Chapitre IV : Un Nouvel Ennemi
Une chose dont Harry n'avait pas conscience lorsqu'il était élève, c'était l'emploi du temps de ses professeurs. Par exemple, tous les vendredis soirs, une réunion pédagogique avait lieu en présence de tout le personnel de l'école pour faire le point sur la situation générale de l'école et des différentes classes.
Ce soir-là, le conseil s'acheva tardivement, et Harry ne rejoignit sa chambre que vers vingt-et-une heures. Dans la mesure où Harry n'avait pas de maison assignée, sa chambre était donc isolée. Elle était située dans une tour non loin de sa salle de classe. On y accédait par le tableau d'une vieille sorcière édentée qui ricanait quand on lui donnait le mauvais mot de passe.
Le rire caractéristique de la vieille mégère résonna au loin, alors qu'il s'approchait, et il trouva Drago, en train d'attendre devant le tableau, l'air particulièrement agacé.
-Vous cherchez à accéder à ma chambre ? Demanda le professeur de défense contre les forces du mal, amusé. Vous savez que c'est interdit d'accès aux élèves.
-Par Merlin, Harry ! Lâcha le blond surpris, avant de se reprendre. Je voulais te faire une surprise, j'ai avancé mon arrivée à ce soir. Je voulais t'attendre dans ta chambre, mais cette vieille pie attends un mot de passe, et impossible de trouver le bon.
Le brun eut un sourire aussi malfaisant que moqueur. C'était rare de le voir aussi satisfait, selon Drago cela n'annonçait rien de bon.
-Tu as essayé Peryton ?
-Et bien f'oilà ! Fit la vieille dans le cadre doré avant que les gonds ne grincent et que la porte ne s'ouvrent sur un petit escalier en colimaçon. Harry s'y glissa comme un voleur.
-Potter ! Grinça le blond à sa suite. Tu as osé donner le nom de mon patronus comme mot de passe !
-Il fallait quelque chose que personne à part moi ne pouvait connaître, et vu que tu en as honte...
-Bien entendu que j'en ai honte ! Dire que j'aurais probablement eut un magnifique dragon, si je n'étais pas tombé amoureux de toi ! Tu vas me faire le plaisir de changer de mot de passe, Potter !
-Ron m'avait suggéré « fouine », mais j'ai dit que c'était une mauvaise idée, répondit le brun, d'humeur joueuse. Tu penses quoi de « Dragounet » ?
-Si tu utilises celui-ci, on retrouvera ton cadavre au fond du lac.
-Mon petit ami est si difficile à satisfaire, s'exaspéra faussement ce dernier en se glissant dans le cou de son petit-ami pour l'embrasser dans la nuque.
Drago se retourna pour profiter des lèvres d'Harry, mais un cri interrompit son mouvement. Depuis le bas de la tour, un hurlement aigu venait de retentir. L'un et l'autre redescendirent rapidement l'escalier, et au bout du couloir, ils virent un corps allongé. Ils coururent vers lui, et découvrir Ariana Goldstein, la professeur de soin que McGonagall avait recruté sur les conseils de Drago.
Le médicomage examina le professeur en balayant son corps avec un sort d'examen médicale. Ses yeux et l'extrémité de sa baguette devinrent verts quelques secondes puis le blond donna son diagnostique.
-Il n'y a pas de séquelle physique profonde, elle est simplement évanouie, annonça t-il.
-Elle a crié, Drago. C'est que quelqu'un ou quelque chose vient de l'attaquer.
-Je sais, je te donne simplement mes premières conclusions. C'est toi, l'ancien Auror, est-ce que tu vois quelque chose ?
-Il n'y a pas de trace de combat, sa baguette est rangée, et elle était sur le ventre, ce qui indique que l'attaquant était probablement derrière son dos. Si on pouvait savoir quel maléfice, il a utilisé, ce serait utile.
-Il faudrait faire des examens approfondis, ou attendre son réveil, dans les deux cas, on devrait l'emmener à l'infirmerie.
-Je t'accompagne, précisa Harry.
-Tu t'inquiètes pour moi, Potter ?
-Oui, avoua le brun avec un ton particulièrement sérieux. Tu n'as qu'une baguette, si la chose ou la personne qui a attaqué Goldstein est encore là, tu ne pourras pas t'occuper des deux en même temps.
Drago se redressa, pointa Ariana de sa baguette, puis prononça la formule que les brancardiers prononçaient si souvent durant leurs longues journées.
-Levicorpus ! Il accompagna le mot d'un geste élégant et léger que Harry ne connaissait pas. Et Ariana s'éleva de manière uniforme comme si elle flottait sur un lit invisible, ces cheveux détachés tombant sous elle.
-D'habitude ce sort est plus brutal. Généralement, les Aurors s'en servent pour suspendre les suspects par les chevilles pendant les interrogatoires, commenta Harry, pour alléger l'ambiance, tout en prenant la position d'éclaireur.
-Vous êtes des brutes, et je te signale que c'est illégal. Je n'imagine pas le nombre de fois où tu aurais dû te mettre les menottes à toi-même.
Alors qu'ils rentraient dans le hall aux escaliers mouvants, Harry frappa trois fois dans ses mains, et les lumières des chandeliers, et des torches s'illuminèrent d'une lumière chaude dévoilant un lieu que Drago n'avait jamais vu aussi vide. Par dessus la rampe, on entendait que le silence, et au loin le ronflement de quelques tableaux.
-C'est bizarre de voir le château aussi vide, murmura le blond.
Harry acquiesça, puis secoua la première toile qu'il trouva. C'était une jeune femme brune aux boucles anglaises, habillée d'une robe de mousseline blanche, et qui possédait deux baguettes. Il expliqua la situation à la jeune femme et demanda à cette dernière de prévenir la directrice. Après quelques secondes, le temps de se tirer du sommeil, elle commença à traverser les tableaux, les uns après les autres, sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller ses voisins de toile.
-Je l'ai vu plus vide que ça, reprit finalement le brun. Pendant la reconstruction, je suis resté ici quelques semaines. Ils avaient même retirés les tableaux. C'était d'un silence sinistre.
-Tu étais là pour la reconstruction ? C'est un drôle de choix pour prendre des congés.
-Je me rends compte qu'à vouloir faire la paix avec notre passé commun, tu ne sais pas ce que j'ai fait après la bataille de Poudlard. J'étais perdu à ce moment-là. Le dernier procès, celui de Dolohov s'était terminé, et c'était peut-être un soulagement, mais ça n'apportait pas de réponses. Je suis revenu ici, parce qu'il y avait une bibliothèque, et des gens assez âgés comme Hagrid, ou McGonagall pour m'aider. Au final, les livres m'ont été d'une plus grande aide, qu'eux.
Drago fixa Harry. Il avait envie de l'embrasser tendrement, mais la situation ne s'y prêtait pas. C'était l'un de ces moments qui n'appartenaient qu'à eux. Ils échangeaient des souvenirs, des impressions, des opinions, des choses secrètes qu'ils ne confieraient à personne d'autres.
-Il n'y avait pas que ça, n'est-ce pas ? Tu venais de vaincre le Seigneur des Ténèbres, tu aurais pu obtenir tous les livres du monde de la part du Ministère.
-C'est vrai, j'avais besoin de prendre mes distances avec mes amis, et ma famille. Les Weasley faisaient le deuil de Fred, et moi aussi, mais j'avais également besoin de comprendre pourquoi cette guerre était arrivée. Pourquoi mon destin avait été sacrifié, et surtout qu'est-ce que j'allais faire maintenant ? Depuis mes dix ans, j'avais été forgé par Dumbledore pour être un soldat et un sacrifice dans sa croisade contre Voldemort...
-Sauf qu'un guerrier n'a plus besoin de l'être quand il n'y a plus de guerre, acheva Drago.
-C'est ça... Il m'a fallu du temps pour comprendre que je n'étais pas que ça... Et toi ? Tu m'as dit que tu avais quitté le manoir et ta mère parce que l'endroit devenait insupportable, mais c'est assez vague.
-Une confession contre une autre, j'imagine, fit le blond avec un sourire faussement ennuyé qu'il abandonna pour une expression plus grave et sincère. Après le procès de mon père, j'ai suivi les procès suivants. Pendant ce temps, ma mère s'enfonçait dans la mélancolie, et le manoir encore gorgée de magie noire et de la présence du Seigneur des Ténèbres n'aidait pas. Elle était de plus en plus faible, et moi je commençais à faire des crises d'angoisse. Un jour, à la fin d'une audience, j'ai même fini à Saint-Mangouste. Ce jour-là, à mon réveil, j'ai pris la décision de partir dès la conclusion du dernier procès.
-Tu n'avais aucune obligation d'assister aux procès de tous les mangemorts. Pourquoi tu t'infligeais ça ?
-Pour me punir, avoua Drago. Je pensais que revivre ses horreurs, m'infligeaient cette punition, ferait partir ma culpabilité. En réalité, cela n'a rien changé, et les crises d'angoisse sont restées, même après mon départ. Avec le recul, je pense que je m'infligeais plus une fuite qu'une sanction.
-Une fuite ?
-Une fuite dans le passé, expliqua le blond. Les procès, c'était revivre les événements de la guerre. C'était terrible et atroce, mais c'était une routine que je connaissais. Le dernier jour du procès de Dolohov, le jour où je suis parti, j'ai pris conscience que je faisais un saut dans le vide. Je n'avais plus de nom, plus d'argent, plus d'amis, plus de famille, et même plus de pays...
-Au moins, aujourd'hui, tu n'as plus de crise d'angoisse, fit Harry avec un doux sourire.
-Effectivement.
Drago avait lâché le mot avec un petit sourire furtif. Jamais il n'avouerait à son petit-ami que c'était pour une bonne part à Harry qu'il devait l'étiolement, même partiel, de ses angoisses et sa culpabilité. Ce dernier ne chercha pas plus loin, c'était déjà bien trop rare que le blond s'abandonne à quelques confessions. Ils s'avoueraient simplement cet instant de complicité, et durant quelques minutes, silencieuses, ils oublièrent Ariana et son agresseur.
Finalement, ils arrivèrent à l'infirmerie et le médicomage déposa le corps sur le lit le plus proche. Il entama une série de sortilège, balaya le corps de droite à gauche, et projetant sur le mur adjacent, grâce à sa baguette, des images du squelette, des organes internes, du système sanguin et enfin du cerveau.
-Nous avons un gagnant, on dirait, murmura t-il pour lui-même, alors que Harry revenait avec Pomfresh.
-Ceux sont des nodules magiques ? demanda l'infirmière, les yeux endormis, et la coiffure laborieuse.
-Visiblement... fit Drago, mais ils sont étrangement localisés. Certaines zones du cerveau sont entièrement vierges et d'autres sont envahies, nota le médicomage.
-C'est quoi des nodules magiques ? Demanda Harry, en fixant l'image du cerveau sur laquelle il ne voyait rien de distinctif.
-Tu te souviens quand je t'ai dit que le cerveau de Cho Chang ressemblait à une passoire ? C'est la faute de ces petites choses. Ceux sont des déformations du cerveau, provoquées par un sortilège psychique, comme une bosse après un coup. En théorie, elles disparaissent avec le temps, mais si les sorts se répètent, ou s'ils sont trop puissants, les nodules remplissent petit à petit la boîte crânienne, et elles prennent la place de la cervelle, sans en reprendre les fonctions, sinon ce serait trop facile.
-Sauf qu'un Imperium ne fait pas ça, ajouta Pomfresh. Les parties du cerveau touchées indiquent plutôt un sortilège d'amnésie.
Harry s'assit sur la chaise proche d'Ariana, et fixa le plafond. Il réfléchit pendant quelques minutes, alors que l'infirmière de Poudlard et le médicomage discutaient du traitement, le plus adapté. Le brun retourna les derniers événements dans tous les sens quand enfin il percuta.
-Drago ! Fit-il d'un coup, en bondissant. Le vol de connaissance, est-ce qu'il pourrait avoir cet effet aussi ?
-C'est possible, hésita le blond. Je ne peux pas te répondre, je n'ai jamais eut ce cas. Le sortilège est profondément méconnu, et les séquelles sur l'utilisateur.
-Je crois que la personne qui volait les savoirs des livres à décider de voler ceux des êtres vivants...
Drago fixa son petit ami avec inquiétude. Les connaissances qu'ils possédaient tous les deux représentaient un danger pour n'importe qui.
Harry connaissait le Sectumsempra, l'emplacement de la carte du Maraudeur, de la cape d'invisibilité originelle, et de la pierre de résurrection. En secret, il savait également utiliser des sorts noirs. Ils étaient issus du grimoire de sa famille ou de ses nombreux combats contre des mages noirs.
Drago lui avait étudié les arts obscurs pour contrer malédiction et sortilèges sinistres. Par conséquent, ils connaissaient de nombreux rituels aussi sanglants que puissants, des sorts de soin particulièrement efficaces, mais également des méthodes médicales hautement douloureuses. Mais la chose la plus dangereuse dans son esprit, le savoir le plus dangereux, était la recette de la Larme du Diable. Il avait mémorisé la recette lors de leur combat avec le Seigneur des Cendres, pour pouvoir saboter la potion, mais désormais, ce savoir qui avait sauver le monde devenait une menace.
Si Harry disait vrai, l'agresseur d'Ariana auraient bientôt les deux amants comme cibles prioritaires.
