Je l'ai blessé, elle m'a vexé, bien avant que je le fasse. Je sais que je suis parfois chiant, pour être précis un emmerdeur de premier ordre ; je vois son expression de souffrance sur son visage. Mais que devais-je dire d'autre, je me souviens maintenant, et c'est la première chose que je me suis rappelé d'elle. Je n'avais pas l'intention de la heurter de la sorte, mais après tout c'est de sa faute, uniquement de sa faute si je suis ici, dans cet endroit, dans ce lit ; à cause d'elle, de ses paroles. Imaginez que la seule personne qui vous aime vous rejette. Je voulais seulement l'oublier, elle, cette femme, ma déesse. J'ai fait cela pour éviter de souffrir, mais je me retrouve ici et la douleur est d'autant plus grande que je dois voir chacun s'apitoyer sur moi ; écouter leurs « je suis désolé », mais à quoi cette mascarade sert-elle ? Du jour au lendemain je me retrouve plus entouré que je ne l'ai jamais été de toute ma vie. Il suffit que de ça, et tout change. Les gens change, je change, ma vie change. Le médecin est revenu me voir, me demandant pourquoi est-ce que j'avais fait une telle chose. Quelle question stupide ! Lorsque l'on fait quelque chose comme cela, c'est que l'on souffre, et que l'on veut s'éclipser de sa vie, s'en aller une fois pour toute, oublier tous les ennuis.oublier l'amour. Car la maladie la plus cruelle est celle-là, l'AMOUR. Un drôle de nom pour quelque chose d'aussi cruel. C'est une maladie qui lorsqu'elle vous envahit ne vous quitte plus, elle s'infiltre par tout, dans vos veines, dans votre sang jusqu'à atteindre votre cerveau et puis votre c?ur, et à ce moment là, à ce moment là.et bien vous savez que vous ne pourrez jamais vous en libérez. Elle vous possède, elle vous manipule. Cette maladie qui m'a conduit jusqu'ici à un nom : Faith. Elle a un visage d'ange, ce même visage qui me hante et me hantera tout au long de mon existence. Elle ne m'a pas demandé pourquoi j'avais fait cela, peut- être le sait-elle ? Impossible. Je ne lui ai jamais rien montré, je n'ai jamais rien laissé paraître et pourtant. Chaque jour, à chaque fois que je me trouvais à côté d'elle, je ne cessais de la regarder, je retenais ma respiration dès qu'elle me parlait, dans l'espoir secret qu'elle me dise ce que je voulais entendre. Mais non, elle ne peut pas et ne pourra jamais ; elle a une famille. Deux gosses formidables et un mari qu'elle aime plus que tout ; et même si je ne l'ai jamais apprécié, Fred le mérite. Pourquoi rêver de l'impossible ? De plus elle mérite mieux qu'un type comme moi, trop bête et trop lâche pour assumer ses sentiments et prendre la solution de facilité lorsqu'elle se présente. Mais pourquoi maintenant ? J'ai travaillé avec elle pendant près de huit ans, et jamais au grand jamais je n'ai éprouvé une telle admiration envers une femme. Elle est partie. Après ce que je lui ai dit elle est partie, sa figure a changé soudainement, j'ai vu des larmes dans ses yeux ; larmes de douleur et probablement de culpabilité. Et encore un « je suis désolée » de plus ! Ce que je déteste cette phrase ; les gens la disent tous, sans pour autant savoir sa signification. Pourquoi sont-ils désolés, quelqu'un pourrait-il me le dire ? Je crois qu'elle est venue systématique, lors des accidents, des décès, des tentatives de suicides. C'est dans ce dernier cas, je crois, que cette phrase sonne le plus pathétique. Ce n'est pas eux qui sont allongés sur ce lit, affrontant les regards qui vous disent «Pourquoi as-tu fait cela ? » « Pourquoi n'as-tu pas demandé de l'aide » et je crois le pire de tous « Mais comment a-t-il fait pour en arriver là ? » Et ainsi de suite, je vois la Pitié dans les yeux des gens. Je déteste lorsque l'on a pitié de moi, ce n'est même pas du soutien c'est. c'est pathétique. Je ressens à nouveau cette douleur, celle que j'ai essayé de fuir. Tout ce que j'ai fait ne m'a avancé strictement à rien, je me retrouve au point de départ, avec en plus des Psy complètement fêlés à mes trousses, me harcelant de questions ; essayant d'adapter leur thérapie à Maurice Boscorelli. Je leur souhaite bien du courage. Car rien, rien de ce qu'ils pourront dire ou faire ne fera disparaître non seulement cette douleur, mais aussi les sentiments que j'ai pour cette femme. S'en rendra t-elle compte un jour ? Je l'espère.