Et voilà, ça va faire près d'une semaine que j'ai quitté l'hôpital. Mais à quel prix ! Je suis obligé, trois fois par semaines, d'aller voir les docs, enfin pour être plus précis des psy ! Psychologues, psychiatres, enfin les mecs qui soignent les fous. Et oui, ils me considèrent comme un fou, mais pourtant je ne le suis pas. J'ai dû passer maints et maints entretiens afin de pouvoir m'en aller, de pouvoir enfin rentrer chez moi. Je suis passé devant cinq psy différents et trois médecins que je qualifierais d'à peu près normaux. Et toujours les mêmes questions, du genre « Comptez-vous recommencer ? Etes-vous sûr que vous ne vous ferez plus jamais de mal ? Comment comptez-vous surmontez ça ? Etc, etc, etc. Parce qu'ils croient vraiment qu'en posant des questions aussi stupides que celles-là ils peuvent juger de l'étal « mental », comme ils l'appellent, d'un patient ? C'est d'une profonde débilité déconcertante. Je veux dire si un 'patient ' (qu'est-ce que je peux détester cette appellation !) a envi de sortir de cet endroit (et je crois que tout le monde est dans le même cas : qui aimerait rester dans un hôpital ? Sérieusement ?) , c'est clair qui ne va pas leur dire : Tiens mais je ne veux que ça : me foutre en l'air, j'attends seulement de me tirer d'ici et ensuite je vais aller à la pharmacie du coin acheter des boîtes de somnifères. Je ne sais pas vous, mais alors moi ça me donne une profonde envie de rire ; cette naïveté. Ce qui me fait le plus marrer dans tout ça, c'est lorsque deux semaines après que les docs aient relâchés le cinglé qui leur sert de patient, ils voient celui-ci revenir avec un marteau enfoncé dans le crâne, où des petites cuillères dans le bide ! Faut bien reconnaître qui l'y en a qui sont complètement jetés. Et les docs qui sont complètement étonnés de revoir ce type, allongé, agonisant sur une civière, se disant bien pourtant que lorsqu'ils l'avaient relâché, il était tout à fait sein d'esprit, mentalement stable . enfin les conneries du genre. Si on devait réinventer le monde, on ne pourrait pas faire plus débile du point de vue de la médecine. Mais le pire dans tout ça, ce n'est pas de se faire prendre pour un détraqué par les médecins ; ça non. C'est d'ailleurs plus marrant car on peut les manipuler comme des souris ; vous leur tendez du fromage et ils se précipitent dessus, aveuglement. C'est plutôt comique. Non, le pire c'est d'affronter les regards de Pitié de vos soi-disant amis, qui viennent vous voir chez vous avec une boîte de chocolat (à défaut de la bière qui n'est pas recommandée avec les pilules !) alors qu'ils n'avaient jamais mis les pieds dans votre appart' avant ce jour. Pfou, quelle comédie, quels comédiens ! Qu'ont-ils besoin de venir en rajouté ? Comme si je ne me sentais déjà pas assez mal à l'aise ; il faut qu'ils viennent en rajouter une couche : « Alors ça va mieux ? Tu te sens comment ? Tes poignets ne sont pas trop douloureux ?... » Mais qu'ils aillent au DIABLE, j'en ai marre de cette condescendance, de cette soi-disant amitié qui me lie avec Doc, Carlos, ou tiens même JIMMY ! Je n'ai jamais pu le supporter, lui non plus (est-ce que ce type se supporte lui-même ?); et là d'un coup il vient me voir ; CHEZ moi, avec une jolie carte de bons v?ux de rétablissement. Ah ! Comme si je n'avais pas assez des psy, faut que les autres me collent en plus ! Je passe pour le mec instable. Pas plus tard qu'hier je suis allé au commissariat pour parler au Lieutenant, et savoir quand est-ce que je pourrais reprendre le travail. Lorsque je suis entré, le plus grand silence de toute l'histoire du commissariat s'est installé. Tout le monde m'a fixé avec obstination ; chacun me détaillant des pieds à la tête. La tête c'est d'ailleurs ce qu'ils pensent que j'ai perdu ; je les entends penser : comment ce genre de chose a pu lui arriver à lui, Maurice Boscorelli, le mec sans sentiments, que rien n'affecte ? . Personne ne comprend, personne n'essaye de comprendre. Tout ce que je voulais c'est qu'elle sache que je l'aime ; et bien maintenant c'est fait. Mais pourquoi est-ce que je le lui ai dit ? A quoi est-ce que je m'attendais ? A une médaille ? Quelle foutaise ! Cela va faire presque deux semaines que nous avons eu cette discussion avec Faith ; enfin puis-je me permettre de parler de discussion ? Et deux semaines que je n'ai pas eu de nouvelles d'elle. Quoiqu'il en soit, ce qui a suivit mon aveu, je m'en rappellerais toute ma vie. ***

Faith : Bosco, j'ai dit que j'étais désolée. Moi : tu es désolée, tout le monde l'est, et qu'est-ce que ça change ? Un ? Je suis là, à attendre je ne sais quoi, pendant que tu te lamentes sur moi. Et après ? Qu'est-ce que ça va donner, comment ça va finir ? Oui c'est à cause de toi que je me suis ouvert les veines, et franchement je regrette que l'on m'ait amener ici. Faith : Tu ne peux pas croire ce que tu dis. Moi : Ah non ? Faith : Non ! Tu es le mec le plus égoïste qui soit. Est-ce que tu as pensé un peu aux autres, à moi. Si tu étais mort, qu'aurais-je fais ? Moi : Tu t'en serais remise très vite. Faith : Je quoi ? Maurice Boscorelli, de toutes les choses que tu as dites, je n'ai rien entendu de tel. Tu n'es qu'un égocentrique qui ne pense qu'à lui. Tu croyais que t'allais tout régler en t'ouvrant les poignets ? Un ? Tu ne t'assumes même pas ! Moi : Ce n'est pas ça ! Faith : Alors c'est quoi ? Un ? Vas-y j'attends tes explications. Moi (chuchotant) : Je t'aime Faith : Quoi ? Moi (criant) : JE T'AIME

C'est à ce moment là que mon c?ur s'est arrêté. Je venais finalement d'avouer quelque chose que je connaissais depuis pas mal de temps, je venais de me livrer. Je n'ai pas osé regarder Faith en face ; mais après un silence qui était tellement pesant que je pouvais entendre mon c?ur battre à la vitesse d'une formule1, j'ai tout de même décidé de tourner la tête. Elle était debout, au milieu de la chambre, la bouche grande ouverte ; je peux dire qu'elle essayait de dire quelque chose mais que rien ne sortait. Et moi, comme l'idiot que je suis, il a fallu que je continue mon répertoire de conneries.

Moi : Faith ? Faith : Tais-toi Moi : Mais je. Faith : Bosco j'ai dit : Tais-toi.

A ce moment là je l'ai regardé comme un chien qui attend que son maître lui dise d'attaquer. J'étais toujours aussi énervé, tandis que Faith curieusement a retrouvé une voix calme.

Moi : Quoi ? Pourquoi ? Tu m'as demandé pourquoi j'ai fait ça, je t'ai donné la réponse. Faith : Tu m'aimes ! Moi : Oui, c'est si difficile à concevoir ? Que quelqu'un comme moi puisse tomber amoureux, mais réellement amoureux de sa meilleure amie, qu'il connaît depuis plus de huit ans ? Faith : Tu veux dire que c'est à cause de tes sentiments pour moi que tu as tenté de te tuer ? Moi : Oui, oui, oui

A ce moment là j'ai crié comme un malade, bien je suis fou d'après mes docs, alors après tout. Puis je me suis arrêté net. Qu'est ce que je suis débile ! Pourquoi ils n'apprennent pas aux gosses à la fermer quand il le faut en cours ? Un ? Ca aurait pu m'être utile, et là cela m'aurait été utile !

Faith : Tu décides de te suicider . parce que tu m'aimes .. ?

Comment passer pour un con en une seule leçon ? Vous voulez savoir ? C'est exactement la situation dans laquelle je me suis trouvé à ce moment là.

Dire à une femme que vous l'aimez donc vous décidez de vous tuer à cause d'elle.

Vous aimez donc vous mourrez, et vous la faites passer pour responsable. Et après vous lui demander de comprendre. Et vous vous attendez à ce qu'elle comprenne, après tout quoi de plus naturel ? Maintenant que j'y pense ce n'est pas un séminaire pour me sentir mieux dans ma tête que je devrais suivre, mais plutôt un cours sur l'anti-connerie. Et encore vous ne savez pas tout.

Faith : Pourquoi tu me dis ça maintenant Bosco ? Un ? Tu crois qu'en me disant ça tout va s'arranger ? Moi : J'en sais rien Faith : Tu n'en sais rien (et là elle a commencé à criser !) : Tu n'en sais RIEN !!! Tu m'annonces subitement que tu es amoureux de moi, que tu as voulu te suicider par ma faute ; mais tu n'as jamais rien fait pour me le prouver. Moi (avec la plus simple naïveté du monde) : Te prouver quoi ? Faith : Que tu tiens à moi bien plus que comme une amie ! Et puis qu'est-ce que tu crois, que maintenant que tu m'as dit ça je vais me sentir mieux ; de savoir que mon partenaire est allongé dans ce lit à cause de moi ? Et je te rappelle que j'ai les gosses, et Fred ; et je l'aime ! Je l'AIME. Non seulement il est le père de mes enfants, mais en plus ça va faire plus de quinze ans que nous sommes mariés. Bien sûr nous avons eu des problèmes de couples ces derniers temps ; mais c'est normal, c'est la même chose partout. Et toi tu croyais tout bonnement qu'il suffisait que tu m'annonces que tu m'aimes pour que je le laisse ? Je vais te dire, je tiens à Fred plus qu'à n'importe qui d'autre ; nous sommes mariés depuis longtemps et je ferais tout pour que cela continue au moins quinze ans de plus. Tu pensais qu'il suffisait de te ramener comme ça ? Pas question. Je suis désolée si je t'ai blessé par mes paroles l'autre jour, je ne voulais pas. Mais je ne peux pas et ne pourrais jamais tomber amoureuse de toi Maurice Boscorelli. ***

Et voilà a peu près comment ça s'est passé. Elle est partie moitié en pleurant ; et une fois de plus je l'ai blessé. Je n'y comprendrais jamais rien aux femmes, jamais. J'ai bien hésité à l'appelé, mais je ne crois pas que ce soit une bonne chose. Elle a raison après tout ; qu'est-ce que je croyais en lui disant ça, qu'elle allait venir vers moi ? Me sauter au cou et dire « moi aussi je t'aime » ? Quel bêta. Et je me retrouve ici, seul, dans mon appart', à boire une bière devant la télé. Comme quoi les bonnes habitudes ne se perdent jamais. Jamais.