PV Oliver
Je pénètre dans la salle d'entraînement, animé par le besoin de relâcher la pression après cette incroyable révélation, et j'attrape mon arc et mes flèches avant de me positionner face à la cible.
Je m'attendais à une réaction bien différente de la part de Chloe. Autrefois, c'était une fille extravertie, qui vivait pleinement ses émotions et les partageait ostensiblement. Or, elle s'est montrée presque inaffectée par la nouvelle. Si elle a manifesté ce que la présence du Flou à nos côtés représentait pour la résistance, elle n'a pas semblé joyeuse de savoir Clark vivant. Si elle était restée impassible, j'aurais pu croire qu'elle cherchait à ne rien laisser paraître, comme chaque fois que l'on a perdu quelqu'un. Mais elle s'est montrée particulièrement froide.
Je ne sais pas vraiment ce qu'il s'est passé entre eux et je ne vais pas prétendre comprendre quoique ce soit à la relation ambigüe qu'ils entretiennent. Je me souviens seulement qu'il n'était pas là pour elle à l'enterrement de Jimmy et qu'il a ensuite disparu pour gérer sa culpabilité. C'est ce que l'on a tous fait, chacun à notre manière. On l'a tous abandonnée. Et je m'en veux chaque jour un peu plus pour ça. Mais nous sommes revenus. Au final, nous sommes tous revenus pour l'aider, la soutenir et nous battre à ses côtés. Mais lui, après tout ce qu'elle a sacrifié pour lui, pour l'aider et le protéger pendant toutes ces années, il l'a abandonnée au moment où elle avait le plus besoin de son soutien. Et il n'est jamais revenu… Quoique je fasse, je ne pourrai jamais réparer le mal qu'il lui a fait. Je ne peux que constater chaque jour combien ça l'a changée.
Chloe, autrefois si joviale, est devenue très solitaire. Elle s'isole la plupart du temps et, même si elle l'accepte avec plaisir, elle ne semble pas rechercher la compagnie. Peut-être cherche-t-elle simplement à se protéger en conservant de la distance entre nous. Nous savons tous que notre vie est sur le fil du rasoir et que les lendemains sont hypothétiques. Elle pense sans doute que ne pas s'attacher à qui que ce soit lui évitera de souffrir. Foutaises !
Je la connais bien et je sais qu'elle a de l'affection pour moi, comme elle en avait pour Bart, Victor, Jonn ou Arthur. A un autre niveau, elle a de l'affection pour Flagg, Deadshot et pour les jeunes métas qu'elle a pris sous son aile.
Je voudrais tellement qu'elle comprenne qu'elle doit s'autoriser à vivre pleinement chaque jour qui nous est accordé. Qu'elle s'autorise à aimer pleinement. Même si c'est quelqu'un d'autre de plus méritant. Même si c'est Clark…
Car bien que nous ayons été amis à une époque, l'histoire avec Lex, puis Davis nous a éloignés l'un de l'autre. Et lorsque nous nous sommes retrouvés il y a quelques mois, il m'a fallu l'apprivoiser pour regagner sa confiance. Mais je ne suis pas certain qu'elle m'ait entièrement pardonné de l'avoir abandonnée. Moi, je ne me le suis pas pardonné.
C'est pourquoi je la laisse mener les choses à sa façon, sans la brusquer, et surtout, sans lui révéler mes sentiments. Je sais qu'elle a besoin de temps avant de s'autoriser à tomber amoureuse à nouveau après ce qui est arrivé à Jimmy. Mais je crois aussi qu'elle n'a jamais envisagé de véritable relation entre nous. Et tandis que je décoche une énième flèche vers la cible, je laisse mon esprit divaguer vers ce fameux soir…
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Janvier 2009
Le plan était pourtant simple et précis. Tout avait été calculé à la minute près. Nous avions préalablement fait une reconnaissance quelques semaines avant afin de dénombrer l'ennemi. La tour solaire constitue la source de leur pouvoir sur Terre, de ce fait, elle est gardée en permanence par une dizaine de kandoriens. Cependant, quelques autres patrouillent la zone par les airs afin de s'assurer que personne ne s'en approche.
Nous étions donc répartis en trois groupes de quatre. Bart, Mike, Flagg et moi sommes partis à l'aube afin de contourner la Tour à distance de manière à arriver par l'Est. Deadshot, Jonn, Theresa et Chloe ont fait une partie du chemin avec nous, puis devaient rester en retrait pour créer une diversion afin d'éloigner les kandoriens de la zone Est, laissant à Bart le champ libre pour fixer des explosifs aux pieds de la Tour que Mike ferait sauter à distance au moyen de ses pouvoirs kinesthésique. Flagg et moi devions assurer leurs arrières.
Le troisième groupe constitué de Dinah, Betty, Will et Max devait arrivé par l'Ouest et représentait le plan B : ils devaient créer une autre diversion au cas où la diversion principale n'était pas suffisante pour permettre à Bart et à Mike de remplir leurs rôles respectifs.
Simple. Sauf que rien ne s'est passé comme prévu.
Nous sommes tombés sur des kandoriens avant même d'avoir approché la Tour si bien que nous avons dû nous replier et nous sommes finalement retrouvés coincés dans la zone Sud de la tour. Nous avons perdu tellement de temps que nous n'étions qu'à mi-chemin de notre point d'intervention lorsqu'une dizaine de minutes avant l'heure prévue, un coup de feu a retenti de l'autre côté de la rue. Le groupe de Dinah probablement. Les kandoriens ont commencé à super-speeder en tout sens, nous empêchant de nous approcher davantage. Chloe a alors décidé d'intervenir et son groupe a fait exploser un bâtiment au Sud-Est dans l'espoir de créer une diversion et nous permettre d'approcher de la tour. S'en est suivi une pagaille sans nom.
Les kandoriens, alertés, sont arrivés pour renforcer leur protection près de la Tour. D'une trentaine, ils sont passés à cent en quelques secondes. Les grenades fumigènes à la kryptonite destinées à neutraliser les kandoriens n'ont pas eu l'effet escompté. Le gaz ayant été rapidement dispersé par leur super-souffle. Si Bart a tout de même pu fixer les explosifs, nous étions beaucoup trop loin pour que Mike puisse les déclencher à distance.
Chloe a ordonné le repli immédiat. Lorsque nous avons rejoint le groupe de Chloe, elle était agenouillée au milieu des débris devant le corps sans vie de Jonn. Un coup de poing dans le ventre m'aurait coupé le souffle de la même façon. Jonn avait perdu ses pouvoirs pour sauver Clark, il y a quelques années. Il était devenu aussi vulnérable que nous. Je pose une main réconfortante sur l'épaule de Chloe pour lui signifier ma présence.
― Tu dois continuer à te battre. Quoiqu'il arrive. Même s'il n'y a plus d'espoir. Même s'il ne reste plus que toi. Tu dois continuer.
Je la fixe, perplexe, mais aussi apeuré. Pourquoi me dit-elle ça maintenant ?
― Ce sont ses derniers mots. Explique-t-elle sans se détourner de notre ami. C'est ce qu'il m'a dit avant de mourir. Il était le dernier survivant de son espèce, il était… Je n'ai rien pu faire, Ollie...
Des larmes s'échappent alors de ses paupières et viennent rouler sur ses joues. Elle les essuie d'un geste rageur.
― J'ai cru que tu étais mort, toi aussi.
Elle lève enfin son regard embué vers moi et il est empreint de désespoir. Aujourd'hui, nous avons encore perdu un ami, et pour couronner le tout, la mission a échoué. Les kandoriens vont maintenant se méfier davantage. Ils vont renforcer leur sécurité et nous traquer. Leur porter un coup sera d'autant plus difficile. Il semblerait qu'on doive s'habituer à cette nouvelle vie, si différente de celle que nous avons connue avant leur arrivée.
Tendrement, je soulève son menton entre mon pouce et mon index pour attirer son attention.
― On va s'en sortir. On va trouver une solution pour se débarrasser d'eux. Je te le promets. Mais on ne peut pas rester là. On viendra le récupérer plus tard. Viens !
Elle acquiesce de la tête avant de se lever et de reprendre sa position à la tête du groupe.
Traqués par les kandoriens passablement énervés, nous sommes restés cachés pendant des heures, dans les rues désertes et délabrées de Metropolis avant de pouvoir rentrer à la base. L'ennemi était partout à la fois et j'ai bien cru que nous ne nous en sortirions pas vivants. La nuit est déjà tombée lorsque nous franchissons la porte de notre refuge. Je laisse le soulagement m'envahir et la tension quitter mon corps. Je titube légèrement d'épuisement et m'agrippe au mur pour me stabiliser. Chloe se précipite vers moi pour me soutenir.
― Ça va. Je murmure.
Mais les quelques plaies superficielles reçues pendant le combat n'échappent pas à son regard inquisiteur.
― Il faut nettoyer ça, déclare-t-elle.
Elle passe mon bras par-dessus son épaule et me conduit doucement jusqu'à ma chambre. Puis elle me fait asseoir sur le matelas posé à même le sol avant de retirer ma veste de cuir noir et mon sweat à capuche. Elle va chercher la bassine d'eau, s'agenouille devant moi et entreprend de laver les plaies qui marquent mon visage. Je grimace. La douleur ne m'était pas apparue jusqu'à cet instant, mais l'adrénaline a sans doute quitté mon corps désormais. Et c'est une toute autre tension qui s'installe alors que ses mains se posent délicatement sur ma peau. Elle est si près que je peux sentir sa chaleur émaner de son corps et son souffle sur mon torse. Il suffirait que je tende la main pour l'embrasser. Je ferme les yeux et tente de me concentrer sur la douleur pour faire diversion.
― Comment tu te sens, toi ? Je souffle.
Chloe détourne le regard et continue de nettoyer mes blessures. Je saisis son poignet pour stopper son geste.
― Chloe ? On est vivants, tous les deux. Ok ?
Elle hoche la tête pour toute réponse, submergée par ses émotions. Nous nous fixons un instant, puisant la force de traverser cette nouvelle épreuve dans le soutien de l'autre. Sans réfléchir, mes doigts viennent essuyer une larme sur sa joue avant de replacer une mèche rebelle derrière son oreille. Ses yeux s'arrondissent de surprise et sa bouche s'entrouvre légèrement, attirant irrémédiablement mon regard. Je tire légèrement sur son poignet pour l'approcher encore davantage et me penche vers son visage pour l'embrasser, timidement d'abord, jusqu'à ce qu'elle réponde à mon baiser. Mes bras glissent dans son dos pour mieux la serrer contre moi, tandis que les siens s'enroulent autour de mon cou. Mais je la sens se raidir brusquement, puis elle se détache de mon corps pour me fixer de ses yeux étonnés.
― Qu'est-ce qu'on est en train de faire ?
Elle recule à nouveau, échappant à mon étreinte, et se relève en secouant la tête.
― On ne peut pas faire ça. C'est n'importe quoi !
Elle quitte aussitôt la pièce, me laissant là à fixer la porte d'un air béat.
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