mes inquiétudes et m'enivrant de l'adrénaline dans mes veines à chaque accélération vertigineuse de mon Eclair de Feu.

Dans un coin de ma tête, j'étais certaine que ma forme Animagus s'amusait au moins autant que moi, même si voler avec un balai et battre des ailes étaient des sensations aux antipodes l'une de l'autre.

Avec un balai tel que l'Eclair de Feu, je n'avais pas besoin de finesse. Je fendais l'air à toute vitesse sans le moindre effort et, du moment que j'avais assez de force dans les bras et les jambes pour maintenir ma trajectoire, il ne pouvait rien m'arriver.

Sous ma forme Animagus, voler dépendait entièrement de moi – de l'inclinaison des ailes, de celle de la queue, des courants d'airs froids ou chauds que je choisissais – et il me faudrait encore des mois pour maîtriser pleinement l'exercice.

Je savais toutefois que la sensation de liberté que je ressentirai alors rendrait toutes mes pointes de vitesse sur balai insignifiantes.

J'avais hâte.

Un sifflement strident, quelque part depuis le sol, m'obligea à ralentir, puis à baisser les yeux. Un sourire étira mes lèvres quand je reconnus Crystal devant l'entrée principale du manoir, ses bras croisés sur sa poitrine.

Sans regret, j'inclinai le manche de mon balai vers elle.

- Tu es en avance !

Elle haussa les épaules.

- Ma grand-mère voulait revoir certains détails avec Lady Malefoy.

La présence de Gloria Nngzi à mon bal de débutante n'avait pas manqué de faire parler. Outre sa tenue traditionnelle et son charisme écrasant, elle avait préféré s'exprimer en Afrikaans, laissant le soin à Crystal de traduire. Certains avaient été curieux, d'autres profondément outrés que Narcissa invite une personne étrangère à la société Sang-Pur.

Dans tous les cas, personne n'était resté indifférent et la perspective de pouvoir observer les différentes réactions de plus près à la soirée de ce soir était la seule chose qui ne me donnait pas envie de m'enfuir.

Je lui fis signe de me suivre jusqu'à ma chambre.

- Tu as eu des nouvelles de Christopher ?

Je secouai la tête.

- Non. La première semaine de rentrée est assez intense à Durmstrang. Ils passent leur temps à faire du sport pour se remettre en forme. Je doute de recevoir une lettre avant que nous ayons rejoint Poudlard. Pourquoi ?

Il s'en faudrait donc d'encore plusieurs jours avant que puisse enfin savoir si, oui ou non, la petite sœur de Lomonosov avait décidé de le laisser tranquille.

- Juste pour savoir. Je l'aime beaucoup !

Et le sentiment était tout à fait mutuel. Christopher avait toujours tenu Crystal en haute estime mais, depuis qu'il l'avait rencontrée au début du mois, il lui vouait une confiance sans limite.

Je venais tout juste de refermer la porte de ma chambre que Patty apparaissait avec le thé. Nous nous installâmes à même le sol, notre dos appuyé contre mon lit.

- Parfois, je me demande si les Sang-Purs ne sont pas encore plus à cheval sur les traditions britanniques que la Reine d'Angleterre elle-même, dit Crystal.

Je dus fouiller ma mémoire pour me souvenir de qui elle parlait. Pendant mon voyage en avion, elle avait évoqué les derniers scandales qui avaient éclaboussé la famille royale. Pour tout ce que j'en savais, la société Sang-Pur n'avait rien à envier à l'aristocratie moldue.

Ce qui, d'une certaine façon, était assez ironique.

- Je crois que je dois m'estimer heureuse qu'il n'y ait pas de famille royale tout court dans le monde sorcier.

A une époque, les Black avaient presque joué ce rôle, mais aucun de mes ancêtres n'avait réussi à devenir Premier Ministre de la Magie, ce qui prouvait bien que leur sang si pur ne les plaçait pas au-dessus de tous comme ils aimaient le penser.

L'imminence de mes fiançailles me revint, m'obligeant à serrer les dents tandis que ma magie crépitait le long de ma peau. Je secouai la tête pour éloigner la pensée.

- Comment s'est passé ton séjour en Afrique du Sud ? demandai-je, soucieuse de changer de sujet.

Crystal prit une gorgée de thé.

- C'était étrange. J'ai eu l'impression que certaines personnes étaient contre ma présence.

- Comment cela se fait-il ?

Elle fit la moue.

- Je n'ai pas réussi à avoir le fin mot de l'histoire… Je soupçonne que ce soit lié au fait que le conseil des Aînées ait un peu changé mais ça n'a peut-être rien à voir.

- C'est pour ça que tu es rentrée plus tôt ?

- Non… La prophète du clan a vu qu'un malheur allait s'abattre sur le village et le conseil a donc décidé de déplacer tout le monde sur une autre partie de nos terres. On m'a vite fait comprendre que j'allais plus les gêner qu'autre chose.

Je connaissais assez Crystal maintenant pour savoir qu'elle n'avait pas dû beaucoup apprécier qu'une telle décision soit uniquement basée sur une prophétie et encore moins si son clan avait laissé penser qu'elle ne serait pas en mesure de les aider alors que, vraiment, c'était sans doute la personne la plus débrouillarde que je connaissais.

- Tu as quand même eu le temps de continuer ton Initiation ?

- Évidemment !

Une fois de plus, j'eus l'impression de lui arracher les vers du nez, mais je réussis à apprendre qu'elle maîtrisait de mieux en mieux les gestes magiques – qui permettaient à son clan de se passer de baguette magique – et qu'elle avait appris d'autres symboles secrets de son clan. Il lui faudrait encore passer une année entière en Afrique du Sud après ses études à Poudlard pour apprendre tout ce qu'elle avait à apprendre, mais j'avais l'impression que ce retour aux sources lui faisait toujours le plus grand bien.

Une part de moi ne pouvait pas s'empêcher de se demander si je ressentirai la même chose quand je me rendrai enfin aux États-Unis, en particulier en Idaho, là où j'étais née.

Puisque Gloria Ngozi n'avait toujours pas la moindre piste concernant ma famille moldue, une telle éventualité me semblait encore plus lointaine que de voir mon père innocenté.

- Au fait, Lady Malefoy a réussi à te débarrasser de Nott ?

Un grognement passa mes lèvres avant que je n'ai eu le temps de le retenir. Elle me dévisagea longuement, puis grimaça.

- A ce point ? souffla-t-elle.

- J'ai appris ce matin que Lucius sait pour la forme Animagus de mon père et qu'il a menacé Narcissa d'envoyer une lettre au département des Aurors si elle refusait de signer le contrat de fiançailles. C'est pour ainsi dire acté.

Ma voix se brisa et je sentis mes yeux devenir brûlants. Crystal attrapa ma main avec douceur.

- Ne dis pas des bêtises pareilles, Adler. Crois-moi, rien n'est acté tant que la signature de Narcissa n'est pas sur morceau de parchemin. Et même là, on pourra encore trouver une issue de secours.

- On ?

Elle eut un sourire mauvais.

- Si je dois en venir à organiser le meurtre de Lucius Malefoy et Archibald Nott pour être certaine que tu ne sois pas mariée le jour de tes dix-sept ans, ne crois pas une seule seconde que ça va me faire peur. Je peux même t'assurer que personne ne retrouvera leurs corps et que je serais tout en bas de la liste des suspects.

Mon rire sonna un peu étranglé à mes oreilles. J'ignorais si elle était vraiment capable de tuer quelqu'un – pour moi, par-dessus le marché – mais quelque chose me disait que Gloria Nngozi avait les ressources pour qu'une telle chose se produise.

- Tu as intérêt à en parler à mon père avant, parce qu'il est convaincu que l'honneur lui revient.

Elle gloussa.

- Dois-je te rappeler qu'il a réussi à se faire enfermer à vie à Azkaban pour des meurtres qu'il n'avait même pas commis ? S'il n'est pas complètement stupide, il me laissera faire.

Cette fois, je ris de bon cœur.

Crystal mit un point d'honneur à me distraire en se moquant de la société Sang-Pur, puisque mon bal de Débutante lui avait permis d'avoir un bon aperçu de l'endroit où elle mettait les pieds.

Nous nous remettions difficilement d'un fou rire quand Pansy entra dans ma chambre – sans frapper –.

- Il serait peut-être temps de penser à vous préparer, toutes les deux ! dit-elle sèchement.

Crystal la regarda partir aussi vite qu'elle était arrivée, les sourcils froncés.

- Elle s'est encore disputée avec ton cousin ?

- Non. Elle ne s'est toujours pas remise d'avoir été nommée préfète quand, vraiment, elle vient juste de prouver pourquoi Rogue a pensé à elle.

A la différence de Daphné, qui était si parfaite qu'elle frôlait parfois le ridicule, à toujours appliquer l'étiquette Sang-Pur à la lettre, personne ne pouvait retirer à Pansy son autorité naturelle et son talent pour obtenir ce qu'elle voulait des autres en les menaçant des pires atrocités.

Elle risquait bien de laisser une empreinte encore plus profonde sur les inconscients que Raelyn Hobday.

- Et qui sera son binôme ? Draco ?

- Surprise ?

- Pas vraiment. C'est une bonne nouvelle, il est assez facile à acheter pour qui sait lui proposer le bon prix.

- Évite de le corrompre, s'il te plaît, il n'a pas besoin de ça.

Tandis que nous nous préparions, j'eus presque l'impression d'être de retour à Poudlard, ce qui me fit réaliser que j'avais hâte d'être là-bas. Bien que j'y sois constamment obligée de mentir mais, au moins, j'étais loin du monde Sang-Pur et des manigances de Lucius.

Bien sûr, Pansy vint rectifier ma tenue – une robe grise que Narcissa avait acheté sur le chemin de Traverse quand elle avait été chercher nos fournitures – et elle s'appliqua à me maquiller.

Crystal refusa qu'elle touche à son visage.

- Je suis très bien comme je suis, Parkinson. Dans mon clan, le seul maquillage qui est toléré sont les peintures de guerre ancestrales.

Pansy haussa un sourcil.

- Et tu n'as pas pensé qu'il aurait été de bon ton que tu les portes aujourd'hui ?

Crystal eut un sourire mauvais.

- Il n'y a pas la moindre chance que ces gens m'acceptent s'ils imaginent une seule seconde que je peux représenter un danger pour eux. Si j'ai bien compris l'étiquette Sang-Pur, une jeune fille de bonne famille est censée être aussi charmante que stupide.

Pansy échangea un regard avec moi, puis grimaça.

- Le pire est que tu as sans doute raison. Ne soyez pas en retard.

Elle s'en alla rejoindre Draco pour terminer de se préparer – elle attendait toujours la dernière minute pour se changer –.

Je rejoignis bien trop vite Lucius, Narcissa et Draco dans le hall d'entrée. Ce fut à nouveau une interminable succession de révérences et de sourires faux, à peine plus tolérable que cette fête-là n'était pas en mon honneur.

Je ne pus m'empêcher de me crisper quand Lord Nott apparut dans la cheminée, sa robe de sorcier d'un noir profond immaculée, comme si la suie n'avait pas osé s'accrocher au tissu. Puisque Narcissa m'avait appris qu'il était plus influent qu'il ne le laissait croire, je me surpris à le détailler avec davantage d'attention. Il était grand, mince – presque émacié –, ses cheveux plaqués en arrière étaient tous blancs et je pouvais deviner son crâne à certains endroits. Je savais qu'Abraxas Malefoy et lui avaient été amis à Poudlard, ce qui signifiait qu'il était assez vieux pour être mon grand-père.

Je n'arrivais pas à imaginer la menace qu'il pouvait représenter.

- Alya, tu es toujours aussi ravissante, dit-il tandis que je m'inclinais devant lui.

Je dus me faire violence pour ne pas lui répondre par un regard noir. Nous savions tous les deux que j'aurais pu être hideuse sans que cela ne change quoi que ce soit. Si la pureté – supposée – de mon arbre généalogique et le montant de ma dot réussissaient à faire oublier ce dont Bellatrix et Rodolphus Lestrange s'étaient rendus coupables, ils auraient aussi effacé n'importe quel trait disgracieux.

Comme par magie.

Théodore me tendit une rose, bleue cette fois.

Je l'acceptai avec un soupir.

Ma seule consolation fut que Lucius n'insista pas pour que Théodore m'escorte jusqu'à l'estrade au fond de la grande salle de bal.

A côté de la décoration opulente de mon bal de débutante, Narcissa avait fait dans la simplicité. Seuls les bouquets de fleurs exotiques sortaient un peu de l'ordinaire. Crystal et sa grand-mère nous rejoignirent sur l'estrade, ce qui sembla prendre Lucius par surprise. Narcissa lui adressa un sourire dangereux, comme pour le mettre au défi de se donner en spectacle devant leurs invités.

- Mes chers amis, dit-elle, sans lui laisser le temps de lui poser la moindre question. Merci à tous et à toutes d'être venus ce soir. Avant que les festivités suivent leur cours, je tenais à vous présenter nos invités d'honneur : Gloria Ngozi et sa petite-fille, Crystal Malhorne, du très ancien clan des Haweqwa d'Afrique du Sud. J'espère que vous saurez leur réserver un accueil chaleureux.

Je vis la surprise sur les visages et la façon dont Lucius devint aussi raide qu'une baguette. J'avais assisté à de nombreuses réceptions depuis que j'étais en âge de me souvenir. Il y avait rarement eu des invités d'honneur et, lorsque cela avait été le cas, il s'agissait souvent de personnes travaillant au Ministère ou, une fois ou deux, de sorciers européens. Les seules autres occasions où j'avais pu croiser des sorciers étrangers avaient été lors de mariages, puisqu'il n'était pas toujours possible de conclure des alliances britanniques.

Je doutais que beaucoup d'autres personnes que les Malefoy puissent se permettre une telle folie.

Les applaudissements furent donc polis.

Narcissa entraîna ensuite Gloria et Crystal à sa suite pour les présenter en bonne et due forme. Par solidarité avec mon amie, je la suivis.

Gloria fit mine de ne parler qu'Afrikaans, ce qui ne manqua pas d'étonner à nouveau. Crystal se montra aussi charmante qu'une héritière des Vingt-Huit Consacrés, ses révérences parfaites et elle fit preuve d'un talent certain pour choisir le bon compliment. Elle avait dû étudier Le Registre Sang-Pur car elle ne fit aucun impair. Si j'avais pu, je serais restée à ses côtés toute la soirée, ne serait-ce que pour pouvoir lui souffler le nom des personnes que nous croisions, mais la société Sang-Pur ne me permit pas de m'en sortir à si bon compte. Après que Lucius et Narcissa eurent ouvert le bal, je ne tardais pas à être accostée par quelques garçons, qui m'invitèrent à danser maladroitement.

Pansy m'ayant fait une liste des plus mauvais danseurs, je réussis à ne pas sacrifier d'orteils.

Bien entendu, je ne pus échapper à une danse avec Théodore Nott.

- Quelles sont les exigences de Lord Nott, ce soir ? demandai-je, sans pouvoir m'empêcher d'être cassante.

Il eut un sourire en coin.

- Juste deux danses et encore une heure de parade. Je pourrais m'éclipser ensuite.

Un tel accord avec Lucius me coûterait sans doute mon âme.

- J'espérais que nous pourrions avoir cette discussion que tu as évoqué lors de ton bal de débutante.

Je soupirai. J'aurais aimé pouvoir lui dire que j'avais changé d'avis et que je refusai de prendre part à cette mascarade – je doutais que le monde Sang-Pur s'émeut de mon sort, mais je pouvais toujours tenter ma chance – sauf qu'à la lumière de ce que j'avais appris le matin-même, mon destin était quasiment scellé. Théodore et moi n'aurions pas d'autre choix que d'avoir une telle discussion à un moment ou à un autre.

J'étais juste un peu plus en position de force pour négocier maintenant que dans quelques mois.

- Je suppose que je peux essayer de m'éclipser dans une heure.

Il hocha la tête.

- Où ?

- Le jardin d'hiver de Lady Malefoy. Personne ne risque de nous y déranger.

Nous dansâmes en silence pendant le reste du morceau. Je fis de mon mieux pour me convaincre que tous les invités n'avaient pas les yeux rivés sur nous.

Il faudrait tout de même que je demande à Pansy quelles étaient les rumeurs à ce sujet depuis mon bal de débutante.

L'heure suivante passa plus vite que je ne l'aurais pensé. Pansy et Millicent m'aidèrent à échapper à certains prétendants – Pansy dansa même avec moi pour décourager Marcus Belby –, ce qui me permit de lui demander de me couvrir pendant que j'irai parler avec Nott.

- Ne te laisse pas dicter les termes, petite.

J'avais réussi à imposer mes conditions à Narcissa concernant le contrat magique que nous avions signé avec Gloria Ngozi. J'allais sans doute m'en sortir, Nott ou pas.

Je profitai que Lucius soit en grande discussion avec le couple McLaggen pour quitter la salle de bal. La rumeur de la musique et des conversations s'éteignit au fur et à mesure que je m'enfonçai dans les couloirs, comme pour ne devenir qu'une arrière-pensée qu'il serait si facile d'ignorer.

Sans vraie surprise, Nott n'avait pas eu le moindre problème à trouver le chemin jusqu'au Jardin d'Hiver. Pour tout ce que j'en savais, il semblait passer beaucoup de temps à errer dans les manoirs lors des fêtes.

Il me désigna les fauteuils confortables en rotin d'un geste du menton.

Ne te laisse pas dicter les termes, petite.

Je préférai m'asseoir autour de la table en fer forgé où Narcissa aimait répondre à ses lettres.

Il se garda bien de me faire une réflexion à voix haute, même si sa façon de rouler des yeux parlait d'elle-même.

Je croisai les bras sur ma poitrine tandis qu'il s'asseyait en face de moi.

- Quel serait le plan ?

Mercredi 30 Août 1995, Manoir Black, 12 Square Grimmaurd, Londres, Angleterre.

FÉLICITATIONS

À RON ET HERMIONE
LES NOUVEAUX PRÉFETS !

La table de la cuisine avait disparu sous une quantité impressionnante de plats et de boissons, ce qui n'empêchait pas Molly de continuer à agiter sa baguette au-dessus des fourneaux, tout en chantonnant.

Il eut un bref sourire. Il ne se souvenait pas de l'avoir vue d'aussi bonne humeur depuis son arrivée Square Grimmaurd.

A défaut de se servir un verre d'alcool fort – les réserves commençaient à diminuer et Remus lui avait fait comprendre qu'il ne devait pas compter sur lui pour un quelconque ravitaillement –, il se servit une bièraubeurre, puis il s'assit au bout de la table, un peu dans l'ombre, et le plus loin possible de Molly.

Elle était de bonne humeur, d'accord, mais ça ne l'empêcherait pas de lui lancer une réflexion si l'envie lui prenait.

Puisqu'il était seul dans la cuisine pour le moment, il se surprit à contempler la banderole sans vraiment la voir. Il se souvenait très bien de la nomination des préfets de Gryffondor. Il avait passé les deux mois chez les Potter et Remus et Peter les avaient rejoints la dernière semaine. Ils avaient eu l'impression d'être au sommet du monde quand le père de James avait oublié d'ensorceler le cabinet d'alcool fort. Ils avaient passé une nuit blanche à boire, ce qui avait été suivi par la pire gueule de bois de sa vie. Euphémia les avait obligés à l'aider dans le jardin toute la journée pour les punir, manquant presque de les tuer. Quand Remus avait reçu le badge de préfet le lendemain, personne n'avait été surpris.

James avait juste été affreusement jaloux le jour de la rentrée, après avoir appris que Lily Evans était – sans réel suspens – la préfète de leur année, parce qu'il était un idiot.

Cela ne l'avait pas empêché de devenir le Capitaine de l'Équipe de Quidditch en sixième année, puis le Préfet-en-Chef en septième, ce qui, avec le recul, lui avait permis de devenir ami avec Lily.

Ça, et le fait que Lily soit devenue son amie à lui durant la sixième année, après que l'épisode de la Cabane Hurlante et sa fugue aient compliqué les choses entre Remus, James, Peter et lui.

Ses yeux devinrent brûlants, sa gorge se serra. Il ne put que passer une main sur son visage, même si ce n'était pas d'une grande utilité pour l'aider à reprendre le dessus sur ses émotions. Certains jours, les souvenirs étaient si lointains et confus qu'il avait l'impression de se raccrocher aux brides d'un rêve. Parfois, sa mémoire était si saisissante qu'il se demandait s'il n'avait pas basculé dans une pensine.

Putain qu'ils lui manquaient.

Une main serra son épaule.

Remus haussa un sourcil quand il croisa son regard. Il eut un geste de la main approximatif qui lui tira un sourire crispé. La pression sur son épaule s'accentua brièvement, puis il s'installa à sa droite en silence.

Tonks et Kingsley entrèrent l'un à la suite de l'autre – sans doute parce qu'ils venaient tout droit du Ministère –. Si Kingsley écouta Molly s'extasier sur le badge de son fils, Tonks attrapa un verre et vint les rejoindre. Il nota avec un sourire en coin que, entre la chaise libre à sa gauche et celle à côté de Remus, elle n'hésita pas une seule seconde.

L'expression de Lunard s'adoucit aussitôt.

C'était vraiment dommage que James et Lily soient morts, parce qu'ils n'auraient pas hésité une seconde à parier sur une date avec lui. Les autres membres de l'Ordre étaient tous trop coincés pour le suivre sur une idée pareille.

- Vous voulez connaître la dernière ? demanda-t-elle.

Ce soir, elle avait troqué ses courtes mèches roses pour des cheveux longs d'un rouge profond ce qui, assorti à son air de conspiratrice, aurait presque pu la faire passer pour la sœur aînée des jumeaux Weasley.

- Il paraît que Dolorès Ombrage va être la prochaine prof de Défense, dit-elle, sans attendre leur réponse.

Cela faisait maintenant deux ans qu'il s'était évadé d'Azkaban, ce qui lui avait largement laissé le temps de se familiariser avec certains noms. Il lui fallut tout de même quelques secondes pour se rappeler qu'Ombrage était la Sous-Secrétaire d'État.

Remus grogna.

- Cette sale bonne femme, à Poudlard ? Fudge n'a pas trouvé une idée moins stupide ?

Et plus subtile, surtout. Si sa mémoire était exacte, Ombrage était une amie de Fudge et un soutien inconditionnel. Il était fort probable qu'elle allait plus volontiers passer son temps à espionner Dumbledore qu'à enseigner.

- Comment tu sais ça, cousine ?

Tonks eut un sourire en coin, celui-là même qui ne manquait jamais de faire battre son cœur un peu plus vite parce que, Merlin, il avait peut-être perdu James, Lily, Judy et Regulus Maellyn et Harry avaient peut-être grandi sans lui, mais il pouvait encore dire qu'il avait une famille.

- Le publication du décret d'éducation numéro 22 a piqué ma curiosité. J'ai profité de ma pause pour aller traîner dans les autres départements.

En résumé, Tonks avait abusé de ses talents de Métamorphomage pour écouter aux portes, s'approchant sans difficulté du bureau de Fudge – ce qui était un peu inquiétant, compte tenu du fait que Voldemort rôdait –.

La joyeuse bande d'adolescents – qui avait passé la journée à rassembler leurs affaires, bien qu'il évitait de trop y penser – débarqua dans la cuisine, précédant Fol-Œil d'une poignée de minutes.

Malgré lui, son regard revenait sans cesse se poser sur son filleul. S'il était tout à fait honnête, il avait été surpris que McGonagall et Dumbledore nomment Ron préfet plutôt que Harry. Certes, pour tout ce qu'il en savait, Harry était toujours fourré dans les ennuis, et il était loin d'être le meilleur élève de sa promotion, mais c'était également le cas du fils Weasley. Depuis la distribution des lettres, une part de lui avait espéré que Harry viendrait le rejoindre dans la cuisine, comme cette fois après son arrivée, et qu'il réussirait à lui arracher des confidences autour d'un chocolat chaud.

Harry était resté dans son lit et il avait noyé sa solitude au fond d'une bouteille de Whisky Pur Feu.

Il avait beau être son parrain, Harry avait grandi sans lui. Le lien qui les unissait était, à sa façon, plus fragile encore que sa relation avec Maellyn.

Il soupira. La gorgée de bièraubeurre ne fit rien pour calmer ses nerfs.

- Je crois que le moment est venu de porter un toast, dit Arthur lorsque chacun eut un verre en main.

Il imita les autres et leva son verre.

- À Ron et à Hermione, les nouveaux préfets de Gryffondor !

Tout le monde but à leur santé avant de les applaudir. Les deux gamins avaient le visage radieux. Remus se pencha vers lui.

- J'avais l'air aussi comblé ? lui souffla-t-il.

Il eut un sourire en coin.

- Tu es passé à deux doigts de pleurer, Lunard. Pourquoi crois-tu qu'on t'a offert cette foutue malle, hein ?

Remus éclata de rire. Il se leva pour remplir son assiette. Il n'avait pas vraiment faim mais il espérait que ça lui change un peu les idées.

- Je n'ai jamais été préfète, dit joyeusement Tonks.

Ça, il aurait pu le parier. Il ne se souvenait que trop bien du caractère affirmé de Tonks, petite, et de son côté casse-cou. Il doutait qu'elle avait drastiquement changé à l'adolescence.

- Le directeur de ma maison disait que je manquais de certaines qualités indispensables.

- Par exemple ? demanda Ginny en prenant une pomme de terre au four.

- Par exemple, la capacité de me conduire convenablement, répondit Tonks.

Il eut un sourire tandis que Ginny éclatait de rire. Hermione manqua de s'étouffer avec sa gorgée de bièraubeurre.

- Et toi, Sirius ? demanda Ginny en donnant à Hermione des tapes dans le dos.

Cette fois, ce fut à son tour de rire. Dans une autre vie, il aurait été réparti à Serpentard, il se serait comporté en parfait héritier et le badge lui serait revenu de droit.

Du reste, ça avait été le cas pour Regulus.

- Personne n'aurait songé à me nommer préfet, je passais trop de temps en retenue avec James. C'était Lupin, le bon élève, c'est lui qui a eu l'insigne.

- Dumbledore espérait peut-être que je parviendrais à exercer un certain contrôle sur mes meilleurs amis, intervint Remus. Est-il besoin de préciser que j'ai lamentablement échoué ?

Il ouvrit la bouche pour lui faire remarquer son hypocrisie – badge ou pas, Remus n'avait jamais été le dernier à proposer des blagues, au contraire – mais son clin d'œil le convainquit de tenir sa langue. Malgré le fait qu'il avait démissionné plus d'un an plus tôt, Remus conservait encore son aura de professeur auprès des gamins.

Une fois son assiette terminée, il se rencogna contre le dossier de sa chaise, s'obligeant à profiter de la soirée même s'il était terriblement tenté de se glisser dans la peau de Patmol.

Après douze ans à Azkaban et deux années de cavale, autant de personnes et de bruit lui paraissaient plus oppressants que les murs de sa cellule et le froid des Détraqueurs.

Toutefois, dans quelques jours, il se retrouverait seul Square Grimmaurd. Les souvenirs ne seraient pas de trop pour tenir ses démons en respect.

Alors, il écouta d'une oreille la discussion entre Lupin et Hermione – elle lui exposa en détail son point de vue sur les droits fondamentaux des elfes de maison –, Ron était en train de vanter les mérites de son nouveau balai à Tonks – à croire qu'il essayait de le revendre – tandis que les jumeaux profitaient que leur mère soit occupée à convaincre Bill de se laisser couper les cheveux pour négocier avec Mondingus.

Harry passait d'un groupe à un autre, son expression un peu trop neutre pour ne pas être suspecte. Si les choses avaient été différentes – s'il n'avait pas terminé à Azkaban ou si Peter avait tenu sa langue –, il aurait sans doute pu deviner ce qui n'allait pas – parce qu'il avait été assez doué pour lire les regards fuyants de James et les silences de Lily, avant – mais son filleul pouvait tout aussi bien être agacé par le fait qu'il n'ait pas été nommé préfet qu'inquiet à l'idée de retourner à Poudlard. Il se décida un peu trop tard à le rejoindre : Fol-Œil sortit quelque chose de sa poche et commença à lui tenir la jambe.

Plus Fol-Œil parlait, plus le gamin semblait mal à l'aise. Quand Harry trouva une opportunité de s'échapper, il ne manqua pas de lui prêter main forte.

- Qu'est-ce que tu as là, Maugrey ?

Il ne s'attendait pas à se retrouver nez-à-nez avec James, Lily et Pettigrow.

- Je suis tombé dessus en cherchant ma cape d'invisibilité de secours. J'avais complètement oublié qu'on avait pris une photo comme ça un jour.

- Moi aussi, souffla-t-il.

Ses doigts se refermèrent sur le papier glacé tandis qu'il glissait sa main gauche dans ses longues mèches noires par habitude.

Les hallucinations mises à part – et les cauchemars, maintenant –, il n'avait pas revu les visages de James et Lily aussi nettement depuis des années. Ils semblaient encore plus jeunes que dans ses souvenirs et heureux, malgré la guerre. Si sa mémoire était bonne, cette photo avait été prise quelques mois après la naissance de Harry.

Le nourrisson d'alors s'était endormi au milieu de la réunion comme un bienheureux.

Ça lui avait toujours fait bizarre de voir un bébé dans les bras de James ou Lily tandis que l'un d'entre eux parlait du nombre de morts lors de la dernière attaque et, en même temps, il n'avait pas de meilleur moyen pour leur rappeler – à tous – pourquoi ils se battaient.

Son regard se posa ensuite sur Pettigrow, sa petite stature, ses yeux larmoyants, son nez pointu.

Il se retint difficilement de déchirer la photo.

Peter était-il déjà une taupe au moment où cette photo avait été prise ? S'était-il assis entre James et Lily tout en sachant qu'un jour ou l'autre, il lui reviendrait de les condamner ?

Les autres personnages sur la photo bougèrent. Il reconnut Benjy, Marlène, Frank et Alice, Dorcas, Caradoc, Fabian et Gideon… Tous morts pendant la guerre, de façon plus ou moins violente. Combien d'entre eux Peter avait-il vendu à Voldemort ?

- RIDDIKULUS !

Le cri le sortit de son étrange torpeur. Remus se leva d'un bon. Quand il reconnut la voix de Harry – étouffée par la distance –, il l'imita sans réfléchir une seconde de plus.

Remus semblait savoir où il allait. Il monta les escaliers quatre à quatre, sa baguette brandit devant lui. La porte du grand salon était ouverte, Harry se tenait dans l'encadrement.

- Qu'est-ce qui se passe ? demanda Remus.

Le salon était plongé dans la pénombre. Une personne était allongée sur le sol. Quelqu'un sanglotait.

Il fit un pas de plus.

Il eut l'impression que son cœur se décrochait de sa poitrine.

Le corps de Harry – il avait vu trop de morts pendant la guerre pour qu'il ait le moindre doute – était étendu sur le vieux tapis poussiéreux. Le rayon de lune se reflétait sur ses lunettes.

Cette fois, il se sentit basculer à la renverse dans ses souvenirs.

Il revit James, figé dans l'exacte même position, ses yeux vitreux derrière ses lunettes de travers.

Sa poitrine terriblement immobile.

Quelque part dans sa poitrine, son cœur se brisa une fois de plus.

Il lui fallut plusieurs secondes pour réaliser qu'une sphère argentée avait remplacé le cadavre de son filleul.

- Riddikulus !

La voix de Remus était sans appel. La sphère s'évapora en une volute de fumée.

Il faillit se glisser sous la forme de Patmol mais, treize ans plus tôt, il avait laissé la douleur l'aveugler au point qu'il n'avait même pas remarqué que Harry pleurait à l'étage, juste à côté du corps sans vie de sa mère.

Putain de bordel de merde.

Ça ne l'empêcha pas de fixer l'endroit où le corps de Harry avait été pendant ce qui lui sembla être une éternité.

- C'est parce que je suis s-s-si inquiète, dit Molly, sa voix encore tremblante. La moitié de la f-f-famille fait partie de l'Ordre, ce s-s-sera un miracle si nous nous en sortons tous… Et P-P-Percy qui ne nous parle plus… Si quelque chose d-d-d'horrible arrivait et que nous n-n-ne soyons pas réconciliés avec lui ? Et que se passerait-il si Arthur et moi nous étions tués, qui s-s-s'occuperait de Ron et de Ginny ?

- Molly, ça suffit, lui répondit Remus d'un ton ferme. Ce n'est pas comme la dernière fois. L'Ordre est mieux préparé, nous avons une longueur d'avance, nous savons ce que projette Voldemort…

Molly laissa échapper un petit cri de terreur qu'il faillit saluer par un grognement.

- Voyons, Molly, il est temps de s'habituer à l'appeler par son nom. Je ne peux pas promettre que personne ne prendra de coups – qui pourrait faire une telle promesse ? –, mais nous sommes dans une meilleure situation que la dernière fois. Tu n'étais pas dans l'Ordre, à cette époque, tu ne peux pas comprendre. Nous étions à un contre vingt face aux Mangemorts et ils nous tuaient un par un…

Il passa une main lasse sur son front, comme si ça allait lui permettre de repousser les souvenirs.

- Ne t'inquiète pas pour Percy, dit-il brusquement. Il changera d'avis. C'est une simple question de temps avant que Voldemort se montre à nouveau à visage découvert. Et lorsqu'il le fera, le ministère tout entier nous suppliera de leur pardonner. Mais je ne suis pas sûr que j'accepterai leurs excuses, ajouta-t-il, amer.

- Et quant à savoir qui s'occuperait de Ron et de Ginny si toi et Arthur disparaissiez, dit Remus avec douceur, crois-tu que nous les laisserions mourir de faim ?

Il vit le sourire timide de Molly du coin de l'œil.

- Je suis une idiote, marmonna-t-elle nouveau en s'essuyant les yeux.

Ce n'était pas tout à fait le cas. Molly n'avait peut-être pas fait partie de l'Ordre à l'époque – elle avait, après tout, des enfants en bas âge et assez de soucis comme ça – mais elle avait quand même perdu ses deux frères en l'espace d'une nuit.

Merlin, rien que la photo de Fol-Œil parlait d'elle-même. Ils n'étaient qu'une poignée à avoir réchappé à la première guerre, et ils avaient payé le prix fort pour cela.

Voldemort risquait bien de se montrer sans pitié cette fois.

Il fallut encore quelques minutes à Molly pour reprendre ses esprits. Remus l'accompagna dans les étages, Fol-Œil resta dans le grand salon pour s'assurer que l'Épouvantard ne risquait pas de revenir et Harry se détourna pour rejoindre sa chambre.

Il resta seul dans le couloir, les bras ballants, les yeux brûlants, la gorge serrée, sa peau comme trop étroite pour lui.

Il se réfugia sous sa forme Animagus.

Lunard ne dit rien quand il le trouva devant la porte de sa chambre, quelques minutes plus tard. Il caressa brièvement le dessus de son crâne puis le laissa entrer.

...

Vraiment, on (et pas que moi!) s'acharne sur le pauvre petit cœur tout cassé de Sirius...


Behind the Scenes :
Il n'est pas impossible que je me sois inspirée de la fête de la Grande-Tante Joséphine dans Anne With An E pour le bal de Débutante de Maellyn, une série que je ne saurais que vous recommander !


Après tout ce temps, j'avoue que j'ai hâte d'avoir votre retour sur :

- La petite discussion entre Sirius et Harry (je les aime très fort tous les deux et, promis, ça ne sera pas la seule scène dans cette veine).

- Le tant attendu Bal de Débutante d'Alya Reina Lestrange (Narcissa a sorti le grand jeu!)

- La rumeur des futurs fiançailles entre Alya et Théodore (parce que Lulu et Archie font dans la subtilité).

- Les vacances en Sardaigne et la dernière soirée entre Maellyn, Draco et Chris (je leur devais bien ça).

- La réaction de Sirius à propos des fiançailles de sa fille (et Lulu, toujours à l'affût d'une opportunité pour se comporter comme un connard fini).

- Le bal de Débutante de Crystal Malhorne (allez, le monde Sang-Pur est un peu tombé dans le panneau xD).

Je suis encore loin de faire tout le tour de ce chapitre, alors n'hésitez pas à me dire quelle est votre scènes préférée.

D'ici la prochaine MàJ (pour laquelle je ne vais pas promettre de délais), n'hésitez pas à aller faire un tour du côté de Gravity, parce que mon cher Spin-Off fait partie intégrante de cette histoire !


Une dernière annonce : les rumeurs vont bon train ces derniers temps sur une possible fin de règne pour ce site. Si jamais le pire devait advenir, vous me retrouverez du côté de AO3 sous le même pseudo !


Sur ces bonnes paroles, n'oubliez pas de me laisser une petite review avant de partir ! Sans déconner, ça prend littéralement deux minutes !

Orlane.

Mis à jour le samedi 05/11/2022