Disclaimer : Harry Potter, noms et lieux sont la propriété de J. K. Rowling et Warner Bros Corp. en leurs titres respectifs.

L'évadé

Les jours passaient lentement. Je refusais toujours de manger à ma faim, et je me contentais du strict nécessaire. Je ne tenais pas à tomber mort d'inanition, et je savais que je devrais déployer des efforts pénibles pour réussir mon entreprise. Il me fallait trouver un juste compromis entre ma maigreur et l'endurance que je savais devoir posséder. Ce Détraqueur ne venait pas souvent. Il n'avait droit qu'à une ronde tous les deux jours.

Je savais en outre qu'il y avait à peu près soixante passages de Détraqueurs par jour. Je me rappelle avoir dessiné mes calculs sur le sol – je n'ai jamais été très bon en calcul mental – et avoir dénombré les Détraqueurs en essayant de les différencier à chaque fois, ce qui n'est pas chose aisée.

J'eus pas mal de soucis lorsque j'entrepris de chiffrer le nombre total des Détraqueurs d'Azkaban. La première difficulté était qu'il demeurait très compliqué de différentier ces créatures. Le seul critère que j'avais pour les comparer, étant donné que je ne voyais jamais leurs visages, était leur taille, et parfois un accroc dans leurs tenues noires. Leurs démarches étaient toutes exactement semblables, elles marchaient toutes d'un pas régulier et lent, sans jamais accélérer, en donnant l'impression de survoler le sol à quelques centimètres. Le deuxième problème était que j'ignorais si tous les Détraqueurs passaient par ma cellule. Peut-être y en avait-il certains qui ne venaient jamais dans l'aile où j'étais cloîtré. A l'aide des maigres données que je possédais, je parvins tout de même à la conclusion qu'il devait y avoir environ 200 gardiens dans la prison.

Une autre difficulté de mon projet était qu'il fallait que deux conditions primordiales soient respectées. Premièrement, il fallait que ce soit le plus petit des Détraqueurs qui vienne me rendre visite, et deuxièmement il était indispensable qu'il apporte la nourriture en ouvrant la porte, car les barreaux de ma cellule étaient bien trop rapprochés pour laisser passer le plus petit et maigre des chiens. J'espérais que cela se produise rapidement, car chaque jour je voyais la scène du meurtre de Harry par Queudver plus précisément, et cela ne me paraissait pas être bon signe.

Je savais bien qu'aussi savants soient mes calculs, aucuns ne me permettrait d'envisager une évasion sans risques. Je voulais cependant m'assurer qu'ils seraient minimaux. J'avais décidé que je n'emporterais rien. Le maigre équipement dont je disposais serait plus encombrant qu'autre chose. C'était l'été, après tout : emporter ma couverture ne m'aurait pas été très utile puisque les nuits étaient chaudes. J'aurais pu également emmener une ou deux rations de nourriture, mais j'y renonçai également. Je n'avais aucun récipient où les caser.

J'ai pensé souvent également à bondir sur le Détraqueur pour lui arracher son trousseau de clefs, qui m'aurait donné accès à toutes les salles et sorties de la prison. Mais j'y ai vite renoncé. Dès qu'ils lisaient des intentions hostiles dans nos têtes, il leur suffisait de lancer un râle puissant pour nous décourager d'attaquer, et si cela ne suffisait pas, ils pouvaient provoquer à leur guise un évanouissement. Mais de toute façon, je savais que si j'attaquais un garde, les autres seraient vite alertés, et j'espérais que mon évasion demeure le plus longtemps possible méconnue.

Vint le moment tant attendu. C'était en fin d'après-midi, la nuit se préparait à tomber, le ciel demeurait nuageux. J'ouïs les pas réguliers du petit Détraqueur qui montait les vingt-deux marches de l'escalier en colimaçon qui menait à notre couloir. J'entendis le bruit d'un trousseau de clef qu'on sortait. Je vis sa main putréfiée tourner une vieille clef dans la serrure rouillée de la grille qui barrait l'escalier. La porte s'ouvrit dans un léger grincement. Sous ma forme de chien, j'essayais de réfréner l'angoisse et l'excitation qui me trahiraient inévitablement si mes émotions étaient trop évidentes. Il portait les pitances empilées les unes sur les autres d'une main, et le trousseau de l'autre. J'avais l'impression que mon cœur cognait si fort que mes côtes ne tiendraient pas. Même si l'ouïe des Détraqueurs n'est pas leur sens le plus aigu, je craignais que mes pulsations effrénées attirent sa méfiance.

Mais tout semblait pour l'instant se dérouler comme je l'avais prévu. Il sortit à nouveau son passe-partout et le glissa dans la serrure de la porte munie de barreaux de mon cachot. Sous ma forme de chien, j'attendais en me forçant à réprimer mes émotions et mon anxiété. J'entendis le bruit caractéristique du loquet qui rentre dans son habitacle, et le Détraqueur saisit la poignée et tira la porte vers lui.

Je n'attendis pas un instant de plus, la tension était trop forte pour me contenir plus longtemps dans le cachot. Je me faufilais entre les jambes du Détraqueur, et je sortis de ma cage en jubilant intérieurement. Le Détraqueur n'avait eu aucun soupçon. Il devait penser que j'étais dans le même état que ma voisine d'en face Olga. J'entendis le son caractéristique d'un bol qu'on pose sur une surface dure, et à nouveau le bruit du verrou qu'il refermait. Caché à l'ombre d'un renfoncement du mur, j'attendis prudemment qu'il s'éloigne, hors de vue.

La première partie de l'opération venait de réussir, et en un autre lieu qu'Azkaban, j'en aurais hurlé de joie. Mais le bon sens reprit le dessus. J'avais à présent affaire au premier obstacle à franchir : la grille devant l'escalier. Je me rendis vite compte que la franchir serait bien plus difficile que prévu. J'avais surestimé l'espace entre les deux barreaux, et malgré ma maigreur je pressentis que j'avais peut-être tenté l'impossible. Sans grand espoir, j'introduisis ma tête canine entre deux épais barreaux d'acier rouillés. Je n'eus aucun problème pour cette première étape, mais j'appréhendais la suivante : le passage de l'encolure et du poitrail. Je savais qu'après cela, seules les hanches risqueraient de bloquer ma progression. Sans conviction aucune, je pressai mes épaules contre les tiges métalliques. Il manquait deux bons centimètres pour que je puisse passer sans trop de dégâts. Je voyais avec horreur le temps passer tandis que je me trémoussais inutilement pour trouver une position convenable. Mais finalement après maints essais, mes contorsions ne furent pas vaines, puisque au prix de mille douleurs, je parvins à me glisser en me couchant sur le flanc, et en gesticulant pour avancer. Les hanches ne posèrent pas de difficultés supplémentaires, et je me retrouvai, indemne mis à part une écorchure sévère et sanguinolente sur mon dos, sur le palier de l'escalier.

Je ne crois pas avoir déjà dit que l'étage dans le quel j'étais interné était en réalité un des niveaux intermédiaire de la prison : je devais apprendre par la suite que ma cellule était au troisième étage et que l'établissement en comptait cinq. Je me trouvais donc plus ou moins à mi-chemin dans le colimaçon : je me vois encore sur le palier, les marches étroites montantes à ma gauche et les marches descendantes à ma droite, haletant et la langue pendante.

Je n'avais en fait pas vraiment prévu la suite de mon évasion. Je n'avais aucune idée précise de l'architecture des lieux. Néanmoins, j'optai pour la descente. Mes souvenirs de la herse d'entrée étaient réellement imprécis. Je n'avais aucune idée de la largeur de l'espace entre les barres de cette herse. J'avais même oublié si elle disposait également de barreaux horizontaux, auquel cas il devenait impossible de la franchir. Mais je n'avais vraiment pas le temps de réfléchir. Le franchissement du premier obstacle avait été long, et je savais que si je m'éternisais sur ce palier, le Détraqueur suivant me trouverait inévitablement.

Un des moments les plus dangereux de ma tentative de fuite fut certainement la descente de ce colimaçon. L'escalier était très étroit, très long et très sombre. Je savais que pour peu qu'un Détraqueur eut la fantaisie de monter à ce moment là, la collision serait presque inévitable. La largeur des marches ne permettait pas que plusieurs personnes progressent de front. Croiser en passant inaperçu tiendrait du miracle. Et j'ignorais presque tout de l'organisation des rondes des Détraqueurs. Peut-être y avait-il différents Détraqueurs qui passaient en même temps, et que chacun devait inspecter un étage distinct ? En y réfléchissant maintenant, je pense qu'il n'y avait pas plus d'un Détraqueur qui passait en même temps.

Ce fut l'ouïe aiguë de Patmol qui sauva la situation. Les vingt-cinq minutes étaient passées en un éclair, et la ronde suivante s'annonçait. Par chance, j'entendis un léger bruit de pas. Je me suis instantanément immobilisé et j'ai entendu plus clairement un autre pas. On montait l'escalier. Un Détraqueur arrivait en sens inverse ! Je me figeai in instant, horrifié, puis en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, je fis demi-tour en m'efforçant de demeurer silencieux. Je ne savais pas vraiment à quel étage le Détraqueur comptait aller. En réalité, je me préoccupais plus de mettre le maximum de distance entre lui et moi.

De toute la vitesse de mes pattes, j'escaladai les niveaux successifs de la prison, m'arrêtant de temps en temps pour écouter, dans le but de déterminer si le Détraqueur me suivait toujours. Mais il montait, sans sembler vouloir entrer dans un des couloirs. J'étais terrifié à l'idée de voir apparaître un obstacle devant moi, auquel cas je serais pris entre deux feux. Et c'est ce qui se passa. Brusquement, le passage fut bloqué. Cette fois, ce n'était pas une grille qui barrait le passage, mais une forte porte de bois. J'étais bloqué. Acculé comme un lapin au fond de son terrier. Je me précipitai sur la porte, dans l'espoir insensé de la forcer. Le Détraqueur continuait à monter, j'en étais sûr. J'entendais le son de sa démarche fantomatique. Et il se rapprochait inexorablement. Je ne pouvais ni faire marche arrière, ni progresser. Je me préparais déjà à implorer la clémence des Détraqueurs, et j'appréhendais le degré de leur fureur.

Mais au-delà de toute peur et de toute raison, un enfant criait. Harry. Je revoyais l'éclat du couteau de Queudver qui fendait l'air. Puis un sourd gémissement, puis plus rien. Si j'étais capturé, mon dernier espoir de lui venir en aide, de faire mon devoir de parrain, se verrait à son tour détruit. J'étais en effet bien conscient que si les Détraqueurs m'apercevaient en dehors de ma cellule, ils prendraient à l'avenir bien garde, et m'enfermeraient dans un cachot d'où jamais je ne pourrais sortir. A moins qu'ils ne préfèrent encore me donner ce baiser, celui qui aspirait définitivement votre âme, en guise de châtiment.

Ma terreur augmentait exponentiellement tandis que l'espace qui me séparait du Détraqueur diminuait. Plus que quelques marches à franchir, et le Détraqueur s'apercevrait de ma présence. Et même s'ils sont aveugles, il ne faisait aucun doute qu'un Détraqueur ne pourrait pas ne pas me sentir à un mètre de distance. Il ne s'agissait plus, cette fois, du petit Détraqueur pas très doué dont la faiblesse m'avait permis de m'éclipser de mon cachot. Même sous la forme de Patmol, je savais que je n'avais aucune chance. Peut-être le Détraqueur m'avait-il déjà senti. Terrorisé, je lacérais vainement le bois de la porte avec mes griffes. Plus qu'environ cinq marches, et le Détraqueur surgirait. J'étais dans un était de terreur sans nom. Harry était perdu.

Soudain, dans un sursaut de volonté méritoire, que la pensée d'Harry venait de libérer, j'eus une idée vraiment insensée : la porte, peut-être n'était-elle pas verrouillée ? Sans prendre la peine de réfléchir davantage, je sautais sur la poignée.

Elle s'ouvrit.

La lumière du jour percuta mes rétines de façon extrêmement violente, mais je n'y accordai aucune attention. En quelques mouvements d'une rapidité foudroyante, je franchis la porte, et je la refermai derrière moi, juste à temps. J'avais conservé assez de lucidité pour savoir que si je ne fermais pas la porte derrière moi, le Gardien s'alarmerait. Je regardai autour de moi, enfin habitué à la lumière vive. J'étais sur le toit plat aux gardes fous crénelés. Le ciel, par sa grandeur, m'aurait subjugué si je n'avais pas été si anxieux. Je venais en réalité de sortir d'un petit réduit cubique en briques, installé dans un angle de la grande surface déserte. Aussi vite que possible, je me réfugiai dans l'ombre du cagibi.

Un instant plus tard, le Détraqueur surgit du réduit, et poursuivit son chemin vers la haute tour qui se dressait dans le coin opposé de la surface du toit. Il allait probablement relayer le Détraqueur qui était posté tout en haut. Je vis en effet, cinq minutes plus tard, un autre Détraqueur sortir de la porte à la base de la tour, et se diriger calmement vers l'escalier. J'espérais de tout mon cœur qu'il n'allait pas refermer la porte derrière lui, sinon je serais enfermé sur le toit, encore plus sûrement que dans ma cellule.

Malheureusement, ce Détraqueur sembla avoir plus de conscience professionnelle que le précédent : j'entendis très distinctement le bruit de la clé dans la serrure. J'étais à nouveau prisonnier. A l'air libre, mais prisonnier. Je maudissais ma malchance : pourquoi avait-il fallu que ce Détraqueur ferme cette porte ! Les grilles qui condamnaient les cellules et qui closaient les couloirs étaient bien suffisantes, non ?

Néanmoins, j'étais heureux. Même si je n'étais pas libre, j'avais ce ciel immense qui semblait veiller sur moi comme une mère sur son enfant, et j'avais l'impression que les nuages formaient des mots d'encouragement. Le soleil se couchait, et dorait légèrement les nuages. Même si la situation semblait bien désespérée, même si le Détraqueur sur la tour pouvait me sentir d'un moment à l'autre, je ne m'étais jamais senti aussi bien. Peut-être parce que j'étais plus loin des Détraqueurs que je ne l'avais jamais été ? Peut-être parce que j'avais l'océan en face de moi, immense ; Peut-être à cause de ce ciel. Quoiqu'il en soit, j'étais au moins décidé à une chose : ne jamais me faire reprendre, quitte, pour cela, à mourir en sautant par-dessus la rambarde.

Mais… Etais-je certain de mourir, après ce plongeon vertigineux ? J'avais été assez bon nageur, dans ma jeunesse, mais jamais je n'avais pratiqué de plongeon aussi démesuré. Je m'approchai du parapet, et je regardai en bas. Non, impossible, j'y laisserais ma peau. Je n'avais jamais été sujet au vertige, mais la distance qui me séparait de l'eau était décidément trop élevée. Je me briserais le corps. Et qui sait si un récif, invisible à marée haute, ne se cachait pas sous les flots houleux ? Et qui sait si la profondeur n'était pas insuffisante ? Et qui sait si les tourbillons rageurs et les vagues effrénées ne m'engloutiraient pas directement si je parvenais à survivre au choc ? Et bien entendu, je pensais bien que je n'aurais jamais la force de nager jusqu'à la rive : le chenal mesurait bien un kilomètre. Avec les courants, les remous, les vagues, c'était une tâche impossible.

Misérable, je me suis assis dans ce coin sombre à l'abri de la tour. La nuit était totalement tombée, à présent.

C'est alors que je la vis. La nuit était très nuageuse, mais à un endroit précis le ciel était dégagé. On y voyait très clairement la constellation Cenis major. Et l'étoile la plus brillante du ciel, vingt fois plus lumineuse que le soleil et plus de deux fois plus grosse, que les Égyptiens de l'Antiquité vénéraient pour les crues du Nil et les bonnes moissons, rayonnait d'un éclat intense : Sirius. Toute la constellation du Grand Chien semblait porter une louange muette à leur aînée. Et elle se refléta deux fois dans mes yeux de chien. Ma protectrice éternelle venait de m'apporter une conviction profonde : Sauter. Elle semblait dire : « saute, Patmol, nous veillons sur toi » J'en aurais pleuré d'émotion si les yeux des chiens en étaient capables. Je me rends compte maintenant que j'ai eu une chance infernale qu'aucun Détraqueur ne détecte ce feu d'artifices d'émotions que j'ai eu à ce moment là. En effet, revoyant cette étoile que je n'avais plus vue depuis une éternité, l'espoir revint en moi comme un geyser. Elle avait toujours été pour moi un soutien, un regard bienveillant au-dessus de moi. Je me souviens qu'étant enfant, j'avais peur tout seul dans l'obscurité de ma sinistre demeure familiale. Ma mère était incapable de manifester la moindre marque d'affection, alors je contemplais Sirius, dont j'avais découvert l'existence et l'emplacement dans un livre d'astronomie. Et c'est devenu une habitude, par la suite, pour apaiser mes craintes et mes douleurs, de contempler le Grand Chien et l'étoile Sirius.

Elle avait ôté toutes craintes de mon esprit. Je n'étais pas inconscient, je savais bien que le risque était énorme et que j'allais à l'encontre de grandes difficultés, peut-être, probablement même, au devant de la mort. Mais mon choix était fait : j'allais plonger.

Debout sur un créneau, j'ai repris ma forme humaine qui serait plus apte au plongeon. J'avais enlevé chaussure et cape, et j'étais maintenant presque entièrement dévêtu. Si récif il y avait, c'était trop tard. Toujours appuyé par le regard de mon étoile, j'écartai lentement les bras, face à l'océan. La falaise n'était pas tellement abrupte, il fallait que j'arrive à prendre un écart suffisant pour ne pas heurter la masse rocheuse. Je levai une dernière fois les yeux au ciel, mais je ce n'était pas pour implorer le Grand Chien, ou Dieu, ou la chance. Il s'agissait d'une décision, d'un pari, d'un défi. Advienne que pourra. Sous la leur obscure de cette nuit sans lune, je pris mon élan. De toute la vigueur de mes membres, je me propulsai le plus loin possible du mur de ce qui avait été ma prison.

Pour Harry.

Je n'aurais jamais imaginé que j'aurais pris du plaisir à chuter ainsi, les bras au vent. Le saut de l'ange… Mais je n'ai rien d'un ange, voyons ! Cette pensée absurde me fit sourire, tandis que je joignais les mains au-dessus de ma tête, parfaitement perpendiculaire à la mer agitée. Le vent soufflait fort.

Le choc fut rude, très rude. Si mon plongeon avait été parfait, la secousse fut néanmoins extrêmement violente. Je pénétrai brusquement l'eau salée, et m'enfonçai dans les flots ténébreux.

L'immersion fut longue et silencieuse, j'ai bien cru que mes poumons exploseraient sous la pression de l'eau. Mes tympans hurlaient de douleur et mes globes orbitaux se contractaient sous la pesanteur énorme des profondeurs. Mes poumons en manque d'air activaient des réflexes de survie dont je ne me serais pas cru capable en temps normal. Mes bras brassèrent furieusement l'eau, mes jambes s'agitèrent vigoureusement, et bientôt j'émergeai, et j'aspirai un grand bol d'air.

La première étape était franchie. Mais j'étais loin d'être tiré d'affaire. J'étais à présent entouré de vagues furibondes et de tourbillons, sans compter les courants. Le vacarme des flots était assourdissant, surtout après le silence de l'apnée. J'étais malmené, emmené de-ci de-là, sans avoir aucun contrôle de mes mouvements. J'ai rapidement compris qu'il était inutile de lutter, que la mer me mènerait selon son bon vouloir. Pour ma part, je m'efforçais juste de rester émergé, et de ne pas être projeté contre la falaise.

Cela faillit arriver maintes fois. J'ignore si ce qui me protégea de ce choc fatal fut cette magie spontanée et incontrôlable qui habite tous les sorciers, ou une chance incroyable, toujours est-il qu'après de longs efforts laborieux, je parvins à m'éloigner du gigantesque roc d'Azkaban.

La traversée fut longue, mais la marée était avec moi. Je me suis battu contre les puissants rouleaux du rivage, contre les courants contraires, qui semblaient être de mèche avec les Détraqueurs pour me ramener à Azkaban. Mes muscles hurlaient alors que je faisais la dernière brasse, le dernier battement de jambe, pour finalement être ramené en arrière par une brusque convulsion des flots. Longtemps après, arrivé à l'ultime limite de mon endurance, j'échouai sur la plage de sable. L'aube se levait. La constellation du Grand Chien disparaissait alors que des volutes rosâtres naissaient sous la voûte céleste. Mes yeux murmurèrent un merci à l'astre mourant. Je m'endormis, les pieds encore dans l'eau froide.

J'étais presque sain, j'étais presque sauf, mais j'étais totalement épuisé.