CHAPITRE 9 : Retrouvailles et explications
La cabine était plongée dans la pénombre, grâce aux rideaux tirés sur les hublots pour empêcher le soleil de midi d'y pénétrer. La semi-obscurité l'interpela, pour la simple et bonne raison que Nami se décrivait souvent comme une plante (quand ce n'était pas un chat), qui avait besoin de beaucoup d'eau et de lumière pour prospérer et être magnifique. Toutefois, ce détail passa au second plan lorsqu'il repéra immédiatement la « chatte-voleuse » qui lui tournait le dos et s'éloignait en direction du lit. Son agacement monta d'un cran et Zoro ferma la porte derrière lui, sans réelle délicatesse, pour la rattraper et la forcer à lui faire face. Il voulait des réponses… non, il voulait juste qu'elle lui parle (ou lui hurle dessus), au lieu de le maintenir à l'écart et de l'ignorer.
Ce n'était plus vivable, et quatre jours sans la voir, sans pouvoir plonger son regard dans ses prunelles auburn, sans entendre sa voix, sans écouter son rire, alors qu'elle ne se trouvait à quelques mètres de lui, le rendait secrètement fou. Il avait mis du temps à se l'avouer, mais malheureusement, il s'agissait bien de la vérité, Zoro était fou d'elle. Sinon pourquoi se comporterait-il de façon aussi délirante depuis quelques jours ?
Il fit un pas, et aussitôt, s'empêtra le pieds dans une chose molle qui manquât de le faire tomber et de renverser le contenu du plateau. Je jeune homme jura comme un charretier à la réalisation que peu importe où il mettait les pieds, il y avait toujours un petit monticule moelleux pour le déstabiliser. Une fois revenu sur le plancher ferme et plat, Zoro fulmina et s'apprêta à hausser la voix à l'encontre de sa concubine, quand son œil acéré capta un indice qui fit sonner une alarme dans sa tête.
Le sol et les meubles étaient jonchés de vêtements divers et variés, et à y regarder de plus près, tous appartenaient à la jolie rousse. Après un coup d'œil circulaire à la pièce, l'alarme résonna plus fort et un nœud se forma dans son estomac. Il y avait définitivement quelque chose qui n'allait pas chez Nami. Leur chambre était un vrai champ de bataille, outre les vêtements jetés aux quatre coins de la pièce, les deux chaises avaient été reversée, le vase qui trônait précédemment sur la table, était en miette aux pieds du mur, les fleurs, elles, étaient complètement desséchées et réduites en charpies. Tous les miroirs de la chambre étaient calfeutrés volontairement sous des tentures ou des vêtements.
A la fin de son inspection, son attention se reposa sur la rouquine et sa colère se volatilisa. Nami était assise sur le bord du lit, dans un de ses sweat à manches longues, bien trop grand pour elle, si bien qu'elle donnait l'impression d'être minuscule et toute fragile. Ses cheveux décoiffés retombaient maladroitement dans son dos et paraissaient emmêlés à certains endroits, il y avait même quelques mèches qui partaient dans des angles étranges sur le dessus de sa tête. Son teint était pâle et, même de profil, il pouvait voir que ses traits étaient tirés par la fatigue ou le tourment, ou peut-être les deux. Mais le pire, c'était qu'elle n'osait pas le regarder…
Et là, il ressentit un poids lui retomber lourdement sur l'estomac. Certainement celui de la culpabilité, car il ne pouvait s'empêcher de penser que tout ceci était de sa faute. Pourquoi avait-il attendu aussi longtemps avant de provoquer la confrontation ?!
Zoro se débarrassa du plateau sur la table, puis il fit une chose qu'il n'aurait jamais cru devoir refaire de sa vie. Mettant sa fierté de côté comme lui avait conseillé Jinbe, l'épéiste n'hésita pas une seconde à tomber à genoux pour s'incliner en avant, jusqu'à ce que son front ne soit collé au planché, les mains à plat de chaque côté de sa tête.
- Je te demande pardon, Nami. Je me suis emporté l'autre jour. A aucun moment, je n'ai pensé que nous deux, c'était une erreur. Je t'ai blessé sans le vouloir avec toute cette histoire avec Hiyori parce que je n'ai pas su voir qu'elle avait des sentiments pour moi. Il n'y a que toi, et il n'y a toujours eu que toi, comme il n'y aura que toi. Je suis désolé si je ne te l'ai pas assez prouvé ces derniers temps pour que tu en viennes à douter de moi, mais sache que j'ai toujours été honnête avec toi et je t'ai toujours été fidèle...
- Arrête s'il te plait, souffla douloureusement la jeune femme. Relève-toi.
- Non, parce que je veux que tu saches à quel point c'est important, je veux que tu comprennes pourquoi je ne me débarrasserais pas d'Enma, même si tu me demande une nouvelle fois de choisir en elle et toi.
- Zoro… ce n'est pas la peine…, je n'aurais jamais dû te demander ça. Alors inutile de t'excuser, et puis ça ne te ressemble pas de t'agenouiller devant quelqu'un.
Sa petite voix mal assurée manquait de conviction, et l'entendre aussi abattue lui fit mal. Mais il fallait combattre le mal par le mal. S'il se contentait de lui obéir, et de ce fait, rester sur des non-dits, Zoro sentait que cela allait finir par les ronger. L'abcès devait être crevé pour éviter que la gangrène ne s'installe et ne pourrisse leur relation.
- Je le fais uniquement lorsque l'importance de l'enjeu l'exige. Ecoute-moi ! insista-t-il avec plus de force et le front toujours plaqué au sol. Je refuse de perdre des êtres qui me sont cher à cause de ma faiblesse. Devenir le meilleur épéiste du monde n'est pas qu'une promesse que j'ai faite à une amie décédée, c'est aussi la promesse de protéger tous ceux qui me sont cher et de les aider à atteindre leur rêve. Qu'importe qui me l'a donné, Enma m'a permis de progresser, et c'est aussi à elle que je dois ma victoire, notre victoire sur Kaido. Alors, jamais je ne renoncerais à une lame qui me rend plus fort, car si jamais je venais à le faire, cela signifierait que j'ai arrêté de me battre, que je n'en n'aurais plus rien à faire de toi, ou de quiconque à bord de ce navire.
La tête baissée de la sorte, Zoro ne pouvait pas voir les expressions qui se jouaient sur le visage de son amante mais le long silence qui en suivit, entrecoupé par une respiration laborieuse et quelques reniflements, lui indiquèrent que Nami était bouleversée. Il lutta contre sa fierté qui s'offusquait dans un coin de son esprit, pour rester si longtemps en position de soumission, il lutta contre l'envie de se redresser afin de la prendre dans ses bras. Nami devait comprendre qu'elle signifiait bien plus.
Le léger grincement du lit ainsi que le bruissement des draps, l'informèrent que la jeune femme venait de bouger, et les vibrations sur le planché accompagnées du bruit étouffé de ses pas sur les vêtements, trahirent ses déplacements. Il l'écouta farfouiller sous le lit, puis il y eut un désagréablement crissement, comme celui du papier froissé, et les pas feutrés vinrent dans sa direction.
- Ne me force pas à être violente, parce que je n'en n'ai vraiment pas envie. Alors, relève-toi, s'il te plait, lui ordonna-t-elle un peu plus fermement. J'ai… j'ai quelque chose pour toi.
Dans sa voix couvait une certaine lassitude dû à l'épuisement, mais il y décela une forme d'impératif qui le convainquit de redresser la tête. Pour la première fois en quatre jours, Zoro croisait enfin le regard chocolaté de sa compagne, et il put enfin prendre pleinement en compte l'ampleur des conséquences que leur dispute avait provoqué. Ses grands yeux si pétillants d'habitude, étaient rougis par les larmes, sous lesquels de gros cernes creusaient un faussé qui semblait vouloir s'étendre jusqu'à ses pommettes. Une lueur mélancolique, presque inquiète, se reflétait dans le miroitement de ses grands orbes bruns. Nami croisait les bras par-dessus son sweat over-size avec un sac qui pendait au bout de sa main, intensifiant l'impression de vulnérabilité qui émanait d'elle. Soudain, la peur d'avoir commis l'irréparable lui glaça le sang.
L'inquiétude solidement accroché aux tripes, Zoro bondit sur ses pieds, pour la toiser rapidement de sa hauteur, et s'empressa d'enrouler ses bras autour de sa silhouette minuscule. L'un enroulé autour de sa taille, et l'autre passé autour de ses épaules, il la pressa étroitement contre son torse, avec une main dans sa chevelure enchevêtrée.
Le plaisir qu'il ressentit à sentir sa chaleur se confondre avec la sienne, fut presque coupable lorsqu'elle s'accrocha à lui en tremblotant. Qu'importe la remarque de Luffy concernant sa prise de poids, lui, tout ce qu'il constatait, c'était que Nami paraissait toujours aussi fragile entre ses bras puissants. S'il n'avait pointer ce détail, de façon aussi maladroite et malvenue, Zoro ne l'aurait même pas remarqué, et puis de toute façon il s'en fichait bien.
- Je t'aime, tu sais ? souffla-t-il contre ses cheveux.
A ses mots, Nami resserra son étreinte et enfouit son nez dans l'encolure de son amant. Au moins, elle ne le rejetait pas, ce qui était un signe plutôt positif. En revanche, devait-il s'inquiéter de son temps de réponse qui s'allongeait de plus en plus ?
Bam*
Une faible douleur se répandit au sommet de son crâne et fit hérisser les petits cheveux qu'il avait la base de la nuque. Instinctivement, le bretteur l'écarta à bout de bras avec une moue indignée :
- Hey ! J'peux savoir en quel honneur ?
- Crétin ! Arrête de vouloir me faire pleurer ! bougonna la jeune femme.
Cependant, le sourire qu'elle tentait vainement de ravaler, contrastait avec la réprimande. Ses yeux noisette miroitaient dangereusement mais la mélancolie qui résidait précédemment avait disparu, au profit d'une joie sincère, et le cœur de Zoro se mit à battre plus fort. Lui non plus ne put réprimer le sourire qui naquît sur son visage quelque peu rouillé par des jours mornes, passés à ruminer.
- Tu es toujours fâchée contre moi ? s'enquit doucement Zoro.
Ce moment d'hésitation qui précéda sa réponse, fut suffisant pour resserrer le nœud dans son estomac.
- Difficile à dire...
Aïe...et lui qui pensait que sa déclaration d'amour avait suffit.
- Je sais très bien que tu ne me mens pas. Je l'ai toujours su, même quand tu m'as avoué ce qu'il s'était passé avec elle... et je pensais sincèrement que ce n'était pas grave, que je ne t'en voudrais pas, parce qu'au final, je sais très bien que tu n'avais rien remarqué... c'est juste que... entre savoir ce qu'il s'est produit, et le voir en photo... je ne sais pas... disons que dans un autre contexte, ça aurait été différent mais... je n'ai pas pu m'empêcher de me sentir trahis. Ca m'a beaucoup blessée...
Une perle translucide roula sur ses longs cils avant de s'élancer afin de dévaler la pente de sa joue mais le jeune homme fut plus prompt à réagir et l'intercepta de son pouce. Sa main épousa doucement la courbe de son visage et il caressa d'un geste tendre, la marque de son sommeil troublé qui abîmait ses traits. Nami ferma les yeux et posa sa main sur la sienne.
- Je suis désolée, souffla-t-il en collant son front à celui de son amante.
- Je sais. Mais je t'aime, toi et ta bêtise, en tout cas assez pour te pardonner.
Malgré l'insulte, Zoro ne put réprimer le sourire de fendre son visage. Ce " je t'aime " était le meilleur des baumes pour apaiser son âme agitée.
Cette proximité renouvelée, faite dans la tendresse et la sincérité leur fit un bien fou. C'était leur première vraie crise de couple, et autant dire que ce n'était pas quelque chose qu'il avait envie de renouveler de sitôt. Il appréciait leurs chamailleries, il aimait quand Nami lui tenait tête ou quand elle râlait à son sujet, cela faisait partie de leur dynamique et elle pimentait leur vie de couple, mais c'était sans conséquences, tant qu'elle revenait dans ses bras à la nuit tombée.
Lui, le loup solitaire, si fier de son indépendance, c'était vu apprivoisé avec une facilité déconcertante par un simple petit bout de femme. Avec le temps, il avait renoncé à comprendre comment une telle sorcellerie avait bien pu l'envouter de la sorte, car au final, ça n'avait plus d'importe. Il était heureux.
Lorsqu'elle rouvrit ses mirettes, tout l'amour qu'elle éprouvait pour lui, l'engloutit dans un tourbillon chocolaté, et le laissa sans voix. Nami entremêla leurs doigts avant de reculer sans pour autant le lâcher du regard, et l'entraina tout doucement vers le lit. Elle s'assit sur le rebord, puis l'incita à faire de même, d'une petite tape sur le matelas tout en tirant sur leur mains jointes. Zoro s'exécuta, fronçant légèrement les sourcils quand elle lui donna un sac en papier cartonné de couleur blanche. Il supposa que c'était ça qu'elle avait sorti de dessous le lit, mais pourquoi l'avoir caché en premier lieu ? Ce n'était pas son anniversaire… enfin, il ne pensait pas… quel jour était-on déjà ?
Le sourire de la rouquine était vacillant, voir incertain, tinté d'appréhension. Puis elle récupéra timidement sa main et son regard abandonna le sien pour aller se poser sur le sac sur les genoux de l'épéiste. Elle tritura ses ongles d'un geste qu'il savait nerveux.
- Tu sais, je t'ai dis que dans un autre contexte, j'aurais pris cet article différemment... eh bien disons que ça a un rapport avec ça.
Elle pointa du doigt, le petit sac qu'il tenait entre les mains, et Zoro marqua son incompréhension d'un froncement prononcé des sourcils.
- C'est un truc que j'ai acheté sur la dernière île où on a accosté. Je… j'ai longuement hésité à te le donner, parce que je ne savais vraiment pas comment tu allais réagir… d'ailleurs je ne le sais toujours pas, déclara-t-elle avec un petit rire sans conviction. Mais je ne peux pas le garder indéfiniment pour moi… et plus les jours avance et plus ça m'angoisse. Alors vas-y. Ouvre-le.
Alors là, il était sur le cul. Et il ne savait pas ce qu'était le plus surprenant dans tout ce qu'elle venait de lui avouer. Le fait qu'elle lui ait acheté quelque chose ? Le fait qu'elle ait peur de sa réaction ? Ou bien le fait que ce cadeau l'angoisse ? Non vraiment, il ne savait pas. Et en quoi ça avait un rapport avec leur dispute ?
- Pourquoi tu m'as acheté un truc ? Ce n'est pas encore mon anniversaire… enfin je ne crois pas… et puis tu n'es pas obligé de…
- SI ! s'exclama-t-elle subitement.
Puis Nami passa une main agitée dans sa chevelure ébouriffée pour calmer ses nerfs. Son anxiété soulevait de plus en plus d'interrogation chez l'épéiste.
- Je veux que tu l'ouvres. J'ai besoin que tu l'ouvres. Je n'en peux plus de passer mes jours et mes nuits à m'inquiéter… à me poser sans cesse des questions auxquelles je n'aurais jamais de réponses si tu n'ouvres pas ce fichu paquet !
- Attend… c'est ça qui te tracasse depuis quelque temps ?! Qui te met sur les nerfs ?
- En quelque sorte…
Maintenant il était vraiment curieux. Qu'est-ce qu'elle avait bien pu acheter pour la mettre dans des états pareils ? Zoro se força à garder son calme tout en sachant que ces quatre derniers jours n'avaient peut-être pas été que de sa faute, mais aussi dû à ce qu'il y avait à l'intérieur de ce sac. Ça ne servait à rien de s'énerver contre Nami pour cela, elle se rendait suffisamment malade toute seule, mais de son point de vue, c'était grotesque.
Il commença par tirer sur le ruban bleu clair qui tenait les rabats du sac bien fermés, puis les écarta fermement et plongea la main sans hésiter pour en ressortir l'objet de la discorde. Les secondes qui suivirent, s'écoulèrent dans un silence méditatif et perplexe, où il contempla ce qu'il tenait dans une main. Zoro sentait le poids du regard anxieux de Nami sur lui, mais son attention était toute entière sur l'objet, ou plutôt les deux objets, que lui avait offert son amante.
A suivre...
Une idée de ce qu'elle a pu lui offrir ? La réponse au prochain chapitre !
A bientôt !
