- Clouuuuud ! J'ai apporté du cafééé !

Par Minerve... Qui... Se permettait de se pointer chez lui... Comme ça... A une heure pareille...

L'escalier grinça, lui annonçant l'arrivée imminente de son visiteur bien trop téméraire.

- Cloud ? T'es réveillé ?

La porte s'ouvrit, mais sans la violence à laquelle il s'attendait. Et la voix était plutôt... Prudente ?

Il émergea un peu des couvertures et tourna la tête vers...

- Johnny... ?

- Ben oui ! Je t'avais dit que je passerais ce matin ! Et j'ai apporté du café ! Comme tu m'as demandé !

Le jeune homme rentra dans la chambre et écarta les rideaux de la fenêtre, pour ouvrir légèrement cette dernière.

- J'ai aussi apporter de quoi faire un petit dej !

L'enthousiasme de son ami avait quelque chose d'apaisant. C'était étrange, car ils ne partageaient pourtant pas beaucoup de points communs... Mais il devait reconnaître qu'ils en partageaient au moins un...

- Je me suis dit que tu n'avais sans doute rien mangé hier, et les jours précédents, vu comme tu avais l'air très affaibli...

Johnny détourna légèrement le regard, se grattant l'arrière de la tête. Il semblait... Gêné...

- Prends ton temps... Mais essayes de te lever. Je vais préparer à manger.

Et il disparut... Avec un petit sourire sur le visage.

Soupir... C'était vraiment compliqué de décrypter les gens...

Mais il se rappela de tout ce qu'avait fait son ami hier, pour lui... Il fallait qu'il se lève... Le jeune homme semblait se donner vraiment beaucoup de mal pour... Pour quoi d'ailleurs ?

Encore une fois, ils n'étaient pas proches. Qu'est-ce qui motivait ainsi Johnny... ?

Il se redressa doucement dans le lit et se frotta le visage avec ses mains. Il avait... Bien dormi, en fin de compte.

Son ventre fit un bruit épouvantable, se rappelant à lui, provoquant une légère brulure au niveau de l'œsophage. C'était assez douloureux. Même s'il n'avait pas spécialement faim, il savait qu'il devait manger quelque chose pour alimenter la faible flamme qui continuait de l'animer...

Malgré son absence totale d'envie... Si ce n'est d'une douche et de rester dans ce lit... Il se devait de se rendre présentable pour le jeune homme qui l'attendait en bas.

D'ailleurs, cela sentait bon le café et le pain grillé...

Il fit un effort surhumain pour se lever... Mais sa vision se fit chaotique... Comme s'il se trouvait sur un navire qui tanguait violemment... Lui qui n'avait pas le pied marin. Il se rassit un instant, le temps que son cerveau refasse les connections... Il s'était levé trop vite...

Nouvelle tentative... Voilà.

Tout en se tenant au mur et en faisant abstraction de sa nudité au milieu du couloir, ce qui ne lui était absolument jamais arrivé... Il se dirigea d'abord vers sa chambre pour récupérer des vêtements propres. Notamment son pantalon noir et son polo gris... Il avait besoin de ces vêtements « seconde peau », même si c'était toujours les mêmes. Il n'y avait que là dedans qu'il se sentait bien.

La douche, chaude, lui fit d'ailleurs un bien fou. Au point qu'il serait volontiers resté là, si Johnny ne s'était pas mis à tambouriner à la porte, l'imaginant en train de se noyer ou de se pendre avec le pommeau de douche.

Pour la première fois depuis des jours, il se regarda dans un miroir.

Le choc... Il ne se reconnaissait absolument pas.

Ses traits étaient tirés, son teint beaucoup plus blanc que d'habitude... une légère barbe blonde saillante sur son visage, lui qui n'en portait jamais... Le pire étant les poches sous ses yeux devenus translucides... Il se sentait vide.

La dernière nuit avait peut être améliorée les choses, mais pour le savoir, il aurait fallu qu'il se regarde avant dans un miroir...

Ce qu'il détestait cette vision... Lui qui ne s'aimait pas... Là... C'était...

Son ventre se tordit et il sentit... Une nausée le prit et il se précipita vers la cuvette des toilettes pour vomir... De la bile et rien d'autre...

Qu'est-ce que ça faisait mal...

Il resta quelques minutes, agenouillé devant la cuvette, sa serviette toujours sur ses hanches, le temps de reprendre son souffle et ses esprits.

Quand est-ce que tout cela allait-il s'arrêter...

Il attrapa le rebord du lavabo, un peu plus haut, et se hissa à sa hauteur pour se remettre debout. Après s'être rincé le visage et la bouche, il entreprit de se raser. Parce que cette tête là... Comment avait-il pu sortir avec hier !? Zack... Ou Vincent auraient pu le prévenir ! Mais dans le fond... Même s'ils lui avaient dit... Il n'en aurait sans doute rien eu à faire.

Ses mains aspergèrent son visage pour rincer le restant de mousse et il entreprit cette fois-ci de s'habiller. Avant de rejoindre Johnny qui faisait preuve d'une patience incroyable, à l'attendre ainsi.

- Ah te voilà ! Oh... Ça a l'air d'aller un peu mieux ! Tiens ! Assis-toi !

Cloud obéît machinalement, comme s'il n'était qu'un invité... De toute façon, il ne se sentait plus vraiment chez lui, ici...

- Voilà ton café sucré ! Et j'ai fait griller du pain ! J'ai aussi trouvé du beurre et de la confiture dans ton frigo alors... Je me suis servi !

Son ami installait tout devant lui...

- Johnny...

- Oui ?

- Pourquoi fais-tu ça... Pourquoi tu t'occupes de moi ?

Le regard du jeune homme se fit indéchiffrable, jusqu'à ce qu'un petit sourire triste se dessine sur son visage... Encore ce fichu petit sourire triste...

- Bah... C'est ce que font les amis, non ?

Ah... Vincent lui avait dit un truc de ce genre aussi. Les amis semblaient faire beaucoup de choses les uns pour les autres. Des choses qui ne se résumaient pas seulement à se sauver de situations dangereuses.

- Dis... A quoi penses-tu... Quand tu fais ce sourire, là ?

Il en avait marre de ne pas savoir, et il sentait que Johnny ne se moquerait pas de lui, s'il posait la question simplement.

- Ce sourire ? Quel sourire ?

- Celui que tu as fait, avant de dire que... Les amis...

- Ah...

Il sembla interloqué par sa question et à nouveau, ce même sourire se dessina sur son visage... Il allait enfin savoir...

- C'est parce que... Ta question m'a fait un peu mal, pour te parler franchement... C'est... J'ai pensé, fatalement, que tu ne me voyais probablement pas comme ton ami.. Que tu étais toi.. Qu'il fallait que je fasse avec... Même si ça fait mal. Et que j'espérai autre chose...

Alors c'était ça... Tous ces sourires... Il en avait vu de similaires, un nombre incalculable de fois, sans jamais comprendre vraiment ce qu'ils impliquaient...

Et par dessus tout... Tifa... Depuis toujours... Depuis qu'ils étaient enfants, cela lui revenait maintenant... Comme cette fois, lorsqu'il lui avait donné rendez-vous... Pour lui dire qu'il partait pour Midgard...

- Ça fait bizarre, quand même, de devoir expliquer ça. T'es vraiment un gars compliqué hein...

Cloud ne pouvait pas dire le contraire, alors il resta silencieux, fixant calmement son café fumant.

- Mais ça fait du bien, aussi... Quelque part... je suis content de te l'avoir dit ! D'autant que ça a l'air de beaucoup te faire réfléchir...

A en avoir mal à la tête, oui... Mais c'était important... Pourquoi n'avait-il pas pu deviner ? Pourquoi était-il autant incapable de déchiffrer les émotions des autres... ? Cela aurait pu lui éviter tellement de problèmes...

- Cloud... Je peux te poser une question ?

Il porta sa tasse à ses lèvres, pour boire quelques gorgées, avant de répondre en hochant simplement la tête.

- Est-ce que... Est-ce qu'il s'est passé quelque chose... Entre Tifa et toi ? Je veux dire... Ce ne sont pas vraiment des vacances, qu'elle a pris... N'est-ce pas ?

Que répondre... Si ce n'était la vérité...

Cloud retira ses mains du comptoir pour cacher ses tremblements, et détourna le regard.

- Elle... Elle ne supportait plus ma présence...

Cette révélation provoqua un grand silence chez son interlocuteur et il se sentit mal... Tellement mal d'avoir pu avouer quelque chose comme ça... Ce sentiment de rejet... D'abandon... Lui qui était si nul...

Son corps tout entier se mit à trembler et il du croiser les bras contre son torse pour tenter de garder un semblant de contrôle. Il avait spontanément baissé la tête pour cacher ses yeux derrière ses mèches de cheveux...

Mais il la releva doucement, lorsqu'il sentit une main le saisir fermement par l'épaule.

- Ça va aller... Calmes toi.

Johnny avait un regard bienveillant et un sourire très doux sur le visage.

- J'avais juste besoin de comprendre... De te comprendre.

- Pourquoi... A quoi cela va bien pouvoir...

- Comprendre les autres, comprendre ses amis, surtout... Ceux qui nous importent... Cela permet de mieux les aider.

Le jeune homme relâcha son épaule et lui tendit une tartine de confiture à la place. Cloud décroisa péniblement ses bras, laissant même l'un d'entre eux coller contre son ventre qui n'en finissait pas de se tordre, pour finalement saisir ce que lui tendait son...

- Je suis ton ami, Cloud, au cas où tu en douterais encore...

Ou à la rigueur, ton rival. Mais cela fait bien longtemps que j'ai compris que Tifa n'avait qu'un seul cœur... Et qu'elle te l'avait donné tout entier, à toi et à toi seul.

Ce n'était pas le premier à lui dire une chose pareille, mais c'était toujours aussi choquant pour ses oreilles. Tout le monde disait que Tifa l'aimait depuis toujours, sans mesure... D'un amour immense, fort, passionné... D'accord...

Mais dans ce cas... Où était-elle... Pourquoi l'avait-elle quitté... Alors qu'ils n'avaient même pas eu le temps... de s'aimer ?

- Je crois que.. Que tu devrais peut être retenter ta chance... Son cœur... Je n'avais pas compris... Mais aujourd'hui, je sais que... Il ne m'appartient plus.

Il vit Johnny secouer la tête et soupirer, comme s'il avait dit une connerie phénoménale.

- T'es pas croyable, tu sais... Et je n'en reviens pas d'avoir cette conversation avec toi... Mais bon ! Faut avouer que je l'ai cherché !

Le jeune homme commença à débarrasser la vaisselle pour la mettre dans l'évier, prenant toutefois soin de lui laisser une assiette pleine de tartines.

- Déjà, tu ne devrais pas proposer à qui que ce soit de courtiser la femme que tu aimes. Au mieux tu te tais. Au pire, tu mets un pain dans la tête de tous les types qui la convoitent ! Il faut un peu de jalousie dans une relation. Pas beaucoup. Faut doser. Mais il en faut un peu...

- De la jalousie... ?

Ce sentiment... Il avait beau cherché, il ne l'avait jamais vraiment ressenti, de toute sa vie. Sans doute parce qu'il n'avait pas beaucoup aimé... Et aussi parce qu'il était toujours persuadé de ne pas avoir de valeur suffisante pour qu'on s'intéresse à lui. Donc... A quoi bon être jaloux ?

- Oui. Ensuite, ce n'est pas parce qu'elle prend un peu de distance que tous ses sentiments pour toi ont disparu ! A mon avis, c'est même l'inverse.

Johnny posa ses deux mains sur le comptoir et le regarda, droit dans les yeux.

- Cloud... Si elle ne t'aimait pas, de passion, elle aurait juste pu t'ignorer, te considérer comme un ami... Vous seriez devenus simples colocataires et tu l'aurais vu flirter, sortir, faire des rencontres... Au lieu de ça, elle travaillait constamment... Elle s'occupait de Denzel et Marlène... Elle gérait tes affaires... Elle te faisait à manger... Et elle veillait souvent très tard, parce qu'elle attendait ton retour...

Ils soupirèrent de concert, et Cloud se prit la tête entre les mains. Tous ces constats le percutaient de plein fouet.

- Si elle est partie... Ce n'est pas parce qu'elle ne t'aime plus... C'est, à mon avis, parce qu'au contraire, elle t'aime beaucoup trop et que son amour... N'a pas dû lui paraître réciproque...

- Comment... Comment tu peux savoir... Tout ça...

Il avait posé cette question, la tête toujours entre ses mains.

- Parce que je l'écoute, Cloud, quand elle parle. Je l'écoute attentivement, et je déchiffre. Parce qu'elle ne m'a jamais parlé de façon très directe. Mais ce n'était pas très dur à comprendre... D'ailleurs, beaucoup de vos amis savaient...

Cloud serra les poings et releva les yeux vers son ami... Il ressentait une émotion étrange, mêlant tristesse et colère, face à cette dernière affirmation.

- Alors pourquoi m'as-tu posé la question tout à l'heure... ? En t'entendant... Je comprends que tu savais déjà tout...

Johnny se recula et croisa les bras contre son torse, le regard imperturbable.

- Non. Je ne savais pas ce que toi, tu ressentais.

Et cette réponse fit toute la différence.

Il comprit que Johnny, aussi infernal fut-il il y a quelques années, était vraiment un ami, en cet instant. Il aurait pu le juger hâtivement, lui qui avait tant aimé la jeune femme... Mais, aujourd'hui, il faisait preuve de réflexion, de prudence, de maturité... Voire d'impartialité.

Un peu comme Vincent...

- Vous êtes tous vraiment...

Il n'en revenait pas... Ses amis... Ils avaient tous finalement la même réaction avec lui, ou avec Tifa... Ils semblaient tous vouloir leur bien, et uniquement leur bien... Sans jamais les juger ou attiser la mauvaise flamme.

- Je ne sais pas si je vous mérite...

- Ah, mais ça, mon petit gars, ce n'est pas à toi d'en décider !

Mon petit gars... ? Cloud arqua un sourcil, avec un petit sourire en coin, malgré les battements violents d'un palpitant malmené.

- M'en fiche, j'ai le droit ! Je t'ai fait un petit dej ! Et j'ai apporté du café !

Cet énergumène n'en finira jamais de le surprendre.

- Dis...

- Hmm ?

- Qu'est ce que tu ferais... Toi... Si tu étais à ma place ?

Cette question sembla provoquer chez Johnny une intense réflexion. Ses yeux brillaient, mais ne le regardaient pas vraiment. Ils donnaient plus l'impression de fixer un point invisible, au-delà de lui.

- Je partirai à sa recherche... Sans hésiter.

Encore ça... Ils s'étaient passés le mot, ce n'était pas possible autrement.

Mais il ne pouvait définitivement pas dire ça à Johnny... Partir à sa recherche... Sur ses traces...

- Je ne sais même pas où elle est partie... Et... Franchement...

Franchement... Ce n'était pas pour lui... L'amour... Une femme... Une famille... Ce n'était pas pour lui...

- Je ne crois pas... Je ne crois pas être l'homme de la situation... Tu devrais...

Le choc le propulsa en arrière et sa tête frappa violemment le sol. Il n'avait rien vu venir et maintenant... Il avait le nez en sang et un mal de crâne épouvantable.

- Mais ça va pas !?

- Toi ! C'est toi qui va pas ! J'en ai marre de t'entendre dire ce type de conneries !

Toujours au sol, une main sur son nez douloureux, il ne pouvait que subir la colère soudaine de Johnny. Ce dernier fulminait, littéralement. A croire qu'il devait être à moitié bombo. Heureusement que le comptoir se dressait devant lui comme un rempart... Mais cela ne sembla pas arrêter le monstre qui venait tout simplement d'en faire le tour, avec un calme alarmant.

- Putain ! Tu peux pas savoir comment ça peut me mettre en rage de t'entendre dire ça !

Cloud voulut reculer, instinctivement, tout en restant au sol car il avait la ferme impression qu'il finirait immanquablement par y retourner.

- Moi ! Cloud... Moi ! Je ne SUIS PAS à la hauteur de quelqu'un comme Tifa... Mais toi... T'es pas un type comme moi...

- Arrêtes...

Son cœur... Cette sensation infernale revenait, l'obligeant à délaisser son nez pour venir porter ses deux mains contre sa poitrine... Sa respiration se fit plus difficile...

- Toi... Toi t'es un homme courageux, vaillant... Bienveillant... Charismatique...

- Arrêtes... S'il te plaît...

Mais l'autre... L'autre ne l'entendait pas.

- Tout le monde t'aime ! Tous... Tous ils t'ont suivi dans tes combats de titans et tous te suivraient encore aujourd'hui, jusque dans la mort !

- Tais-toi...

- Tu es un homme extraordinaire...

- Tais-toi...

- Tu es... Tu es un hé...

- CA SUFFIT !

Une onde de choc propulsa Johnny à l'autre bout de la pièce, soufflant tous les meubles autour de lui dans un ouragan aussi violent que bref. Son cri était sorti tout seul, sous la pression qui s'exerçait sur son cœur. C'était insupportable... Tous ces mots... Tous... Ils étaient insupportables à entendre...

Ils étaient tellement faux...

- Je ne suis pas... Je ne suis pas...

Son ami, toujours vivant malgré un impact plutôt brutal contre un mur, se redressa avec courage, pour lui faire face. Un brin tremblant tout de même.

- Cloud... Tu es un héro... Pourquoi ne veux tu pas...

- JE SUIS UN IMPOSTEUR !

Son regard croisa enfin celui de son interlocuteur, et ce dernier recula, choqué.

Il ne pouvait pas... Toute cette histoire était en train d'avoir raison de son fragile équilibre mental. Et il avait envie de sombrer... De tout lâcher... Il en avait tellement marre qu'on le prenne... Pour ce qu'il n'était pas.

- Je ne comprends pas... Pourquoi penses-tu une chose pareille... ? Pourquoi... Pourquoi tu te dévalorises autant... ?

Il ramena ses genoux contre lui et passa une main sur son visage, pour essuyer le sang et les larmes qui continuaient de couler... Tout ça... Il fallait que cela cesse...

- Quand on t'aura détruit, morceau par morceau et reconstruit avec un être maléfique dans la tête, qui anéantira tout ce que tu croyais savoir, y compris tes souvenirs, et qui s'infiltrera en toi, suffisamment loin pour t'amener à faire du mal aux gens que tu aimes... Alors... Alors tu comprendras.

- Je... Oh... Bon sang...

Johnny s'écroula sur une chaise, près de lui, la tête dans les mains.

Voilà, peut être que maintenant, il comprenait qu'il était un cas désespéré et que Tifa se plantait complètement à vouloir le garder dans sa vie.

Son cœur, son cerveau, son corps... Son âme... Rien n'avait été épargné. Chaque parcelle de son être portait des blessures profondes, qui ne cicatrisaient pas... Et malgré tout ça... Il respirait encore...

Il vivait... Pour un avenir où il serait rongé par le chagrin, la solitude et le regret.

- Cloud... Je ne prétends pas te connaître ou imaginer ce que tu peux ressentir, mais... Je crois sincèrement que tu as plus que jamais... Besoin d'elle.

- C'est pas vrai... Mais je ne peux pas ! Qu'est ce que tu comprends pas ?! Je l'ai fait souffrir et je la ferais souffrir ! Tu as vu ! Pourquoi... Pourquoi tu t'obstines ? Pourquoi vous vous obstinez... Tous...

- Bah, peut être parce qu'ils ont raison.

Son cœur frappa durement dans sa cage thoracique et il ne put s'empêcher de relever la tête, en direction de cette voix.

- Il est sympa ton pote, là. Je l'aime bien !

Zack. Son fichu fantôme était revenu... Tranquillement assis sur une table, les jambes qui se balançaient dans le vide et un sourire provoquant sur le visage.

- Fichu fantôme toi-même. Bon, t'en as pas marre de tourner en rond ?

- Par Junon... J'en ai marre...

Il replaça sa tête entre ses bras, contre ses genoux, pour ne plus voir ce que le monde persistait à lui montrer. A savoir, qu'il avait tort.

Et depuis longtemps...

- Cloud.. Je me rends compte que tu dois souffrir comme un dingue depuis des années et que te parler d'amour... Ouais, ça doit te faire l'effet d'une bouteille d'alcool vidée sur une plaie ouverte.

Ça faisait mal... Atrocement mal...

- Mais en même temps, l'alcool est un bon cicatrisant. C'est un peu radical, certes. Mais ça marche...

Que pouvait-il répondre à ça... Johnny semblait vouloir à tout prix le sauver, sans vraiment tenir compte de ses idées noires. Il en avait marre de se battre...

- Je ne veux plus... Je ne peux plus me laisser approcher comme ça...

Le silence soudain lui fit relever la tête, pour croiser un regard déchirant. Son ami avait les yeux brillant d'émotions... Comme s'il allait pleurer.

- Oui... Je comprends...

Il le regarda se lever et se diriger vers le bar, derrière lequel il disparut. Qu'avait-il bien pu comprendre... ?

- Cloud... Tu n'as rien mangé.

- J'étais trop occupé à me faire casser le nez.

Et il n'avait pas faim, de toute façon. Dans le fond, il avait plutôt envie de se laisser mourir ainsi, doucement... C'était une mort agréable, qui lui donnerait l'impression de disparaître, sans laisser de traces...

Aerith te renverras, si tu fais l'idiot. Tu le sais.

C'est vrai… Mais peut être que s'il essayait plusieurs fois, elle finirait par se lasser et le laisserait enfin se reposer... ?

Si tu fais ça, c'est moi qui te renvoie. A coup de pieds dans ton arrière-train.

Son sourire carnassier ne laissait pas de place au doute. Même fantomatique, Zack restait plein de charisme et dégageait une aura puissante. Cela avait toujours été naturel chez lui. Qu'est ce qu'il aurait voulu lui ressembler...

T'as essayé, et c'est ce qui a manqué de détruire ta relation avec ta jolie brune. Elle ne te reconnaissait pas, tu te rappelles ?

D'une main, il saisit le haut de la table sur laquelle se trouvait Zack et se releva sur ses deux jambes, avant de se diriger vers Johnny, qui lavait la vaisselle.

- Je suis désolé pour ton nez. Je ne me pensais même pas capable de t'infliger une blessure pareille...

Il prit la serviette humide que son ami lui tendait, pour nettoyer son visage.

- C'est rien... Mon corps s'est remis de bien pire...

Ses yeux se posèrent sur les tartines toujours laissées en évidence par Johnny, à son attention. C'était vrai... Tifa avait été troublée par son comportement, lors de son retour après cinq années de disparition. Il avait pensé, au départ, qu'il lui plaisait. Et finalement... Elle lui avait avoué sa peur, ses inquiétudes à son égard... Elle lui avait dit qu'il s'éloignait d'elle...

Et lui... encore une fois... Il n'avait pas compris.

- Tu sais... Vu la douleur que tu ressens, je comprends que tu n'aies pas la force de te lancer à sa poursuite.

Son ami était dos à lui, en train d'essuyer une tasse et la ranger. Cloud en profita pour se laisser tenter par une tartine de confiture, qui patientait toujours dans cette assiette préparée à son attention. S'il ne pouvait pas mourir, alors il devait essayer de s'alimenter un minimum...

- Mais tu devrais quand même partir, toi aussi.

Il manqua de s'étouffer par une bouchée, à l'entente de cette nouvelle mission. Une main sur sa poitrine, il tenta de retrouver son souffle.

- Partir... ? Mais pour aller où ? Et que deviendrait le bar... ?

Vraiment ? Le bar ? C'est tout ce qui t'intéresse ?

Son cœur se comprima violemment et il sentit venir l'envie de vomir le seul morceau qu'il avait réussi à avaler aujourd'hui... Sa main reposa la tartine qui avait perdu tout attrait à ses yeux.

- T'inquiètes pas pour ça. J'ai quelques idées...

Aerith aussi a dit qu'il devait partir... Pour refaire le film de sa vie... Pour replonger dans ses souffrances... Mais dans quel but ? Il nageait déjà dans cet éternel marasme, et cela n'arrangeait rien. Bien au contraire...

- Mais je persiste, tu devrais partir. Tu as besoin d'être vraiment seul, pour repenser à ce que fut ta vie jusqu'à présent. Et peut être, qui sait, pour te trouver.

- Me trouver ?

Johnny se retourna enfin pour lui faire face.

- Livreur, transporteur... Est-ce ainsi que tu te vois ? Est-ce que tu aimes ce que tu fais ?

La question le prit complètement au dépourvu. Il n'avait jamais songé à ça... Tout ce à quoi il avait pensé c'était...

- Je sais pas... C'est juste que je suis utile, comme ça... Enfin... Que j'étais utile... Sans Tifa, ça n'a plus de sens maintenant...

- Donc changes. Trouves autre chose, c'est l'occasion ! Et cette fois, trouves quelque chose qui te plaise à toi !

Il aurait bien eu envie de lui rétorquer qu'il en avait marre de recevoir des ordres, ou qu'on lui dise quoi faire... Mais les propos du jeune homme faisaient étrangement mouches. Ses mots raisonnaient en lui, lui donnant l'impression qu'une étrange vérité était en train d'émerger. Il sentait... Oui, il avait cette sensation folle que cette vérité là, pourrait lui plaire.

Faire quelque chose dont il avait vraiment envie.

Pour se trouver lui...

Et qui sait, peut être, la retrouver, elle...


Prochainement:

- Hmm. Il va falloir sauter.

- Non non non non non non non non…

- Marlène.

- Non.