Episode treize (treize ! treize ! je vous aurai tous ! mwahahahaha…)
All allow's EveLa veille de tout ce qui était permis.
La nuit était tombée enfin, tandis que montaient les chandelles au plafond de la Grande Salle. Chacune des bougies flottantes lançait des ombres vagues qui vacillaient sur le ciel étoilé. De temps à autre, une ombre noire plus précise se faufilait entre les gouttes brûlantes qui ne tombaient jamais jusqu'au bas des tables, frôlant de l'aile la couverture piquetée du faux ciel : des chauves-souris, agiles et menues, qui voletaient de droite à gauche, se risquant parfois à emporter des morceaux de nourriture qu'elles happaient au passage, puis picoraient goulûment la tête en bas, les ailes repliées, agrippées aux hauts piliers de la salle.
Lentement, avec une hésitation un peu lourde, se déplaçaient des citrouilles au plafond. Elles faisaient du sur-place en vérité, enchantées qu'elles étaient et toutes remplies de friandises, mais paraissaient vibrer parfois, comme animées d'un feu intérieur – comme si une multitude de Jack à la Lanterne miniatures s'agitaient au-dedans d'elles, concoctant quelque potion particulière dont la fumée odoriférante s'échappait en volutes colorées par les yeux et la bouche creusés à même la chair, et formant autant de cheminées aux conduites irrégulières.
De ci, de là couraient des lueurs étranges, tantôt rouges, tantôt vertes, et qui jetaient des éclats surprenants sur la pierre en un prisme stupéfiant de multiples étincelles. Il arrivait aussi qu'un éclair un peu vif délogeât une roussette, qui s'enfuyait aussitôt en poussant des cris perçants, lâchant à l'occasion quelques bonbons mâchouillés sur les convives ou que leur envol trop brusque fît se désenchanter l'un paniers improvisés, qui explosait alors en un bruit sec, répandant sur la foule une kyrielle de confettis multicolores, qui sitôt sur la table se changeaient en bonbons.
Elanor Aréthuse leva les yeux au plafond magique, admirant les nuages qu'elle voyait à présent s'amonceler sur les étoiles et elle soupira sous le coup du bonheur, car la nuit s'annonçait belle et calme, et propice au repos. Une nuit comme elle les aimait : si pleine de promesses en surprises.
Elle s'était autorisée à porter une jupe moins sévère sous sa cape, et avait abandonné la chemise amidonnée au profit d'un chandail à col roulé, définitivement plus seyant. La maille chenille était d'un bleu de nuit au clair de lune, et sa couleur irisée relevait la couleur chocolat de ses boucles longues et elle le savait pertinemment.
Elle avait dormi longtemps la nuit dernière, exceptionnellement fatiguée qu'elle était – sûrement le fait du Quidditch, mais elle n'avait pas fait de rêves. Son trop-plein d'énergie allait être dépensé le soir-même, que ce fût dit ! Elle jeta un regard en coin à la table des Gryffondor, où un certain nombre de points oranges annonçaient que la plupart des Weasley étaient déjà à table puis laissa glisser ses yeux vers le coin des Serpentard, redoutant d'y voir certaines personnes mais prise d'une curieuse fascination.
Elle rencontra, sans surprise, les yeux étranges de Lönewenster posés sur elle depuis un long moment. Elanor se força à la regarder pour une fois, Cassandra ne détourna pas le visage. Au contraire, elle la fixait encore, un sourire de Joconde au coin des lèvres. Elanor ne put s'empêcher de remarquer qu'elle était vêtue d'une jupe noire et d'un pull chenille vert-de-grisé. Ses cheveux bruns, plus lisses que les siens, et plus longs, étaient ramenés en arrière et dégageaient les pommettes hautes, les arcades fines du visage dépourvu de toute forme de fard. Elle était plutôt jolie, comme le songea Elanor, juste un peu trop froide. Et bizarre. Mais c'est vrai qu'elle me ressemble. Elanor savait ne pas être très honnête : en réalité, Cassandra était son exact miroir, mis à part le chandail vert et le visage nu.
Une main se posa sur l'épaule de l'autre jeune fille, son mystérieux alter ego une main fine et pâle, ferme et aristocratique. Draco Malefoy glissa quelques mots à l'oreille de sa compagne, sa main effleurant la nuque fragile repoussant les boucles sombres dans une caresse assez ambiguë. Le regard de Cassandra n'avait cependant pas quitté Elanor, qui se sentait incapable de faire le moindre geste, aimantée par ses yeux identiques et l'absence totale, hypnotique, de mouvement. Elle fixait toujours Elanor, et l'Attrapeur des Serpentard suivit la trace vibrante de son regard : les yeux gris parcoururent un instant la foule, puis se posèrent sur le cœur d'Elanor, vêtu de chenille bleue.
La jeune fille rougit brusquement, et fit un pas en arrière, tandis que Cassandra reculait, les joues si pâles soudain, toujours plus transparente, mais souriant toujours, jusqu'à ce que la Gryffondor rompît le charme et s'en vînt à sa place.
Presque tous les membres de la joyeuse bande étaient installés à la table des Gryffondor, se bousculant avec une gaieté contagieuse sur les longs bancs en face-à-face, piochant déjà dans les plats disposés en assortiments à l'odeur alléchante. Une tête rousse qui lorgnait depuis un bon moment en direction d'une pomme d'amour se retira brusquement, grimaçant sous l'effet d'une douleur contenue, tandis que la tête brune à son côté affichait un air satisfait.
Un éclair passa au-dessus de la masse de chapeaux pointus, puis le tonnerre éclata en un roulement terrible qui finit dans un claquement sec, faisant déferler une pluie de bonbons sur les élèves, accompagnée de quelques chauves-souris un peu sonnées. Harry eut un regard un peu inquiet à l'adresse du ciel qui s'embrumait magiquement de vapeurs opaques, les nuages se pressant les uns aux autres avec des airs menaçants. Il craignait pour le vol de demain et les entraînements. Elanor sourit, en songeant qu'elle aurait mieux à faire le lendemain que de voler sur un balai. Mardi… Que pouvait-on faire dans la nuit d'un lundi soir au mardi matin ? Le mardi était un jour agréable : Métamorphose, pas de Potions, deux heures de trou pour bouquiner… deux heures de liberté, c'était jouable…
Elanor se dirigea vers une place libre, un sourire satisfait flottant sur les lèvres un fracas retentissant annonça l'orage qui devait durer toute la nuit.
Hermione Granger pinça discrètement le bras de Ron Weasley, assis à son côté – et très occupé à engloutir un morceau de quelque chose d'indéfinissable. Il se tourna vers elle avec un air coupable, les yeux écarquillés et la bouche pleine, étirée dans un sourire forcé par la nourriture qui lui faisait deux poches de pélican à l'intérieur des joues. Hermione ne put s'empêcher de pouffer de rire, et Ron eut l'air moins ahuri mais davantage vexé.
Il avala une partie de la bouchée dans un effort visible, et l'une des ses joues reprit sa forme normale. Il lança à son (hilare) amie un regard furibond.
« Gnoi ? » dit-il, à peu de choses près.
Hermione goba un bonbon, le mâchouilla un instant d'un air soucieux, parut soulagée puis fit un grand sourire à Ron. « Regarde, » chuchota-t-elle en le poussant du coude. Ron avala de travers, et jeta un regard vide dans la direction indiquée. Hermione eut l'air assez mécontente. Elle croqua la friandise d'une manière très audible, et lui agrippa le bras, qu'elle serra le plus fort possible en le tirant à elle. Elle pointa du menton (qu'elle avait volontaire) vers le couple qui leur faisait face. Ron décoinça son bras douloureux et leva les yeux au ciel magique avec un air d'ennui.
« Bah oui, Harry est là. »
« Et Elanor, » appuya Hermione.
« Et Elanor, » répliqua Ron. Il ne rajouta pas 'et alors' car il n'avait pas très envie de poursuivre une conversation dont il entrevoyait fort bien les aboutissants. Hermione croisa les bras avec un air borné.
« Tu ne remarques rien ? » interrogea-t-elle avec réprobation.
« Ils mangent, » persifla Ron avec une mauvaise volonté évidente.
« Non ils ne… » s'emporta Hermione – puis après avoir glissé un coup d'œil vers ses vis-à-vis, elle ajouta : « Bon, d'accord. Mais ça marche, non ? »
Ron poussa un long soupir douloureux, levant ses yeux bruns dans une supplication muette. « Hermignonne, ma chérie, si tu continues, ils vont tous les deux finir célibataires, Harry en banquier bilieux et Ellie en prof de Métamorphose. »
Hermione lui jeta un regard courroucé. « Qu'est-ce que tu as contre les professeurs de Métamorphose ? »
« Mais rien mon Niffleur, » lui répondit-on avant de l'embrasser – Hermione se tut pendant quelques minutes, et Ron en profita pour engouffrer une frite.
Deux places plus loin à la droite d'Hermione, sur le banc d'en face, Ginny arborait un air morose, et Hermione se demanda pourquoi. Etait-elle malade ? Elle semblait triste. Elle s'apprêtait à lui poser la question, lorsque Seamus se pencha vers la jolie rousse pour lui glisser quelque chose à l'oreille. Hermione vit les yeux bruns s'écarquiller, et les joues devenir roses. Elle se tourna vers l'Irlandais à qui elle fit une remarque acerbe. Il prit une expression de peine feinte, puis avec un air théâtral se pencha de nouveau pour chuchoter autre chose à son oreille. Ginny eut un petit rire cristallin – elle avait un joli rire de lutin – et recula sur son banc pour éviter de poser le coude dans le beurre encore une fois. Hermione fronça les sourcils. Seamus, encouragé à ce qu'il lui semblait, prit des airs de conspirateur et murmura encore quelque chose à sa voisine en lui coulant des œillades langoureuses. Ginny ouvrit des yeux immenses, et ses nombreuses taches de rousseur devinrent d'un rouge brillant elle laissa échapper un petit cri étranglé.
« Laisse-la tranquille ! » Le groupe tout entier sursauta, et se tourna vers Neville, qui commençait à rougir entre Dean et Fred Weasley. George posa sa fourchette et s'accouda avec l'air d'assister à un spectacle très intéressant. Neville, à présent d'une belle couleur pivoine, bafouillait en direction d'une Ginny rouge brique, dans un discours embarrassé où il était question d'honneur, de liberté chez une jeune fille, de vilenie machiste, de fragilité et de protection. Dean coupa la parole à Neville et se lança dans une apologie du machisme estudiantin, avec un nombre certain d'arguments, attentivement écouté par Fred.
En face, Elanor glissa une remarque espiègle à l'oreille de Harry, qui eut un sourire – et Hermione trouva ce spectacle des plus agréables.
Ils se rapprochaient l'un de l'autre…
Oui, ils se tiennent sûrement la main…
Ils se rapprochaient…
Très joli sourire, Ellie… Courage, mon Rirry, courage…
Plus près, plus près…
Encore plus près…
Oh ! oui… ils vont…
« Il va parler ! »
Hermione fit un bond gigantesque, les lèvres d'Harry et Elanor ne se joignirent point, et Neville oublia de gifler Dean déjà à moitié sur la table. Tous dévisagèrent le minuscule Colin Crivey, dont la tête blonde dépassait du banc entre Harry et Seamus, et qui pointait du doigt avec excitation la table des professeurs : Dumbledore d'était levé, Dumbledore allait prononcer un discours.
Hermione se jura de les étrangler tous les deux de ses propres mains.
McGonagall allait frapper contre le cristal de son verre – tout était perdu. Hermione était au bord du désespoir. Un bruit étouffé détourna l'attention de la jeune fille vers son voisin, qui s'étranglait de rire. Elle prit un air maussade et rajouta Ron sur la liste de ses futures victimes.
Un 'Gnmff !' douloureux interrompit ses sombres pensées : Seamus (qui paraissait décidé à profiter de toutes occasions pour assouvir ses instincts primaires d'Irlandais dégénéré) les yeux humides de douleur, avait à moitié plongé sous la table et massait avec force grimace son tibia violenté. A son côté, Ginny Weasley affichait une expression parfaitement vertueuse, empreinte de gravité, offrant l'image même de la dignité offensée.
« Je suis de ces femmes, » pontifia-t-elle à l'encontre de la tête blonde à demi disparue, « qui aiment à prendre l'initiative dans un couple. »
Seamus poussa un nouveau cri, dû sans doute au fait qu'il s'était cogné la tête en se relevant trop vite Elanor pouffa d'un air malicieux tandis qu'Harry s'intéressait à son verre, Fred et George se lançaient des clins d'œil, Dean se tenait l'estomac, Ron se décrocha la mâchoire – Neville hochait la tête avec vigueur.
« Keskispasse ? » interrogea Colin. Un éclat de rire général lui répondit. Harry envoya une bourrade affectueuse à Elanor, qui lui pinça le bras, et Hermione eut un soupir de béatitude. Tout n'était pas perdu, finalement.
Dumbledore se levait enfin.
« Mesdemoiselles, Mesdames, jeunes Messieurs – j'ai deux nouvelles à vous annoncer. En vérité, c'est la même mais elle a ses bons, et… ses mauvais côtés.
« Voyez-vous, il est heureux de constater que même en cette période sombre de notre Histoire, des gens acceptent encore de travailler pour nous, (– il y eut quelques rires –) ce dont je suis très soulagé. Car en effet, nous avons trouvé quelqu'un qui nous puisse remplir les conditions pour ce poste, et c'est ma foi mieux tard que jamais.
« Je suis au regret de vous annoncer que votre emploi du temps va s'alourdir, et que les heures de répit qui vous étaient accordées vont finir, et bien, au cachot (Rogue émit un reniflement audible) puisque nous avons enfin un nouveau professeur de Défense Contre les Forces du Mal. »
Tout le monde ou presque se leva à demi, se tordant le cou pour apercevoir quelque chose – ce fut peine perdue, car la foule était dense et le coin de table rencogné.
« Comble de malchance, celui de cette année n'est ni bégayant, ni amnésique, et il a ses deux jambes – et même, accessoirement, ses deux yeux. Il est même, je le crois, fort compétent (et Rogue renifla très fort) et plein d'humour. Il m'a raconté ce matin… »
Le Professeur McGonagall toussota poliment, et le Directeur s'interrompit avec un sourire. « Bien sûr, bien sûr. Puis-je me permettre de vous demander d'accueillir le Professeur Remus J. Lupin ? »
Ce qui suivit ressembla au plus gros charivari qu'Elanor ait jamais entendu. Une bonne partie de la populace estudiantine s'était dressée et hurlait, parfois tapant sur la table, et celle des Gryffondor n'était pas en reste. Elle, demeurait plutôt sceptique – il y avait une limite à la conscience professionnelle, et ne voyait franchement pas pourquoi elle s'arracherait les cordes vocales en grimpant sur la table, pour accueillir un professeur, fût-il le sémillant Mister D'Agostino, enseignant l'Arithmancie avec une ferveur toute particulière, délicieuse à la part féminine de ses étudiants à Beauxbâtons.
« Jésus donnant l'accolade à Ponce Pilate, » bougonna-t-elle, renfrognée.
Harry se tourna vers sa boudeuse voisine, un sourire dément encore accroché aux lèvres, et Elanor constata – avec au moins autant que consternation que de stupeur – qu'il avait les yeux humides.
Elle cligna les siens plusieurs fois, et décroisa les bras avec impatience, ayant atteint un certain degré de mauvaise humeur.
« C'est un prof, » maugréa-t-elle.
Harry haussa les épaules. « C'est plus que ça, » dit-il simplement.
Elle le dévisagea avec curiosité, mais Hermione l'empêcha d'enquêter plus avant, en apostrophant le garçon avec une véhémence joyeuse : « Harry, c'est merveilleux, regarde ! »
Dumbledore, dont les yeux pétillaient d'une gaieté toute particulière, s'était à nouveau dressé devant la foule en liesse, et levait à présent les bras en geste d'apaisement, avec une grande bienveillance. Les manches amples de sa robe indigo qui volait autour de lui conférait un aspect patriarcal des plus plaisants. Il baissa enfin un bras, et tendit l'autre à sa gauche, en direction du professeur à l'air affable et discret, vêtu modestement de bleu et qui sourait avec émotion.
« Et notre nouveau professeur est venu avec son sympathique compagnon à quatre pattes… Patmol, je crois ? »
A la table des professeurs, Dumbledore souriait avec satisfaction, comme s'il venait de faire une plaisanterie particulièrement réussie, mais dont le fin mot aurait été connu de lui seul le nouveau venu souriait pour lui-même, la tête un peu baissée, et l'on devinait aisément qu'il tentait de ne pas rire. Quant à Rogue, il avait l'air singulièrement enrhumé.
Dans le groupe de Gryffondor qui comportait Harry, Ron et Hermione, le temps parut s'arrêter. Harry surtout restait figé, la bouche ouverte, et lorsqu'il s'éveilla de sa longue torpeur, ce fut pour se jeter au cou d'Elanor, qui poussa un cri strident – de surprise. Ils échangèrent un regard un peu embarrassé, bien que dans le cas de la jeune fille, il s'agît principalement de la plus intense perplexité.
« C'est un chien, Harry, » fit-elle observer, non sans raison. Son voisin haussa les épaules, lâchant la sienne sans répondre. Il souriait toujours, de la même manière que Dumbledore d'une manière fort peu différente de Ron et Hermione, étreignaient leurs voisins (assez surpris) en riant à pleine gorge.
Elanor jeta un coup d'œil suspicieux à son dessert, qu'elle commençait à soupçonner d'avoir été ensorcelé pour quelque raison que ce fût Fred et George Weasley pourtant, qu'elle avait depuis longtemps baptisés « the devilish twins » faisaient montre d'un enthousiasme tout à fait louable. Perplexe, elle repoussa son assiette, redoutant quelque machination vicieuse et secrète. Pansy Parkinson avait-elle empoisonné toute l'assistance ? Ou Malefoy ? Mais étaient-ils capables d'ourdir un plan si diabolique ? Ou s'agissait-il d'un Poufsouffle – ils cachaient bien leur jeu, ceux-là, sous des dehors innocents. Etait-elle en bonne voie de devenir complètement paranoïaque ? Vigilance constante, aurait dit ce drôle d'Auror qu'elle avait rencontré un jour que son père était en conférence internationale. Vigilance constante !
La trame des ses pensées décousues se trouva interrompue par un cri d'Hermione, qui lui disait quelque chose comme « j'ai bien cru qu'on n'allait jamais rattraper le niveau » et lorsqu'elle ajouta non mais vraiment ! Elanor sut qu'après tout, il n'arrivait rien de grave. Tant mieux, elle allait pouvoir cuisiner un peu Harry.
Mais Ron cessa un instant de s'époumoner pour agripper Hermione, qui n'eut pas le loisir de continuer. Elanor ouvrit la bouche pour reprendre le fil de ses questions, quand Colin hurla quelque chose dans leur direction, qui ressemblait à « Ouah, c'est trop génial, pas vrai Harry » et elle resta la bouche ouverte comme un poisson hors de l'eau. Elle la ferma brusquement, et fronça les sourcils. Qu'avaient-t-ils tous ?
« Harry… » tenta-t-elle entre deux vociférations.
Il se tourna vers elle, mais au même instant Ron poussait un cri horrifié.
Le quart de la table des Gryffondor cessa brusquement de beugler pour considérer le spectacle intéressant d'un Ron écarlate, bouche grande ouverte et sur le visage une grande expression peinte de pure horreur à ses côtés, Hermione, les yeux écarquillés et la main sur la bouche dans une hésitation un peu anxieuse Neville, rouge pivoine, les deux mains tendues en travers de la table dans un geste gauche d'autorité vaine Dean enfin, partagé entre culpabilité, crainte et amusement.
Ginny Weasley, d'une beauté virginale, ses longues boucles de cuivre coulant sur sa peau crémeuse, avait un coude délicatement posé sur le bois de la table, la main fine soutenant son menton bien dessiné, le visage arborant l'extase rêveuse d'un ange raphaélique ; l'autre main disparaissait sous la table, quelque part du côté de Seamus « l'Irlandais » Finnigan, qui avait le regard vitreux et le souffle un peu court.
Malheureusement pour eux, Ron avait pour une fois très bien compris ce que passait.
« Ma sœur et mon ami ! » murmura-t-il d'une voix atone, le doigt pointé vers la Faute dans une sorte d'épouvante théâtrale.
Hermione lui saisit le coude avec inquiétude, et le pressa doucement. Ginny retira lentement sa main, l'air serein et dépourvu de toute culpabilité. Seamus tentait sans succès de paraître indifférent.
« Ma sœur… » répéta Ron d'une petite voix éraillée. Elanor poussa la salière dans sa direction avec vigueur, et Ron fixa l'ustensile d'un œil morne durant un instant. Les deux fautifs du bout de table en profitèrent pour recouvrer certaine décence, et Hermione soupira en lâchant le bras de Ron.
Le rouquin releva brusquement la tête, et faisant sursauter toute la table, hurla : « Finnigan ! » Sa sœur leva les yeux au ciel et soupira avec exaspération. « Crétin, » dit-elle simplement.
Ron manqua s'étouffer. « Toi, tu n'as pas voix au chapitre ! » fit-il avec sévérité. « Si Maman savait ça… te conduire comme… comme ça ! »
Ginny devint rouge de colère. Hermione précipita les choses en coupant la parole à la jeune fille. « Je te trouve mal placé pour ce genre de commentaires, Ron Weasley, » dit-elle sèchement. « Si j'en crois ma modeste expérience, c'est un sport que tu pratiques volontiers…» Ron s'étrangla à moitié, et Ginny eut l'air passablement décontenancée. Hermione, implacable, poursuivit. « Parfaitement ma chère Ginny, ton grand frère ici présent est friand de ce genre de… gourmandise, surtout en cours d'Histoire de la Magie d'ailleurs. » Elanor pouffa, et Harry se mordit les lèvres. Fred et George paraissaient aux anges. « Parfaitement, Ron, » ajouta-t-elle, au comble de l'agacement. « Et ce n'est pas parce que certains (elle fit un moulinet indigné dans la direction d'Harry et Elanor) refusent obstinément de se rouler une pelle (Elanor dut administrer de grandes tapes à son voisin qui s'étouffait) que ta sœur doit s'en priver. » Ron lança à sa petite amie l'expression qu'avait dû avoir César en prononçant son « Tu quoque, mi fili » et ouvrit la bouche pour répliquer, mais elle ne le laissa pas poursuivre. « Sans compter qu'à quatorze ans, elle est quand même capable de prendre l'initiative ! » Elanor émit un bruit indistinct, et Hermione se tourna vers elle, les poings sur les hanches. « Quoi ? » interrogea-t-elle avec raideur. « Tu préfèrerais qu'elle se jette sur Harry ? » Elle fut sincèrement ennuyée, car Ginny et Harry davantage parurent assez blessés. Elanor fut déstabilisée, et détourna le visage. Ginny baissa les yeux, puis se tourna vers Seamus, échangeant un regard inquisiteur.
« D'accord, Weasley, » fit l'Irlandais. « Qu'est-ce que tu veux ? Un duel dans les règles de l'art, un certificat avec accusé de réception, une demande en bonne et due forme, ou est-ce que je peux embrasser ta sœur tout de suite ? » Les joues de Ginny rosirent légèrement, et elle se mordit les lèvres.
Ron, qui n'avait pu articuler un mot depuis dix bonnes minutes, passait d'un adversaire à un autre d'un air désespéré. Il finit par en prendre son parti, et déglutit avec difficulté. Il piqua du nez vers son assiette, et tout le monde se pencha, un peu soucieux, cherchant à croiser son regard.
Puis il releva la tête, et avec un grand sourire, déclara : « Ma sœur et mon ami ! »
Hermione poussa un soupir très audible, Neville se renfrogna, Dean éclata de rire, Elanor secoua la tête en souriant, Harry donna un coup de pied à Ron, et Colin prit une photo.
« C'est pas ma soirée, » fit Ron avec une grimace joyeuse. Hermione lui posa un petit baiser sur le bout du nez, qui parut le réconforter quelque peu.
« Non, c'est pas ta soirée, » répliqua Elanor, perfide, et Ginny éclata de rire. Elle échangèrent un regard compréhensif, l'une pour l'autre – après tout, c'était plutôt sympa d'être des filles de quinze ans à Poudlard. Certains soirs, Elanor ne regrettait vraiment d'avoir tout perdu, laissé derrière elle.
Il y avait certains soirs, songea Harry, où on ne se souvenait pas vraiment d'avoir une cicatrice.
Elle marchait à grands pas qui l'éloignaient du banquet, de la clameur festive. Non que cette gaieté la gênât mais elle n'éprouvait pas le besoin de s'éterniser davantage. Qu'avait-elle à y faire ? Hurler avec les autres ? Cassandra, à ce propos, avait remarqué que le nouveau professeur avait reçu un accueil très mitigé à la table des Serpentard. A la vérité, rares étaient ceux qui l'avaient acclamé en partie parce que le reste de l'assistance n'aurait pas vu d'un bon œil que l'on s'opposât aux directives des Aînés.
S'il y avait une chose à retenir pour vivre à Serpentard, c'était cette notion de hiérarchie particulière qui y régnait. Selon la loi du plus fort, chaque classe avait un pouvoir supérieur à celui du niveau inférieur en ce sens, les première-année étaient les plus mal lotis, car privés de sous-fifres à brimer. Malgré tout, certaines qualités avaient plus de chance de réussir.
Après avoir bavardé quelques temps avec une ou deux pestes de sa section, Cassie s'était rendue compte que dans son genre, le sieur Malefoy était un cas. La position – enviable – de son richissime, influent et dangereux père lui conférait une place de choix au sein de ce nid de serpents lovés les uns contre les autres, mais toujours prêts à entrer dans une guerre fratricide. A sa manière, Draco avait été un enfant gâté, protégé, car il n'avait pas eu à mener ce combat pour la survie, cette lutte perpétuelle pour ne pas être dévoré – dont les règles simples reposaient sur la faculté à duper, observer, utiliser. Aux trois commandements essentiels, tout voir, tout entendre et ne rien dire, s'ajoutait un quatrième, garanti Serpentard : dire au bon moment. En somme, tout était bon dans la mesure des intérêts personnels.
Chez Draco, c'était autant une habitude mécanique, un réflexe, qu'un désir de domination mais il avait un caractère manipulateur comme celui d'un enfant, un enfant capricieux et ignorant du monde adulte. C'était une chose qui avait déjà amusé Cassandra, mais elle s'en était lassée vite – parler pour ne rien dire n'était pas dans ses habitudes, et elle avait toujours l'impression désagréable de s'adresser à un miroir moldu.
Elle était relativement insensible, mais loin d'être stupide et elle savait pertinemment mettre une expression sur le comportement qu'il avait eu ce soir-même il lui avait littéralement fait du plat.
Non que cette attention la rebutât outre mesure mais la sollicitude ne convenait pas au teint d'un Malefoy. Par ailleurs, toute personne sensée se fût découragée devant les regards meurtriers de Pansy Parkinson, ennemi de toujours de toute personne relativement féminine qui approchait son Draco. Car bien sûr, le jeune premier avait beau être indifférent à la gent féminine de Serpentard (et d'ailleurs) la gent féminine tout entière (ou presque) lui courait après. Selon une thèse vraisemblable, Pansy observait la loi de l'épicier : le premier arrivé étant le premier servi, elle ne tolérait pas qu'une fille retînt trop l'attention de sa propriété. Manque de chance, elle n'était ni belle, ni mystérieuse. A la réflexion, une certaine joliesse dans la silhouette – des attaches assez fines, un joli corps bien tourné – mais la raideur de son maintien la plupart du temps, et son air calculateur gâchait ces atouts, et accentuait le manque de régularité de ses traits.
Cela avait toujours étonné Cassie que Pansy passât le plus clair de son temps à espionner Draco mais c'était après tout plus par défi que par affection : la jeune Serpentard avait de bons espoirs d'obtenir le mariage, venant d'une famille assez sombrement aisée, et la parfaite indifférence de son Apollon semblait véritablement l'émoustiller. Lui en revanche n'accordait qu'une épisodique importance à cette créature envahissante, attention qui diminuait davantage ces derniers temps, absorbé qu'il était dans la découverte de Cassie.
Si elle avait jugé nécessaire de définir leur relation, Cassandra aurait été bien incapable, une fois n'étant pas coutume, de trouver les mots. Ils n'étaient pas amis – l'amitié était pour chacun d'eux une notion vide de sens – pas plus que camarades, parce qu'ils ne possédaient pas les qualités nécessaires au lien affectif. Pas de solidarité, d'affection ou de courage parce que l'on ne leur avait pas appris, ou parce qu'ils n'avaient pas retenu la leçon. Etrangement, ils allaient bien ensemble. Elle l'avait observé, le front penché sur des livres poussiéreux, les cheveux tombant en mèches argentées sur ses yeux gris, pensif et calme dans le silence pesant de la bibliothèque et elle savait que chaque fois qu'à son tour elle penchait la tête, et levait les yeux et la regardait. Au fil de ses échanges décalés, Cassie avait pris conscience que le regard de son miroir avait changé et les yeux gris, eux aussi, acquéraient une sorte de lueur nouvelle. Elle savait d'une certaine manière impalpable qui lui était familière, qu'il changeait sous ses yeux. Un peu. Imperceptiblement. Mais il devenait plus complet, et elle était curieuse d'en contempler davantage. Esprit scientifique, songea-t-elle avec certaine contrariété – elle détestait parler toute seule.
Pourtant… se pouvait-il qu'il change ? Etait-il possible que son Etre se modifie ? Si cela se pouvait, pour elle alors…
« Cassie ! »
Elle fronça les sourcils. Elle avait toujours détesté qu'on l'appelle ainsi. Son père l'appelait comme cela, « Kasi » parce que dans une autre vie, oui, elle avait parlé Allemand.
Et puis il y avait eu l'Accident.
Et le Départ, avant ça.
Wo bist du, « Mutti » ? Wer bist du, die meinen Lebens gebracht hat ? »
Perdre deux mères dans une vie, voilà qui vous fait un être particulier, non ? Personne n'en a deux après tout.
Wo seid ihr ?
Non que ta mort fût une grande perte. La vôtre, à vous deux, chiennes.
Tot.
Après tout, peut-être que c'est cela la Justice Immanente. L'Equilibre.
Deux êtres en un Seul, divisés par l'Equilibre, et pour le garder. Les actions du Bien et du Mal séparées, jusqu'à ce qu'ils soient Réunis.
« Cassandra ? »
L'Etre d'or divisé en Noir et Blanc, et qu'advient-il des nuances ? Rétablir l'Equilibre, c'est accepter les nuances. C'est cela, la Magie. Il y a la pure Magie, la Magie Pure… et la Magie Noire. Ne les confond pas, mais veille à les mélanger, Cassie. Cassiopée ? tu m'entends ? Cassie…
« Cassandra ! »
Il plongea dans les profondeurs de son regard sombre comme un puits sans fond. Draco leva une main moins hésitante qu'auparavant pour caresser la joue pâle où roulait une larme unique. Elle s'appuya contre lui, et enfouit le visage dans son épaule vêtue de noir. Impuissant devant tout ce qui n'impliquait pas la brutalité d'un sarcasme, ou la froideur d'un ordre donné, il passa des doigts malhabiles dans les boucles brunes.
« Je l'ai vue, » dit-elle dans un souffle qui lui frôla la nuque.
« Elanor ? » interrogea-t-il, sans bouger.
« Non, » murmura-t-elle, et ses bras enserraient la taille du Serpentard. « Ma mère. La vraie. Celle qui m'a… abandonnée, » fit-elle dans un sourire amer et grimaçant.
Il repoussa une mèche brune, et la serra un peu plus, incapable de faire quelque chose qui ressemblât à un baiser – pas comprendre, le baiser, Malefoy. Peut pas. Pas du tout. Il eut soudain envie de pleurer.
« Elle me ressemble, » chuchota Cassandra à son oreille. Il s'aperçut qu'elle le serrait contre elle, et cela le rassura un peu.
« Ma mère aussi, » dit-il, les yeux baissés pour qu'elle ne les voie pas luire d'une étincelle de tristesse passagère. Toujours ainsi lorsqu'il pensait à sa mère.
« Draco, » dit-elle enfin rompant l'étreinte. Il la regarda à nouveau : elle paraissait déterminée. « Ce que tu fais ressemble beaucoup à un étalage de larmoiements. »
Il lui lança un regard douloureux. Parfois, elle était impossible. Souvent. « Ce que nous faisons. »
Elle haussa les épaules. « Tu te contentais de chercher des renseignements sur ta famille, tes ancêtres, sur ton père. Et ta mère, accessoirement, » ajouta-t-elle en voyant son expression se fermer, implacablement.
« M'aider était un contrat à l'amiable, un plan pour obtenir des informations que je ne manquerait pas de t'obtenir tout au plus un calcul, mû peut-être par la curiosité, parce que j'étais une fille intrigante, n'est-ce pas ? »
Il ne répondit pas.
« J'aurais pu être un espionne, envoyée Merlin sait qui afin de surveiller le fils de Lucius Malefoy – tu vois, je sais qui il est maintenant. J'aurais pu être une de ces filles qui cherchent sans cesse à t'approcher, ou une rivale – une folle peut-être, qui sait ? – une future Mangemorte, rapatriée en urgence pour le retour de… Lui.
« Et je n'étais rien de tout ça. Ni une reine, ni un pion – un fou à la rigueur, perdue que je l'étais dans tout ce que je n'ai pas. Qu'est-ce que tu espérais trouver, Dragon ? Un passe-temps pour les jours de pluie ? Une source de bonnes plaisanteries ? Le grand amour ? »
Il eut un amer sourire.
« Comment pouvais-tu te douter que tu avais tant à apprendre sur toi, alors même que tu étais incomplet, partagé entre ce que savais, des demi-mots, des semi-mensonges, de la simili-vérité qui te tenait lieu de lait depuis l'enfance ? Qu'est-ce qui pouvait te décider à feuilleter des vieux bouquins, en quête de qui tu étais ? Et quoi, Draco, tu trouves que je te ressemble ? »
Il leva vers elle des yeux plus gris qu'un lac gelé, un peu bleus parce qu'ils avaient commencé à fondre. « Cassie… » commença-t-il d'une voix mouillée.
Elle leva la main en geste de dénégation. « Tu devrais te reposer, le match de Quidditch a été fatiguant. Je le sais, ça se voit. Le pardon, ça n'est pas toi les larmes, ça ne te ressemble pas. Peut-être, oui, que tu commences à comprendre certaines choses. Mais ne m'utilise pas pour les accomplir. »
Elle tourna les talons, parce qu'elle ne pouvait trouver rien d'autre à dire elle ne savait plus très bien déjà ce qu'elle lui avait dit. Il avait changé, oui. Mais en quoi cela pouvait-il la changer, elle ? Peut-être…
Elle dût s'arrêter : il lui avait saisi le bras. Sa voix sonnait comme un avertissement. « Si tu restes… » Il voulait probablement dire si tu ne restes pas, mais sa langue brûla les mots avant qu'il ne les prononce. Ce n'était pas un soir où il avait envie de se battre, pas avec elle – parce qu'il se sentait dangereusement proche de celui où elle avait fait fondre le cuir du canapé, juste après qu'il l'eut énervée. Ils avaient cherché après cela, ensemble, les raisons possibles, et ils avaient peut-être trouvé. Et elle prétendait qu'ils n'avaient rien à voir l'un avec l'autre ? Il ne se serait pas donné la peine de lui prêter son temps, sinon. A quoi bon ? Certains soirs, Draco se demandait vraiment ce qu'il pouvait bien faire ici.
Initiative, pensa-t-il avec fermeté. Elle était grande, mais moins que lui, plutôt frêle, un peu anguleuse, toute mince – facile a priori de la retenir. Et après, quoi ?
Elle ouvrit la bouche pour dire quelque chose, lui fournissant opportunément la réponse. L'embrasser, tiens, pourquoi pas ? C'était un truc faisable, à leur âge. Et puis, si elle n'était pas contente…
Il n'eut que son menton, parce qu'elle avait tourné la tête au dernier moment. Il s'apprêtait à faire une remarque acerbe, lorsqu'il se vit forcé de suivre son regard. A l'autre bout du couloir, un couple enlacé était en train d'accomplir la performance que Draco lui-même avait (absolument scandaleux) ratée.
« Je ne te savais pas voyeuse, Princesse, » releva-t-il d'un ton sarcastique. Mais elle ne répondit pas. Sa peau était toute pâle à nouveau, ses joues livides d'une froideur spectrale. Il avait la main sur sa nuque, et put donc sentir le pouls ralentir dangereusement, devenir de plus en plus faible. Ralentir…
« ARRETE ! » hurla-t-il, un peu stupidement. A l'autre bout du corridor, le couple se sépara, et Draco put plonger dans les yeux verts d'un Gryffondor un peu sonné.
« Oh non… » marmonna-t-il entre ses dents serrées.
Harry Potter était en train d'embrasser Elanor Aréthuse.
« C'est vraiment pas ma soirée, » maugréa Draco avec mauvaise humeur. Adoptant la manière forte, il secoua Cassie en tous sens, qui porta les mains à sa tête dans un gémissement un peu confus.
Potter s'était rapproché, traînant dans son sillage une Aréthuse un peu perplexe, et qui prenait une belle teinte rose. Les deux garçons se considérèrent sans aménité, mais ne firent pas de commentaire – c'eût été superflu. Ils offraient un spectacle assez étrange, tenant chacun par un bras une fille, identiques mis à part la couleur de leurs vêtements elles étaient à présent résolument semblables, leurs joues roses et leurs cheveux bouclés qui tombaient à longueurs égales.
Harry observait Cassandra avec curiosité, tandis que Draco dévisageait Elanor. Les deux filles ressemblaient à des chattes en colère, prêtes à se sauter dessus. Désireux sans doute d'expérimenter la chose, Harry commença de secouer sa compagne par un bras – Elanor protesta avec indignation – et Draco ricana, ce qui fit faire à Cassie un pas de côté. Les deux filles dévisageaient à présent les garçons avec une expression scandalisée. Draco appuya l'index sur la joue de Cassie, et Elanor porta la main à la sienne. Elle la retira rapidement, parce que les deux Attrapeurs la dévisageaient sans vergogne. Elle leur tira la langue. Cassandra leva les yeux au ciel.
« Principe des vases communicants, » fit Harry d'un ton docte.
« Quoi ? » interrogea Draco.
« Peuh ! » fit Elanor.
« Lien magique, » fit Cassandra sans sourire.
« Truc de magie noire, » grommela Harry en dardant des regards sombres sur le couple de Serpentard.
« Je ne fais pas de magie noire ! » s'offusqua sa condisciple.
« Et elle s'en vante… » railla Malefoy, levant les yeux au plafond.
« Pas de magie noire, » s'opposa Cassandra. « De magie tout court. Cette dinde (Elanor eut un Oh ! indigné) est ma sœur. »
Trois personnes la regardèrent avec stupéfaction, l'une d'elle paraissant assez consternée.
« Je ne suis pas… » commença-t-elle, mais elle s'interrompit devant le regard de Cassandra qui croisait les bras avec une expression narquoise.
« T'aurais pas pu le dire plus tôt ? » observa Draco, qui parut fort mécontent.
Harry enfouit son visage dans ses mains, secoué d'un rire nerveux.
« Avant, je l'ignorais, » dit tranquillement Cassandra. Elanor devait avoir des envies de meurtre.
« Ah oui ? » fit Harry, qui s'essuyait les yeux. Draco boudait dans son coin.
« Bien sûr, » répliqua-t-elle, comme si c'était la chose la plus naturelle du monde que de découvrir qu'on a une sœur. « Déduction logique. »
« Ah, » fit Harry, quelque peu déçu. Elanor lui lança une œillade assassine, et il ne s'appesantit pas sur le sujet.
« Je le sais, c'est tout, » continua Cassie. « Je l'ai senti, et maintenant je le sais. »
Elanor, pour une raison mystérieuse, n'apprécia guère le choix des mots. Elle répondit cependant, faisant écho à sa sœur improvisée : « Je l'ai vue, moi – pas sentie, » dit-elle dans un reniflement méprisant.
Ce fut au tour de Draco de prendre une expression curieuse, comme il lui demandait de préciser. La Gryffondor haussa les épaules. « L'orage, » dit-elle simplement.
« Pourquoi l'orage ? » interrogea Harry.
« Parce que, » coupa Malefoy avec un moulinet agacé de la manche. « Alors ? Qu'est-ce que tu as vu ? »
Harry bougonna quelque chose d'assez peu poli à l'encontre du Serpentard, qui ne releva pas. Elanor lui saisit le bras avec affection. « Quand il y a de l'orage, j'ai des… visions. »
« Des visions ? » s'enquit Draco, et Harry grognonna qu'il valait mieux prendre une Plume à Papote et un parchemin pour ce genre de truc.
« Pourquoi ? » interrogea Cassie, incisive. « Elle a des visions de toi ? »
Draco se tourna avec stupéfaction vers elle. « Cassandra, tu viens de faire de l'humour… » dit-il sur un ton presque alarmé.
« Merde alors, » brocarda Elanor sur un ton ironique. « Sans doute ma présence, qui la rend spirituelle. »
« En comparaison, ouais, » persifla Malefoy. Il grimaça sous le coup de coude de Cassandra. Harry arborait une expression butée.
« Oh, ça va… » fit Elanor, après un moment de flottement. « C'était de bonne guerre. »
« Gryffondor, » siffla Malefoy entre ses dents.
Harry poussa un grand soupir. Drôle de nuit, après tout.
A suivre
D'accord. D'accord. J'avoue : ce chapitre était complètement tordu. Il faut m'excuser, nous excuser, sisi : les partiels approchant, je ne suis pas dans mon état normal (c'est-à-dire que mes vannes foireuses sont de pire en pire) et j'ai la plus grande difficulté à ne pas raconter de bêtises mettant en scène mes persos-chéris-pas-à-moi-désolée-le-disclaimer-est-passé-à-l'as.
Comment aurai-je pu, aussi, résister à l'envie de « fluffiser » mes deux hot boys préférés ? Que dis-je, mes trois ! Et puis, Ginny méritait bien un peu de réconfort… pauvre Neville, c'est pas demain la veille qu'il aura le dernier mot ^^
Pour ceux qui connaissent (et je ne suis pas pourtant une fan de Friends) le passage du « ma sœur et mon meilleur ami » est largement piqué à ce discours hallucinant de Ross, découvrant la liaison de Chandler et Monica. Pas pu m'en empêcher – en plus, vous n'avez pas de chance, c'est le seul épisode dont je me rappelle !
Signalons, tant qu'à faire de chouraver ( !) des personnages un peu partout, la présence en guest star de mon regretté professeur de Mathématiques, le Charmant, l'Adorable, le Volubile Monsieur D'Agostino. Fabrice, si tu m'entends, (vous permettez que je t'appelle Fabrice ?) ne le prend surtout pas mal, mais (je suis sûre que tu étais au courant) quatre classes pleines de filles fantasmaient sur ton torse puissant, ton postérieur musclé… appelle-moi, j'ai des noms.
Je pense que je vais faire remplacer Binns par mon prof de Littérature Médiévale, la vengeance est un plat qui se mange froid. Mal aux dents.
Ou, comme dirait ma coupineuh Emilie (spéciale dédicace, Doudou) « Permettez-moi de vous présenter votre nouveau professeur de Culture, Expression et Méthodologie Universitaire : moi ! Hervé Micolet… »
Vachement mieux que le précédent « my name is Micolet, Hervé Micolet » qui sonnait quand même moins bien que Jèèèmes Bond… Et malheureusement pour lui, Hervé ne partage qu'une médiocre ressemblance avec Pierce Brosnan.
Enfer et damnation, je suis faite ! Seule Sioban comprendra…
Enormes bisous à tous, et plein de chance pour vos examens.
Mélusine et SeveRogue, Partners in crime