Résumé :
« — Non… Keiji.
Il s'approcha pour le prendre dans ses bras, tentant de le ramener à lui et de le réchauffer.
Le brun ne réagit pas.
— Keiji… revient…
Il fallait qu'il trouve une solution, il fallait qu'il fasse quelque chose !
Mais que devait-il faire au juste ? »
TW : Attaque de panique/ mention abus psychologique, séquestration
Chapitre 37: Kuklos 3
« — Je crois qu'il est rentré en torpeur, ou qu'il a failli… »
Kuroo frissonna en touchant sa peau : elle était glacée.
— Keiji…
« — C'est quand tout le fonctionnement des organes ralentit, comme une hibernation profonde. »
Kuroo enserra le poignet de son amoureux. Les battements de son cœur n'étaient plus qu'un faible murmure.
« Les alphas peuvent en mourir… »
Son visage avait tant pâli.
Tetsurō sentit son cœur se serrer douloureusement.
— Keiji…
« Ça peut être mortel, ça aurait pu le tuer ! J'aurais pu le tuer Tetsu ! »
Il sentit ses yeux se noyer de larmes.
— Non… Keiji.
Il s'approcha pour le prendre dans ses bras, tentant de le ramener à lui et de le réchauffer.
Le brun ne réagit pas.
— Keiji… revient…
Il fallait qu'il trouve une solution, il fallait qu'il fasse quelque chose !
Mais que devait-il faire au juste ?
Il se redressa.
— Merde, merde, merde, murmura-t-il pour lui-même.
Il se força à respirer profondément pour que son rythme cardiaque ne s'emballe pas et qu'il puisse rester un minimum lucide, mais l'effort ne fit qu'empirer son état. Il fallait qu'il le réchauffe, si sa température corporelle chutait encore il allait tomber dans le coma. Il se précipita dans sa chambre et prit sa couverture avant de retourner dans le couloir. Il s'accroupit face à Keiji et l'entoura de la couverture. Le brun ne réagissait toujours pas, son regard perdu dans le vide.
S'il n'arrivait pas à bouger Keiji, Kenma ne se calmerait pas, et si Kenma ne se calmait pas, Keiji ne sortirait surement pas de sa torpeur.
— Réfléchit, réfléchit, réfléchit putain…
Sa propre conscience commençait à sombrer, seules la panique et l'angoisse tournaient dans sa tête.
— Allez Tetsu, trouve une solution.
Il se redressa, partit en direction de la salle de bain, puis finalement fit demi-tour. Il s'arrêta dans le salon, tournant sur lui-même, incapable de prendre une décision raisonnable.
— Réfléchit putain, réfléchit…
Son esprit lui hurlait toutes les issues tragiques pouvant se produire, sans lui proposer une solution la compression de sa cage thoracique le faisait suffoquer, et son cœur battait si rapidement qu'il aurait voulu se l'arracher pour le faire taire. Il fit volte-face, toujours à la recherche d'une solution. Avant même qu'il n'ait pu faire un pas de plus, il s'écroula, écrasé par le poids de son angoisse. Il se retrouva accroupi au sol. Instinctivement il enfouit sa tête dans ses genoux et enserra ses bras autour de son crâne, commençant à se balancer d'avant en arrière, dévoré de panique.
— Respire Tetsu, respire, murmura-t-il pour lui-même, tentant de contrôler son souffle.
— Ça va aller, ça va aller, on va trouver une solution… on va trouver…
Il échappa un gémissement de détresse, mais continua de contrôler sa respiration et de se répéter ces paroles en boucles.
— Ok, ok… lève-toi, on va trouver une solution, on va trouver…
Son téléphone ! Il fallait qu'il trouve de l'aide, il fallait qu'il fasse quelque chose !
Il réussit à se lever d'un coup, il se précipita dans la chambre, et se jeta au sol pour récupérer son téléphone. Il le trouva finalement, et tenta de le déverrouiller : l'écran resta noir, plus de batterie.
— Merde, merde, merde !
Il balança son portable et ressortit de la chambre en courant et retourna dans le salon.
— Ok, ok, ça va, continuait-il de se répéter en boucle.
Il savait que Kōtarō et Keiji avaient laissé leurs téléphones ici, mais où ? Le meuble d'entrée ! Il s'y précipita et ouvrit le premier tiroir à la volée, les deux cellulaires étaient là. Les mains tremblantes il saisit le premier : éteint. Le second était encore allumé, celui de Keiji. Il déverrouilla le téléphone, ne sachant toujours pas qui il devait appeler. Sans réfléchir, il ouvrit le journal des appels et tomba sur le dernier numéro ayant été composé. Tetsurō, les membres toujours secoués de panique, appuya dessus pour appeler ledit numéro sans réfléchir une seconde de plus. Il échappa un soupir de soulagement en entendant le correspondant décrocher.
— 'Kaashi, tu fous quoi à m'appeler en pleine nuit-là ? Tu soul, t'as un pète au casque ou…
— Konoha-san…
Sa voix était tremblante et gorgée d'angoisse.
Silence.
— Kuroo ?
Silence.
— Qu'est-ce qu'il se passe ?
La colère avait quitté son interlocuteur, maintenant remplacé par l'inquiétude.
— Je suis désolé d'appeler en pleine nuit je… je sais pas pourquoi -il échappa un gémissement étouffé- j'ai vu le numéro et je… désolé.
— Ça va, ça va, qu'est-ce qu'il se passe Kuroo ?
L'interpellé tenta de répondre mais la voix se bloqua dans sa gorge.
— Il se passe quelque chose avec Akaashi ?
Kuroo lui répondit par un son étouffé, hochant frénétiquement la tête.
— Tu peux me dire ce qu'il se passe ?
La douceur et la maitrise du ton le rassurèrent autant qu'ils le bouleversèrent. Il explosa en larme et se recroquevilla sur lui-même, recommençant à se balancer, gardant le téléphone bien plaqué contre son oreille.
— Il… la voix mourut dans sa gorge.
Il reprit une grande inspiration et reprit :
— Je crois qu'il… qu'il est rentré en torpeur.
Il entendit Konoha échapper un hoquet de surprise. Le blond reprit sa respiration et lui répondit.
— Ok Kuroo, on va trouver une solution ne t'en fait pas. Tu sais ce qui l'a déclenché ?
— Oui…
— Tu peux me le dire ?
— Kenma…
— Kozume ?
— Oui… il… est pas lui-même non plus… Il panique et… Il… il a peur de… de Keiji et… il est pas lui-même, il le reconnait pas…
— Il est où là ?
— Dans sa chambre… Il a tout renversé et il essaye de… mais Keiji est devant la porte, il ne bougera pas…
Il entendit le blond prendre une nouvelle inspiration.
— Ok, Kuroo… On va trouver une solution. Est-ce que tu sais si Kozume a commencé à nidifier ?
— Oui, je crois… Je sais pas...
Il l'entendit soupirer, mais il se reprit rapidement.
— Ok, on va trouver. Déjà il faut éviter que la température corporelle d'Akaashi ne chute trop.
— Je lui ai mis une couverture…
— Ok c'est bien, mais on va essayer de faire plus ok ?
— Ok…
— Ok… hum… il doit y avoir une trousse de secours quelque part, ou un sac préparé en cas de tremblement de terre, il doit y avoir une couverture de survie à l'intérieur. Tu peux aller chercher ça ? Je reste en ligne.
— Ok…
Kuroo se releva finalement, tentant de localiser l'item en question. Il alla voir dans la cuisine, il lui semblait être tombé sur un kit de survie lorsqu'il avait inspecté tous les placards plus tôt dans la semaine. Il le retrouva et fouilla à l'intérieur, il tomba finalement sur une couverture de survie.
— Je l'ai…
— Ok, très bien, va la mettre sur Akaashi maintenant.
Tetsurō hocha la tête et s'exécuta. Keiji ne réagit toujours pas en le voyant faire.
— C'est bon… Mais il réagit toujours pas.
— Il va falloir un peu de temps pour qu'il revienne à lui, mais ça va aller… Maintenant on va essayer de calmer Kozume.
— Ok…
— Ça doit être les phéromones d'Akaashi qui l'ont mis dans cet état… Bokuto ?
— Il dort encore je crois…
— Ok… On va essayer de pas le réveiller pour le moment, c'est mieux comme ça. Ok… hum.
Tetsurō l'entendit soupirer. Il reprit finalement d'une voix maitrisée :
— Kuroo, si tu as des vêtements que tu peux lui donner, que tu as mis il n'y a pas longtemps, va lui donner, avoir une odeur familière dans son nid pourrait l'aider.
— Ok… Je dois sortir dehors, la porte est verrouillée, dit-il.
— Ok, vas-y.
Sans raccrocher, Kuroo retourna dans sa chambre et prit le plus de vêtements possible, il repartit au pas de course, perdant la moitié en route. Il sortit de nouveau dehors et retourna à la fenêtre de Kenma. Il posa le téléphone sur le rebord de la fenêtre et jeta le tas de vêtements à l'intérieur avant d'escalader le rebord de la fenêtre.
— Je suis dans la chambre, murmura-t-il en reprenant le téléphone.
— Ok, va lui apporter.
Il hocha la tête sans lui répondre à voix haute. Il reprit le tas de vêtements et fit le tour du lit.
— Kenma, c'est moi.
Lorsqu'il eut finalement fait le tour, il trouva de nouveau Kenma. Il s'était encore entouré de tout ce qui lui était tombé sous la main. Il capta son regard. Il était toujours perclus de panique, ébranlé de peur.
— Je viens juste te donner ça ok ? Pour toi.
Il le vit tenter de signer quelque chose mais ses membres étaient bien trop agités pour qu'il arrive à formuler quoi que ce soit.
— Ça va aller, ça va aller, je suis là, murmura le brun, ne sachant plus s'il essayait de rassurer Kenma ou lui-même. Je vais m'approcher d'accord ?
Kenma recula et commença à grogner en le voyant initier le premier mouvement. Tetsurō se stoppa.
— Je vais juste m'approcher un peu, pour te donner ça. Ça te va ?
Le blond se détendit et hocha finalement la tête.
Doucement, Tetsurō se redressa et s'approcha. Il s'arrêta à quelques pas de Kenma, s'assit et poussa les vêtements vers lui. Le blond regarda le tas quelques instants avant de se pencher pour le récupérer, s'affairant tout de suite à les placer tout autour de lui.
— C'est bon, dit-il en reprenant le portable. Et maintenant ?
— On va attendre un peu…
Kuroo ne répondit pas mais garda le téléphone contre son oreille. Au bout de quelques instants, Kenma sembla finalement se calmer, mais il décelait toujours la peur dans son regard alors qu'il tourna de nouveau les yeux vers la porte de sa chambre.
Il entendit des coups de sifflet retentir : Kōtarō s'était réveillé.
Kuroo l'entendit tenter de l'appeler, il l'entendait pleurer.
— Kōtarō s'est réveillé…
— Oh… entendit-il murmurer à l'autre bout du fil… Ok… hum…
Un bip retentit plusieurs fois et Kuroo éloigna le téléphone de son oreille pour voir de quoi il s'agissait. Il sentit son corps secoué d'une nouvelle vague de panique en constatant que le portable n'avait plus que quelques pour cent de batterie.
— Bordel… J'ai presque plus de batteries… merde…
Konoha prit une grande inspiration.
— Ok, Kuroo, je vais raccrocher ok ?
— Non, non, non !
— Ça va aller, éteint le téléphone pour économiser la batterie. Va chercher Bokuto et amène-le voir Kozume, ça devrait les calmer, je pense… D'accord ?
— Oui…
— Retourne voir 'Kaashi rapidement ensuite, garde le téléphone. S'il n'est pas revenu à lui dans dix minutes, appel les urgences directement, ok ?
Kuroo ferma les yeux, tentant d'empêcher que sa respiration s'emballe.
— Ok ?
— Ok.
— Ok, je vais raccrocher, mais ça va aller ok. Ça va aller, tu vas t'en sortir, ok.
— Ok.
— Envoie-moi un message dès que tu peux. Courage.
Et il raccrocha. Kuroo sentit son cœur se soulever, mais il suivit tout de même les instructions et éteignit le téléphone.
Les coups de sifflet avaient repris de plus belle, ce qui n'arrangeait rien à l'état de Kenma qui avait maintenant les mains plaquées sur les oreilles, il avait fermement clos ses paupières.
— Kenma, je reviens, je reviens.
Le blond ne réagit pas Kuroo attendit quelques secondes mais finalement, il repartit avant d'avoir eu une réponse. Il ressortit dehors et partit au pas de course. Il s'arrêta quelques instants dans le couloir pour vérifier l'état de Keiji. Il n'était pas revenu complément à lui, mais son état semblait stabilisé. Tetsurō se précipita donc dans la chambre de Kōtarō. Il ouvrit la porte à la volée et trouva directement son regard. Il était tout au bord de la tonnelle, le visage défait de larme et de panique. Il étendit ses bras à la seconde où il vit son petit-ami et ce dernier s'approcha pour l'étreindre. Il le sera furieusement contre lui, et Kuroo dut se séparer de lui de force pour pouvoir lui faire face.
— J'ai besoin de toi Babe, j'ai besoin de toi.
Ce dernier acquiesça.
— Tu peux marcher ?
Il hocha négativement la tête.
— Ok, hum…
Kuroo commençait à avoir les idées un peu plus claires. Il alla récupérer dans les bagages de son petit-ami quelques vêtements, puis s'approcha de ce dernier. Il récupéra un plaid pour le couvrir et finalement lui demanda en lui présentant son dos :
— Monte.
Kōtarō passa ses bras autour de sa nuque et monta. L'adrénaline aidant, il se redressa sans soucis et sortit de la chambre. Il fit un premier arrêt près de Keiji pour répartir autour de lui toutes les affaires qu'il avait prises dans la chambre ainsi que les quelques vêtements qu'il avait fait tomber plus tôt. Kōtarō s'approcha de son partenaire, bouleversé de le voir dans cet état. Il passa ses mains sur son visage, avant de laisser son front retomber sur celui de son partenaire, échappant une nouvelle salve de larmes. Tetsu se pencha et plaça une main sur son dos pour le rassurer.
— Ça va aller Kō, ça va aller… On va voir Kenma, ok ?
Son amoureux se détacha de son partenaire et hocha la tête, étendant les bras pour pouvoir être porté. Kuroo le laissa entourer ses bras autour de sa nuque et encercler ses jambes autour de son bassin. Le ceinturant au niveau du dos, il se redressa et se dirigea de nouveau vers la porte d'entrée. Il sentit Kōtarō frissonner lorsqu'ils se retrouvèrent au contact de l'air nocturne. Il resserra sa prise autour de lui et continua. Ils arrivèrent enfin jusqu'à la fenêtre. Tetsurō posa son petit-ami pour qu'il puisse s'asseoir, il rentra et le récupéra une fois à l'intérieur. Il l'entendit peiner à respirer, l'odeur de peur régnant dans la pièce était étouffante.
— Kenma, regarde avec qui je reviens, murmura le brun une fois passé derrière le lit renversé.
Il vit les yeux du blond s'écarquiller en constatant la présence de Kōtarō. Leurs regards se captèrent instantanément. Kōtarō tapa sur son épaule pour qu'il le pose et il s'exécuta. Une fois au sol, il s'approcha directement du blond. Il se stoppa en entendant ce dernier grogner en s'enfonçant dans son nid. Il se contenta alors de rester à distance, assis face à Kenma. Il commença à ronronner profondément, sans pour autant s'approcher. Kuroo resta en arrière. Il sentit l'atmosphère de la pièce commencer à s'alléger au fur et à mesure que l'odeur de Bokuto se répandait tout autour, annihilant peu à peu la lourdeur de la panique. Il vit Kenma se calmer, commençant à reprendre pied. Kōtarō, captant ce changement, s'avança vers lui, le blond le laissa faire, il lui permit de rentrer dans son nid de fortune, il le laissa se pencher pour l'enlacer. Kuroo échappa un soupir de soulagement en voyant Kenma s'apaiser. Kōtarō tourna les yeux et il hocha la tête : la situation était sous contrôle de ce côté. Tetsurō hocha la tête et se résolut à repartir. Il espérait de tout son être que Keiji allait bien. Une fois retourné dans le salon, il pencha la tête pour l'apercevoir dans le couloir, approchant à pas de loup. La peur continuait de faire des nœuds dans son ventre.
— Love ? tenta-t-il finalement.
Il sentit son cœur se soulever, profondément soulagé lorsqu'il vit Keiji tourner la tête dans sa direction.
— Oh bordel, échappa-t-il.
Il se précipita dans sa direction et se laissa tomber face à lui.
— Oh bordel, bordel, tu vas bien !
Il prit ses mains entre les siennes, il sentit des larmes de soulagement lui monter aux yeux en sentant la chaleur en émanant. En pinçant son poignet il constata également que son rythme cardiaque s'était stabilisé. Il lâcha finalement ses mains pour pouvoir prendre son visage dans les siennes. Leurs regards se captèrent.
— J'ai eu si peur, murmura-t-il dans un souffle.
Il vit les yeux de son amoureux se remplir de larmes. Son soulagement n'était pas partagé, et il le vit directement. Keiji était toujours en souffrance, reprendre pleinement conscience ne faisait que le mettre face à ce qui s'était produit, ne faisait que réveiller la douleur. Il se sentait abandonné, inadéquat, fautif. Les larmes commencèrent à rouler sur ses joues dans un flot d'une violence silencieuse.
— Mon amour… murmura Kuroo, profondément peiné.
Il l'attira à lui pour le serrer fort contre lui.
— Je suis désolé Love… je suis désolé…
Il sentit ses bras passer dans son dos et le serrer fort.
— Viens-lui, murmura-t-il au bout d'un moment.
Kuroo savait qu'il fallait qu'il se pose autre part, mais il n'était pas certain que retourner seul dans la tonnelle soit une très bonne idée. Il le souleva, Keiji accompagnant le mouvement sans y opposer de résistance, et il l'amena jusque dans le salon où il le déposa sur le canapé. Ses larmes ne s'étaient pas encore taries, mais elles avaient perdu de leur lourdeur. Alors que Kuroo allait s'éloigner pour lui laisser de l'espace, son petit-ami étendit ses bras vers lui, désespéré. Tetsurō sentit sa gorge se serrer, terrassé de deviner sa vulnérabilité. Il réciproqua l'étreinte et s'allongea à ses côtés, le serrant le plus possible contre sa poitrine. Peu à peu, il sentit Keiji s'apaiser, puis finalement s'endormir.
Kuroo sortit le téléphone de sa poche et le ralluma.
« Tout va bien » écrit-il. Le téléphone s'éteignit aussitôt après.
Le brun resserra sa prise autour de son amoureux, et s'endormit à son tour.
-/-
Il se réveilla à peine quelques heures plus tard, au petit jour, en sentant une main caresser ses cheveux. Il ouvrit un œil, puis un second, et trouva le visage de Kōtarō tout près du sien, sur ses lèvres était posé un sourire tendre, baigné de lumière aurorale.
— Kōtarō ?
Il posa son front contre le sien, et il se sentit immédiatement enveloppé d'un voile d'une douceur infinie, la tendresse roula sur sa peau, dans son corps, dans ses veines, apaisant tout son être. Il ferma les yeux, pris d'un vertige émotionnel. Il sentit les lèvres de son amoureux se poser sur les siennes. Il ouvrit les paupières, sa vision s'étant brouillée de larme.
— Tu vas bien…
Ce n'était pas une question, simplement une constatation bouleversante. Kōtarō hocha la tête.
— Kenma ?
Il hocha la tête pour lui signifier qu'il allait bien.
Il inspira profondément. Ils allaient bien…
— Je vais ramener Keiji, lui signa Kōtarō.
— Ok… Tu peux marcher ?
Son amoureux hocha la tête positivement. Cela était bon signe... Plus que quelques heures avant qu'il puisse de nouveau parler également.
Il se pencha sur son partenaire, embrassa sa tempe, et passa ses bras sous le dos et les jambes de Keiji pour le soulever. L'alpha ne se réveilla pas complètement et le laissa faire. Kōtarō se redressa sans trop d'effort, son amoureux dans les bras. Il lui adressa un dernier regard tendre, hocha la tête, et repartit.
Sa soudaine solitude lui parut étrange, il n'avait plus besoin d'être fort maintenant. Au loin, on entendait les oiseaux chanter, le monde avait continué de tourner. La pression qu'il avait accumulée en son sein se perça d'un coup. Il explosa en sanglots.
Il s'endormit finalement, drainé de larme.
-/-
Tetsurō se réveilla de nouveau plusieurs heures plus tard. Le soleil était déjà haut dans le ciel. Sans y réfléchir plus longtemps, il se leva, entamant la routine qu'il avait pris l'habitude d'effectuer ces derniers jours, s'évertuant du mieux qu'il put à ne penser à rien, à ne pas ressasser ce qu'il s'était passé, à simplement exister dans le présent. La pendule accrochée dans la cuisine lui apprit qu'il était déjà bien en retard, alors il fit ce qu'il avait à faire.
Il lui fallut encore une bonne heure pour terminer le déjeuner. Une fois cela fait, il repartit avec son plateau. Il fit un premier arrêt devant la chambre de Kenma. Il hésita, mais n'entendant aucun bruit, il tenta d'abaisser la poignée. La porte s'ouvrit sans résistance. Il échappa un soupir de soulagement. En ouvrant, il découvrit que le lit avait été remis sur pieds. Le nid avait cependant été reconstitué dessus, Kenma endormi à l'intérieur. Il s'avança à pas de loup, déposa sur la table de chevet un bol de soupe et un bol de riz, recouvert pour qu'ils conservent la chaleur. Kuroo s'assit sur le bord du lit, regardant le blond dormir quelques instants. Il respirait profondément, calmement… Sur son visage avait néanmoins persisté les plies de ses peurs et de ses angoisses. Mais il allait bien. Tout allait bien. Il se pencha pour embrasser sa tempe, et repartit.
Une fois de retour dans le couloir, il reprit son plateau et se dirigea vers la chambre du fond. Chaque pas résonnait en écho dans le reste de ses membres. Il s'arrêta finalement devant la porte, sentant la tension reformer des nodules dans sa gorge. Il siffla brièvement. Il attendit quelques secondes. Finalement Keiji répondit à son appel, et il sentit son cœur se soulever. Il pénétra à l'intérieur. Comme tous les jours, Keiji sortit de la tonnelle pour venir s'asseoir un peu plus loin. Kuroo déposa le plateau et s'assit à ses côtés. Il regarda le brun, qui avait retrouvé son aura habituelle, récupérer les baguettes. Il joignit brièvement les mains, inclina la tête et commença à manger. Tetsurō le regarda faire. « Il va bien, il va bien, il va bien » se répéta-t-il inlassablement encore et encore, ne le lâchant pas une seconde des yeux. Tous les scénarii effroyables que lui avait joués son esprit la nuit dernière lui revinrent. « Il va bien, il va bien, il va bien ». Il sentit les larmes lui monter de nouveau aux yeux. Keiji finit par capter son regard, semblant profondément surpris de le trouver dans cet état. Tetsurō lui sourit, sans pour autant que sa détresse ne se soit diluée. Keiji le vit. Il reposa le bol qu'il avait dans les mains et se tourna, prenant son visage entre ses mains.
— J'ai eu peur… murmura Tetsurō.
Keiji l'attira à lui, le serrant fort.
— Tout va bien… lui murmura-t-il.
Entendre sa voix pour la première fois depuis des jours bouleversa profondément Tetsurō qui s'abandonna de nouveau aux larmes. Keiji les essuya du bout des doigts avant de l'attirer dans un baiser. Un baiser profond, assoiffé, désespéré. Ils se séparèrent finalement, et Keiji l'attira encore une fois à lui, Tetsurō réfugia son visage dans le cou de son amoureux. Il finit par se calmer, bercé par Keiji. Ils ne se séparèrent que lorsqu'un petit gazouillis leur parvint : Kōtarō était réveillé. Il leur souriait, et Kuroo sentit ses lèvres lui répondre instinctivement.
Keiji se détacha de lui pour rejoindre son partenaire. Une fois dans la tonnelle, Kōtarō échappa un nouveau gazouillis, et lui signa :
— Viens.
Il hésita. Keiji à côté hocha la tête.
— Câlin, lui dit-t-il.
Kuroo ne bougea pas, les regardant chacun leur tour. Il savait ce que les rejoindre signifiait. Il hésita… Peu importe, il avait besoin qu'on l'étreigne, il avait besoin de se sentir aimer maintenant. Il en avait besoin. Il se redressa et s'approcha de la tonnelle. Alors qu'il s'apprêtait à rentrer, il entendit Kōtarō grogner. Il se tourna, surprit. Keiji rit.
— Pas de vêtements, lui expliqua-t-il.
— Oh…
Kuroo s'éloigna, s'exécutant avant de revenir vers la tonnelle. Cette fois Kōtarō l'accueillit à bras ouvert. L'intérieur de la tonnelle était confortable, duveteux et cosy. Kuroo se laissa câliner sans y opposer plus de résistance, sentant son cœur s'alléger. Le temps n'avait plus cours du tout dans ce cocon de douceur, il s'étirait et s'entrelaçait à l'infini. Relâcher la pression le draina tant qu'il s'endormit.
-/-
Tetsurō ne savait pas combien de temps s'était écoulé, mais le soleil dehors avait commencé sa course descendante lorsqu'il émergea de nouveau. Kōtarō était toujours endormi, Kuroo le regarda gigoter dans son sommeil, finissant par s'enterrer dans un tas de coussins laissant simplement voir quelques mèches de ses cheveux en pagaille. Il pouffa. La lumière avait commencé à baisser, il était surement temps qu'il s'en retourne.
Alors qu'il se redressait pour partir, il sentit une main le retenir. En se tournant, il trouva le regard de Keiji.
— Reste, lui murmura-t-il.
Il hésita. Il voyait bien dans les yeux de son amoureux ce qu'il voulait, ce qu'il désirait. Tetsurō eut l'impression que la pesanteur s'était alourdie, et il se laissa retomber en arrière. Son propre corps frémissait de ce même désir, de cette chaleur, étrangement mêlé à la léthargie du sommeil. Il voulait juste s'abandonner complètement à lui. Il accueillit les caresses de son aimé, et se sentit frissonner en sentant son corps réagir aux siennes. Il se laissa couler dans cet état ataraxique, mêlé de plaisir et d'inertie. Finalement, il sentit la jouissance monter, l'envahir complètement, anesthésiant tous ses membres, l'engloutir tout entier. Mais alors que l'extase atteignait son paroxysme, une vive douleur le fit brutalement revenir à lui. Il échappa un gémissement de douleur et tenta instinctivement de s'éloigner. Keiji l'en empêcha en venant l'enserrer entre ses bras.
— Désolé, désolé, désolé, murmura-t-il sans pour autant le défaire de son emprise.
Cela ne le calma en rien et ne fit qu'attiser sa colère.
— The fuck, Keiji lâche moi, tu me fais mal là !
— Je peux pas…
— De quoi tu peux pas -il sentit un nouveau pique douloureux le traverser- retire-toi merde !
Silence.
— Je ne peux pas.
La confusion vint rejoindre ce joyeux mélange de colère et de douleur.
— De quoi tu peux pas ?!
Silence.
— Kuroo… san…
Ah bah bien sûr !
— Kuroo-san ? Sérieusement ?
— Tetsurō, se reprit Keiji.
Kuroo fronça les sourcils, entendant bien dans sa voix qu'il était réellement confus de ce qu'il était en train de se passer.
— Hum, commença le brun, sais-tu ce qu'est un nœud ?
— Tu m'as noué ?! s'emporta Tetsurō.
Silence.
— Keiji ?!
— Désolé… lui murmura ce dernier.
Il l'embrassa dans le cou pour tenter de l'apaiser, ce qui bien évidemment ne marcha nullement.
— Tu fais chier putain ! Pourquoi tu, il ne put terminer sa phrase, la douleur s'étant ravivé alors qu'il essayait se tourner un minimum.
— Je n'ai pas fait exprès…
— De quoi t'as pas fait exprès ! T'aurais pu… Tu fais chier…
— Désolé…
Il posa un nouveau baiser dans sa nuque, et cette fois Tetsurō s'apaisa un peu. Il soupira, la colère avait commencé à l'abandonner. La douleur avait cessé, ne persistait qu'une gêne, certes peu agréable, mais bien plus supportable. Il soupira, blasé.
Au moins il allait bien, se dit-il, puisqu'apparemment toutes ses « fonctions motrices » étaient en état de marche. Il soupira de nouveau.
— Et ça dure combien de temps ?
Silence.
— Keiji ?
Il lui marmonna une réponse inaudible.
— Quoi ?
— Une heure… et demie, environ…
— Une heure et demie !
— Désolé…
— Arrête de t'excuser ! Une heure et… Mais d'où c'est si long bordel !
— Je suis en fin de cycle…
— Super nouvelle, ironisa Kuroo.
— Désolé…
Il le couvrit de baisers, ce qui n'arrangea pas vraiment la situation de son côté.
— Je t'aime… lui murmura-t-il finalement.
— Moi aussi, mais tu me casses vraiment les couilles.
Keiji continua de le câliner pour tenter de l'apaiser, ce qui n'eut que très peu d'effet. Tetsurō finit tout de même par arrêter de râler, acceptant finalement le sort qui était le sien.
— Essaye de te rendormir, lui conseilla le brun.
Plus facile à dire qu'à faire !
Les minutes défilèrent. Il sentit Keiji s'endormir. Le fourbe ! Kuroo tenta bien d'en faire de même, sans succès. Au bout d'environ une heure, il entendit Kōtarō commencer à se réveiller. Il le vit sortir la tête de son tas d'oreillers, les cheveux tout en pagaille et les yeux englués de sommeil. Tetsurō échappa un sourire, attendri. Son amoureux tourna les yeux, captant finalement son regard. Il lui sourit.
— Hey…
Kuroo se sentit envahi d'une vague de pure tendresse, ému d'entendre finalement sa voix après tout ce temps.
— Hey.
Son amoureux s'approcha pour l'embrasser.
— T'es toujours là, lui murmura-t-il sur un ton d'une douceur infinie.
Kuroo haussa un sourcil.
— C'est pas comme si je pouvais aller bien loin de toute façon…
Kōtarō fonça les sourcils.
— Il m'a noué, précisa son petit-ami, désignant Keiji endormie derrière lui.
La surprise passée, son petit-ami pouffa, semblant particulièrement amusé par la situation.
— C'est pas drôle… se plaignit le brun.
— C'est un peu drôle…
— Non, c'est affreux.
— Na, on ne dit pas « c'est affreux », on dit « je n'aime pas ».
— Bah je n'aime vraiment pas…
Kuroo en était maintenant à bouder infantilement.
Kōtarō rit de nouveau. Il posa un baiser sur son front et laissa finalement sa tête retomber tout près de la sienne pour pouvoir le regarder dans les yeux. La douceur de ses traits finit par se métamorphoser, et un sourire malicieux glissa sur ses lèvres.
— Je vais te remonter le moral, lui promit-il.
Et effectivement, il lui remonta bien le moral.
Finalement, Tetsurō ressortit de cette première expérience sous la tonnelle avec une impression certes mitigée, mais pas trop mauvaise pour autant.
Cela avait eu le mérite de lui faire oublier un tant soit peu la peur qui l'avait secoué la nuit précédente…
Tout allait bien.
-/-
Tetsurō avait réussi à sortir de la tonnelle un peu plus de deux heures après l'incident du nœud, juste après que Kōtarō lui ait promis de le revoir dans une vingtaine d'heures. Il les aimait beaucoup, mais il n'était pas prêt à rester immobilisé aussi longtemps, sachant qu'il ne réussirait jamais à dormir autant. Il s'était bien vautré en sortant, ayant un mal de chien à retrouver la sensation ainsi que l'usage de ses jambes, revenu bien heureusement assez rapidement. Il avait récupéré son plateau aux pieds du lit et était retourné vers la pièce de vie. Il avait hésité à retourner voir Kenma, mais s'en était finalement dissuadé. Déjà car il ne tenait pas à le réveiller, mais également car régnait toujours en lui une certaine appréhension, une peur tapie quelque part dans son esprit qu'il redoutait d'aller déterrer. Il ne savait pas du tout comment réagir… Keiji avait été dans un état critique, mais il allait bien sans qu'il n'y ait de séquelles physiques ou psychiques majeures, Kōtarō également. Pour Kenma… il savait qu'il n'avait pas réagi ainsi par hasard… Il y avait quelque chose de bien plus lourd, une peur si imprégnée au fond de son esprit qu'elle avait déclenché chez lui une réaction si violente, comme si sa vie en dépendait. Il avait peur d'apprendre de quoi il s'agissait, ou de tout simplement redéclencher par mégarde ce mécanisme de défense s'il ne faisait pas attention, et il ne tenait pas à lui faire revivre cela. Il n'eut pas l'occasion d'y penser plus longtemps. Alors qu'il était en train de faire la vaisselle, un bruit venant du salon lui fit tourner les yeux instinctivement. Il trouva immédiatement le regard de Kenma, planté à la sortie du couloir. Ils se regardèrent plusieurs secondes, aucun d'eux deux n'esquissa l'ombre d'un mouvement, seul le bruit de l'eau coulant du robinet habillait le silence. Le blond fit un pas en avant, lentement, puis un second. Kuroo referma le robinet, ne lâchant toujours pas son petit-ami des yeux. Finalement Kenma se mit à courir dans sa direction, et son amoureux lui ouvrit les bras pour l'accueillir. Il échappa en soupir de soulagement en sentant son corps rentrer en collision avec le sien, en sentant sa chaleur tout près de lui. Il le sera fort contre lui, aussi fort qu'il le pût.
— Ji… l'entendit-il murmurer.
Il posa sa tête sur la sienne et commença à le bercer dans ses bras.
Ils restèrent ainsi de longues minutes, sans rien dire, sans bouger.
— C'est fini ?
— Hmm, lui répondit vaguement le blond.
Kuroo continua de caresser lentement le dos de son petit-ami.
— Tu te sens comment ?
Kenma souffla.
— Ça va… Pas dingue mais j'ai pris mes médocs c'est supportable…
Ils se turent et restèrent enlacés encore un moment.
Finalement Kenma se détacha de lui pour attraper son regard.
— Ça s'est encore… quelque chose s'est passé n'est-ce pas ?
Tetsurō retint son souffle, il releva les yeux. Il resta silencieux. Il ne savait pas vraiment comment lui répondre sans que cela ne le brusque trop.
— Réponds-moi s'il te plait…
Kuroo hocha positivement la tête.
Kenma inspira, le souffle saccadé.
— Ok…
Il n'ajouta rien de plus.
— Tu t'en souviens pas ?
— Pas vraiment… Mais bon…
Il se détacha de lui.
— Je me suis réveillé dans un nid, j'imagine que ce n'est pas pour rien…
Kuroo grimaça.
— Je crois que j'ai la moitié de ta garde-robe dedans, remarqua le blond, son ton lui indiqua qu'il essayait tant bien que mal de dédramatiser la situation.
Tetsurō pouffa malgré lui.
— Rassure-moi, je te les ai pas piqués ces fringues ?
— Pff, non, c'est moi qui te les ai données…
— Oh… hmm… ok…
Silence…
— Faudra que je les lave avant de te les rendre.
— Ça va t'inquiètes je…
— Non. Je les laverai avant, je te jure que tu veux que je les lave avant.
Tetsurō fronça les sourcils… oh. Il comprit en croisant le regard désabusé de Kenma.
— Oh -Kuroo éclata de rire malgré lui- ravis qu'elles aient pu… t'être utiles.
Kenma détourna momentanément les yeux, gênés. Tetsurō rit, et le blond trouva de nouveau son regard, lui souriant tendrement.
D'eux deux, ce n'était pas forcément à lui d'être réconforté pourtant…
Le blond prit finalement sa main et le guida à sa suite jusqu'au canapé. Il s'y installa, et l'invita à s'asseoir en face de lui. Le brun s'exécuta. Kenma prit ses mains dans les siennes, et attrapa son regard. Kuroo retint son souffle.
— Tu peux m'expliquer ce qu'il s'est passé s'il te plait ? lui demanda le blond à mi-voix.
Kuroo sentit son cœur se soulever. Il tourna la tête, mais Kenma s'inclina pour pouvoir attraper de nouveau son regard.
— Tu veux vraiment qu'on en parle maintenant ?
Kenma hocha la tête.
— Euh ok…
Il soupira.
Kenma attendait, patiemment. Le brun vit bien dans sa posture, son regard, son souffle, qu'il ne faisait que feinter cette attitude de maitrise. Il avait besoin d'être en contrôle, et de connaitre les détails, de pouvoir rationaliser du mieux qu'il le pouvait pour tenter peut-être d'exorciser ce mal.
— C'était hier soir…
Kenma acquiesça.
Il ne savait comment lui exposer les faits…
— Hum… Je me suis réveillé en entendant des coups… Keiji était devant ta chambre, il était en train de paniquer parce qu'il sentait que t'allais pas bien mais tu avais verrouillé la porte… J'ai réussi à entrer en passant par la fenêtre et tu… tu étais terrorisé.
Kenma avait commencé à se recroqueviller sur lui-même, serrant fort les genoux contre sa poitrine, il continua de maintenir son regard.
— Par quoi ? De quoi j'avais peur ? insista-t-il.
Il laissa le silence planer de longues secondes. Kenma ne le lâcha pas des yeux.
Il ne se rappelait réellement de rien?
— De… de Keiji…
Il vit les yeux du blond s'écarquiller.
— Quoi ?
— Afin… je crois que… tu ne le reconnaissais pas.. Tu avais peur de « l'alpha ». C'est ce que tu m'as dit… Tu avais peur qu'il te… enfin… Konoha a dit que…
— Konoha ?
— Euh… je l'ai appelé, dans la panique… je savais pas quoi faire et je me suis dit que… enfin non j'ai pas vraiment réfléchi… mais…
— C'est bien que tu ais demandé de l'aide Ji… Qu'est-ce qu'il a dit ?
— Que tu avais réagi comme ça à cause… des phéromones de Keiji…
Kenma fronça les sourcils.
— Des phéromones mais j'ai l'habitude de…
Il se tut. Tetsurō vit dans son regard qu'il venait de comprendre. Que quelque chose de profond venait de remonter à la surface.
— Oh…
La surprise s'éventa rapidement, remplacée par quelque chose de bien plus lourd. Kenma ferma les yeux. Lorsqu'il les ouvrit de nouveau, les larmes l'accompagnèrent. Il n'y avait aucun choc, aucun remous tumultueux. Des larmes abandonnées, graves, lourdes d'une omniscience qu'elles n'auraient pas dû porter.
— Merde… murmura le blond.
Il sera d'autant plus fort ses jambes contre sa poitrine et enfouit sa tête dans ses genoux, continuant de pleurer dans un silence poignant.
— Non, non, non… merde…
Il renifla bruyamment, relevant finalement la tête.
— Je pensais que j'avais dépassé ça… que je l'avais résolu que c'était… sa voix se tordit de larme et il ne put continuer, éclatant de nouveau en sanglots.
Tetsurō s'approcha pour caresser lentement son dos. Il avait peur, terriblement, de comprendre, de savoir. Il se sentait impuissant, blessé de le voir dans cet état sans qu'il ne puisse rien n'y faire.
— Kenma… est-ce que Keiji t'a déjà… hum… donné une raison d'avoir peur de lui ?
— Non, non… oh non, rien à voir… Mais…
— Mais ?
Il dissimula de nouveau son visage dans ses genoux.
— Merde… Je pensais vraiment que j'en avais finis avec ça… que je l'avais dépassé que…
Il perdu de nouveau sa voix tant elle était écorchée de chagrin.
Il pleura longtemps, en silence. Tetsurō ne dit rien, tentant de le consoler, de l'accompagner. Finalement, ses larmes se tarirent. Kenma déroula ses membres lentement, son regard se perdant dans le vide. Il se laissa finalement tomber en arrière, et Tetsurō ne put plus voir les émotions surgissant sur son visage.
— Tetsu…
— Oui ?
— Je sais d'où ça vient… Enfin, je crois…
— Oh…
Tetsurō pouvait entendre son cœur commencer à battre la chamade, son battement résonnant en écho dans tout son corps. Il ne dit rien, attendant que Kenma se confie, s'il souhaitait le faire.
— Est-ce que tu sais ce que sont des pacificateurs chimiques ?
— … Non.
— Ce sont… des sortes de diffuseurs de pseudophéromones artificielles censés imiter celle d'un alpha en rut… Elles sont souvent prescrites à des jeunes omégas non appareillés, généralement pour faciliter leur cycle.
— Oh… ok?
— Quand j'étais plus jeune… hum… on m'avait prescrit cela… J'ai… toujours eu des cycles difficiles et c'était censé aider à… enfin voilà…
Il lui fallut quelques instants pour reprendre la parole.
— Mes parents… j'arrive pas à croire que leurs conneries me bousillent toujours, que ça… enfin… hum… Ils… Quand j'étais en cycle, ils m'enfermaient dans le sous-sol, en me disant qu'il ne fallait absolument pas que je sorte, qu'il ne fallait pas que l'on me trouve… Sinon on allait m'attaquer, sinon on allait me… prendre de force, me violer, et si je ne voulais pas ça, alors il fallait que je reste enfermé en bas… avec leur putain de pacificateurs. Ils ont continué à faire ça même après que je sois rentré au lycée, même après que j'ai commencé à sortir avec Keiji et Kōtarō… surtout même… Jusqu'à mes dix-huit ans en fait…
Kenma venait tout juste d'avoir vingt-deux ans. Seulement trois malheureuses petites années s'étaient écoulées depuis.
Tetsurō resta tétanisé, terrassé, horrifié. En son sein bouillonnait tout un tas d'émotion : rage, désarroi, affliction…
— En grandissant j'ai… compris que… que ce qu'ils me faisaient subir n'était rien d'autre que de la violence psychologique… Je suis même pas sûr qu'ils s'en rendaient compte…je pensais que le savoir pourrait… me protéger de leur effet…
Il soupira.
— Non, pas vraiment en fait… Je… savais… ou pensais savoir qu'elles en avaient été les conséquences… J'ai passé mon adolescence à avoir une peur panique de l'intimité… Pour plusieurs raisons mais disons que c'était la principale… Pendant si longtemps je me suis autopersuadé que si je ne ressentais pas d'attirance, c'était dû à cela… Il m'a fallu du temps pour démêler le tout, pour comprendre que… qui je suis n'est pas que le fruit d'un traumatisme… J'en suis toujours certain mais… Je pensais que le savoir, que d'avoir déjà fait ce chemin avait résolu ce… enfin… Apparemment j'ai rien résolu du tout, j'en suis encore à la case départ…
Kenma se tut. Il finit par se redresser, sans pour autant que son regard ne croise celui de son petit-ami.
— Kenma…
Il ne réagit pas.
Kuroo s'approcha et prit sa main dans la sienne.
— Kenma… je… sais pas vraiment quoi te dire où si… si c'est juste où… Je suis pas forcément habileté ou légitime à te dire ça mais… Et je suis pas dans ta tête ou… enfin… Vu comment tu es capable d'en parler, je ne dirais pas que tu n'as rien résolu du tout… Ou que tu sois retourné à la case départ…
Kenma tourna les yeux. Son amoureux attrapa instantanément son regard.
— J'ai l'impression que le chemin que tu as fait est déjà énorme… En si peu de temps, je… C'est impressionnant le chemin que tu as fait déjà… Alors oui, peut-être que tout n'est pas encore derrière toi, et qu'il va encore falloir du temps, et surement un peu d'aide pour y arriver, mais tu y arriveras, tu es déjà en train d'y arriver.
Il vit le visage de Kenma se tordre d'un mélange de soulagement et de culpabilité.
— Tetsu… -il soupira- je sais que Keiji est rentré en torpeur… encore… j'aurais pu le tuer… J'aurais pu… à cause de… moi, de ma réaction… J'aurais dû être plus… clairvoyant et… et j'aurais dû rester seul…
Kuroo se tut… Il était vrai que Keiji avait été en danger, il ne pouvait pas le nier. Mais il avait été là… Kōtarō était là… Même si tous les plus affreux scénarii lui étaient passés par la tête, quelque part au fond de lui il savait que cela ne se serait jamais produit…
Il soupira…
— Kenma… Déjà… Sache que tu n'es en rien responsable de… ce que tu as pu subir, et d'à quel point cela a pu t'affecter.
Le blond ferma les yeux, retenant de force ses larmes.
— Ensuite… Je… je préférerai revivre mille fois ce qui s'est passé plutôt que l'idée de te laisser seul, de te laisser affronter cela seul. Je revivrais cela mille fois plutôt que de supporter de ne pas avoir pu être là quand tu en avais besoin… Et je pense que c'est pareil pour Kōtarō... pour Keiji aussi…
Kenma hocha lentement la tête, avant de s'abandonner de nouveau aux larmes. Il se laissa tomber sur Tetsurō et ce dernier l'étreignit aussi fort qu'il le put. Ils restèrent ainsi longtemps, s'apaisant de la tendresse et de la présence de l'autre. Kenma se détacha finalement de lui, il souffla et essuya les larmes qui avaient roulés sur ses joues. Il ferma les yeux, inspirant profondément pour se recentrer, puis finalement les ouvrit de nouveau, visiblement calmé.
— Comment il va ? demanda-t-il, la voix gorgée d'appréhension et de culpabilité.
— Bah ça va j'imagine.
Le blond fronça les sourcils en entendant le ton sarcastique, ne s'attendant certainement pas à ce changement de registre. Il attrapa son regard, intrigué. Kuroo retrouva son regard blasé, ce qui ne fit qu'accentuer le trouble de Kenma.
— Étant donné qu'il m'a noué, ya genre deux heures et quelques, je présume qu'il va pas trop mal.
Il fallut plusieurs secondes à Kenma pour intégrer l'information, mais finalement, il éclata de rire.
— Mais c'est pas drôle putain ! répliqua Tetsurō.
— C'est un peu drôle…
Il fit la moue.
— Kō a dit la même chose…
— Il a raison…
— Vous êtes des monstres, bouda Kuroo.
Le blond se contenta de pouffer.
— Ça fait super mal en plus…
— Mon pauvre ami, lui répondit Kenma, sa voix ne comportant pourtant pas un brin de compassion.
Kuroo continua de bouder, cela eut le mérite de faire sourire Kenma, qui se pencha pour l'embrasser sur la joue. Le brun sourit en retour.
Kenma était redevenu pleinement lui-même.
— J'imagine que je les verrais pas avant demain…
Kuroo hocha la tête.
— Oui, ils dorment là.
Le blond acquiesça vaguement.
Le silence s'étendit de nouveau.
— Qu'est-ce que tu voudrais faire ? demanda le brun d'une voix posée. On peut… regarder un truc ou… prendre un bain, ou faire une balade ?
— Hm… Je dirais pas non pour prendre l'air, ça fait des jours que je suis pas sortie… Ça me change pas trop tu me diras, mais ça m'aérerait un peu…
Kuroo hocha la tête.
— Et après je veux bien un bain.
— Ça marche.
— Et un film.
— Pff, ok on fait ça alors.
Ils commencèrent par sortir. Sentir l'air crépusculaire s'engouffrer dans ses poumons apaisa Kuroo, il sentit son corps s'alléger, son esprit se calmer. Ils marchèrent une vingtaine de minutes, avant de s'arrêter au sommet d'une petite colline, s'asseyant côte à côte pour regarder le soleil se coucher. Tetsurō tourna les yeux vers son amoureux : le soleil couchant l'éclairait de rayon orangé, roulant en perle d'or sur ses cheveux et sur sa peau. Il sourit. Il ne pensait pas possible de tomber plus amoureux qu'il ne l'était déjà, mais il dut se rendre à l'évidence. Il aimait plus que jamais au paravent. Les événements de la nuit dernière avaient malgré eux renforcé leurs liens… Ils étaient plus solides, plus profonds que jamais, il le sentait dans chaque fibre de son être, dans chaque circonvolution de son cerveau, par chaque pore de sa peau. Kenma finit par tourner les yeux vers lui. Leurs regards se rencontrèrent, et Kuroo sut à quel point ce qu'il ressentait était réciproque.
-/-
— Je te jure, il arrêtait pas, à chaque fois que je le foutais dans l'eau il trouvait que c'était une bonne occasion !
Kenma explosa de rire, ce qui bien évidemment incita Tetsurō à grossir encore plus le trait.
Kenma et lui avaient passé le reste de la soirée ensemble, ils avaient originellement prévu une soirée film, mais c'était endormi dès les premières minutes du film lancé. Ils avaient dormi d'une seule traite jusque tard le lendemain matin. Ils étaient actuellement installés sur la petite table de jardin pour prendre le petit déjeuner, bravant la fraicheur matinale pour un petit bain de soleil. Kuroo avait rapidement détecté que le blond semblait préoccupé, devinant une certaine appréhension dans son regard : il savait que ses partenaires n'allaient pas tarder à se lever. Ils ne les avaient pas revus depuis l'incident de l'avant-veille, et il redoutait très certainement les retrouvailles. Tetsurō s'était donc donné pour mission de lui remonter le moral en lui racontant comment c'était déroulé les derniers jours de son côté, une petite pincée de comédie en plus, un rien de dramatique, et le tour était joué !
— Fait pas la victime non plus, remarqua le blond, il aurait pas continué si tu lui avais pas cédé la première fois.
— C'est quoi cet argument ? remarqua Kuroo. C'est pas parce que j'ai dit oui une fois que c'est oui pour toujours !
Le blond haussa un sourcil.
— Me fait pas dire ce que j'ai pas dit, tu vas pas me dire qu'il t'a forcé à le tripoter dans la baignoire.
— Non…
— Bon bah assume – il échappa un sourire moqueur- Max-sturbateur.
Il explosa de rire.
— Max-sturbateur ?
— Tel est ton titre désormais.
— Charmant, bouda Kuroo.
Son attitude ne fit qu'accentuer l'amusement de son petit-ami.
— Ça te va pas ? Lord Max-sturbateur alors ?
— C'est pire ! On dirait le titre d'un mauvais film porno !
Le blond pouffa.
— Bien vu… Tu sais, si tu veux te lancer dans cette industrie, je te soutiendrai.
— Hmm, ça me touche beaucoup. Applepie studio vous présente « Lord Max-stubateur, conquérant de tous les pénis ».
Kenma fut pris de court pas sa dernière remarque et manqua d'avaler de travers sa gorgée de thé en éclatant de rire.
— En plus grâce à Yūji, je commence à avoir une petite communauté, je pensais pas devenir « content creator » mais ça pourrait bien se faire au final.
— T'as raison, un petit compte OnlyFan, et te voilà parti sur la route de la célébrité.
— Bonne idée ça ! Moi qui stressais à l'idée de chercher un stage, pas besoin du coup !
— Tu vois, que des points positifs.
Kuroo hocha lentement la tête, feignant d'y réfléchir sérieusement. Il croisa le regard de son amoureux en relevant les yeux et ils explosèrent de rire de concert. Ils entendirent finalement du mouvement derrière eux. Kuroo vit Kenma regarder par-dessus son épaule :
— Quand on parle du loup…
Tetsurō tourna la tête, un sourire se dessina sur ses lèvres lorsque ses yeux trouvèrent Kōtarō qui s'avançait vers eux. Il laissa sa tête basculer en arrière, regardant son petit-ami approcher. Ce dernier lui sourit.
— Hey babe, lui murmura Bokuto en arrivant à sa hauteur.
— Hey.
Le sourire de Kōtarō s'élargit et il se pencha pour embrasser ses lèvres. Ils se séparèrent rapidement et Kōtarō s'approcha du blond. Il se laissa tomber mollement devant sa chaise et reposa sa tête sur ses cuisses. Les traits de Kenma s'adoucirent davantage, et il passa sa main dans ses cheveux.
— Tu m'as manqué… lui murmura son partenaire.
— Moi aussi…
Ils restèrent quelques secondes ainsi avant que Kōtarō ne se redresse finalement. Il l'embrassa avant de tirer la chaise se trouvant entre eux deux pour s'y installer.
— Bien dormi ? demanda Tetsurō.
— Hmm, lui répondit son petit-ami tout en se servant une tasse de café, j'ai l'impression d'être passé sous un train à vapeur mais ça va. Vous parliez de moi ?
— Hmm, Max-sturbateur ici même me contait vos aventures « aquatiques », expliqua Kenma.
Kōtarō grimaça, ne comprenant absolument pas de quoi il en retournait.
— De quoi ?
— Tu t'en souviens pas ? demanda Kuroo.
Kōtarō contempla le vide plusieurs secondes.
— Non…
— Quoi ? Vraiment ?
Kenma éclata de rire.
— Performance peu mémorable mon cher Max-strubateur, c'est à améliorer si vous voulez véritablement percer dans ce domaine…
— Mais de quoi vous parlez ? demanda Kōtarō d'une voix trainante.
— Tu te souviens vraiment pas ? Quand tu prenais ton bain ?
Kōtarō grimaça de nouveau, l'événement ne sembla absolument pas lui revenir.
— Le bain ?
— Oui… dans la baignoire.
— Qu'est-ce que… tu sais c'est assez flou je…
Il se tut, semblant chercher au plus profond de sa mémoire. Finalement, Kuroo vit ses yeux s'écarquiller, il rougit légèrement et pouffa.
— Ah si c'est bon je me souviens…
— Ah bah voilà ! J'ai eu peur !
— Peur de quoi ?
— Que tu te souviennes pas de ses superbes dons de Max-stubateur, intervint Kenma, goguenard.
— Si, si, c'était très bien, remarqua Kōtarō avant d'avaler une gorgée de son café.
— C'est pire quand tu dis ça comme ça…
— Bah quoi, je reconnais tes talents… Max-sturbateur.
Le blond explosa de rire.
— Mais non, t'y mets pas aussi !
Bokuto sourit.
— Je me souviens aussi de quand tu es venu sous la tonnelle… Ta tête, je m'en remettrais jamais- il tourna les yeux vers Kenma- il t'a dit que Keiji l'avait noué ?
Le blond hocha la tête et ils explosèrent de rire en chœur.
— Mais c'est pas drôle bordel !
— C'est un peu drôle…
— Mais non ! J'aimerais bien vous y voir tiens, rétorqua-t-il sans réfléchir.
Kōtarō et Kenma haussèrent tous les deux un sourcil, un rien blasés.
— Oui bon ok, mauvais argument, mais quand même !
— C'est vrai que c'est pas cool de pas avoir prévenu… lui concéda Kenma.
— Ah bah un peu que oui !
— Normalement il le fait, c'est même agaçant des fois, intervint Kōtarō, il agite sa main devant ma tronche je suis là « bon ok j'ai compris ! ».
Kuroo fronça les sourcils.
— Il agite sa main devant ta tête ?
— Oui, il le signe quoi.
— Comment tu le signes ?
Kenma et Kōtarō lui répondirent en même temps, le signe consistant en une rotation du poing.
Kuroo reconnut le signe. Effectivement, peut-être que Keiji avait « agité sa main » quelque part dans son champ de vision, mais honnêtement, Tetsurō était déjà bien trop loin pour se préoccuper de savoir ce que cela voulait signifier sur le moment.
— Oh… Il a peut-être essayé de me le dire avant alors, j'ai juste pas capté… Mais bon il pouvait reparler à ce moment-là, il aurait pu le dire à voix haute.
— Hmm, on aurait peut-être dû te briffer sur les termes spéciaux avant en fait, remarqua Bokuto.
Kenma hocha la tête.
— Par exemple, ya celui-là, super important !
Kōtaro forma un petit rond avec sa main gauche, et sans crier gare, y passa la moitié de son avant-bras droit sous le regard horrifié de Tetsurō. Kenma explosa de rire bruyamment.
— Ça veut dire quoi ? demanda Kuroo à mi-voix, appréhendant grandement la réponse.
— Ah ton avis ? lui répondit Kōtarō en haussant un sourcil, un sourire graveleux se dessinant sur ses lèvres.
Le blond se tordait littéralement de rire à présent.
— Non… Ça veut dire quoi ?
— Je pense que c'est assez imagé.
— Kenma… ça veut dire quoi ?
Kenma reprit difficilement son souffle. Il essuya les larmes qui avaient commencé à perler au coin de ses yeux et lui répondit enfin :
— Mais rien, il te fait juste marcher…
— Oui c'est vrai.
— Le vrai signe c'est ça.
Il refit le même geste que Kōtarō, si ce n'est qu'il s'appliqua à y mettre l'entièreté de son bras
— Kinky, commenta son partenaire avant d'exploser de rire à son tour.
— Mais arrêtez !
— Bon ok… Mais celui-là est important.
Kenma lui montra un signe ayant l'air beaucoup plus innocent. Cependant, l'hilarité de Kōtarō ne fit que redoubler.
— Mais arrêtez de me faire marcher…
— Non, non, mais ça c'est un vrai signe.
Bokuto hocha la tête.
— Hmm, c'est vrai.
— Ça veut dire quoi ?
— Double pénétration, lui traduit Kenma.
Ses deux petits-amis explosèrent de rires en voyant sa réaction.
— Vous me soulez, bouda Kuroo.
— Quoi, on essaye juste de t'appendre des choses et tu réagis comme ça, lui répondit le blond.
Kōtarō n'avait pas arrêté de rire, et cela contamina de nouveau Kenma qui en perdit son sérieux. Kuroo finit par se joindre à eux.
Kenma releva les yeux, son rire s'essouffla aussitôt. Il se raidit et son sourire disparut. L'atmosphère tout autour se métamorphosa, le temps ralentit. Tetsurō suivit la direction de son regard : Keiji se tenait là, planté à plusieurs mètres d'eux, son visage peint du même trouble bouleversé que celui du blond. Ils ne se lâchèrent pas des yeux, restant ainsi plusieurs secondes. Kōtarō et lui-même restèrent silencieux, regardant en simple spectateur ce qu'il était en train de se passer.
Sans que son regard ne se détourne de celui du brun, les yeux de Kenma se remplir de larmes, il échappa un soupire et se redressa. Keiji fit un pas en arrière, n'osant s'approcher plus près.
Finalement, Kenma se mit à courir dans sa direction. Keiji échappa un hoquet de soulagement et ouvrit les bras pour l'accueillir. Ils se retrouvèrent dans une étreinte puissante, bouleversés de sentir la chaleur de l'autre après ce qu'il s'était passé. Kenma murmura quelque chose, Keiji fondit en larmes. Le blond se sépara de lui, il posa ses mains sur son visage, caressant tendrement sa peau humide de larmes. Ses mains glissèrent peu à peu, enfin il enlaça ses doigts à ceux de son partenaire, et il le guida à sa suite, tous deux retournant à l'intérieur. Tetsurō les regarda partir, et enfin tourna la tête vers Kōtarō. Ce dernier avait les larmes aux yeux, les traits de son visage tordus d'un mélange de tristesse et de soulagement. Tetsurō posa sa main sur la sienne, et leurs regards se retrouvèrent. Son petit-ami tenta de lui sourire, mais ses lèvres ne purent soutenir bien longtemps cette expression, les muscles de visages tressautant sous la pression. Il détourna le regard.
— Je… je me souviens… de ce qu'il s'est passé.
— Oh…
Il inspira profondément.
— Je me souviens que Keiji est rentré en torpeur, de… de Kenma… Je me souviens de la panique sur ton visage et de...
Sa voix s'étouffa de larmes.
— Hey, ça va, tout va bien, lui murmura tendrement son amoureux, caressant sa main pour l'apaiser.
Kōtarō hocha la tête. Il échappa en soupire saccader, et essuya les larmes ayant roulées sur ses joues.
— Kenma… il… il t'en a parlé ?
Kuroo acquiesça.
— C'est les phéromones qui l'ont… hum, mis dans cet état, n'est-ce pas ?
— Apparemment…
Il soupira.
— Je sais pas quoi faire…
— Je sais pas si tu peux faire grand-chose…
Il vit ses lèvres commencer à tressauter.
— Je… oui mais… bordel… J'ai essayé de lui dire que… que… enfin. Il, pensait que ça irait, qu'il avait réussi à le surmonter, que c'était derrière lui… Mais… C'est pas aussi facile que ça. J'ai voulu lui faire confiance mais… j'aurais dû insister. Je savais qu'il avait besoin d'aide et …
— Babe, c'est pas ta faute, t'as fait ce que tu as pu… Si Kenma n'était pas… prêt à y faire face, tu n'aurais pas pu le forcer à le faire de toute façon… Mais je pense que maintenant, il s'en rend compte… Tout ce que l'on peut faire c'est l'accompagner.
Kōtarō hocha la tête.
— Je veux juste plus que ça arrive… Je veux pas le laisser seul, mais je veux pas que ça arrive… Et Keiji il…
Il échappa un gémissement de détresse et Kuroo s'avança pour le prendre dans ses bras. Son amoureux se laissa glisser dans l'étreinte sans lui opposer de résistance.
— Ça va… tout va bien, tout va bien, lui murmura-t-il pour le rassurer.
Il fallut plusieurs minutes à Kōtarō pour se détendre. Kuroo le sentit se défaire de l'étreinte et il se sépara de lui. Son amoureux prit son visage entre ses mains, son regard trouvant le sien. Il lui sourit, sincèrement cette fois.
— Je suis content que tu sois resté avec nous…
— Moi aussi…
Il frotta son nez contre le sien, ce qui arracha un sourire à son amoureux. Finalement il se détacha de lui et s'enfonça de nouveau dans sa chaise.
—Je crois que j'ai rarement eu un cycle aussi… chill.
— Chill ?
Tetsurō fronça les sourcils. Chill ? Il avait déversé en à peine 48h son quota lacrymal annuel et son corps avait fabriqué tant de cortisol que ses cardiomyocytes avaient du mal à s'en remettre mais c'était… chill ?
— Oui, bon à part ce qu'il s'est passé, ajouta Kōtarō en voyant la tronche qu'il tirait.
— C'est déjà pas mal…
— Ouais, mais si on avait rajouté à ça le fait que si t'avais pas été là, je me serais surement réveillé en hypoglycémie, trempé de sueur et de vieux sperme séché, franchement c'est pas mal…
— Oh merde Kōtarō, le coupa Kuroo entre dégoût et amusement.
— Quoi c'est vrai, ça a pas été le cas, et c'est pas mal.
— Hmm…
— Merci, brave Max-strubateur.
Kuroo lui jeta un regard noir, ce qui ne fit qu'accentuer l'hilarité de son petit-ami.
Il sourit malgré tout, submergé d'une puissante vague de pure tendresse en voyant les traits de son aimé s'animer ainsi, profondément rassuré de le voir redevenir le Kōtarō qu'il connaissait si bien.
Le reste de la journée s'écoula paisiblement. Kenma et Keiji avaient passé le plus clair de leur journée ensemble, ils étaient finalement réapparus tous les deux en fin de journée. Kuroo avait craint que les événements aient brisé quelque chose entre eux, il n'en était rien… Bien au contraire, ils semblaient s'être rapprochés, ils s'étaient compris, et la peur mutuelle de se perdre les avait fait se rapprocher plus que jamais au paravent.
Le lendemain, ils durent s'atteler à ranger et nettoyer la maison , puis ils partirent finalement en fin d'après-midi. Quelque chose avait changé entre eux, Tetsurō pouvait le sentir. Il pouvait le sentir profondément en lui, et il savait que cela était réciproque, qu'il était ancré plus profond que jamais. Ce sentiment persista même une fois revenu à leur vie quotidienne ordinaire, et il n'était pas près de s'éventer.
Point négatif néanmoins : le surnom de « Max-sturbateur » persista également, au plus grand dam de Tetsurō.
— Fin du Chapitre—
Hey,
Bon on a un peu flippé mais au final tout va bien non ?
Ce chapitre est le dernier de l'arc « Kuklos » on rentre dans le nouveau… que je sais pas trop comment appeler j'avoue…
Je vent un peu pour l'occasion : drôle de semaine pour moi, puisque que quelqu'un a décidé de défoncer la porte de mon appart à coup d'épaule en pleine nuit : la joie. Pour avoir eu pas mal de problèmes d'anxiété dans ma vie (vous croyiez qu'elles sortent d'où les crises de panique de Kuroo, il fallait bien qu'on ait des points communs), je pensais que ma réponse au danger serait le freezing. Apparemment non, je maitrise bien le « Fight » puisque ma première réaction a été de prendre une chaise et de la balancer de toutes mes forces sur le défonseur de porte dans le plus grand des calmes. Tout est bien qui finit bien, mais c'est un peu la merde, et je prends du retard sur l'écriture ! (bon, j'ai 10 chapitres d'avance, je suis pas en galère pour le moment). Du coup je post plus tôt puisque je ne sais pas si j'aurais une connexion internet dans deux heures (ni même ou je serais mais chill).
-fin du venting-
J'espère que ce chapitre vous aura plu !
Prochain chapitre « Jishin Desu »
« Le japon : archipel comptant pas moins de 440 volcans, dont 111 actifs à ce jour riquiqui bout de terre hébergeant 10% des volcans de la planète en raison de sa très sympathique localisation au niveau des quatre plaques continentales — la plaque du Pacifique, des Philippines, de l'Eurasie et la plaque nord-américaine. Souvent, Kuroo se demandait pourquoi ses ancêtres avaient décidé d'aller s'installer à un endroit aussi risqué, mais cela avait surement à voir avec la résilience bornée de l'humanité, cette « résilience » consistant à s'implanter n'importe où, qu'il fasse -30 ou 45, volcan ou pas. Ok, la vue était pas trop dégueulasse, mais quand même, quelle étrange idée, sachant qu'il y a des tas d'endroits sur la planète n'enregistrant pas des milliers de tremblements de terre chaque année ! Le pire était peut-être que ni ses ancêtres ni son expérience ne l'avaient habitué à ce genre d'occurrence. »
See ya
