Chapitre 5.

Une semaine.

Cela faisait une semaine que Snape se trainait ce boulet de corps, et autant dire qu'il était juste épuisé. Il ne se souvenait pas que le rythme des cours des élèves pouvait être aussi intense.

Ainsi, il avait enfin trouvé un moment d'accalmie et surtout, de solitude pour souffler.

Il ne savait pas s'il allait réussir à tenir encore longtemps comme ça. Ses « amis » le collait, lui en demandait plus encore, ayant toujours une question en sachant pertinemment qu'il devait leur fournir une réponse, que ce soit sur un détail concernant une dispute sur la recette de la bieraubeurre ou sur la bonne réponse au quizz de la vieille McGo.

Une vraie folle celle-là d'ailleurs.

Ses cours étaient un véritable enfer et il la soupçonnait de savoir qu'il se trouvait dans le corps de Granger au vue de ses notes qui avait fait une plongée vertigineuse. Enfin, pour sa défense : ce qu'elle leur apprenait était d'une inutilité effarante. Comment allait-il parvenir à combattre qui que ce soit en sachant transformer une chenille en sac à patate sérieusement ?

Bref, Snape était ainsi accoudé sur la table à manger quasi vide du réfectoire, enfin seul mais pris d'une migraine alarmante. Le banc sur lequel il était assis grinça et l'homme releva très lentement son visage, les yeux plissés par la fatigue. Cependant, il les cligna pour s'assurer qu'il ne rêvait pas.

« Qu'est-ce que vous fichez là Londubat ? gronda Snape de sa voix la plus menaçante, ce qui ne l'était pas assez à son goût avec les cordes vocales dont il était maintenant doté.

_ Vous n'avez pas l'air d'aller bien.

_ Non je ne vais pas bien, je… ! »

Excédé, Snape était sur le point d'exploser lorsque quelques Serdaigle les observèrent d'un air suspicieux, en particulier Luna qui pencha la tête dans leur direction. Snape était peut-être impulsif et colérique, mais pas assez idiot pour ignorer que Granger et Londubat étaient de grands amis et ne se disputait jamais.

« En fait, je me suis dis que vous aviez peut-être besoin d'aide, lança timidement le jeune garçon.

_ Non mais vous avez perdu la tête ? chuchota-t-il tout en gardant son ton enragé. Vous oubliez qui se trouve là dedans ou quoi ?

_ Il faut bien admettre qu'avec cette apparence, vous êtes un peu moins effrayant. »

Snape se contenta de fusiller le garçon du regard, mais cela ne sembla pas avoir l'effet escompté habituel. Enfin… Il n'en menait pas large, mais pas au point de manquer de se pisser dessus, et Snape ne s'en sentait que plus irrité encore. Alors il soupira d'un air mélodramatique et se laissa à moitié tomber sur la table.

« En fait, j'ai cru comprendre que ce secret était très important à garder et

_ Ne me dites pas que vous avez dit quelque chose à qui que ce soit espèce de…

_ Non mais je ne suis pas fou, je sais garder un secret ! s'en défendit vivement Neville. »

Snape soupira de nouveau, de soulagement cette fois.

« J'ai juste peur que vous vendiez la mèche vous-même.

_ C'est à dire, demanda Snape en serrant les dents.

_ Désolée de vous dire ça comme ça, mais vraiment, c'est évident que vous n'êtes pas Hermione, appuya Neville.

_ Non, vous croyez ?! »

Neville leva les yeux au ciel. Heureusement qu'Hermione n'était pas là dans le corps de son professeur, car il doutait qu'elle parvienne elle aussi, à maintenir les apparences bien longtemps.

« Arrêtez de me vouvoyer, ça va finir par s'entendre !

_ Oh mais bien sûr. Je t'en prie, tutoie moi et devenons ami. Je dirais même mieux ! Les meilleurs amis du monde ! »

Le jeune homme fit une drôle de tête, sous le regard satisfait de Snape.

« D'accord, on peut commencer par là, tenta-t-il sans laisser décontenancer.

_ Vous…

_ Tu ! osa-t-il corriger son professeur.

_ Très bien, Neville, insista Snape, comment compte-tu procéder pour m'apprendre à être cette fichue je sais tout d'Hermione Granger ? Qu'est-ce qui cloche en dehors des cours de la vieille Minerva que je prends un malin plaisir à bousiller ?

_ Ok, levez-vous. et marchez »

Snape resta stoïque, sans bouger alors Neville s'énerva un bon coup. Il était tôt dans la salle de repas, quasi personne n'était présent mais les Gryffondor n'allaient pas tarder à arriver ! Il n'y avaient que les Serdaigle mais les membres de cette maison était bien trop perchés pour prêter attention à leur manège. En clair, il n'y avait pas de temps à perdre.

« Très bien, je rectifie : peut-tu te lever s'il te plait et faire deux ou trois pas ? »

Le sourire de Neville fit apparaître un effarement clair sur les traits de Snape. Alors, machinalement, il se dit que ça ne pouvait pas être pire, et haussa les épauler avant de s'exécuter, défilant le long de l'allée de la grande salle pour revenir à la hauteur du garçon.

« Hermione ne marche pas comme ça, non mais sérieusement !

_ Vous exagérez Londubat !

_ Tout se joue dans les hanches professeur, c'est une histoire de balancement ! Une femme ne se contente pas d'avancer un pas devant l'autre, il faut penser comme elle, lâcha-t-il en pointant son index sur sa propre tempe.

_ Mais je me fiche de savoir comment Miss Granger pense !

_ Ce n'est pas de ça dont il est question dans le fond, mais vous allez bien devoir être obligé de le faire. »

Snape leva les yeux au ciel.

« Admettons. Alors dans ce cas, pourquoi les femmes se prennent autant la tête à mettre des manières pour se rendre d'un point A à un point B quand il suffit juste d'avancer ? »

Afin de ponctuer sa réflexion, Snape marcha de nouveau le long de l'allée, puis revint comme à un défilé.

Un défilé complètement raté quoiqu'il en soit, car il était peu commun de constater Hermione avec une démarche aussi pataude, les bras un peu trop ballants comme si elle trainait un vêtement derrière elle et garder des enjambées gigantesques qui la faisaient presque courir sur place.

« Le bassin et les bras, ça ne va pas du tout.

_ Mes bras n'ont rien du tout.

_ Vous vous déplacez comme si vous aviez encore votre cape et que vous mesurez 1m80. Je ne parlerais même pas de la jupe, j'ai l'impression de voir Hermione tenter de marcher alors qu'elle vient de faire du cheval.

_Très bien, alors allez-y puisque vous faites le malin !

_ Ok. »

Snape dévisagea le garçon qui se leva et avança avec une démarche très féminine et extrêmement maniérée. Snape l'observa faire, effaré, surtout par le fait que cet instant lunaire puisse exister et qu'en plus, il en était le principal acteur.

« Tu vois, c'est pas si difficile, lança Neville en faisant mine de balancer ses cheveux sur le côté. »

Snape se retint de justesse de pouffer. Non, décidément, jamais il n'aurait pu imaginer une situation pareille, même sous l'emprise de la substance la plus forte de l'allée des embrumes ! Il vit son élève recommencer son manège et se sentait sur le point d'imploser. Il se retint d'ailleurs de justesse de le faire en se pinçant le nez. Neville tenait ses mains sur les hanches, gardait le regard droit, le menton levé et une démarche quasi théâtrale. Puis, le garçon finit par une magnifique pirouette avant de s'asseoir prestement. Snape l'observa un long moment, interdit.

« Ecoutez-moi bien : jamais, trancha Snape.

_ Honnêtement, vous ne serez pas si ridicule. C'est Hermione, elle marche naturellement comme ça. Vous n'avez qu'à essayer.

_ Même pas en rêve, gronda-t-il.

_ Tant pis pour vous, mais si je m'en suis rendue compte, je ne risque pas de continuer à être le seul au courant. »

D'un air innocent, Neville se servit des oeufs brouillés. Agacé, Snape se leva afin de partir, puis ralentit le pas. Enfin, il observa ses hanches et tenta de marcher comme Longdubat le lui avait montré.

C'était ridicule, songea-t-il en soupirant. Pourtant, plus il explorait les couloirs, plus il tentait de s'exercer. Car s'il continuait comme ça, le gamin avait bien raison sur une chose : il se ferait griller. Déjà qu'il soupçonnait Minerva d'avoir deviné…

Dépité, Snape vit Potter et Weasley au loin. Peu décidé à trouver une énième excuse pour éviter les mains baladeuses du rouquin, il refit demi tour et retourna vers le réfectoire afin de se protéger derrière celui qui était devenu son bouclier humain : Neville Longdubat.

« C'est mieux, lâcha-t-il en mâchant son toast.

_ La ferme. »

Le ton vindicatif de Snape fut interrompu par un étranglement de surprise de sa part et son voisin de table ne comprit pas bien ce qu'il se passait avant de… voir au loin, ce qui était censé être Snape venir jusqu'à la table de repas des professeurs.

« Oh. Mon. Dieu, murmura-t-il. »

Hermione grimaça en décollant un peu sa chemise beaucoup trop boutonnée de la peau de son cou. Quel enfer, mais quel enfer ! Les vêtements que portaient son professeur étaient une véritable plaie à porter ! Elle se rendit jusqu'à la place habituelle de Snape avec difficulté, jonglant derrière les chaises. Snape était beaucoup trop grand pour de si petits espaces, alors conjugué à sa garde robe importable, elle manqua de se casser la figure en s'asseyant sur sa cape. Après avoir bataillé pour parvenir jusqu'à sa chaise, elle se contorsionna dans tous les sens, et le véritable Snape fut sur le point de s'évanouir.

Qu'est-ce qu'elle foutait là ? Et à quoi s'amusait cette petite sotte pour lui filer la honte de sa vie ? Snape fut sur le point de se lever, mais fut arrêté par la poigne de Neville sur son bras.

« N'y allez pas, vous êtes fou !

_ Cette inconsciente va définitivement vendre la mèche, il est hors de question que je laisse votre copine tout foutre en l'air Longdubat.

_ Hermione ni aucun autre élève ne se rend jamais à la table des professeurs, elle aurait trop peur d'importuner et vous le savez très bien. Sauvez les apparences ! »

Snape grogna en se rasseyant lourdement sur son banc. Il n'avait pas imaginé dire ça un jour, mais le côté parfaite de Granger était en train de devenir un très gros problème. Il aurait préféré qu'elle soit insolente. Cela aurait été plus simple pour être dans sa peau et elle dans la sienne car force était de l'admettre : ils étaient tous les deux beaucoup trop différents et cela ne rendait la tâche que plus ardue.

Hermione était une jeune femme beaucoup trop gentille et avenante. Elle se sacrifiait littéralement pour les autres, Snape n'avait eu d'autres choix que de le constater. Tout le monde attendait d'elle qu'elle réponde à n'importe quelle interrogation, sur un devoir comme sur son avis concernant un bouton mal ajustée. Il avait été surpris de jusqu'où ce genre de sollicitations pouvaient aller, et s'était demandé plus d'une fois si elle n'était pas entourée par une bande d'infirmes. Se rendaient-ils compte d'à quel point ils la mettaient tous sous tension ? Cela mettait une pression monstre sur ses épaules, car ceux qui l'entourait s'attendaient à ce qu'elle réponde sans cesse juste. En plus de conjuguer avec ses propres devoirs, et de combler les manquements des autres, énormément d'autres élèves la mettaient à l'épreuve.

Brimades, piques, compétitions, toutes les maisons s'y mettaient, en particulier étonnement : les Serdaigles. Sa réussite devait faire des jaloux, mais parfois, il avait l'impression qu'ils se donnaient tous le mot pour tenter de vaincre la fameuse Hermione Granger et cela en devenait épuisant.

Nul surprise qu'elle ait besoin d'autant d'heures de sommeil, le train de vie que ses camarades lui faisaient vivre était insupportable. Et il ne parlait même pas de Potter et Weasley qui semblaient presque être soft avec elle en comparaison du reste.

Hermione quant à elle, se mit également à songer au quotidien de Snape en un sentiment pas si éloigné que celui de son professeur. Ce qu'elle vivait était, en effet, loin d'être une partie de plaisir.

Elle s'était bien rendu compte que l'homme négligeait sa vie personnelle en faveur de son travail, n'en témoignait que l'état déplorable de ses appartements en dehors de l'école.

C'était comme s'il n'avait le temps de rien faire.

Et elle ne doutait pas qu'il soit débordé. Habitant son corps, elle n'avait pu que remarquer ses douleurs sans doute chroniques des genoux, de dos, et des épaules. Ses habits étaient toujours impeccables, certes, et il avait une hygiène irréprochable, n'en témoignait que l'état brillant de sa salle de bain ainsi que des nombreux produits qui y étaient présents. Mais cela ne semblait être que son seul plaisir.

Snape ne mangeait visiblement pas toujours à sa faim, elle l'avait remarqué car son estomac avait crié famine bien trop souvent, et chaque fois qu'elle écoutait son appel, elle avait l'impression que son organisme venait de courir un marathon, comme s'il n'y était pas habitué.

Après tout, sa cuisine avait été vide à son arrivée, et cela n'avait pas semblé être prioritaire dans l'esprit de son professeur.

Pour couronner le tout, Hermione avait l'impression de sans arrêt être sous l'emprise d'un torticolis tellement le corps entier de Snape était tendu en permanence. Elle comprenait mieux ses crispations désormais, et son côté cérémonial dès qu'il s'asseyait voire même, se déplaçait. Ses tracas, elle les comprenait maintenant qu'il avait dressé le tableau de sa situation : un sorcier tiraillé entre deux puissances, le bien contre le mal, l'attrait de l'occulte contre la nécessité de faire le bien. Mais elle avait réalisé que c'était même pire lorsqu'elle était tombée sur une pile de parchemins rédigés par des deuxièmes années. Les réponses données étaient d'une médiocrité tellement accablante qu'Hermione avait levé les yeux au ciel une bonne dizaine de fois, au moins. Ainsi, même son travail ne semblait pas compenser le reste.

Et que dire des réunions de mangemorts, des comptes rendus à Dumbledore ? Elle priait pour ne pas avoir à y faire face.

Machinalement, Hermione frotta la marque des ténèbres au dessus de sa manche. Lorsqu'elle avait du se résoudre à prendre une douche, c'était ce qui l'avait hypnotisé en premier, en dehors de son corps un peu trop émacié.

Snape était quant à lui, à deux doigts de la crise d'angoisse. Pourquoi frottait-elle la marque ? Le seigneur l'appelait-il ? Et la raison de sa présence n'était toujours pas claire. Il fallait qu'il lui parle de toute urgence.

Ainsi, il n'écouta pas un mot des racontars de ses camarades et les ignora même tout bonnement à la fin du repas, en se précipitant comme une fusée vers les professeurs. Il connaissait leur routine : après le petit déjeuner, tous se réunissaient dans la salle principale durant un petit quart d'heure avant de commencer les cours.

« Je peux savoir ce que vous faites là ? »

Snape ferma les paupières, dépité. Forcément, la vieille bique était derrière lui, toujours fidèle au poste pour lui casser les pieds.

« Je… cherche le professeur Snape, prononca-t-il.

_ A quel propos ? »

« A propos du fait que tu devrais te mêler de ton vieux cul ridé Minerva ! »

Snape prit une profonde inspiration, sur le point de s'asseoir dans la position du lotus afin de se retenir de la tuer.

« A propos d'un devoir que j'avais à lui rendre, chose que je n'ai pas eu l'occasion de faire du fait de son absence, mentit-il.

_ Désolée Miss Granger, mais vous allez devoir attendre. Votre cours de potions commence dans 2 heures, je vous invite donc à rendre votre devoir durant la classe du professeur Snape et de ne pas nous déranger. Je suis sûr qu'il ne vous en voudra pas pour ce léger retard. »

« Bien sur que je ne vais pas lui en vouloir espèce de pauvre conne ! C'est toi que je vais trucider en place publique si tu ne me laisse pas franchir la porte de cette putain de salle ! »

« C'est que, ce devoir est vraiment…

_ Ma décision est prise. Le sujet est clos. Maintenant, retournez à vos activités, Miss Granger. »

Non, mais quelle…

Excédé, Snape tapa lourdement du pied une fois seul et rebroussa chemin en quatrième vitesse.

Hermione quant à elle, avait suivit un peu le mouvement qui l'avait amené à attendre dans la salle des professeurs avec ses enseignants, devenus maintenant ses collègues. Autant dire que rendre cette situation encore plus bizarre à ses yeux s'avérerait fort compliqué.

Elle avait été prise de cours après que Dumbledore lui ait expressément demandé de revenir pour assurer exceptionnellement ses classes durant les prochains jours, faute de trouver un remplaçant avant et surtout, à l'approche des examens des 5é années. Il avait du être fort embêté pour oser l'interrompre durant l'une de ses « missions » pour si peu. D'ailleurs, il lui avait même spécifié qu'en cas « d'appel urgent », il serait autorisé à quitter sa classe sans attendre.

Ça lui faisait une belle botte tiens ! Autant affronter le seigneur des ténèbres en personne plutôt que de tenir le rôle de Snape dans des conditions pareilles, face à une école toute entière !

A cette pensée, Hermione soupira en se frottant le front.

« Bordel, mais qu'est-ce que je raconte moi, marmonna-t-elle dans sa barbe.

_ Severus ? »

La concernée soupira en levant le visage, affichant un rictus qui aurait pu ressembler à un faux sourire se voulant repoussant pour qui que ce soit ayant pour idée de l'emmerder.

« Minerva ? demanda Hermione, sentant qu'appeler sa directrice de maison ainsi était en train de lui arracher la gorge.

_ Je t'ai déjà demandé de ne pas autoriser les élèves à venir ici.

_ Qui était-ce ? demanda Filius à l'autre bout de la pièce, en train de boire son thé habituel.

_ Hermione Granger.

_ Oh, pas encore elle, soupira le professeur de sortilège en levant les yeux au ciel. Severus, on avait dit que tu arrêtais de les autoriser à te donner des travaux ici. C'est notre pause. Alors si en plus, tu laisse le champ libre à cette jeune fille de squatter les alentours, on est fichu, elle va nous envahir !

_ Je vous demande pardon ? siffla Hermione, outrée. »

McGonagall sembla regarder le professeur Flitwick d'un air entendu, et l'ensemble des professeurs acquiescèrent. D'ici, Hermione sentait le naufrage se profiler.

« Je vous rappelle que c'est le seul endroit de Poudlard où on peut enfin se lâcher concernant les élèves, rappela Chourave en se servant l'équivalent d'un demi litre d'une espèce de concoction bizarre impossible à identifier. Et ils risqueraient d'entendre toutes les choses pas très gentilles qu'on balance sur eux. »

Très bien, elle ne s'était sans doute pas attendu à un truc pareil. Décomposée, Hermione partit se servir un énorme mug de café, elle qui n'avait pas dormi de la nuit après la demande de Dumbledore qui l'avait quasi arraché des bras de Morphée. L'angoisse s'en suivant l'avait maintenu réveillé jusqu'au matin.

Elle sembla tout à fait détachée de la conversation, mais laissa tout de même ses oreilles traîner. Qu'est-ce qu'ils racontaient ?

« Ces derniers temps, je crois que je commence à un peu respirer concernant Miss Granger justement, lâcha Minerva qui, en soufflant sur son thé chaud, laissa une trainée de buée se former sur les verres de ses lunettes. Ses notes ont baissées, mais elle a arrêté de m'interrompre sans arrêt.

_ Elle est toujours aussi insupportable dans mon cours pourtant, même si elle se tait un peu plus, je dois l'admettre, targua Aurora.

_ Moi, moi, moi je sais ! l'imita Binns, perdant tout à coup son ton monotone et soporifique. »

L'ensemble des professeurs ricanèrent à cette caricature, et Hermione manqua d'en rester bouche bée. Depuis quand des professeurs se moquaient ainsi de leurs élèves ?

« Severus, je me demande comment tu fais pour la supporter, balança Aurora Sinistra, sans préambule.

_ Comment ? osa demander Hermione, en se raclant la gorge, tentant de rester naturelle.

_ Oh, ne fais pas l'autruche, tu es sans arrêt en train de prendre sa défense. Tu l'aime bien la Granger, avoue-le. »

Hermione en aspira son café par le nez, et le recracha aussi net dans son mug en un toussotement à la fois désagréable et inquiétant. Elle avait bel et bien manqué de s'étouffer de surprise et le long pif de Snape n'avait pas aidé au passage.

« Est-ce que tout va bien ? la questionna Minerva, suspicieuse.

_ Oui, oui, bien sûr. C'est juste que… réfléchit Hermione à la vitesse de l'éclair, vous exagérez en affirmant ce genre de choses. Tout le monde sait que cette Miss Je-Sais-Tout m'est insupportable. »

Arrimage contrôlé et sans accroc malgré l'iceberg en vue, tout le monde applaudit Hermione !

Clap, clap, clap !

« Oh je t'en prie, marmonna Minerva en levant les yeux au ciel.

_ Quand on a voulu l'élire « élève le plus insupportable », ça a encore failli être la 3ème guerre mondiale, s'emporta Filius. Tu t'es mis a vanter son intelligence et à tous nous insulter d'incapables et de débiles profonds.

_ J'apprécie… son… esprit, balbutia Hermione, mal à l'aise en balançant sa main dans le vide.

_ Vous les hommes, gronda Minerva d'un regard incendiaire, incapable d'assumer.

_ Assumer quoi ? Miss Granger est une élève ! s'insurgea Hermione.

_ Tu sais très bien qu'elle est beaucoup plus âgée que ses camarades, grogna Minerva en évitant son regard. Et il y a déjà eu des précédents.

_ 21 ans Severus, non mais t'as pas honte ? balança Lupin d'un ton moqueur et avec un sourire immense lui barrant le visage recouvert de cicatrices.

_ Qu'est-ce qu'il y a Minerva ? Jalouse ? lança alors Hermione sans réfléchir d'un ton fier et condescendant.

_ Oh tais-toi Severus ! Ça t'amuse de sans arrêt faire des allusions à cette horrible nuit ? Oui tu étais étudiant en dernière année, j'avais 40 ans à l'époque, j'ai cédé parce que j'avais juste un peu trop bu ! Mais c'est de l'histoire ancienne depuis bien longtemps, surtout maintenant que tes « goûts » en matière de femmes se sont tournés de l'autre côté de la frise chronologique, se défendit la directrice des Gryffondor.

_ Je vous demande pardon ?! hurla Hermione, sur le point de s'évanouir. »

Et, malgré une maîtrise totale de son navire, il semblerait que celui-ci vient bel et bien de se fendre en deux, sans aucun secours en vue.

Mayday, mayday ! Les femmes et les enfants d'abord avant que Céline Dion ne vienne chanter le générique de fin !

« 21 ans, rappela Lupin en secouant la tête d'un air moralisateur.

_ Stop, grogna Hermione dans sa direction. J'ignore à quoi vous jouer, mais mon interêt pour Miss Granger est uniquement d'ordre professionnel.

_ Bah voyons, marmonna Filius.

_ C'est pour ça que chaque fois qu'on évoque son nom, tu t'en va ou ça se termine en apocalypse c'est ça ? questionna Aurora

_ Ça te fait quel âge d'ailleurs Severus ? Pas loin de la quarantaine, non ? balança Remus. »

Hermione serra les poings, sur le point d'exploser.

« Ce qui vous gêne, c'est juste que cette jeune femme soit plus intelligente que vous, finit par lâcher Hermione avec aplomb.

_ Et c'est reparti, soupira Flitwick.

_ Elle est curieuse, et comme elle rend toujours de bons devoirs, cela vous emmerde de faire les votres.

_ Ce n'est pas la question et tu le sais très bien, contra Binns.

_ Alors pourquoi est-ce que tu ne lui donne jamais d'Exceptionnel ? demanda fièrement Lupin.

_ Parce qu'il y a toujours une possibilité de s'améliorer et que je veux qu'elle en soit consciente, lâcha Hermione, mal à l'aise.

_ Ou tu ne veux pas qu'elle s'imagine avoir un « traitement de faveur ». A moins qu'elle n'en ait déjà un mais qu'elle ne le sache juste pas encore ? »

Oh, elle allait le tuer. Hermione ferma les paupières pour tenter de se concentrer sur sa respiration, en vain.

« Severus qui défend la pauvre Miss Granger des méchants professeurs.

_ Tais-toi.

_ C'est une méthode qui a porté ses fruits après tout, tu pourras la réconforter lorsqu'elle découvrira le pot-aux-roses et qu'elle saura que tu n'a pas participé à cette agacement collectif, non ? Sugar Daddy, lui murmura Lupin près de l'oreille, ce qui fit se tendre Hermione jusqu'à s'en bloquer la colonne.

_ La ferme, Lupin ! explosa-t-elle en se retournant pour lui empoigner le col.

_ Severus ! appelèrent une bonne partie du corps enseignant avec inquiétude. »

Hermione prit une profonde inspiration, voyant bien que l'homme était en train de fermer les yeux avec force sous l'anticipation d'un coup qui ne vint bien sûr, pas. Minerva se leva et manqua de se positionner entre eux, mais la jeune femme lâcha le loup garou avant, et ce dernier rouvrit les paupières avec surprise.

Pourquoi avait-elle réagit de la sorte, elle n'en savait foutrement rien. Etaient-ce ces insinuations à la pelle, cette histoire entre McGonagall et Snape, ou alors cette dernière pique laissant à entendre qu'il y aurait plus entre eux, et pire encore, une relation de conformité basé sur un échange contre des faveurs sexuelles ?

Seigneur.

« Hermione Granger, sujet sensible, comme toujours, chuchota-t-il.

_ Vous êtes de vrais gamins, intervint Minerva excédée. Severus, bon sang, on a déjà épongé du sang ici pour moins que ça, tu ne veux pas un peu lâcher prise pour une fois ?!

_ « Eponger du sang », vous et le sens de la mesure ! Je ne fais que défendre une élève de vos… mesquineries dignes d'un groupe d'adolescents !

_ Ou défendre son honneur, lança Remus sans réfléchir. »

Hermione se contenta d'un regard noir envers le loup garou qui positionna ses mains devant lui en signe de reddition.

« Quoi ? Ce ne serait pas la première fois !

_ Je défends tous mes élèves sans distinction, marmonna Hermione.

_ Remus, arrête de chercher la confrontation, et Severus, arrête de raconter n'importe quoi, lâcha Minerva, fatiguée en dardant son regard dans le sien. Tu t'es littéralement battu avec Lockhart quand il est venu nous voir le mois dernier et qu'il a fait une remarque sur le « jolie minois » de Miss Granger alors maintenant, tais-toi ! A cause de toi, il n'a même pas voulu prendre ton remplacement et tu as du revenir sur ton temps de congé, ça aurait du te faire une bonne leçon, non ? »

Minerva semblait désespérée, Remus à mi chemin entre taquinerie et attente, et les autres finalement sur le qui vive, mais aussi excédés que McGonagall.

« Non, balança finalement Hermione, suivi un « oh ! » râleur collectif. »

Tous se dispersèrent sur ces dernières paroles en prenant leur dernière gorgée de café, thé ou autre bouché de gâteau sec avant d'entamer le marathon de cours de la journée.

Hermione resta quelque seconde plantée sur place, sous le choc.

Elle peinait à emmagasiner toutes les informations qu'elle avait entendu en si peu de temps.

Comment ça Lockhart et Snape s'étaient battus ? Pour elle ?! Depuis quand prenait-il sa défense de la sorte ? Pourquoi les professeurs, qu'elle pensait si justes et professionnels agissaient en vérité comme… ses camarades d'école, voire pire encore et qu'est-ce que c'était que ces rumeurs sournoises et tout bonnement dégueulasses ?!

Il fallait qu'elle parle à Snape. Maintenant !


De desillusions en desillusions donc !

Hé oui, les professeurs sont des Hommes comme les autres, et ça doit cracher sévère dans la salle des professeurs ! Pour une fois que Minerva n'est pas en pamoison devant Hermione, personnellement je trouve ça plus réaliste.

Je me met à la place d'un prof, et certains élèves, aussi brillants peuvent-ils être doivent nous sortir par les oreilles qu'en pensez-vous ? C'est humain après tout. Ce qui est intéressant est que, quelque part, cette expérience est en train de faire prendre conscience à Hermione que le monde n'est pas remplis de bonnes intentions, que les figures d'autorité qu'elle côtoie ne sont pas exempt de sentiments purement humains et que Snape, derrière son apparence austère, peut être plus compatissant qu'il n'en a l'air.

Pour ceux qui le souhaite, j'ai créé une playlist publique sur Spotify regroupant des musiques thématiques par chapitre pour cette fic. Vous n'avez qu'à chercher la playlist "charges contraires (fanfiction)" pour tomber dessus. Petit bonus pour rendre la lecture plus immersive !