Chapitre 4 : À la reconquête d'un cœur brisé

Central Park 14 E. 60th St., New York, NY, 10022

Paralysée par la peur, elle n'osait ni prononcer un mot ni bouger, elle avait peur de ne pas être à la hauteur, de le décevoir, de lui faire du mal ou pire encore de le perdre. Mais surtout elle avait peur de retomber amoureuse, d'aimer et de souffrir. C'était déjà trop tard. Un vent frais et léger venait de se lever sur la ville de New York, voyant qu'elle commençait à frémir, Jarod lui frictionna le long de ses bras pour la réchauffer, il brisa le silence :

« Tu as froid ?

. »

Jamais elle ne lui avait parue aussi désirable qu'à cet instant. Elle était là, droite, devant lui, affichant un sourire enjolivé, appréhendant le moment où il l'embrasserait. De ses doigts, il caressa la chevelure soyeuse de la jeune femme, et de son autre main, il la tenait par la taille, resserrant tendrement son étreinte, ne voulant plus jamais la laisser s'en aller.

Elle avait basculé sa tête sur le côté, les paupières closes, la bouche légèrement entrouverte, retenant son souffle. Promenant ses yeux sur les traits fins et délicats de son visage, il se pencha sur Mlle Parker saisissant doucement ses lèvres délicieusement exquises. Au contact de leurs bouches, elle sentit un léger frémissement parcourir le long de son corps. Et au moment où ses lèvres avaient touchées les siennes, il sentit qu'elle s'illuminait de l'intérieur comme la lumière qui brillait dans la nuit.

Son baiser doux et tendre devenait plus vigoureux et généreux. Ce baiser qui semblait durer une éternité fût pour eux comme un aveu de leur amour et aucun des deux ne souhaitait y mettre fin. Elle ne trouvait aucun mot pour décrire cette sensation aussi divine qu'inattendue, cette sensation que l'on ressent lorsque l'on se sent vraiment aimer. C'était un sentiment puissamment indescriptible qui l'envahissait. Reprenant peu à peu leur esprit, ils se séparèrent pour reprendre leur souffle. Jarod était troublé par le regard perçant qu'elle lui adressa.

Il était évident qu'ils étaient faits l'un pour l'autre, appartenant l'un à l'autre, liés à jamais par le destin.

« Dis-moi Parker que ce baiser n'était pas une illusion ?

- Tais-toi Jarod ! répondit-elle avec un sourire qui en disait long avant de l'embrasser à nouveau avec passion…

- Tu vas bien ? S'inquiéta-t-il.

- Jarod, pensais-tu vraiment ce que tu me disais dans ta lettre ?

- Parker, tu me connais assez bien, pour savoir que jamais je ne te mentirais. Je te respecte beaucoup trop pour oser ne serait-ce qu'y penser.

- Toi et moi, Jarod, c'est une relation qui ne nous mènera nulle part. Il y aura toujours le Centre entre nous.

- Ça nous mènera là où on a envie d'être, Parker. Et le Centre ne pourra rien y faire.

- C'est de la folie, te rends tu comptes que si on poursuit cette relation, on se met en danger tous les deux.

- Ne sommes-nous pas déjà en danger à chaque instant de notre vie ? Chaque seconde de chaque minute que tu passes là-bas ? Chaque jour que je passe à fuir sans savoir où je vais ?

- Jarod, je ne quitterai jamais le Centre… Même pour toi !

- Et jamais je ne te demanderais de le faire.

- N'est-ce-pas ce que tu as déjà fait ?

- Non, toi seule peux prendre cette décision. »

Et dans un soupir, Jarod se sépara d'elle à contrecœur, lui recouvrant les épaules de sa veste, il lui murmura à l'oreille : « Rentrons ! »

Passant sa main derrière la taille de la jeune femme, il l'a conduisit vers la sortie du Central Park, pour l'emmener vers l'intérieur de l'hôtel. Bien que Mlle Parker connaissait déjà le luxe, elle n'en restait pas moins impressionnée pour autant.

Le Mark Hôtel était une somptueuse bâtisse dont la décoration atmosphérique se voulait être à la fois classique et contemporaine. L'intérieur du Mark Hôtel offrait un sentiment de pure élégance. Et dans le lobby, on pouvait apercevoir un sol marbré noir et blanc et la présence d'un gigantesque luminaire mettant parfaitement le hall en valeur.

Tous deux se dirigeaient vers l'ascenseur, sans échanger ni mot ni regard, presque gênés. La porte de l'ascenseur s'ouvrit et Mlle Parker lui précéda le pas, une fois celle-ci refermée, leurs mains se rapprochèrent pour laisser leurs doigts s'entrelacer. Arrivés devant la suite, Jarod lui demanda :

« Tu es sûr de ce que tu veux Parker ? Après, il sera trop tard, il n'y aura plus de retour en arrière possible.

Appuyée contre l'encadrement de la porte, la tête tournée inclinant légèrement d'un côté, elle lui adressa un demi-sourire, timide, discret et plein de charme, le fixant intensément de ses yeux bleus sans le lâcher du regard. Elle lui répondit d'un ton qui ne le laissait pas insensible :

- Jarod, il y a déjà bien longtemps que je ne suis plus très sûre de ce que je veux, de ce que je fais ou de ce que je suis. Mais je suis sûr d'une seule chose, cette nuit, je veux la passer avec toi. »

Et dans une démarche assurée, elle rentra dans la suite… Il referma la porte.

Suite 88, The Mark Hôtel, NY

Scannant la pièce du regard, Mlle Parker était éblouie par les efforts que Jarod avait faits pour la séduire, elle finit par aller visiter la suite dans son intégralité. Les pièces étaient toutes aussi spacieuses et raffinées les unes que les autres, le mobilier était en ébène, sycomore et nickel, la cuisine comportait des comptoirs en granit noir, et la salle de bain était en marbre. Quant à la chambre, elle était équipée d'un lit double, où des œuvres d'art en trompe-l'œil étaient exposées aux murs.

Et les immenses fenêtres du salon donnaient sur la vue, magnifiquement éclairée par les lumières new-yorkaises.

Après avoir fait le tour de toutes les pièces, elle rejoignit le caméléon alors qu'il rallumait quelques bougies, et sur un ton provocateur lui demanda :

« Dis-moi, tu ne te refuses rien, toi. Ton extravagance va coûter combien au Centre ?

- Pas autant que ce qu'on nous a pris. Je veux le meilleur pour toi. Mais au cas où tu te poserais la question, sache qu'il faudra des jours avant que le Centre ne me localise. Je ne t'aurais jamais invité sans prendre la moindre précaution. Je ne te ferai jamais courir le moindre risque. »

Tout en jetant sur le sofa, la veste de Jarod, Mlle Parker le dévisagea du coin de l'œil, lui lança un léger sourire puis se tourna vers la baie vitrée, contemplant les milliers de lumières qui étincelaient la ville. Tendant sa main pour qu'il vienne à elle, il s'approcha de derrière la jeune femme, passant ses bras autour de ses hanches.

« C'est magnifique, New York, la nuit. Tu ne trouves pas, Jarod ?

- Toi, tu es magnifique.

- Dis-moi, tu as retrouvé la trace de ta mère ?

- Je n'ai encore rien de très précis. Mais je n'abandonne pas.

- Non, je sais que tu n'abandonneras jamais et je sais aussi que tu la retrouveras.

- Ethan, m'a dit la même chose, je vais finir par croire que c'est vrai. Il te ressemble plus que je ne le pensais, vous avez cette même sensibilité qui vous caractérise tous les deux.

- Je trouve que c'est à toi qu'il ressemble le plus. Tu as eu de ses nouvelles ?

- J'ai reçu un e-mail de sa part.

- Vraiment ? Et comment va-t-il ?

- Il a l'air d'aller bien, je dois le voir d'ici quelques jours. Il a des informations qui pourraient nous être utiles, j'ignore encore de quoi il s'agit, mais dès que je saurais ce que c'est, je te le ferai savoir.

- Je sais que tu le feras et je suis contente que notre frère puisse se tourner vers toi et qu'il puisse compter sur toi. Moi, je ne peux pas l'aider, je le mettrai en danger tout comme toi, d'ailleurs. Il me manque tellement. Te rends-tu compte, Jarod, qu'il y a encore quelques mois, on ignorait son existence et aujourd'hui, toi et moi, on est liés grâce à lui. Quelle ironie du sort. »

Perdue dans ses pensées, le regard vide, Mlle Parker n'écoutait plus ce que Jarod lui disait. Elle semblait soucieuse, se demandant ce qui arriverait une fois qu'elle aurait quitté l'hôtel. La jeune femme se sentait bien avec lui, sa présence la rassurait.

« À quoi penses-tu, Parker ?

- À toi…. À moi… À nous. Il y a encore quelques heures, je ne savais pas ce que j'allais faire, ou ce que j'allais te dire, cherchant désespérément un moyen de te repousser. Et maintenant je me retrouve ici avec toi, dans tes bras…

- Et ça te fait peur ?

- Oui… Un peu… Pendant, si longtemps, j'ai cru que notre passé était la seule chose qui nous rapprochait et maintenant, je donnerai n'importe quoi pour que l'on puisse s'en défaire.

- Je sais que pour le moment, tu es égarée et que tu ne sais peut-être plus qui tu es, mais saches que tu n'as pas tout perdu et que tu n'es pas toute seule. Je suis là. Et malgré tout ce qui nous est arrivé, notre relation reste néanmoins la seule chose de bien qui ressort de notre passé.

- Jarod, tout aurait pu être si différent si tu n'avais jamais été un caméléon.

- Alors, laisse-moi devenir celui que je veux être, ce soir… Parker, je ne suis que moi et toi, tu es juste toi. On oublie tout ! Plus de caméléons, plus de Centre, plus de famille, plus de jeux… Juste nous deux.

- Je crois que ce serait plus simple si je n'éprouvais aucun sentiment pour toi. Et pourtant, ce n'est pas ce que je ressens.

- Et que ressens-tu Parker ?

- Regarde dans mes yeux et tu comprendras, ce que j'éprouve pour toi. »

C'était la première fois, depuis si longtemps qu'elle lui parlait aussi ouvertement et qu'elle n'était plus sur la défensive. Elle ne maîtrisait plus ni ses émotions ni ses désirs. Assoiffée de passion, elle était devenue vulnérable. Son cœur commençait à s'emballer lorsque Jarod face à elle, l'attira vers lui pour l'enlacer amoureusement, ne laissant aucun espace entre eux, sentant ses lèvres s'imprégner de la tiédeur de son souffle. À la lueur des bougies, il pouvait y lire dans ses yeux, l'amour et la passion qu'elle lui inspirait.

Arpentant chaque centimètre des bras de la jeune femme, il commença à l'embrasser tendrement, à la naissance, de ses épaules remontant doucement jusque dans le creux de son cou, respirant la fragrance de son parfum. Ne pensant plus à rien, elle se laissa envahir par une pluie de baisers, il était inutile de lui résister. Et d'ailleurs pourquoi le ferait-elle ?

Électrisée, elle s'abandonna littéralement dans ses bras, ressentant leurs rythmes cardiaques mutuels s'affolaient par l'excitation, et se synchronisant pour battre simultanément. Il glissa sa main dans la chute vertigineuse de ses reins, faisant frémir le corps de la jeune Miss, au point qu'elle faillit en défaillir. Fou de désir pour elle, il essaya tant bien que mal de se contenir, ne voulant pas la brusquer. Passant les bras autour du cou de Jarod, elle laissa courir ses doigts délicats dans la crinière ébouriffée du caméléon, avançant ses séduisantes lèvres, pour capturer celles de son amant.

La jeune femme avait l'impression qu'il lui insufflait un souffle nouveau, celui de la vie. Réalisant qu'elle avait outrepassée la ligne qu'elle ne s'était jamais autorisée à franchir avec lui, Mlle Parker compris qu'elle venait de goûter à l'amour défendu, et peu importe ce qui allait arriver cette nuit, demain la Miss devra en subir les conséquences. Prise d'exaltation, elle lui murmura son prénom, laissant échapper un soupir d'extase…

Dès lors, une sonnerie retentit interrompant leur moment d'intimité pour revenir brutalement à la réalité. Émoustillée, la jeune Miss s'éloigna du caméléon pour décrocher.

« Quoi, répondit-elle mielleusement.

- Mlle Parker ? Mais où êtes-vous ? On essaie de vous joindre depuis des heures.

- Quoi, Broots !

- Il faut que vous reveniez au Centre… C'est au sujet de votre frère.

- Lyle sait très bien se débrouiller sans moi.

- Non, il ne s'agit pas de Lyle, mais du petit Parker !

- J'arrive aussi vite que je peux. »

Elle raccrocha, se retournant vers lui, le foudroyant du regard. Comment lui annoncer qu'elle devait le quitter ? Ressentant de la culpabilité, Mlle Parker s'en voulait, pourtant, elle se devait de se montrer honnête envers lui. Appréhendant sa réaction, elle s'avança vers lui, refusant son étreinte, lorsque Jarod voulut la serrer dans ses bras.

« Il faut que je parte.

- Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il se passe ?

- Il y a un problème au Centre.

- Dis-moi. Je peux peut-être t'aider ?

- C'est mon frère.

- Lyle ? Qu'est-ce qu'il a encore fait ?

- Non, Jarod. Je ne te parle pas de ce psychopathe cannibale qui me sert de jumeau. Je te parle du petit Parker.

- Tu veux parler de ton prétendu frère ? Le bébé de ton père et de Brigitte ?

- Prétendu ? C'est de mon petit frère dont on parle.

- Tu dois reconnaître que c'est tout de même assez étrange…

- Quoi ?

- Que tu l'appelles toujours ainsi. Le petit, il n'a pas de prénom ? Et en y réfléchissant bien, Parker, il est possible que ce ne soit pas ton petit frère !

- Qu'est-ce que tu veux dire Jarod ?

- Aux dernières nouvelles, ton père était stérile. Alors réfléchie Parker, qui est le père de cet enfant ? »