Une Affaire de Famille
AN : Voilà le prochain chapitre. En espérant que ce chapitre et cette histoire vous plaise ! Bonne lecture ! Avant-dernier chapitre !
Chapitre 11 :
Dean se réveilla et observa son petit frère les bras croisés posés sur le bord du matelas et la tête reposant sur l'un de ses poignets. Il ne pouvait détacher son regard d'un visage si apaisé qu'il arborait. Sam lui avait tellement manqué, il en aurait crevé. Il en a crevé d'être si loin de son frère.
Un ouragan dévastateur de culpabilité le prit aux tripes. Il avait arraché Sam à sa vie de rêve pour sauver sa peau de chasseur. Que valait cette peau, sérieusement ? Il ne valait pas grand-chose déjà avant le départ de son bébé frère… Après cette nuit fatidique il n'y avait plus eu de bulles d'air dans ce monde de dingue. Sam lui avait reproché de n'être qu'un soldat de leur père, prêt à tout, au garde à vous au moindre signe ou exigence de leur paternel. Si seulement son cadet voyait quelle machine de guerre il était devenu. A présent tout ceci fuyait derrière lui, il avait failli. L'épaisse cuirasse indéfectible n'était plus que de la poudre poussiéreuse pourrissant au fond d'une cuve infâme décrépite baignant dans la merde et le sang.
Des frappements doux résonnèrent dans la pièce et Sam releva brusquement la tête. La porte s'ouvrit légèrement et la tête d'une infirmière passa dans l'entrebâillement. Un sourire franc s'afficha sur ses lèvres en voyant les deux hommes réveillés.
-Bonjour, je…euh, j'ai rencontré votre petit frère il y a quelques temps et, enfin…Je me suis dit que. Je recommence : je suis du service du matin et je me suis dit que vous aimeriez peut-être partager une bonne tasse réconfortante, alors je vous en ai ramené de chez moi.
Perdu, Dean regarda son frère qui se frottait les yeux de fatigue. Il paraissait si jeune et vulnérable que le cœur du chasseur mature s'empoigna : Sam n'avait pas sa place auprès de lui.
Elle attendit un signe de Sam pour entrer entièrement. Deux tasses fumantes trônaient dans ses mains fermes, elle les déposa habilement sur la table de chevet. Elle agrippa son uniforme de ses mains et l'aîné devina qu'elle essuyait la moiteur qui était venue s'installer sur ses paumes par sa timidité facilement transpirante. Il lui tendit la main, un sourire amusé au coin des lèvres.
-Merci, c'est très gentil à vous…
-Claire.
Elle attrapa d'un geste maladroit la main tendue.
-Merci, Claire. Je m'appelle Dean.
Elle s'excusa d'être si brève et s'éclipsa. Dean porta son attention aux tasses et en tendit une au jeune Winchester qui murmura un remerciement avec une voix faible et enrouée du matin. Des marshmallows flottaient sur le dessus du breuvage chocolaté et le jeune avocat face à lui n'avait pas l'air surprit.
Il avait une envie folle de cajoler son petit Sammy, un besoin même. Les instincts de grand frère prenaient le dessus et il ne pensait qu'à protéger son cadet contre le monde entier. La plus grande menace résidait à ses côtés : il devait l'éloigner.
Le changeur de peau s'affairait dans son entrepôt en jouissant à gorge déployée d'avoir brisés les Winchester. Enfin, presque. Il savait qu'il ne briserait jamais entièrement le grand Dean Winchester, seul son Sammy en avait ce pouvoir dans l'Univers pourtant si vaste. Il n'avait pas menti au jeune frère, il regrettait de toute son âme ne pas avoir eu l'immense joie de posséder la peau de l'être que sa proie placera toujours au-dessus de tout. Après s'en être prit à l'enfant prodige, il savait ce qui l'attendait. Dean n'allait plus se laisser mourir. Il allait sortir, assoiffé de sang invoquant la noirceur qui coulait dans ses veines pour réclamer vengeance. Le métamorphe fantasmait sur cette source ébène qui bouillonnait avec une force inégalable. Il ne se laissait pas complètement dériver dans son imaginaire et était bien conscient de la menace qui allait se diriger droit sur lui. En revanche, il avait une dernière chose à faire avant de disparaître.
Le jeune Winchester observa son aîné qui inspectait chaque recoin de la pièce avec un air calculateur brillant dans ses iris. Il connaissait ce regard et cela éveilla en lui un tumulte d'émotions. La joie de voir son grand frère avec une attitude si vivante lui donnait de l'espoir quant à leur survie mais la boule pesante qui triturait ses tripes remontait en lui : Qu'est-ce que Dean préparait ?
-Tu ne m'aurais pas laissé mourir en paix, n'est-ce pas ?
Sam hoqueta de surprise et se redressa d'un geste brusque douloureux pour ses muscles endoloris. Son aîné paraissait sincèrement intéressé par la réponse avec ses yeux interrogateurs posés délicatement sur ceux écarquillés du jeune homme.
-Je ne te laisse pas, tout court.
La sensation agréable de voir son grand frère ressentir une émotion s'évapora en un éclair. Il ne devrait pas avoir à préciser tout cela. Il s'était leurré dans un monde imaginaire où ils iraient bien après toutes leurs dernières péripéties. Une lueur si fine peinant à éclore venait d'être abattue en son berceau, écrasant les derniers espoirs de Sam.
-Sam, vraiment, rentre chez toi.
-Dean…
-Je ne te veux pas ici ! Tu comprends ? Rentre à ta petite vie bien rangée et embrasse ta copine, mais dégage d'ici !
Sous la colère évidente émanant du blessé, il se leva et recula de quelques pas pour assouvir le besoin de mettre de la distance avec toute la situation. Il aspirait à ne pas être touché par l'attitude sévère de son aîné comme si mettre de la distance suffisait à le protéger. Son sang se glaça et répandait sa brûlure désormais familière au reste de son être à une vitesse faramineuse. Si le reste de ses organes fonctionnels, le maintenant contre lui en vie, se consumaient il ne durerait pas.
Sans se retourner il quitta l'hôpital, reniflant sa peine. L'habitacle de sa voiture familière l'enveloppa dans un cocon aussi froid et inanimé que lui. Le moteur toussota quand il osa mettre le contact. Son agonie dura quelques secondes avant de se perdre dans les méandres du silence : même sa voiture s'éteignait. Il implora à la flamme de vie de l'engin de se raviver. Sa supplication lancée à l'Univers ne concernait en réalité pas cette simple boîte de métal câblée et avait une importance beaucoup plus grande : un désir ardent d'espoir de briller au creux de ce vide qui le dévorait. Le moteur se mit à gronder et envahir la moindre parcelle d'une vie vrombissante parcourant l'échine de Sam. Un soupir de soulagement se condensa entre les fines lèvres du chasseur et une larme coula allégrement sur sa peau fine embrassant la chaleur vivante au fond de ses entrailles. Il lui fallait à présent affronter sa chambre de motel, seul.
