Chapitre 3 : Un rendez-vous printanier
Suite 88, Le Mark Hôtel, NY
L'heure du rendez-vous avait sonné. Intérieurement, Jarod se sentait extrêmement nerveux et pourtant, il paraissait si calme et si sûr de lui. Il était habillé d'un total look noir monochrome qui le rendait chic et élégant à la fois. La pièce, elle, était décorée avec beaucoup de goût, mais sans aucune prétention. Un bouquet de roses rouges était disposé au centre de la table déjà dressée, et quelques bougies étaient disposées ici et là, idéal pour une ambiance, intimiste et complice. Une seule chose manquait à l'appel ou plutôt une personne... Mlle Parker !
Il était 21 h 30 et elle n'était toujours pas là. Jarod désappointé, souffla sur les bougies pour les éteindre, et claqua la porte de la suite. En quittant l'hôtel, il se dirigea vers le poumon vert de Manhattan.
Central Park 14 E, 60th St, NY, 10022
C'était une magnifique soirée d'avril. L'hiver venait de laisser sa place au printemps, et la vie faisait de nouveau surface à Central Park. La nature se réveillait doucement, les arbres étaient en pleine floraison, et de nombreuses fleurs rhabillaient les parcs, offrant une alliance de couleur sans pareil. Les pelouses, elles, retrouvaient leur teinte verdoyante, et les oiseaux chantaient annonçant avec allégresse le retour du printemps.
Jarod marchait le long du chemin piétonnier, autour du Jacqueline Kennedy Onassis reservoir, qui était considéré comme le lac le plus immense de tous les plans d'eau, s'étendant sur presque la totalité du parc.
À ce moment-là, Jarod ne savait pas qu'une personne le suivait depuis sa sortie de l'hôtel, le surveillant d'abord du regard pour ensuite emprunter le même chemin que lui. Il sentit très vite des yeux se braquer sur lui. Le petit génie, pris de panique, commençait à perdre le contrôle, il avait l'impression que son cœur sortait de sa poitrine. Nerveux, angoissé, et se croyant pris au piège, le caméléon pressa le pas et tenta de prendre la fuite, mais finalement, il se retourna.
Quel ne fut pas son étonnement lorsqu'il aperçut dans la nuit, une silhouette à l'allure élancée, embellissant à la lueur des lampadaires sillonnant Central Park.
Elle était apparue là, devant lui. C'était Mlle Parker, son ennemie intime.
Il s'avança vers la jeune femme, l'admirant, dans sa robe noire, sobre, et portant un collier de perles qui ornait le contour fin de son cou. C'était une tenue qui lui ressemblait, et qui épousait avec élégance toutes les formes de son corps mettant ses longues jambes interminables en valeur. Jarod l'a trouvé absolument resplendissante, brillant de mille feux. Adoptant une attitude naturelle, elle se dirigea vers lui, surprise, mais heureuse de le revoir, lui, cet homme de grande taille, aux yeux noisette et aux cheveux bruns.
« Parker, c'est toi !
- Bonsoir.
- J'ai cru, pendant un moment, que des nettoyeurs étaient à mes trousses.
- Je dois avouer, que sur l'instant, te voir paniquer et nerveux était assez jouissif.
- Je trouve ça assez cruel.
- Tu me connais, Jarod, j'adore être en position de force, tu le sais, elle esquissa un sourire.
- Je pensais que tu ne viendrais plus.
- Comme tu peux le voir, je suis venue… Sans arme, sans nettoyeurs.
- Pourquoi ne pas être montée ? Pourquoi me suivais-tu ?
- Non, Jarod, je ne te suivais pas. Enfin, oui. Pour tout te dire, ça fait deux heures, que je suis assise, dans ma voiture, me demandant ce que je devais faire. J'allais repartir quand je t'ai vue sortir de l'hôtel. Je ne sais pas… J'ai eu l'intuition que je devais venir te voir. Mais peut-être que je n'aurai pas dû.
- Parker, ne crois pas ça. C'est une très bonne intuition, et je suis heureux que tu sois là.
- J'ai un petit quelque chose pour toi.
Elle lui tendit un petit objet, un distributeur mécanique, rempli de petits bonbons, et surmonté d'une figurine. Une colombe blanche. Ému, Jarod lui prit l'objet des mains.
- Un PEZ ? C'est la première fois en 5 ans que tu m'offres un cadeau. Pourquoi maintenant ?
- Jarod, tu n'es pas très brillant pour un petit génie. Ce n'est pas de ta faute si le Centre ne t'a jamais appris les rudiments de la politesse !
- Je t'écoute, dis-moi, dit-il attentionné.
- Vois-tu, quand on est invité, il est de coutume d'apporter quelque chose. Il aurait été impoli de ma part de venir les mains vides. Mais si tu ne le veux pas, tu peux me le rendre, le jeter ou le donner. À vrai dire, ça n'a aucune importance.
- Ça en a pour moi, et si tu ne vois pas d'inconvénient, je préfère le garder… Tu sais, Parker, que dans la mythologie grecque, la colombe est associée à Aphrodite, la déesse de l'amour et du romantisme.
- Elle est aussi le symbole de l'espoir et de la paix. Je pensais que ce soir, on pourrait juste parler… Comme avant, sans pression ni contrainte.
- Je suis d'accord, mais tu sais, je n'ai jamais été en guerre contre toi, Parker, bien au contraire. On marche ?
- Pourquoi pas.
- Aurais-je oublié de te dire à quel point tu es incroyablement renversante, ce soir ?
-... »
Il lui semblait être très ouvert et assez direct avec elle, et curieusement son compliment lui faisait plaisir. Tout en se mordillant la lèvre inférieure, elle baissa ses yeux, ses pommettes commencèrent à prendre une teinte plus rouge que la couleur de son fard à joues.
Se promenant tous deux, côte à côte, dans la grande pomme, Jarod et Mlle Parker admirés les grattes-ciel de Midtown parfaitement éclairés. Ils se remémoraient leur passé commun, bavardant comme deux bons vieux amis le feraient, sans aucune retenue ni aucune crainte et sans aucune interruption. Ils étaient eux-mêmes.
Ce soir, Mlle Parker avait la sensation d'être libre, de n'avoir aucune obligation, de ne pas être épier tout comme le petit génie. Avec Jarod, elle semblait retrouver sa joie de vivre n'hésitant pas à lui parler ou encore à lui faire part de ses sentiments. De même que Jarod, en présence de la jeune Miss, n'avait pas a prétendre être quelqu'un d'autre. Il semblait être très différent avec elle, il était moins centré sur ses aptitudes de caméléon. Et Mlle Parker, elle appréciait sa compagnie, il était la seule personne à la voir réellement, telle qu'elle était vraiment.
Levant la tête pour observer le ciel étoilé, Mlle Parker déclara d'une voix rêveuse.
« Ma mère adorait le printemps. Elle disait que c'était le renouveau de la vie. Elle ne savait pas à quel point elle avait tort.
- Pourquoi dis-tu ça Parker ? Tu n'aimes pas cette saison ?
- Dois-je te rappeler, Jarod, quel mois nous sommes ? Je n'ai aucune raison d'aimer le printemps, mais j'ai une raison suffisante de le détester.
- Je n'ai pas oublié, que c'est le Centre qui t'a enlevé ta mère, mais peut-être que tu devrais trouver une autre raison de l'aimer. »
Le Centre, Blue cove, Delaware
« Sydney, vous devriez regarder un peu ce que j'ai découvert sur le bureau de M. Raines. Tout un tas de documents au nom de Parker, annonça l'informaticien en lui tendant un dossier.
- C'est très curieux en effet ! Montrez-le-moi. Ces documents sont remplis de données médicales, date de naissance, âge, poids, taille, analyse sanguine...
- Et regardez, là, il y a également un certificat de naissance établi au nom du petit Parker !
- Oui et d'après, ce dossier, toutes ces informations sont collectées depuis le jour de sa naissance ! Voyons voir ce document-là. C'est un ordre de transfert.
- Vous voulez dire qu'une personne du Centre l'aurait kidnappée ? Mais c'est complètement dingue ! Ça expliquerait pourquoi on ne le voit plus ce bébé. Que croyez-vous qu'il soit devenu ?
- Pour l'instant, je ne suis sûr de rien.
- Sydney, il faut avertir Mlle Parker.
Broots attrapa son téléphone, mais Sydney l'interrompit, retirant l'appareil des mains. L'informaticien devenait nerveux, et son cœur s'emballait, son front commençait à suer.
- Non Broots ! Essayez d'en savoir un peu plus et tenez moi informé de la situation.
- Mais enfin Sydney, il s'agit de son petit frère, nous n'avons pas le droit de lui cacher la vérité. »
Central Park 14 E. 60th St, NY, 10022
« Et quelle est cette raison, Jarod ?
- Qu'est-ce que ça t'évoque le printemps ?
- La mort, la souffrance, la douleur, le chagrin.
- Tu as oublié, le renouveau, la vie, le bonheur... L'amour.
- Jarod. Je n'y crois plus en l'amour et tu ne devrais pas y croire toi, non plus.
- Ne dis pas ça. Ne renonce pas à l'amour. Tu sais, ce qu'on dit, Parker. Qu'il vaut mieux aimer et souffrir que de n'avoir jamais aimer.
- À quoi bon, de tomber amoureuse et d'aimer si c'est ensuite pour en souffrir ? Regarde, Jarod, c'est comme ce couple là-bas, tu vois, ils ont l'air fou amoureux, et peut-être est-ce vrai. Alors au début, tout est beau, c'est le paradis sur terre, et au fur et à mesure du temps qui passe, ils réaliseront que leur relation n'est faite que de mensonge et d'illusion !
- C'est plutôt triste l'image que tu donnes de l'amour.
- Jarod, l'amour, c'est fait pour les faibles et les incompris.
- Alors je suis faible et tu l'es toi aussi.
- Non Jarod, ce n'est pas de la faiblesse. J'ai seulement trop souffert. Et j'ai enduré bien plus d'épreuves qu'il ne m'en faut pour le dire. Le deuil, les larmes, les blessures, le chagrin...
- Tu parles de Thomas ?
- Je parle de ma mère, de mon père, de Thomas... De toi. »
Elle était appuyée le dos contre un cerisier en fleur longeant les rives du grand réservoir. Une larme venait de couler sur son visage. Jarod, voyant sa tristesse, s'avança vers Mlle Parker soutenant le regard qu'elle lui lançait, lui caressant la joue. Sa peau était aussi douce que de la soie et Jarod avait du mal à contenir son irrésistible envie de la serrer dans ses bras, de la réconforter, et de lui avouer toutes les merveilleuses choses qu'il n'avait encore jamais osé lui dire. Alors il se rapprocha de plus en plus près du corps, parfaitement sculpté de la jeune femme, lui prenant le visage dans ses mains qui paraissaient si fortes et si chaleureuses. N'essayant même pas de fuir où de lui dire quoi que ce soit, elle savourait juste ce moment de tendresse oubliant qu'elle venait littéralement de tomber sous le charme de sa proie.
Le Centre, Blue Cove, Delaware
« Broots, avez-vous découvert quelque chose sur le transfert du petit ?
- Non, Sydney. C'est ce qui est effrayant. J'ai pénétré l'ordinateur de Raines, et je n'ai rien trouvé. C'était comme si on voulait effacer toute trace du petit... Comme s'il n'avait jamais existé !
- Continuez de chercher. Pousser vos recherches plus loin. Retournez dans le bureau de Raines, et fouillez !
- Mais enfin, ce n'est pas si simple Sydney. Si au moins je savais ce que je cherchais, mais là, il n'y a rien, je n'ai aucune piste. C'est comme chercher une aiguille dans une meule de foin. Et nous n'avons toujours aucune nouvelle de Mlle Parker. Sydney ! Il faut la prévenir, elle doit être mise au courant de ce qui se trame ici. Elle doit savoir que son petit frère à disparu ! »
Central Park 14 E. 60th St, NY, 10022
- Parker, je ne suis pas Thomas, je ne vais pas mourir.
- Thomas aussi disait qu'il ne voulait pas me quitter, et regarde ce que le Centre lui a fait.
- Je n'ai pas l'intention de mourir, parce que je tiens à toi, que je veux être avec toi et que je refuse de croire que l'amour que nous éprouvons l'un pour l'autre n'est qu'une illusion. Tu ne devrais pas chercher à lutter contre ce que tu ressens. Je sais que nous partageons les mêmes sentiments, le même amour. Je le sais, parce que c'est dans tes yeux, que je vois cette étincelle briller à chaque fois que tu portes ton regard sur moi. Je serai toujours là avec toi, pour toi, quoiqu'il arrive, ça, c'est ma promesse, à moi !
- Jarod, ne veux-tu pas me laisser le choix ?
- Ne passe pas tout ton temps à attendre cette seconde chance. Tu sais, Parker l'amour implique une prise de risque, tu ne peux pas y échapper. »
Jarod se redressa, s'écartant d'elle, pour lui prendre ses mains dans les siennes qu'il recouvra de doux baisers, et dans un élan de passion, il attira vers lui...
