Coucou,
Oui ça va faire longtemps... je sais
Mais bon j'ai pas mal de travaux à terminer
Promis, je ne m'arrêterai pas
Revers
Cela faisait un peu plus d'une heure qu'elle était suspendue par les poignets, sans rien voir autour d'elle à cause de fichu bandeau autour des yeux. Où l'avait-on emmenée ? Le seul souvenir que Xian Ying retenait était la raclée qu'elle s'était prise par les deux Sœurs. Puis plus rien. A son réveil, un bruit insupportable et continu de cris et de supplications, tourné en boucle comme le serait enregistrement. Ses oreilles ne les entendaient plus, elle n'entendait plus rien, c'était d'horribles sifflements qui saignaient ses tympans. Pourtant, l'ambiance déjà pressante paraissait bien fade, quand de nouveaux sons cassaient brutalement cette continuité. Des bruits de scie et de découpe, combinés aux hurlements et aux pleurs rendait la chose plus angoissante que jamais. La seule chose qui effleurait sa peau était un courant d'air gelé venant de sa gauche. Elle finissait par en grelotter de froid. Normalement elle ne s'en serait pas plainte, mais en plus de ça, elle croyait être nue… les paroles des deux pestes refaisait surface : une simulation de torture ? « Si tôt que ça ? je voulais juste… avec Vuong Chan me reposer… d'ailleurs où est-ce qu'elle est ? »
Soudain, une cascade d'eau gelée s'abattit sur elle, accompagnée d'une cacophonie de percussion, dans une douche interminable qui la frigorifia aussitôt. Elle était encore plus glacée que les douches communes… c'était insupportable ! Et les cymbales qui n'en finissaient pas ! Elle durait longtemps en plus, au moins cinq minutes…
Elle disparut comme elle était venue… la replongeant dans une morne attente. A côté, les musiques en boucle étaient des mélodies, voire des berceuses. Son corps trempé, fut assaillit par le froid, si ça continuait elle en tomberait malade… quelle horreur… ! dans une longue et trépignante attente, la jeune femme se servit de ses sens pour analyser son environnement. Des bruits de pas résonnaient comme un petit écho dans un couloir lointain. Xian Ying n'était donc pas seule, la belle affaire ! Elle commença à crier :
-Je sais qu'il y a quelqu'un ! Je vous entends !
Son éclat ramena les pas vers elle. Xian Ying serra des poings, impuissante face à des ennemis qu'elle ne voyait pas. Quelqu'un prit son visage, accompagné d'un lourd et intense parfum de sakura… le même que celui de sa formatrice. Elle grogna au plus profond d'elle, à tous les coups, elles avaient préparé le terrain et elle, s'était laissée avoir comme une idiote. La prochaine fois, elle réfléchirait à deux fois avant de faire confiance à ses semblables… ne se fier qu'à soi et à son instinct. Que c'était rageant… depuis petite, son intuition ne s'était jamais trompée. Ignorer les mises en gardes de son esprit lui valait de très mauvaises surprises… comme là.
-C'est moi qui parle. Je pose les questions et tu réponds. Tout à l'heure deux Sœurs sont venues te voir avec Vuong Chan. Elles t'ont donné des informations très précieuses. Tu vas nous donner les noms et ce qu'elles t'ont dit.
Son corps se tendit soudainement. Quelque part elle se sentait trahie. Elle aurait dû se méfier… que deux grande Aînées daignent parler à deux recrues fraîchement promues, ça ne pouvait être que signe d'un piège imminent. Une nouvelle chose apprise dans cette école : ne faire confiance qu'à soi. «La galère… jusqu'où je tiendrai… ? que dire ? Que répondre ? Essaie de jouer le jeu… » Sa première défense consiste à répondre de façon spontanée :
-C'est drôle qu'on me dise ça, à croire que c'était préparé à l'avance. Si ça ne tenait qu'à moi, j'aurais déjà craché les noms pour qu'elles se reçoivent un savon. Enfin, je suppose que ça fait partie du jeu. C'est quoi la technique pour me tirer les vers du nez ? Et il n'y a pas un chauffage quelque part ? parce -AAAAH !
A force de trop parler et de déblatérer des bêtises, une deuxième personne la matraqua dans les côtes, sans autre forme de procès. On l'attrapa par les cheveux :
-C'est moi qui pose les questions, ici. Ta seule fonction c'est de répondre.
-C'est quoi la question déjà ? Je suis un peu rouillée-là…
La matraque s'abattu sur sa mâchoire, cette fois. Assez fort, pour qu'elle en crache du sang. « Elles ne rigolent pas… mes côtes… je crois que je vais en avoir une de cassée… » une tierce personne plaqua ses mains sur son corps… l'explorant. Xian Ying faillit perdre ses moyens. Que faisait-elle ? pourquoi son corps se mettait-il à frissonner quand les doigts glissaient sur ses flancs avant de remonter jusqu'à ses seins ? La douleur laissa place à la gêne et à la pudeur… jamais on ne l'avait touché comme ça… ce contact qui lui arrachait des frémissements et des frissons, mêlés à des gémissements. Elle s'agita soudainement, tentant de se défaire de ces prises beaucoup trop intimes à son goûts.
« Pourquoi ? Arrêtez c'est gênant… c'est ignoble… » son cœur s'emballait dans sa poitrine, un rythme cardiaque accéléré, provoqué par la peur, le dégoût et la honte. Un nouveau corps se colla contre elle. Xian Ying riposta du mieux qu'elle put, jetant des coups de pieds en avant et en arrière pour tenir ses assaillants à bonne distance. Pourtant, la menace de la matraque était toujours là et une douleur languissante frappa ses mollets et ses cuisses. Puis, vinrent les objets contondants. La douleur était partiellement supportable.
Minh Tâm scrutait la moindre faille dans les défenses de son apprentie. Outre le fait qu'elle avait un corps plutôt bien constitué, elle réprime des soupirs d'exaspérations face à la pudeur de la jeune fille. La Sororité considérait les manières de bien séance comme la principale faiblesse de la femme. Ce manque d'assurance et cette volonté de cacher ce qui faisait d'une femme une vraie, était juste une quelque chose que les hommes avaient inculqué dans la pensée des femmes depuis très longtemps. Qu'une femme eût le devoir de ne montrer aucune partie de son corps devant un homme ou de le cacher sous des tonnes de tissus, était une façon de se protéger du désir des hommes. Les hommes voyaient les femmes comme des objets et source de leurs pulsions. L'homme pouvait craindre la femme pour ses subtilités et sa vivacité d'esprit à écouter sa raison plus que les muscles. Toutefois, le plus vil des vices était peut-être bien la faiblesse des hommes devant une femme. La seule réponse d'un homme envers une femme était la violence, pour la soumette à la volonté fragile de l'homme, reclus dans sa profonde lâcheté.
Ce serait des hommes comme cela, que ses filles auraient à affronter si elles étaient capturées par le camp ennemi. Battues, insultées, violées, l'homme n'aurait aucun scrupule à jeter son dévolu sur des jeunes femmes combattantes pour se rassurer de sa force. Les traditions patriarcales étaient dangereuses. Minh Tâm devait préparer ses filles pour le pire. Elle ne le faisait pas par gaîté de cœur. Elle leur apprenait à survivre dans un monde qui n'était pas le leur. A la fin de la formation, elle espérait que le message serait passé…
La session dura bien une vingtaine de minute, mais Xian Ying refusait de parler, malgré les larmes qui menaçaient de couler à chaque instant. Ce spectacle dégoûtait au plus haut point la formatrice, qui ordonna aux bourreaux de s'arrêter de la laisser tel quel.
-Ce n'est pas terminé. On espère que la prochaine fois tu seras beaucoup plus coopérative. Ou je ne donne pas cher de ce que pourrait subir ta camarade.
Xian Ying releva la tête, ravagée par les multiples corrections de ses geôlières, ahurie :
-Vuong Chan est ici… ?
La corde sensible était touchée, bien évidemment. C'était bien sûr programmé dans cette simulation. Minh Tâm resta tout de même très énigmatique sur l'état de sa deuxième apprentie et ne répondit pas aux questions de Xian Ying. De toute façon, elles se retrouveraient… quand elle saurait qui des deux était la plus résistante au niveau physique et mental. La dernière étape serait cruciale. Une personne extérieure à la Sororité crierait au scandale et à la violence gratuite de cette école. Sauf que les filles qui atterrissaient ici, devenaient des guerrières aguerries, les meilleures du pays, faites pour la guerre et la dure réalité du monde. Un monde rempli de violence, où la guerre détruirait une génération entière en un clin d'œil. Ce revers sur les pratiques déjà bien douteuses au niveau l'éthique était nécessaire, au nom du moindre mal, au nom de la survie des jeunes filles qui s'engageaient dans la garde d'élite.
Elle s'en alla donc, sans rien répondre.
-Où est-ce que vous allez ? Faites-lui quelque et vous aurez affaire à moi !
Des cris et des menaces qui servait juste à refouler des larmes de douleurs. Minh Tâm devait reconnaître que cette demoiselle se défendait bien. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas eu une jeune qui ne finissait pas en pleurs au bout d'une demi-heure. Elle allait devoir surveiller ça de près. Elle ne s'attendait pas à les voir tenir une nuit, pour une première fois ce serait impossible. Peut-être deux à trois, maximum. Lors de leur examen final, elles auraient à tenir une vingtaine d'heure de coxage. Autant leur apprendre à dépasser leur limite et aller toujours au-delà. Pour leur bien.
ooo
Toujours ces mêmes bruits et musiques en boucle. Elle grelottait de froid. La sensation de geler sur place était insupportable. Et si les hurlements qu'elle entendait depuis tout à l'heure était en fait ceux de Vuong Chan ? Non peut-être pas… pas en boucle comme ça… c'était trop… régulier au niveau des variations de son. D'où venait-il alors ? Et ces percussions qui recommençaient à chaque fois qu'elle se prenait une douche glacée… elle ne tenait plus sur ses jambes, Xian Ying avait envie de se reposer, de soulager ses jambes et ses bras qui tiraient sur son corps. Elle avait l'impression que ses bras allaient céder sous son poids, s'arracher du reste… elle était frigorifiée et voulait juste que ça s'arrête, retrouver une vie normale, retrouver Vuong Chan, s'assurer qu'elle allait bien…
Rien qu'à l'idée d'être de nouveau touchée comme la dernière fois la répugne ! La tortionnaire s'était amusée à pincer sa poitrine.
Ce qu'elle avait éprouvé était une profonde gêne et un vilain sentiment d'envie et d'en vouloir plus. La situation ne s'y apprêtait pas et c'était une femme qui découvrait son anatomie. Un moment, son cœur s'était mis à battre à tout rompre parce qu'une main glissait vers son sexe. Elle se rappelait des violentes morsures infligées à sa langue pour garder sa bouche scellée, afin de ne pas donner le plaisir à ses bourreaux de l'entendre. Le goût du sang prédominait dans sa gorge. Elle voulait vomir de dégoût et d'angoisse. Combien de temps allait-elle devoir tenir ? Toute une nuit ? Elle n'y parviendrait pas. Pourtant elle voulait résister… même si elle était certaine qu'elle cèderait. Juste le plus tard possible… juste le plus tard… si ce n'était qu'un effort physique, peut-être que Xian Ying l'appréhenderait plus facilement. Qu'en était-il… de ses résistances mentales ? Ses barrières se fissuraient peu à peu, ce n'était qu'une question de temps. Les larmes menaçaient de plus en plus de couler, malgré son orgueil mal placé à persister, même si cela pouvait être une erreur.
Elle ignorait tout de la temporalité, le temps complètement chamboulé par le stress et les ténèbres. L'angoisse créait des nœuds et des nausées que Xian Ying avait du mal à refouler. Elle n'arrivait plus à se concentrer, les sons la rendait folle, et elle criait pour passer outre ces bruits incessants qui faisait bourdonner et vibrer ses oreilles.
Au bout d'une très longue attente, un vacarme singulier jaillit. Des protestations fusèrent et quelqu'un que l'on semblait tirer vers l'avant, traîna jusqu'à l'endroit où était retenu Xian Ying. Le sang de la jeune femme ne fit qu'un tour quand elle reconnut la voix de Vuong Chan. Elle reprit son combat, la peur aux tripes :
-Bande de malades ! Elle n'a rien à avoir là-dedans !
-Détrompe-toi Xian Ying. Elle a reçu les mêmes informations que toi. Si tu ne veux pas parler, elle le fera à ta place. Qu'importe les moyens que nous mettrons en œuvre pour que tu craches le morceau, tu ne sais pas de quoi nous sommes capables pour parvenir à nos fins.
-N'écoute pas, c'est juste du bluff, Xian Ying !
Du bluff ? Elle voudrait bien se persuader que ce n'était que du bluff. Vuong Chan fut elle aussi accrochée semblait-on. Puis, on retira chacune leurs bandeaux des yeux et elles se découvrirent dans le même embarras. Toutes les deux mises à nue l'une devant l'autre, la même expression de terreur, de surprise, et de gêne. Leurs bourreaux étaient masquées pour dissimuler leurs identités. Les victimes ne parlaient pas, encore tétanisées parce qu'elles voyaient. Ce fut alors une tortionnaire qui abrégea se silence devenu trop à son goût.
-Contente de se retrouver ?
Xian Ying explosa de fureur :
-Contente ?! Contente ?! Vous faites pression sur nous ! Pour des informations qui ne vous servent à rien !
-Toute information est utile, répondit machinalement Min Tâm. Je suis plutôt clémente, je vous permets de vous voir une dernière fois avant que je n'en élimine une.
Les deux amies se fixèrent soudainement effrayées : en éliminer… une sur deux ? Elle blaguait, c'était une blague ! Une blague ! Pourtant, leur enseignante fit signe à une de ses comparses de s'approcher avec sa lance, pointant du dos Vuong Chan, qui couina de peur. Xian Ying était poussée à bout, en voyant la guerrière se mettre derrière son partenaire pour l'embrocher. Elle était en train de prendre de l'élan. Les nerfs lâchèrent et Xian Ying cria alors :
-C'est Nezuko et Saya ! Deux futures Invoqueuses qui nous ont parlé ! Arrêtez ça !
Pourtant rien ne vint. Vuong Chan était pétrifiée sur place, alors que Xian Ying pleurait toutes les larmes de son corps. Elle avait échoué…
-Libérez-vite, apportez des gâteaux et des couvertures qui tiennent bien chaud. Bravo mesdemoiselles. C'était très bien… déclara alors Min Tâm, une fierté dans sa voix.
ooo
Chouchoutées, mangeant à leurs faims, réchauffées au coin du feu, Xian Ying et Vuong avaient pleuré tout le long, encore tétanisées par cette nouvelle expérience. Leurs bourreaux devinrent des amours, des personnes attentionnées et avenantes. Elles étaient félicitées, encouragées pour leur courage et détermination. Les « jumelles » étaient perdues devant cet élan de générosité. Toutefois, c'était de ça dont elles avaient besoin là, maintenant et tout de suite.
Assises devant l'âtre, dans la suite même de leur instructrice, elles se remettaient tant bien que mal de leurs émotions. Il y eu un long moment de silence, quand leur supérieure prit enfin la parole :
-Remises mesdemoiselles ?
-…je crois… renifla Vuong Chan
-C'était horrible…
-Je le sais, mes filles. Je le sais. Et je ne le fais pas de gaîté de cœur, croyez-le bien. C'est nécessaire cependant, pour ce qu'il peut vous arriver par la suite. Vuong Chan, tu as bien joué ton rôle en le prenant sur le ton de la rigolade, il faut absolument garder ça. De cette façon tu fatigues ton bourreau qui va vouloir passer à autre chose. Xian Ying, sois un peu moins émotive. Il faut que tu gardes ton sang-froid jusqu'à la fin. Ce qui peut vous causer du tort, c'est justement cet attachement que vous avez l'une pour l'autre. Vous séparer, est une brèche dans vos défenses et l'ennemi l'utilisera contre vous, soyez-en certain. J'ai beaucoup aimé vous voir vous défendre même dans un cas aussi désespéré. Il nous a fallu une demi-journée pour vous tirer les vers du nez, je ne sais pas si vous vous rendez compte de ce que ça représente une demi-journée, mais pour un premier jet c'est énorme.
-J'ai craqué au moment où… enfin… j'ai vraiment cru…
-Je sais, j'ai volontairement voulu te titiller avec la menace de mort parce que je savais que tu ne tiendrais pas.
-…professeur… commença Vuong Chan, pourquoi… ? Pourquoi… nue… ?
-C'est pourtant évident. Les hommes brisent fréquemment les femmes par le viol. Je devais vous mettre dans le bain, pour que vous ne ressentiez à la fin plus aucune honte de vous exhiber. Vous êtes des jeunes filles, les hommes ne répondent que par leur pulsion. Il est nécessaire que vous perdiez cette innocence, que vous ne restiez pas candide longtemps. Les Nuits vous apprenne à vous défendre lors d'un assaut surprise, le coxage à vous forger des nerfs d'acier pour protéger des informations de la plus haute importance. Soyez prête pour la prochaine session mesdemoiselles. Et, n'allez pas chercher à vous venger de Nezuko et de Saya. Elles sont venues vous voir à ma demande.
-Compris… répondirent-elles en chœur.
Vuong Chan et Xian Ying se regardèrent résolues : dépasser leurs limites.
