Titre: L'élève du professeur de potions- version remaniée 10/2003 Chapitre 3: Paradisio (3/3) Auteur: R. J. Anderson Email: rebeccaj@pobox.com Traduit de l'anglais par dark_rogue@caramail.com Categorie: Drama/Angst Mots clefs: Rogue, Maugrey, cinquième année, après la coupe de feu (Accord parental souhaitable)

Même aveugle, Maud pouvait dire la différence entre le chemin jusqu'au bureau d'Argus Rusard et là où Dumbledore la menait. "Professeur", protesta- t-elle, "Je suis supposée aller en retenue-"

"Je suis conscient de cela, Mademoiselle Maugrey," dit-il gravement. "Néanmoins, je voudrais te parler tout d'abord."

Maud libéra son souffle dans un soupir. "Oui, Professeur."

Ils parcoururent les couloirs en silence, puis tournèrent un coin et s'arrêtèrent. "Sirop fondant," dit Dumbledore ,et la conduisit vers l'avant, sur un escalier automatique qui accédait à son bureau.

"Maintenant", dit-il, la guidant par la porte et la fermant derrière eux, "assieds-toi s'il te plaît et mets-toi à l'aise."

Elle s'était à peine assise sur la chaise lorsqu' il y eut un bruissement musical de plumes et un poids solide posé sur son épaule, la faisant vaciller sur le côté, et sursauter. Le phoenix de Dumbledore était beaucoup plus lourd qu'Athéna et pourtant ses serres l'avaient saisie si doucement qu'elle ne sentait aucune douleur.

"C'est très gentil à toi, Fumseck," dit Dumbledore. "Maud, si tu le souhaites, Fumseck agira comme tes yeux tandis que tu es ici."

Elle fut surprise. "Mais je ne peux pas. Avec un nouvel hôte cela prends du temps et de la préparation..."

"Pas avec Fumseck," dit Dumbledore. "Essaye-le voir."

Maud mordit sa lèvre, sceptique mais ne voulant pas le contredire. "Iungo", murmura-t-elle...

... Et immédiatement son monde éclata de lumière.

L'observation par les yeux du ph?nix était différente de tout ce que Maud avait éprouvé auparavant. Tout dans le bureau de Dumbledore semblait plus profond, plus riche, d'une façon ou d'une autre plus significatif que lors de sa première visite : les couleurs plus vives, les détails plus complexes et plus beaux. Dumbledore lui-même semblait entouré d' un rougeoiement chaud d'or et ses yeux scintillaient comme des constellations.

"Mieux ?" dit-il.

Maud inclina la tête, encore trop éblouie pour parler.

"Bien". Il s'assit derrière le bureau, en face d'elle et croisa ses doigts devant son long nez. "Maintenant, ma chère, ton oncle Alastor m'a récemment exprimé quelques soucis sur ton bien-être ici à Poudlard." Il fit une pause. "Et à la lumière des événements d'aujourd'hui, je tends à être d'accord avec lui. Tu es évidemment malheureuse à Serpentard et je me demande si tu pourrais reconsidérer ton choix."

Son regard fixe était plein de bonté, mais néanmoins perçant. Elle voulait l'éviter, mais Fumseck ne le lui permettait pas. Enfin elle dit tranquillement, "Oui, professeur, les raisons pour lesquelles j'ai choisi Serpentard me sont ... moins claires à présent."

***

"Il est bon de te revoir, Maudie."

Son oncle était plus mince et plus gris qu'elle ne s'en souvenait et les ombres pâles sous ses yeux parlaient des longs mois d'emprisonnement qu'il avait supporté. Elle s'était demandée pourquoi il n'avait pas répondu à ses lettres si longtemps, alors que tous les rapports disaient qu'il était en bonne santé et apparemment heureux à Poudlard : seulement maintenant, alors qu'il était trop tard, elle avait appris la pénible vérité.

Une partie d'elle se blâmait. Elle n'avait pas été là pour lui, et elle aurait dû l'être. A cause de l'accident qui avait mis un terme à sa première année d'études, elle était devenue majeure six mois avant n'importe lequel de ses camarades de classe-- il n'y avait eu aucune raison pour qu'elle ne puisse pas faire partie de la délégation pour le Tournoi des Trois Sorciers.Mais aux examens de qualification, elle s'était délibérément retenue. À Poudlard, où c'est ce qu'elle s'était dit, Karkaroff serait sous la surveillance de son oncle, ainsi il n'y avait aucun besoin d'elle là-bas. Et si elle restait à Durmstrang en absence de son Directeur, elle pourrait finalement avoir l'occasion de regarder ses fichiers secrets...

Cela avait été une excuse, bien sûr et une boiteuse. La vérité était, qu' elle n'avait pas voulu voir Poudlard, pas voulu connaître ce qu'elle avait manqué toutes ces années. Cela lui avait pris une longue période de temps pour s'adapter à Durmstrang et même maintenant elle avait peu d'amis: la chance de comparer cela avec une autre école pourrait bien l'empêtrer dans l'amertume et le regret.

Elle n'avait jamais prévu que ne pas aller à Poudlard aboutirait à un regret plus amer encore. Si elle y était allée, elle aurait pu voir à travers la tromperie de jeune Barty Croupton, exposer le faux Fol Oeil avant qu'il ne puisse faire aboutir ses plans. Et alors l'Oncle Alastor n'aurait pas souffert si longtemps, si seul.

Quelque chose dans son expression avait du la trahir, parce qu'il prit ses mains et les serra d'une manière rassurante. "Rien de tout cela, gamine. Tu n'aurais pas pu savoir. Mais ton travail à Durmstrang est fini maintenant, et je veux que tu rentres à la maison. Karkaroff aurait pu faire une bêtise , mais il y a une anguille encore plus glissante sur laquelle j'ai l'?il maintenant, à Poudlard. Tu pourrais m'aider là-bas."

Si jamais elle avait pensé refuser , renoncer à sa double vie et revenir du froid, elle ne pouvait plus le faire à présent. "Qui est-ce ?" demanda- t-elle.

"Un autre Mangemort qui est encore libre. Il s'appelle Severus Rogue. »

***

"Je vois," dit Dumbledore. "Et Professeur Rogue semble en faire de même. Tu sais qu'il a recommandé que tu sois publiquement répartie ?"

"Il m'a dit qu'il considérait cela, oui." De toutes ses cruautés, c'est celle là qui faisait le plus mal. Elle pouvait s'accommoder des humiliations, même peut-être les tourner à son avantage. Mais une répartition publique emporterait quelque chose qu'elle estimait beaucoup plus que sa fierté.

"Pourquoi penses-tu qu'il ferait une telle suggestion ?"

Pour me blesser. Pour me chasser. Pour me punir de m'être moquée de lui devant les Weasleys. "Je ne peux pas dire exactement, professeur. Il a semblé penser que j'étais - indigne d'être à Serpentard."

"Ou que tu avais échoué à te conduire de la façon qu'il exige de ses étudiants préférés. Ce n'est pas nécessairement la même chose."

Maud fronça les sourcils. "Je suis désolée, je ne comprends pas."

Dumbledore sourit doucement derrière sa barbe blanche. "Joues-tu aux échecs, Maud ?" Il indiqua un jeu sur une table basse à sa droite, où une partie battait évidemment son plein. "Je reconnais être un joueur quelque peu indifférent, mais néanmoins j'aime ce jeu."

Selon toute apparence il avait changé le sujet; mais Maud savait qu'il ne fallait pas le sous-estimer, ou penser que tout ce qu'il pourrait dire serait sans rapport. La curiosité piquée, elle se tourna dans sa chaise - cette fois Fumseck suivit son mouvement et son regard tourna avec elle - pour considérer l'échiquier et son complément de pièces blanches et noires.

C'était évident à première vue que les noirs étaient plus nombreux que les blancs et semblaient gagner. Juste comment c'était arrivé, cependant, n'était pas clair avant que Dumbledore n'ait frappé l'échiquier légèrement avec sa baguette . Les pièces se mirent en action, galopant jusqu'à leurs positions de départ et ensuite, mouvement par mouvement, rejouèrent le jeu jusqu'à son point présent.

Elle observa le cycle trois fois, fascinée. Les blancs devaient être Dumbledore : un joueur conservateur, protégeant ses pions aussi longtemps que possible et les abandonnant seulement à contre-coeur. Le joueur noir, d'autre part, était hardi et impitoyable, sacrifiant des pièces sans hésitation pour gagner un avantage tactique et dirigeant en même temps furtivement un simple pion, à l'air vulnérable à travers l'échiquier. Dans deux mouvements, Maud réalisa, ce pion deviendrait une reine noire, rapide et mortelle : et le peu d'avantage que les blancs conservaient encore serait perdu.

Il n'y avait aucun besoin de demander qui le partenaire d'échecs de Dumbledore pouvait être. S'il avait signé son nom à travers l'échiquier sa personnalité ne pourrait pas avoir été plus évidente.

"Si tu veux bien m'excuser un moment," dit Dumbledore, "j'ai une soudaine envie de thé. En voudras-tu ?"

"Oui", dit Maud. "Merci."

Il lui fit un sourire doux et partit.

Quand il fut parti, Maud se leva de sa chaise et marcha , étreignant ses coudes et tremblant un peu, bien que la pièce soit loin d'être froide. Le bureau de Dumbledore était presque le même que lors de sa première visite, à part une chose : le Choixpeau était posé sur une planche derrière le bureau. La déchirure le long de son bord lui sourit et son estomac donna une embardée oblique étrange : oserait-elle ?

Elle fit un pas hésitant vers le chapeau, puis un autre. À tout moment elle s'attendait à ce que Fumseck trille une protestation, mais il s'installa simplement plus fermement sur son épaule, frottant ses plumes soyeuses contre sa joue. "Alors d'accord," dit-elle à haute voix et elle coiffa le Choixpeau d'un geste décidé .

"Intéressant", fit un murmure pensif sous le rebord. "Je ne crois pas que nous nous soyons déjà rencontrés auparavant. Fais-moi voir... Courage là, certainement; mais il y a de l'intelligence aussi et aucun doute de cela, tu travailles dur... Mince alors, mais tu es ambitieuse, n'est-ce pas ? Rien ne te retiendra et tu feras ce qu'il faut pour y arriver, peu importe qui ou quoi est sur ton chemin... Oui, je pense, aucune erreur ici, ça doit absolument être SERPENTARD!"

Le dernier mot vint comme un cri qui se répercuta autour de la chambre et Maud enleva si vite le chapeau de sa tête qu'elle désarçonna presque Fumseck. Elle tremblait de partout et elle put tout juste regagner sa chaise avant de s'effondrer.

"Et bien", dit une voix derrière elle, très doucement. "C'était inattendu. Mais aussi, je ne m'attendais pas à vous trouver ici, Mlle Maugrey."

Ses mains serrèrent durement les bras de la chaise, mais elle ne bougea pas. Elle ne parla pas non plus. Rogue fit un pas dans sa ligne de vision, resta debout un instant en la regardant avec une expression illisible sur son visage, puis il se tourna vers l'échiquier et fit avancer le pion noir. Celui-ci retroussa ses petites robes et se dépêcha d'aller la place indiquée, comme s'il craignait les conséquences de sa désobéissance.

"Ah, vous voilà, Severus," dit Dumbledore, apparaissant d'une pièce à côté avec un plateau lourdement chargé sur lequel étaient une théière d'argent fumante, un plat de biscuits dégouttants de confiture et trois tasses de porcelaine. "Juste à temps pour le thé."

***

"Dumbledore a confiance en lui," dit son oncle, "et quoi que certains puissent dire, Dumbledore n'a jamais été un imbécile. Et je ne nierai pas que Rogue s'est rendu utile pour notre côté, ça et là. Mais j'ai surveillé cet homme tout l'été, et de ce que je vois il n'est aucunement différent de ce qu'il a toujours été-un tyran méprisant au ton mielleux. De plus, un homme qui a servi Voldemort une fois pourrait le servir de nouveau et je ne suis pas sûr que Rogue soit beaucoup plus digne de confiance que Karkaroff. Non, Maudie, Rogue a besoin de quelqu'un pour le surveiller et tu es la meilleure personne que j'aurais pu espérer."

"Ce ne sera pas facile," dit Maud après une pause. "À Durmstrang personne ne savait ou ne se souciait de qui mon oncle pouvait être. Mais à Poudlard -tu ne penses pas qu'il semblera un peu étrange que la nièce de Maugrey Fol ?il arrive à Serpentard ?"

"Pas quand ils sauront que tu as passé les six dernières années à Durmstrang - et particulièrement pas si je te mets à la porte d'abord." Il sourit. "Je peux toujours te reprendre , très à contrec?ur, après l'année scolaire."

Elle inclina la tête, acceptant la logique sans rendre son sourire. "Et après une semaine ou deux là-bas, une ou deux beuglantes de toi devraient faire passer le message à quiconque aurait pu le manquer."

"Je te retrouve enfin," dit-il. "Donc tu le feras."

"Oui".

"Je savais que tu ne me ferais pas faux bond." Il serra sa main de nouveau. "Je suis fatigué, Maudie. Cette affaire avec le jeune Croupton l'année dernière m'a pris beaucoup de forces, et l'été n'a pas été facile . Mais t'avoir à Poudlard mettra mon esprit à l'aise. Dumbledore est un bon Directeur - le meilleur. Il s'occupera de toi."

"Ce sera un changement agréable ," dit Maud avec une ironie désabusée et l'Oncle Alastor rit.

***

"Directeur," dit Rogue d'une voix plate, "puis-je demander ce que Mlle Maugrey fait ici ? Je lui ai ordonné d'aller voir M. Rusard-"

"Et je l'ai fait changer de destination," dit Dumbledore, versant calmement le thé. "Avec un heureux résultat, comme vous venez d'entendre. Il est évident que Mlle Maugrey appartient à Serpentard, après tout."

Et qu'est-ce que cela dit de moi ? voulut demander Maud, mais avec Rogue debout à un pas d'elle la question n'était pas exactement diplomatique.

Dumbledore, cependant, l'anticipa : "L'ambition est une chose puissante, Maud. Elle peut mener à de nobles actes, ou aboutir à une soif égoïste du pouvoir. La détermination dans la poursuite de ses fins peut être une grande force - ou une grande faiblesse. Il est vrai que Serpentard a produit plus de magiciens sombres que n'importe laquelle des autres maisons de Poudlard. Mais-" il lui tendit une tasse et une soucoupe - "il en a produit de grands, aussi."

Maud était silencieuse, n'ayant pas assez confiance en elle pour parler. Elle versa du lait dans son thé et le remua lentement.

"Prenez donc un biscuit, Severus," dit Dumbledore, lui passant le plat.

"Non, merci," dit Rogue sèchement. Elle pouvait sentir son regard fixe sur elle, noir et implacable. "Directeur, indépendamment de l'allégeance de maison de Mlle Maugrey, sa conduite de cette après-midi doit encore être prise en compte -"

"Ah, oui. Vous avez tout a fait raison." Dumbledore tartina un biscuit de confiture et de crème fraîche , le mit dans une serviette et se leva, sa tasse de thé à la main. "Je vous laisse discuter la question en privé." Il alla à l'échiquier et fit un mouvement apparemment irréfléchi, puis sortit par la porte et la ferma derrière lui.

Il y eut une longue et terrible pause, pendant laquelle Maud regardait fixement sa tasse et Rogue ne disait rien. Alors enfin sa voix soyeuse rompit le silence :

"Il semblerait que je ne puisse pas vous retirer de Serpentard, Mlle Maugrey. Mais tant que vous restez sous mon autorité j'exigerai que vous vous conduisiez d'une façon appropriée à un membre de ma Maison. Est ce clair?"

Elle leva la tête, les yeux brûlants. "Vous savez ce qui s'est vraiment passé avec Muriel," accusa-t-elle. "Et vous savez pourquoi."

"Cela ne serait pas arrivé," dit Rogue d'un ton égal, "si vous n'aviez pas conversé avec les jumeaux Weasley d'une façon malheureuse et très publique. Si vous ne vous comporterez pas comme une Serpentard, vous ne devez pas vous attendre à ce que je vous traite en temps que telle."

"Je n'avais pas l'intention de vous insulter," dit-elle, essayant de parler avec dignité, mais une larme s'échappa déloyalement du coin d'un de ses yeux et tandis qu'elle coulait froidement sur sa joue elle se rendit compte qu'il n'y avait aucune raison d'essayer de lui cacher quoi que ce soit désormais. "Je ne m'étais jamais rendue compte que les gens parlaient de - je ne savais pas quoi dire."

Rogue la regarda fixement un moment, puis rejeta sa tête en arrière et rit, un son si peu familier et si inattendu qu'elle resta abasourdie. "Vous voulez dire que c'est ce qui vous inquiétait ?" Il sortit un mouchoir de sa manche, et le lui jeta d'un mouvement du poignet. "Séchez vos larmes, Mlle Maugrey. Je regrette de vous dire que vous n'avez pas réussi à briser mon c?ur de pierre."

"Alors pourquoi - ?"

Il secoua la tête. "Ne soyez pas idiote, jeune fille. Pensiez-vous vraiment que m'entendre rejeté comme candidat plausible à la romance serait un choc ? Ou pensiez-vous que j'ignore ce que je vois dans le miroir chaque matin ? Soyez en certaine, je n'exige pas ou ne souhaite même pas que mes élèves me trouvent attirant. Mes soucis concernant votre conversation avec les Weasleys étaient d'une tout autre sorte."

Maud le regarda, muette. Il disait la vérité, là dessus aucun doute, mais comment pouvait-elle avoir été aussi - elle avait horreur même de penser cela, mais il n'y avait aucun autre mot - aveugle ?

Rogue continua, son visage se durcissant, "je ne peux pas me permettre d'être associé à un élève qui fréquente les Gryffondors - moins encore ceux qui sont des amis d'Harry Potter. Si vous aviez pensé à cela plus soigneusement, Mlle Maugrey, vous l'auriez compris. Votre conversation avec les Weasleys me met dans une position dangereuse. Je n'avais pas d'autre choix, que de me dissocier de vous publiquement, jusqu'à ce que vous n'ayez compris votre erreur et l'ayez corrigée - ou bien abandonné le but pour lequel vous avez rejoint la Maison des Serpentards pour retourner à la vie normale." Il fit une pause. "J'avais .des raisons de croire ... qu'il aurait été mieux pour vous de faire le second choix."

"Parce qu'ils ne me laisseront jamais devenir Auror tant que je serai aveugle." Sa gorge était serrée. "Et que vos meilleures tentatives pour me guérir ont échoué."

"Oui". Il y avait eu une légère hésitation avant le mot, et elle pouvait sentir qu'il ne lui disait pas toute la vérité. Mais elle savait qu'il valait mieux ne pas le presser plus.

"Savez-vous que mon oncle m'a envoyé ici pour vous espionner ?"

"Bien sûr". Il découvrit ses dents dans un autre sourire plus morne. "Je l'ai pris comme un compliment à mes capacités. Et comme la preuve que vous n'aviez jamais encore trahi mon secret, et qu'il était peu probable que vous le fassiez maintenant."

Elle ne dit rien, ses mains nouant et dénouant le mouchoir noir sur ses genoux.

"Mais il y a une chose que vous devez apprendre," dit-il. "Avec vous et le Professeur Dumbledore, je peux être légèrement plus relâché, parce que vous savez ce que je suis. Mais je montre un visage différent au reste du monde, et si vous attendez de la gentillesse de ma part-- en particulier envers les nombreux élèves de sang mêlé ou Moldu, ou envers ceux dont les parents étaient connus pour leur opposition au Seigneur des Ténèbres-- vous serez déçue. Il y a plusieurs Mangemorts toujours en liberté, beaucoup d'entre eux en position de pouvoir. Ils savent tous à quoi je ressemblais quand je servais le Seigneur des Ténèbres et si pendant un moment je semble avoir changé, je perdrai ce peu d'influence que j'ai parmi eux. Draco Malfoy n'est pas le seul étudiant à Poudlard en position de faire ou de détruire ma réputation."

"Je ne peux pas discuter votre logique," lui dit-elle tranquillement. "Mais je me demande comment vous dormez la nuit."

Rogue posa les mains contre ses yeux, premier mouvement totalement sans surveillance qu'elle ait jamais vu de lui. "Asphodèle et armoise," dit-il. "En petites quantités, mais très efficaces."

***

Au moment où il l'avait invitée à entrer dans son bureau, au moment où il lui avait dit ces quelques premiers mots, elle avait su. A ce moment son monde s'était renversé et avait atterri sur une nouvelle fondation chancelante : l'homme qu'elle avait été envoyée surveiller, l'ancien Mangemort dont son oncle se méfiait tellement, était le même homme qui avait une fois sauvé sa vie. Les années avaient mangé la douceur de son visage et ses cheveux étaient plus longs qu'elle s'en souvenait. Mais impossible de ne pas reconnaître sa voix .

Il semblait creux, s'était-elle surprise à penser. Comme si quelque cancer caché de souffrance le rongeait de l'intérieur, le dépouillant jusqu'à l' os. Elle pensait savoir ce que c' était et son c?ur alla à lui : une double vie était un fardeau lourd et la pression sur lui devait être plus grande que tout ce qu'elle avait jamais dû porter.

Elle avait alors décidé, à ce moment, qu'elle ne le laisserait pas porter ce fardeau seul.

* * *

Maud se leva de sa chaise et marcha vers lui, mit une main sur son bras. Elle le sentit frissonner, mais il ne bougea pas . "Mon oncle m'a dit une fois," dit-elle doucement, "que quoi qu'il arrive, vous ne devez pas devenir la chose contre laquelle vous vous battez."

"C'est trop tard,"dit-il, d'une façon calme et égale. "Je n'ai jamais eu la chance d'être autre chose. J'ai toujours su que Voldemort reviendrait. Qui Severus Rogue pourrait avoir été, sans lui, vous et moi ne pourrons peut-être jamais le savoir."

Elle le regarda fermement, puis se tourna et revint vers l'échiquier. Avec un mouvement délibéré elle prit le pion noir, ignorant son couinement effrayé et le posa sur la dernière case. "Pourquoi n'attendons nous pas pour voir ?" dit-elle. "Ensemble".

Ses lèvres se séparèrent, les lignes dures de son visage se relâchant et pour un instant il sembla aussi jeune qu'il l'avait fait la nuit où ils s'étaient rencontrés pour la première fois. Alors, inexplicablement, il commença à rire. "En tant que déclaration spectaculaire, Maud," dit-il, "c'était très efficace. Mais je ne ferais pas cela, à votre place. Dumbledore nous tient en échec."

Elle regarda derrière elle, étonnée et constata qu'il avait raison. Embarrassée, elle remit le pion où il avait été. "C'est votre jeu," dit- elle. "J'ai évidemment encore beaucoup à apprendre."

L'amusement sur le visage de Rogue disparut peu à peu pour laisser la place au sérieux. Il la rejoignit et prit sa main dans la sienne. "Je vous apprendrai," dit-il, "tout ce que vous avez besoin de savoir. Et si nous survivons."

Fumseck s'élança de son épaule, se posa sur le dossier de la chaise de Dumbledore. Désorientée, elle se vit avec Rogue, à travers le regard fixe et transparent du ph?nix : sombre et clair, homme et fille, enseignant et élève : semblant opposés, et pourtant réunis.

"Alors," dit-elle, serrant sa main et tournant son visage vers lui avec un sourire, "mon Oncle vous tuera."

Il lâcha brusquement sa main. "Je l'avais oublié ."

"Je plaisantais!"

"Pas moi."

"Je pense," dit la voix de Dumbledore derrière eux, "qu'il ne serait pas imprudent de mettre l'oncle de Maud au courant, Severus. Si Mlle Maugrey doit rester sous votre tutelle, alors elle et Alastor devront organiser une séparation complète et je ne pense sûr de dire qu'elle ne désirerait pas faire ainsi sans sa coopération."

Rogue sembla exaspéré. "Directeur, êtes vous obligé d'agir ainsi ?"

"Le fait de se tenir la main entre enseignants et élèves," dit Dumbledore placidement, rentrant dans la pièce et remettant une Athéna somnolente à Maud, "est expressément interdit par le règlement intérieur de l'école. Comme réprimande, Severus, vos privilèges d'octroi de détention sont temporairement révoqués." Il tapota légèrement Fumseck de sa baguette, dit "Abiungo" et le lien visuel avec le ph?nix s'effondra, la laissant dans l'obscurité.

Maud reposa Athéna sur son épaule, murmura le charme de liaison et le bureau de Dumbledore revint à sa vue. "Je parlerai à mon oncle," dit-elle à Rogue, "et je lui dirai comment vous m'avez sauvé la vie. C'est à dire avec votre permission."

Sa bouche se tordit de déplaisir, mais après un instant il consentit. "Très bien. Mais assurez vous que c'est votre oncle," Elle hocha la tête et il continua, "Et quoi que vous fassiez, ne parlez pas là où vous pourriez être entendus. Vous ne savez pas encore combien est en jeu"

"Je sais." Elle se tourna vers Dumbledore. "Professeur, puis-je me retirer ?"

"Je suggérerais un long détour avant de retourner à votre dortoir, mais oui."

"Et je dois vous avertir," dit Rogue, "que la réception dans ma classe sera ... moins qu'agréable dans les prochains jours."

"Ce n'est rien comparé à la réception que je vais probablement avoir à mon retour au dortoir," dit Maud. Elle étendit la main vers son épaule, et caressa doucement Athéna. Le petit hibou hulula et mordilla ses doigts, la consolant. "Mais ce n'est pas grave. Je peux me débrouiller."

"Je commence à comprendre," dit Rogue sèchement, "qu'il y a remarquablement peu de choses desquelles vous ne pouvez pas vous débrouiller, Mlle Maugrey. Permettez-moi de vous raccompagner jusqu'à la porte."

* * *

Elle était un enfant de nouveau, écoutant aveuglément la voix rauque et basse de son oncle pendant qu'il la berçait contre lui et essuyait ses larmes.

"Tu m'as moi maintenant, Maudie. Je ne peux pas te rendre tes parents, ou prendre leur place, mais je te jure que je prendrai bien soin de toi. Et les Mangemorts qui sont venus chez toi - nous les trouverons, ne crains rien, et je les verrai punis même si je dois le faire moi-même."

Mais en ce qui concerne les autres ? Elle voulut lui demander, mais sa gorge était aussi étranglée avec ses pleurs. Qui les punira ?

Si elle n'avait pas été aveugle, elle aurait pu croire que deux hommes en particuliers étaient coupables de la mort de ses parents et se serait consommée avec une faim de vengeance personnelle. Mais le mal qui avait détruit sa famille n'avait aucun visage. Ce n'était pas les Mangemorts, mais ce qu'ils représentaient, qu'elle apprit à détester cette nuit là : une chose qui ne pourrait jamais être enfermée à Azkaban, ou exécutée même . C'était plus grand que Voldemort lui-même et quoiqu'elle sache qu'elle ne pourrait jamais le détruire, néanmoins elle savait qu'il fallait se battre contre cela. C'était une réalisation qui définirait sa vie . * * *

Cela avait pris à Maud treize ans pour apprécier cela, mais sa cécité était un cadeau. Cela l'avait limitée, mais l'avait aussi libérée. Et maintenant, à cause de cela, un homme remarquable lui faisait confiance ,un homme dont elle pouvait parfois mettre en doute les méthodes, mais dont elle ne pourrait jamais mettre en doute l'intégrité. Elle pouvait seulement évaluer les moyens exacts avec lesquels il projetait de se heurter à l'obscurité: mais elle sentait instinctivement que le coup, quand il viendrait, serait puissant.

Et si en le soutenant elle pouvait renforcer son bras un iota, cela en vaudrait la peine.

Debout dans le couloir éclairé par la lune à l'extérieur du bureau de Dumbledore , Maud palpa le mouchoir noir, caché dans la poche de sa robe et sourit. Puis elle se tourna et marcha intrépidement vers l'obscurité. FIN