Titre: L'élève du professeur de potions- version modifiée 10/2003 Chapitre 2: purgatorio (2/3) Auteur: R. J. Anderson Email: rebeccaj@pobox.com Traduit de l'anglais par dark_rogue@caramail.com Categorie: Drama/Angst Mots clefs: Rogue, Maugrey, cinquième année, après la coupe de feu (Accord parental souhaitable)

"Etes-vous prête ?"

Ses lèvres étaient sèches et ses genoux tremblaient. Mais le calme de sa voix, la confiance absolue qu'elle avait en ses capacités à elle comme en ses capacités à lui la rassurèrent. Ils avaient fait des recherches sur cette potion pendant des semaines, ajoutant et soustrayant des ingrédients, recommençant non moins de cinq fois avant d'être satisfaits. Si cela échouait, cela échouerait, mais au moins cela ne la tuerait pas.

"Oui," dit-elle. Puis elle souleva le gobelet et but.

De manière peu surprenante, la potion avait mauvais goût : la plupart des potions ayant quelque effet l'avaient. Un frisson courut dans tout son corps lorsque le liquide chaud se répandit en elle. Alors, lentement, elle leva la tête.

Dans le demi-jour des cachots elle pouvait voir les traits pâles, anguleux de Rogue aussi clairement qu'en plein midi - ce qui signifiait, ironiquement, que sa vue n'était pas revenue. Quoi que la potion lui ait fait, elle regardait toujours le monde avec les yeux d'Athéna.

Le petit hibou, sentant la déception de sa maîtresse, oscilla sur l'épaule de Maud et hulula lugubrement. Rogue jura et laissa retomber la louche dans le chaudron. "Ca aurait dû marcher."

"J'ai dû me tromper dans les proportions," lui dit Maud , ravalant l'amertume dans sa gorge. "Un peu plus d'extrait de mandragore aurait peut être suffit, ou-"

"Non". La voix de son professeur était plate. "J'ai vérifié deux fois votre recette moi-même. Les ingrédients régénérateurs étaient tout à fait corrects."

"Alors je devrai retourner à la bibliothèque de nouveau et faire des recherches sur les combinaisons. Pour être sure d'éliminer toutes les aversions potentielles."

Il ne la contredit pas, mais la ligne dure de sa bouche trahissait son scepticisme. Severus Rogue était l'un des meilleurs fabricants de potions du monde sorcier; si elle avait laissé échapper quelque chose dans sa recette il aurait sûrement trouvé et corrigé l'erreur auparavant.

Mais que faire d'autre ? Renoncer, admettre la défaite, se résigner à la cécité et la mort de son rêve de toute une vie ? Ce n'était pas dans son caractère, pas plus que dans celui de Rogue. Elle avait travaillé trop durement, trop souffert, pour abandonner son ambition maintenant.

"Il est tard," dit-elle enfin. "Je ferais mieux de retourner au dortoir." Elle se tourna mollement pour s'en aller, mais la main de Rogue se posa sur son épaule - son épaule gauche, à l'opposé du perchoir habituel d'Athéna - et elle s' arrêta.

"C'est seulement le début, Mlle Maugrey," lui dit-il. Il n'y avait aucune douceur dans sa voix et elle lui en était reconnaissante : s'il lui avait parlé doucement, elle aurait pu s'effondrer. "Il y a d'autres recettes, d'autres ingrédients, qui n'ont pas encore été essayés, et je suis sûr que nous trouverons le bon."

Ses longs doigts se serrèrent brièvement, avant de la laisser partir. Elle sortit du donjon dans la lumière vacillante des torches du couloir, redressant les épaules et levant la tête, reprenant à nouveau sa cape habituelle d'indifférence. Personne en la voyant, n'imaginerait que quelque chose d'important lui était arrivé ce soir là, ou que quelque part, derrière ses yeux verts sans vie, il y avait une mer de larmes.

***

"Ils ne te laisseront jamais le faire, Maudie."

Son oncle, grisonnant et mutilé par sa longue carrière, passée à se battre contre des magiciens sombres, faisait les cent pas devant le feu, sa jambe de bois claquant sur les pierres. "Quand tu es un Auror tu as besoin de tout ton esprit et de tous tes sens et encore d'une certaine intuition. Tu as une bonne tête, Maudie, je n'en doute pas; mais Athéna ne remplacera pas tes deux yeux."

"Pourquoi pas ?" demanda-t-elle. "Sa vue est meilleure que celle de n'importe quel humain. Avec elle je peux voir à trois cent soixante degrés sans me retourner, même dans l'obscurité. C'est presque aussi bon que ce qu'ils t'ont donné."

L'?il auquel elle se venait de référer, lisse et d'un bleu brillant, se fixa soudainement sur elle, comme s'il essayait de voir jusqu'à la moelle de ses os. "Mais mon oeil fou n'a pas besoin de sommeil, Maudie et il ne s'envole pas. Athéna est un petit hibou courageux, mais elle a ses limites. S'ils te la prenaient, tu serais impuissante."

"Je ne suis pas impuissante." Ses petites mains se serrèrent sur les bras de la chaise et elle lui rendit son déconcertant regard fixe avec une résolution qui la fit paraître plus vieille que ses dix ans. "Je peux trouver mon chemin, même sans Athéna. Je me suis entraînée-"

"Se déplacer dans la maison est une chose. Se battre contre des sorciers sombres en est une autre." Il tapota le côté de son nez, où un morceau considérable manquait. "Crois moi, Maudie , je le sais."

Elle mordit sa lèvre durement, déterminée à ne pas pleurer. Il n'y avait pas moyen de se tromper sur le ton de la voix de l'Oncle Alastor : pour lui , le sujet était clos. Comment pouvait-il lui faire cela, alors qu' il aurait dû, plus que tous, la comprendre ?

Physiquement il y avait peu de ressemblance entre eux, mais au-dessous de la peau ils étaient faits d'une même matière: tous les deux péniblement conscients du mal dans le monde, conduits par une passion pour la justice, poursuivant leur cause avec une ardeur résolue qui semblait excessive et même folle aux yeux des sorciers ordinaires. Après avoir vécu avec son oncle pendant six ans Maud savait, mieux que presque tous, ce qu'il coûtait d'être un Auror.

Et dire que le prix était trop haut pour qu'elle le paye était une pilule dure à avaler.

***

« --ne pouvons pas simplement passer toute l'année sur les boîtes à casse- crôute , nous avons aussi besoin de nouvelles idées. »

« Attends, j'ai trouvé-Pastilles d'Allongement de lobe. Dès que tu les suces tes oreilles commencent à grandir -"

"Ca ressemble trop au Caramel Longue-langue."

"Et alors ? Nous n'avons jamais réussi à l'essayer sur quelqu'un d'autre que Dudley."

"Et le Soda Scintillant ? L'avons nous aussi abandonné?"

"Ah, ouais, je l'avais oublié. Je parie que les filles adoreront ça-"

Maud poussa une autre pile de livres entre elle et les jumeaux Weasley, essayant de bloquer le murmure de leurs voix et le grincement de leurs plumes, mais c'était inutile. Elle ne pouvait pas se concentrer.

"Cela vous ennuierait-il de baisser d'un ton ?" dit-elle .

Fred regarda George. George regarda Fred. Alors ils se tournèrent tous les deux vers elle et dirent d'une même voix, "Ouais, en fait."

"En fait," ajouta George , "nous parlons bas. Tes oreilles sont trop bonnes, voilà le problème."

"Voila pourquoi," dit Fred, "tu as besoin de Chewing-gum de Plaisir Assourdissant de notre invention." Il fit mine de tenir un paquet imaginaire. "On mâche et tout ce bruit de fond ennuyeux disparaît simplement . Bien sûr, tous les sons que tu pourrais vouloir entendre aussi, mais les effets durent seulement , oh, environ une demi-heure"

"Nan", l'interrompit George , "deux heures. Assez pour passer une des classes du Professeur Binns. Les premières-années achèteront tout."

"Bonne idée!" dit Fred en prenant des notes sur son parchemin.

Maud ferma son livre et se frotta les yeux. Elle avait étudié pendant des heures et elle pouvait sentir la fatigue d'Athéna aussi bien que la sienne. "Abiungo", chuchota-t-elle et le petit hibou, libéré de leur lien magique, s'élança en l'air avec un doux hululement de gratitude. Athéna ne resterait pas loin longtemps : mais elle avait besoin d'étendre ses ailes et en profiterait.

"Hé," dit George, "tu t'y connais en ingrédients de potions---puis-je te demander quelque chose ?"

En tant que Serpentard, elle aurait du l'ignorer. En fait, elle ne devrait même pas être assise là du tout, parce que les Serpentards n'occupaient en général pas les même places que les Gryffondors si l'un ou l'autre avait le choix. D'autre part, elle avait seulement rejoint sa Maison cette année; et les jumeaux Weasley étaient connus pour être des fauteurs de troubles d'une sorte que même un Serpentard pourrait approuver.

"Demande toujours," dit-elle .

"Avec quoi remplacerais-tu de l'écaille de basilic en poudre ?"

"Avec quelque chose de meilleur marché, tu veux dire ?"

"Ouais. À deux Galions le gramme, notre marge de profit part en fumée."

Maud y réfléchit un instant. "Racine de Méduse," dit-elle enfin. "Mais vous devrez en employer une grande quantité pour obtenir le même résultat et ça a un assez mauvais arrière-goût. Vous auriez besoin d'une saveur forte pour le neutraliser. Comme de la réglisse."

"Oh, je l'aime," dit George.

"A quoi cela servira-t-il ?" demanda Maud. "Sucettes pétrifiantes ?"

"C'est ça!" Il y eut plus de grincements pendant que la plume de Fred courrait à travers le parchemin. "Merci, nous avions du mal à leur trouver un nom ..."

"Mieux vaut ne plus la laisser nous aider désormais," avertit George. "ou nous devrions commencer à la payer."

"Vous oubliez, " dit Maud, " que je suis une Serpentard. Le mal est sa propre récompense."

"Oh, je l'aime vraiment." Elle pouvait sentir la chaleur de son souffle car il s'était appuyé sur la table vers elle. "Où avez-vous été toute ma vie, Maud Maugrey ? À part quelque part en Europe de l'Est à étudier les Arts Sombres, je veux dire."

"Hé", dit Fred , "je l'ai vue en premier."

"JE l'ai vue en premier. "

Aucun un d'entre eux n'était sérieux, bien sûr : les jumeaux Weasley ne l'étaient presque jamais . Et Maud savait qu'il valait mieux ne pas s'imaginer qu'elle avait une apparence extraordinaire. Cependant, le fait qu'on se batte pour elle, même en plaisantant, était une expérience nouvelle et amusante. "Allons, les garçons," dit-elle avec une sévérité feinte. "Qu'est-ce qui vous fait penser que l'un ou l'autre d'entre vous est assez bon pour moi ? »

« Tu as raison » La chaise de George craqua quand il se rassit avec un soupir théatral. "Comment pourrions-nous espérer rivaliser avec le doucereux, l'aimable, toujours charmant et séduisant professeur Rogue ? La romance d'un chaudron fumant, les jours à la lumière des baguettes et les nez de chauves-souris-"

Maud s'étrangla. "Qu'est-ce que c'est sensé vouloir dire ?," dit-elle avec effort.

George reprit son souffle pour lui répondre, mais son jumeau fut plus rapide. "Bah, c'est rien", lui dit-il. "Tu es l'élève favorite de Rogue, c'est tout."

"Ca", ajouta George, "et toutes ces heures supplémentaires tu passes dans les cachots-"

"Tait-toi idiot," siffla Fred.

Maud balaya ses soucis. Elle avait regagné sa maîtrise de soi et s'était sentie seulement un peu irréfléchie. "Vous avez triché," dit-elle. "Vous étiez supposer attendre qu'ils aient publié ma confession dans la Gazette du Sorcier. ' Oh Severus, ' ai-je pleuré, me pâmant dans ses bras virils, etc. Mais vous êtes arrivés trop tard, c'est fini."

"Oh ?" dit George.

"J'en ai bien peur." Elle prit une expression tragique. "J'étais juste la dernière dans une longue liste de c?urs brisés-"

Fred cracha. "Ça va, arrête, tu as gagné."

"J'ai pensé que cela remportait à peu près le prix de la Rumeur la Plus stupide de Poudlard," admit George.

"Vous auriez à peu près raison," dit Maud.

Elle avait à peine fini de parler quand elle entendit le doux vrombissement des ailes d'Athéna, sentit la minuscule piqûre des griffes lorsque le hibou se posa sur son épaule. "Iungo", murmura-t-elle, invoquant le charme qui reliait la vision d'Athéna à la sienne et les jumeaux Weasley revinrent dans son champ de vision.

Et , à sa surprise éc?urée, quelqu'un d'autre aussi.

Il était debout plusieurs pas derrière les Weasleys, ses yeux sombres la regardant froidement, son visage sans expression. Depuis combien de temps était-il là ? Elle ouvrit la bouche, mais il se tourna dans un remous de noir et se fondit dans les ombres avant qu'elle ne puisse parler.

"Qu'est-ce qui ce passe?" demanda Fred. "On dirait que tu viens de voir le Baron Sanglant."

George sourit. "Ou même pire, Rogue."

"Je dois partir," dit brusquement Maud. Elle recula sa chaise, ramassa une brassée de livres au hasard et se dépêcha de quitter la bibliothèque, laissant les jumeaux Weasley regarder fixement son sillage.

***

Elle avait du trahir sa déception d'une façon ou d'une autre ,car l'Oncle Alastor arrêta de marcher et s'accroupit à côté de sa chaise, posant ses mains balafrées sur les siennes avec cette soudaine douceur lancinante qui la surprenait toujours. "Ne perds pas espoir, Maudie," dit-il. "Il y a plus d'une façon de se battre contre l'obscurité. Et même si tu n'es pas prête à rencontrer un Mangemort en combat singulier , j'ai la même confiance en les yeux d'Athéna et en tes oreilles qu'en les miennes. Si tu veux, j'ai une mission pour toi."

Maud l'observa prudemment un moment. "Qu'est-ce que c'est ?"

"Il y a un homme que je veux faire surveiller, un Mangemort qui s'en est tiré. Il n'est qu'un voyou et un lâche et si Voldemort revient il se-" Il s'arrêta et se racla la gorge, comme s'il se rappelait soudainement à qui il parlait et continua un peu maladroitement, "-euh, pisserait dessus - avant de courir dans la direction opposée. Mais je n'ai pas confiance en lui et je n'aime pas ce qu'il est en train de faire. Aussi-"

"Mon oncle",dit Maud avec une faible note de reproche, "est-ce que tu n'es pas supposé être à la retraite?"

Il lui fit un sourire soudain, tordu. "Gamine va, tu me connais mieux que cela. T'en chargeras-tu ?"

"Qui est il ?"

"Il vient juste de devenir Directeur d'une école appelée Durmstrang. Une rumeur a circulé pendant des années que les étudiants de Durmstrang apprennent beaucoup plus des Arts Sombres que seulement la défense. Peut être ou non que c'était la vérité alors, mais si Igor Karkaroff est responsable là-bas, je parierai mon bon oeil que c'est vrai à présent."

Maud était silencieuse, pesant ses mots. Enfin elle dit, "Tu veux que j'aille à Durmstrang."

"Franchement dit, Maudie, non. Je préférerais que tu ailles à Poudlard, où tu appartiens. Mais il n'y a aucune créature plus malheureuse qu'un faucon dans une cage, que la cage soit dorée ou non. Si tu es décidée à frapper un coup contre le côté sombre, je te donne ta chance pour m'aider à le faire. Mais ce travail sera dur, ne t'y trompes pas. Et si tu trouve que finalement tu ne veux pas continuer, dit-le juste et je te ramènerai à la maison." Il fit une pause, s'assit sur ses talons et dit, "c'est le mieux que je puisse t' offrir."

***

Elle trouva Muriel dans la salle commune, absorbée dans un livre fatigué dont la couverture peinte montrait un sorcier musclé embrassant une sorcière pâmée, leurs robes flottant dans la brise et menaçant de tomber. C'était ce genre de choses que Muriel lisait d'habitude .

"Alors," dit Maud, s'asseyant dans la chaise en face d'elle et faisant un effort pour garder une voix égale. "Était-ce de la rancune ou de la jalousie ?"

Muriel poussa un soupir exagéré et referma son livre . Le charme Sauvage de la Passion, flashèrent les lettres sur sa tranche, avant de disparaître. "Maintenant de quoi tu parles ?"

"Seulement toi, Lucinda et Annie saviez que je travaillais avec Rogue après les cours. Avec ces deux là, je ne serais pas étonnée si tout les Serpentards le savaient aussi. Mais seulement toi aurait étendu délibérément la rumeur à l'extérieur de notre Maison en le faisant sonner comme quelque chose de plus qu'un projet d'étude indépendant-"

"Et bien, n'est-ce pas le cas ?" se moqua Muriel . "J'ai vu comment il te regarde, comment il te traite en classe. Et ensuite il y a toi, avec ton pédant, Oui, Professeur Rogue et Non, Professeur Rogue et Puis-je vous aider, Professeur Rogue ? Tu pense juste que tu es spéciale, n'est-ce pas ? Arrivée de Durmstrang, posant, essayant de faire passer le reste de nous Serpentards pour des inférieurs. Et maintenant tu te rapproches des Weasleys - qui penses-tu donc être ?"

Ou bien Muriel venait de la bibliothèque elle-même, ou bien elle avait un réseau d'espion remarquablement bon. "J'ai parlé aux jumeaux Weasley à peine cinq minutes," dit Maud entre ses dents. "Vas-tu faire courir le bruit que j'ai une liaison amoureuse avec l'un d'entre eux aussi ? Soit sérieuse, Muriel. Les Weasleys sont des sangs pur, je peux avoir une conversation avec eux si je veux ."

"Ce sont des Gryffondors! Des traîtres au sang et des amoureux des moldus! Aucun vrai Serpentard."

"Oh, je vois," dit Maud, comme si elle venait tout juste de comprendre. "Est-ce pour Fred ou pour George que tu es jalouse ? Donne-moi une chance, je pourrais en placer un mot-"

Muriel émit un bruit étranglé, laissa tomber le livre et lui sauta à la gorge.

Lorsqu'elles s'effondrèrent sur le plancher, Athéna s'élança loin de l'épaule de Maud et se mit à tourner autour des deux filles, s'agitant et hululant avec inquiétude. Maud ne pouvait pas la blâmer pour s'être mise à l'abri : Muriel était encore plus en colère qu'elle ne l'aurait cru possible. Même en se battant pour retenir l'autre fille, son esprit fonctionnait à plein régime. Avait-elle touché par mégarde un point sensible ? Muriel était elle vraiment amoureuse de Fred ou de George - ou de Rogue ?

"Une baston !Une baston!" cria un ch?ur de voix, suivie par un son de course pendant que les autres Serpentards du dortoir se précipitaient pour voir le spectacle. Muriel avait agrippé deux poignées des cheveux de Maud et semblait essayer de les arracher : Maud, désorientée par la vision tourbillonnante d'elle-même qui passait dans les yeux d'Athéna , luttait futilement pour libérer sa baguette magique de ses robes. Les élèves n'étaient pas supposés pratiquer se battre en duel, mais quand il s'agissait d'autodéfense-

Tirant soudain violemment elle se libéra de la poigne de Muriel, leva sa baguette magique et cria le premier charme qui lui vint à l'esprit, un mot né de sa propre confusion et de sa crainte :

"Formido!"

Immédiatement Muriel s'éloigna d'elle, hurlant et couvrant son visage de ses mains. Maud se remit sur ses pieds, prête à prononcer le contrecharme, mais une voix parla, froide et dure, derrière elle :

"Que veut dire tout ceci ?"

"Professeur", haleta Maud, se tournant à lui. "Elle-"

"Silence", la rabroua-t-il. Ignorant les gémissements aigus de Muriel sur l'instant, il se tourna vers les autres Serpentards rassemblés alentours. "Que s'est-il passé?"

"J'ai tout vu, Professeur," dit une voix traînante et Draco Malfoy joua des coudes pour se placer devant les autres. "Muriel lisait un livre, se mêlant des ses affaires et Maud est entrée et l'a délibérément provoquée, essayant de commencer un combat-"

Maud le regarda fixement, respirant durement. "Ce n'est pas vrai."

"Merci, M. Malfoy," dit Rogue. "Retournez dans vos dortoirs. Je traiterai avec cet ... incident ... moi-même."

À contrec?ur, les autres Serpentards s'éloignèrent. Cependant, ils écouteraient ce qui arriverait ensuite et Maud n'avait aucun espoir que cette question soit vraiment traitée en privé.

"Je suis extrêmement déçu par votre conduite, Mlle Maugrey," dit Rogue. Sa voix était douce, mais elle ne recelait aucune gentillesse, aucun espoir de pitié. Il fit un signe de baguette vers Muriel, dit "Fortitudo!" Et elle s'effondra sur le plancher en haletant.

"Allez dans votre chambre, Mlle Groggins," lui dit-il. "Soyez sûre que je punirais la conduite de Mlle Maugrey comme elle le mérite."

"Professeur", dit Maud désespérément. "Vous ne pouvez pas croire-"

Il l'interrompit brutalement. "M. Malfoy est un membre remarquable de la Maison des Serpentards depuis quatre ans. Je croirais son jugement même si je n'avais pas vu votre-" sa lèvre se replia - " mauvaise conduite - par moi-même. Je vois, Mlle Maugrey, que je me sois grandement trompé en ce qui vous concerne. Il semble que je devrai rabaisser mon opinion de vous, puisque vous vous êtes prouvée si indigne d'elle."

Maud le regarda fixement, incapable de croire ce qu'elle entendait.

"En effet", continua Rogue froidement, "je commence à me demander si vous appartenez à cette Maison du tout. Puisque vous semblez incapable de vous faire des amis ici, ou de vous conduire d'une façon qui convienne à un Serpentard, je considère formuler une demande au Directeur pour vous faire rerépartir. Publiquement."

Elle n'avait jamais été répartie en premier lieu et ils savaient cela tous les deux, mais la menace était réelle. Il était aussi probable que le Choixpeau la mette à Serdaique ---ou pire Gryffondor ---qu'autre part et le travail minutieux de six années serait ruiné.

A peine avait-elle dit ces mots désinvoltes dans la bibliothèque qu'elle les avait regrettés; mais elle n'avait jamais rêvé qu'ils eussent pu blesser Rogue si profondément. C'était comme si tout ce qu'ils avaient partagé - la confiance, l'amitié, la cause commune - s'était désagrégé en un instant. Sa fierté était-elle donc vraiment si fragile ? Après tout ce qu'il avait fait et supporté, elle avait peine à y croire et pourtant, il semblait n'y avoir aucune autre explication.

"Allez immédiatement voir M. Rusard pour votre retenue," lui dit-il. "Je lui annoncerai votre arrivée et il trouvera sans aucun doute quelque chose d'approprié et de déplaisant à vous faire faire." D'un geste rapide il souleva Athéna de son épaule. "Et je vous rendrai votre hibou quand M. Rusard me dira que vous avez fini."

Voir par les yeux d'Athéna quand le petit hibou était dans un emplacement différent serait si désorientant, ce serait même pire qu'être aveugle : et Rogue devait le savoir. Chassant les larmes qui menaçaient, elle murmura, "Abiungo" et laissa l'obscurité l'avaler.

"Vous trouverez seule votre chemin jusqu'au bureau de M Rusard," dit la belle, l'impitoyable voix de son mentor. "Vous pouvez faire cela sans Athéna, je crois ?"

Cela lui prendrait des heures, à moins qu'elle ne trouve quelqu'un pour l'aider. Mais il devait savoir aussi cela.

"Oui, Professeur Rogue," chuchota-t-elle.

***

Depuis qu'elle avait appris que non seulement sa mère mais son père aussi étaient morts, elle s'était imaginée combattant intrépidement le mal , la baguette à la main, flambant d'une colère juste que tout sorcier sombre pourrait reconnaître. Elle ne serait pas capable de le faire à Durmstrang, pas si elle voulait rester là-bas. Mais osait-elle faire rien de moins ?

Comme d'habitude, l'Oncle Alastor anticipa ses pensées. "Il y a une chose que tu dois te rappeler, Maud. Quand tu te bats contre l'obscurité, bats toi durement. Tiens toi fermement pour ce que tu sais être juste : aucune excuse, aucun compromis. Mais quoi qu' il arrive, ne deviens pas cette chose que tu combats. Soit féroce si tu le dois, mais ne les laisse jamais te rendre cruelle."

***

Pendant qu'elle trébuchait le long du couloir, sentant son chemin aveuglément le long de la pierre froide, humide, les mots de son oncle résonnaient à ses oreilles. Ne les laisse jamais te rendre cruelle...

Pourquoi cette formule parmi toutes les autres qu'elle aurait pu choisir ? Maud avait toujours évité d'utiliser les Arts Sombres: grâce à son séjour à Durmstrang, la connaissance était là, mais elle avait décidé de ne jamais en tirer avantage. Cependant, lancer l'Effroi Informe contre un être humain était très près de la ligne. Et pourtant cela avait été le premier charme qui lui était venu à l'esprit.

Et à propos de la bibliothèque, où elle avait raillé Rogue devant les Weasleys, les laissant penser qu'elle le respectait et se souciait de lui aussi peu qu'ils le faisaient ? Sa réputation à lui avait été en jeu autant que la sienne, bien sûr; mais franchement dit, elle avait pensé seulement à elle. Pour la même raison égoïste, elle assistait aux cours de Rogue jour après jour, l'observant railler et maltraiter les Gryffondors avec toutes les apparences de l'apprécier, ne disant jamais rien...

Dans son esprit elle avait fait des excuses pour eux deux, se disant que la vindicte de Rogue était seulement une apparence, qu'il avait besoin d'apparaître cruel pour maintenir sa réputation, de même qu'elle devait rester froide et distante pour maintenir la sienne. Après tout, il avait sauvé sa vie quand elle était enfant, prenant d'énormes risques; et il avait travaillé dur depuis son transfert à Poudlard pour lui donner toute l'aide et tout l'appui dont elle avait eu besoin. Elle avait eu de bonnes raisons de croire en lui, malgré toutes les apparences du contraire. Mais maintenant qu'il s'était retourné contre elle, elle ne pouvait pas s'empêcher de se demander si elle avait mis sa foi en une illusion, si elle avait fait confiance à un mensonge...

Elle se dirigeait juste sous la voûte qui la mènerait à l'escalier quand une voix profonde, chaude sortit de la noirceur et elle se figea.

"Mlle Maugrey. Puis-je vous offrir mon bras ?"

C'était Albus Dumbledore.