Titre : Sangs, premier trimestre, chapitre VI.

Auteur : Lychee.

Source : Riquiqui au pays des lapins roses… Non, c'est une blague…

Genre : bon, je refais tout : 7ème année de Harry à Poudlard - mais c'est pas de lui qu'on parle le plus… (^_^). Les persos principaux sont le terrible et sombre Severus Snape *agnaaaaaahh… gueuuuuuuh…* et son amant Plume Percevent, fils de Voldemort, actuellement prof de DCFM, un petit gars tout gentil et tout fou qui pète les plombs et vous explose la tête en trois dixièmes de secondes… sauf si son Sev' traîne dans les parages. Justement…

Sangs.

Premier trimestre.

Chapitre VI :

Crises.

            ''Viens, chuchota Harry à l'oreille de Ron. Allons-y…''

            Mais Ron ne bougea pas.

            ''Qu'est-ce qui se passe ?'' demanda Harry en le regardant d'un air surpris.

            Ron se tourna vers lui. Il avait le visage grave.

            ''Tu étais au courant ? murmura-t-il. Que Hagrid était un demi-géant ?''

            ''Non, répondit Harry en haussant les épaules. Et alors ?''

            En voyant le regard que lui lança Ron, il compris qu'il venait de révéler une fois de plus son ignorance du monde de la magie.

            §§§§§§§

            - Debout, petite chose…

            Plume Percevent, fils de Voldemort, demi-elfe, descendant d'un puissant démon-dragon, Mercenaire Ecarlate, actuellement professeur de Défense contre les Forces du Mal à l'école de Magie et de Sorcellerie de Poudlard, 25 ans, émergea d'un ait tout à fait peu réveillé du champs de bataille que constituaient les draps, oreillers et autres couvertures du lit, et qui témoignait des évènements agités qui avaient dû s'y produire au cours de la dernière période nocturne. Il passa une main dans ses cheveux apocalyptique, ses yeux bruns/glace encore embués de sommeil, ouvrit vaguement la bouche, bailla, puis se laissa retomber en lâchant deux mots qui, pour lui, résumaient en ce qui le concernait admirablement bien la situation.

            - Peux pas.

            Assis au bord de l'immense lit, assez grand pour quatre – quitte à loger un temps quelque part, en l'occurrence une quinzaine d'années à Poudlard, autant avoir ses aises -, lui-même à peine réveillé, Severus se laissa aller à sourire, contemplant le corps fin et souple, qu'il avait tant caressé, qu'il avait encore une fois fait sien, et qui gisait à présent à moitié enfoui sous les draps, se soulevant et se rabaissant doucement au rythme de sa respiration.

            - Debout, j'ai dit.

            - … mmmh… tyran…

            - Obéis, esclave.

            - Bien Maître vénéré… si tu m'embrasses…

            L'homme s'exécuta et Plume, souriant, l'entoura de ses bras et entreprit de mettre en œuvre le plan n°39 pour gagner une demi-heure au lit. Le baiser, déjà peu chaste et innocent, vira au passionné lorsque les mains du jeune homme partirent à l'aventure sur le dos de son amant, son corps quémandant les caresses, s'étirant, se cambrant sous les paumes élégantes et sensuelles qui l'effleuraient, oubliant un temps sa stratégie pour caresser doucement sa langue de la sienne et respirer son odeur… Severus se redressa, un sourire carnassier aux lèvres.

            - Allez, debout.

            - Naaann… Cinq pitites minutes…

            - Pas plus.

            Le jeune professeur se blottit dans les bras de son aîné, jouant distraitement avec la fine chaîne d'argent qui ornait le cou de l'homme. Un cadeau de lui… Son premier, en fait.

            / - Severus…

            L'homme releva la tête d'une pile de dossiers scolaires.

            - Quoi ? demanda-t-il sèchement.

            Plume hésita.

            * Dire que j'aurais pu me trouver une copine gentille et attentionnée…*

            - Qu'est-ce qu'il y a ? répéta le MangeMort d'un ton un peu plus énervé. J'ai beaucoup de travail.

            L'adolescent admira malgré lui les inflexions savamment maîtrisées, puis se reprit.

            - Tadaaaaammmm !

            Le Maître des Potions ouvrit de grands yeux authentiquement surpris devant la montagne de crème qui venait d'apparaître devant lui, se demandant confusément comment Plume avait bien pu la cacher dans son dos.

            - C'est bien crème et framboise, ton préféré ? demanda son élève – et amant – d'un ton grave.

            - Qu'est-ce que… ?

            - Sinon il est encore temps d'en changer, bien sûr.

            Severus se rappela. Il se laissa aller dans son fauteuil en soupirant et en souriant à la fois.

            - Non…

            - Bon anniversaaiiiiire !

            - Plume…

            - Je suis désolé, il n'y a pas de bougies…

            - Comment as-tu su ?

            L'adolescent le regarda innocemment.

            - J'ai fouillé dans ton portefeuille, voyons ! Je… ça te fait plaisir ? demanda-t-il d'un air inquiet.

            Severus fixa un moment le gâteau, y plongea ensuite un doigt et le goûta pensivement.

            - Je pense survivre, convint-il.

            Plume sourit et s'installa carrément en tailleur sur le bureau.

            - Bon ! Je ne sais pas comment on va le finir, mais à l'attaque !

            Il s'immobilisa. Severus eut un demi-sourire.

            - Tu as oublié les cuillères…

            - Oui.

            L'homme l'attrapa par le cou, l'attira à lui, et le barbouilla consciencieusement de crème avant de l'embrasser.

            - Tu es nul…

            - Oui.

            Ils en eurent bientôt plein les mains et le visage.

            - Oh… attends…

            Le jeune homme se dégagea de l'étreinte légèrement poisseuse et sortit un paquet de sa poche.

            - Tiens.

            Severus le détailla d'un regard curieux.

            - Qu'est-ce que c'est ?

            - Un cadeau, on ne demande pas ce que c'est, on l'ouvre, crétin.

            - Ne parle pas comme ça à un professeur, fit l'homme d'une voix distraite en déchirant le papier.

            Il sortit d'une petite boîte une délicate chaîne en argent. Elle était splendide et d'un travail incroyable, telle qu'on n'en faisait plus de nos jours…

            - Où l'as-tu trouvée ? demanda-t-il d'une voix blanche.

            - Elle te plaît ?

            - Plume…

            Ils regardèrent un moment la chaîne se tordre sur sa main comme un serpent d'argent.

            - Est-ce que ça te gênerais, de porter quelque chose qui ornait le cou d'un démon-dragon ? demanda l'adolescent d'une voix paisible.

            - Un démon-dragon ?

            Plume hocha la tête.

            - Je la tiens de ma mère. Qui elle-même la tenait de son père, c'était tout ce qui lui restait de lui.

            Severus le regarda, puis la lui tendit.

            - Met-la moi.

            Le démon-dragon s'exécuta, tremblant un peu, puis se recula légèrement.

            - Je suis beau ? demanda légèrement Severus.

            Plume se jeta à son cou et ils tombèrent par terre.

            - Attend… le gâteau…

            - On le mangera plus tard…

            - Non… J'ai des idées… /

            Severus bougea contre lui.

            - Allez. Debout.

            - Tu te répètes, tu sais…

            - C'est aujourd'hui, la sortie à Pré-au-Lard ?

            - Oui.

            Severus resta pensif.

            - Non… Je n'y vais pas.

            - Très bien… Tu veux que je te ramène quelque chose ?

            L'homme s'immobilisa sur le pas de la porte, en pleine réflexion.

            - Ma foi… Si tu pouvais me dénicher des œufs de caïmans, de la poudre de testicules de bigorneaux, des cristaux de soufre de Côte d'Ivoire, quelques canines de renards des neiges, et pourquoi pas deux-trois défenses d'éléphants nains…

            - C'est sérieux ?

            - Surtout les éléphants nains.

            - Donne-moi ta carte VISA.

            Le Maître des Potions sourit et il était fichtrement trognon.

            ( Note : la carte VISA (Vraiment Intéressant Sortilège d'Achat) permet les achats à longue distance dans le monde des sorciers, grâce à un sortilège gravé dans la carte même et qui permet de déduire automatiquement de votre compte le montant des produits achetés. Voilà ! Ils en ont des idées…)

            - Aaaaaah… Honeydukes…

            - Zonko…

            - Les Trois Balais…

            - La Cabane Hurlante…

            - La librairie…

            Silence.

            - Non, franchement, Hermione tu casses tout, là.

            - Inculte.

            Harry saisit chacun de ses deux amis par une manche et les entraîna dehors, se chamaillant toujours. Ils étaient impossibles, ces deux-là…

            - Allez hop ! On y va, tant pis pour les retardataires ! s'exclamait joyeusement Dumbledore avant de s'éloigner d'un pas allègre en direction du village, suivit de quelques autres professeurs et d'une petite vingtaine d'élèves, héroïques survivants des dépressions qu'avait engendrées son annonce et d'une mauvaise épidémie de grippe qui sévissait actuellement dans l'Ecole.

            - Pr Percevent !

            Les trois adolescents accoururent vers le jeune homme qui traînait à l'arrière, l'air songeur. Celui-ci les aperçut et leur fit son charmant sourire.

            - Salut vous trois. Dites… vous ne pensez pas que l'on pourrait laisser tomber les ''professeur'', ''Monsieur'' et ''Miss'' en dehors des cours ? Ca me gêne… Et puis je connais vraiment bien ton frère Charlie, Ron.

            - Vous étiez ensemble à Poudlard… Plume ? interrogea Hermione tandis que le rouquin restait silencieux.

            Les yeux du demi-elfe brillèrent.

            - Exact. Avec deux autres amis, nous étions inséparables. Le cauchemar des professeurs…

            - C'est vrai ? s'amusa Harry.

            - Presque. On faisait juste faire des crises de nerf à notre professeur de DCFM, mais il le méritait. Les autres nous aimaient bien… Un jour, nous sommes même parvenus à faire rire MacGonagall !

            Les trois adolescents le dévisagèrent avec respect.

            - Je crois qu'il était question de limonade dans un encrier…

            - Et elle a rit ?!

            - Oui, c'était chez Trelawney… mais chut !

            - Alors, reprit Ron d'un air curieux une fois qu'ils se furent calmés, vous étiez chez les Gryffondors ?

            - Oui. Il y en avait un troisième le dernier était à Serpentard. (il regarda pensivement son élève) Charlie ne t'en a jamais parlé ?

            - Non… Enfin des deux autres, un peu. Mais pas de vous.

            Plume resta un moment silencieux.

            - C'est moi qui le lui avais demandé. Ce n'est pas facile de connaître un Mercenaire… Enfin ! Je me suis vraiment bien amusé… !

            - Alors… (Harry hésita)… Snape était déjà prof ?

            - Et oui, le pauvre…

            - Et c'est là que… enfin que…

            - Vouip. Mais on entre dans ma vie privée, là, non ? demanda gentiment le jeune homme.

            - Excusez-moi !

            - Pas grave… Dis-moi, Ron, changea-t-il de sujet, ton père travaille bien au Ministère, n'est-ce pas ?

            Harry vit son ami hocher la tête d'un air intrigué.

            - Fudge refuse toujours en bloc le retour de Voldemort ?

            Les trois adolescents frémirent désagréablement.

            - Oui.

            - Quel sombre crétin…

            - Mais beaucoup d'employés ne sont pas aussi bornés, ajouta le rouquin. Dites… combien de personnes vont débarquer ?

            - Je ne sais pas trop. J'ignore complètement le nombre de sorciers que Dumbledore est parvenu à réunir. Par contre, environ trois cents de mes amis devraient arriver.

            - C'est plus qu'il n'y a d'élèves dans cette école !

            - C'est vrai, Hermione. Mon arrière-grand-père devrait amener quelques centaines d'Elfes.

            - Votre arrière-grand-père ?

            - Mon papinou est Chef de clan, répondit simplement Plume.

            Harry cligna des yeux, surpris.

            - Eeerk… Vous en avez d'autres, comme ça ?

            - Oh, je descends aussi d'un démon-dragon, un autre grand-père. Et puis encore quelques petites choses qui ne vous regardent pas.

            Les autres demeurèrent bouches-bées.

            - Euh… Vous êtes humain, quelque part ?

            - Du côté de mon père, répondit un peu amèrement le jeune homme.

            Il n'en avait pas l'air très heureux, remarqua Harry. Il préféra ne pas insister. Mais quand même, ce type…

            - Parlez-nous du Cercle Ecarlate, demanda poliment Hermione.

            Plume et les deux garçons la dévisagèrent, interloqués.

            - C'est que… si nous devons les côtoyer, autant les connaître, non ? s'expliqua la jeune fille en rougissant.

            - Oh… (le demi-elfe sourit)… Et bien…C'est la sagesse même. Mes compagnons ont toujours été mis à l'écart du coup, leur comportement est… à part. Ils n'ont pas les mêmes valeurs que vous, si vous voulez… Vous savez, quand vous écrasez une araignée (Ron frémit), vous n'avez qu'un petit pinçon au cœur ? Mes amis ne ressentent que ce pinçon lorsqu'ils tuent quelqu'un. Un regret. Mais pas de remord.

            Harry devina à son expression sombre qu'il parlait aussi pour lui-même.

            - Sinon ce sont des gens normaux : ils rient, ils plaisantent, ils font même plutôt beaucoup la bringue. Ils pleurent, peut-être moins souvent que des gens normaux, mais ils pleurent parfois.

            - Et ce… pétage de plombs ? demanda timidement Ron.

            Plume s'assombrit encore plus.

            - Ca, c'est notre malédiction.

            / Sang…/

            - Suivant les espèces auxquelles nous appartenons, nos qualités sont différentes. Certaines espèces particulièrement agressives peuvent multiplier cette férocité entre elles. Disons qu'un bâtard d'Elfe et d'humain sera beaucoup plus calme que le fils d'un vampire et d'une harpie. Cela dépend aussi du caractère des parents, ajouta-t-il après quelques instants de réflexion Bref. Le calme de la moitié de notre sang peut occulter l'agressivité de l'autre moitié, car les deux se mélangent souvent très mal. Mais quand l'agressivité reprend le dessus… Boum.

            - Mais par exemple Hagrid, s'exclama Harry. Les géants sont plutôt agressifs, non ?

            Le prof haussa les épaules.

            - Ce que je vous ai expliqué n'est qu'une généralité. La mère de Hagrid pouvais avoir un excellent caractère, ou bien son père une forte influence sur lui… Et vous ne l'avez jamais vu en colère, moi non plus d'ailleurs et je ne préfère pas…

            Harry se rappela l'unique fois où il avait vu son ami remettre Malefoy à sa place. Le blond n'avait pas pipé mot.

            - Et… et vous ? Ca vous est arrivé de péter les plombs ?

            - Oui, bien sûr.

            - Ca… ça fait quoi ?

Plume sourit légèrement, suivant un nuage des yeux.

            - C'est presque inexprimable. Je suppose que vous avez déjà goûté du sang, un jour ou vous vous êtes blessé, où vous avez saigné du nez…

            ''Goûté'' du sang… Le mot était assez incongru. Harry hocha la tête en même temps que ses amis.

            - C'est le sang qui nous fait perdre la tête, en général. Son goût, son odeur, voire sa vue ou son évocation. (Il ferma les yeux) Poisseux, acre, cuivré, chaud, salé, doux, amer, sucré, gouleyant, tiède… C'est délicieux le sang. (Puis il les rouvrit et les dévisagea tour à tour de son regard transperçant et doux). On en veut toujours plus…

            Ils restèrent un instant face à face, puis reprirent leur chemin.

            Harry tremblait. Il y avait tant de résignation chez le jeune homme. En y réfléchissant, il était presque un monstre. Mais il l'avait accepté. Et c'était peut-être ce qui faisait sa force, après tout.

- Comment faites-vous pour vous arrêter ? demanda Hermione d'une voix hésitante.

            - Oh, plusieurs possibilités, reprit Plume. Il faut dans ces cas nous considérer comme des animaux furieux. Nous nous arrêtons donc soit par manque de proie, soit par la violence, mais pratiquement jamais par la peur. Non, ôtez le ''pratiquement'' : un Proscrit furieux n'a même plus peur. Il existe une dernière possibilité, celle d'une personne familière et aimée qui parvient à vous maîtriser, un peu comme un maître maîtriserait un animal qui lui porte toute sa confiance. Mais ce lien est plus que rare. Essayez d'imaginer un homme stoppant un ami loup-garou en lui parlant et vous serez encore en dessous de la vérité…

            - Mais c'est possible ?

            - Vouip. Severus arrive plus ou moins à me contrôler. Vous savez, si vous continuez à vous arrêter tous les trois pas, on est pas arrivé ! dit-il de nouveau joyeux.

            Ils firent encore quelques pas en silence.

            - NAN ! s'exclama d'un coup Ron. Je ne trouve pas !

            - Quoi ? demanda complaisamment le Mercenaire.

            - Ce que vous trouvez à Snape !

            - Ron, voyons ! protesta Hermione. Ca ne se demande pas !

            - Tu es aussi curieuse que moi ! répliqua le rouquin. Et Harry aussi. Désolé professeur… enfin Plume… mais pour moi Snape représente plus ou moins le modèle du type exécrable et… voilà quoi…

            - Sentiment que je comprends pleinement. Et bien…

            - Pro… Plume vous n'êtes pas obligé… s'excusa Harry.

            - Laisse, c'est un de mes sujets préférés, et puis ça mettra les choses au clair ! lança malicieusement le jeune homme. Et bien, outre le fait que c'est un type formidable après la vie qu'il a vécue et que je ne vous raconterai pas, que nous avons en commun un passé plutôt atroce et que c'est à lui que je dois tout simplement la possibilité de pouvoir encore réfléchir sainement, il est en plus superbement bien fichu. Ce que, malheureusement, vous ne pourrez jamais vérifier vu que j'écorcherai vif le premier ou la première qui osera porter le petit doigt sur le premier bouton de sa chemise. Bon, on y va à Pré-au-Lard oui ou non ?

            Ses élèves mirent quelques instants à perdre leur jolie teinte coquelicot et le sujet fut abandonné. Largement distancés par le reste de la troupe, ils continuèrent à marcher tranquillement, Plume leur racontant la vie à la Forteresse Ecarlate, le caractère atroce de son dirigeant tout simplement appelé Grand Chef, un demi-géant que tout le monde adorait, les instructeurs plus intéressés à se saouler gaiement la gueule plutôt qu'à entraîner leurs élèves qui du coup faisaient la fête dans leur coin, il leur décrivit son propre dragon, Fougère, qui adorait mordiller et déchiqueter les vêtements des visiteurs, il leur parla de ses amis, de ses ennemis, des bizarreries qu'il avait déjà rencontrées, en bref il les tint en haleine pendant pratiquement tout le trajet.

            Ils n'étaient qu'à trois cents mètres de l'entrée du village quand ils le rencontrèrent. Aucun d'entre eux ne l'avait senti venir, et soudain il fut là.

            - Bonjour, Plume Percevent.

Le jeune homme, à la grande surprise des trois adolescents, sursauta et se raidit au son de cette voix chaude et sensuelle, incroyablement… suggestive, se dit Harry.

            Devant aux se tenait un homme d'une trentaine d'années, beau comme un dieu. Nonchalamment appuyé contre un arbre, une cigarette entre les doigts, il les dévisageait avec amusement de ses yeux indigo aux étranges pupilles de chats. Ses cheveux acajou lui retombaient sur le visage en mèches légères et souples, et le Survivant dut convenir qu'il n'avait jamais vu un homme pareil. Sa beauté avec quelque chose d'inhumain, d'indestructible, totalement différente de l'apparente fragilité de Plume, de l'air séduisant de Sirius ou du charme froid de Draco Malefoy.

            - Ca faisait longtemps, non ? sourit l'homme.

            La réaction de Plume fut ahurissante. Le Mercenaire se plaça en un éclair en avant de ses élèves, ramassé sur lui-même, le visage crispé.

            - Casse-toi, Daelmanis, gronda-t-il.

            - Tu pourrais au moins me dire bonjour, soupira l'autre. On se connaît assez bien pour ça…

            La voix caressante avait positivement quelque chose d'hypnotique. Harry se sentit pris d'une envie furieuse de s'avancer vers l'homme, d'effleurer le T-shirt noir sans manches, les bras nus parfaitement musclés, la bouche sensuelle et…

            Plume le retint violemment par le coude.

            - Qu'est-ce que tu veux ? siffla-t-il.

            - Moi ? Rien, j'ai juste des courses à faire à Pré-au-Lard. Hé… (Ses yeux mauves se tournèrent vers Harry) Tu es Harry Potter ?

            - Oui… balbutia l'adolescent.

            - Enchanté ! Je suis…

            - Dimus Daelmanis. Parfaitement infréquentable. Maintenant dis-moi ce que tu as à me dire, ou tire-toi.

            Le sourire de l'autre s'élargit.

            - C'est bon, c'est bon… Je m'ennuie, mon petit Plume. (Le Professeur grinça des dents) Je me cherche juste de nouveaux jouets, ajouta-t-il avec un regard insistant en direction du Survivant. Mais j'ai quelques idées.

            - Mon père ne t'amuse plus ? ironisa le Mercenaire.

            - Disons qu'il a un peu vieilli. Tout comme ton Sev', d'ailleurs.

            - Rien de comparable, marmonna Plume.

            L'homme eut un rire joyeux.

            - Tu es toujours aussi mignon, va ! dit-il avec un geste dans sa direction.

            - Ne t'approche pas !

            L'homme s'immobilisa, son sourire s'effaça, et ils se dévisagèrent quelques secondes avec haine.

            - Casse-toi, murmura Plume.

            L'homme disparut.

            Le demi-elfe resta encore quelques instants sur le qui-vive, puis se détendit.

            - Qui… qui était-ce ? demanda Hermione, les joues rougies.

            Plume les observa tous les trois (le souffle court, troublés, les yeux brillants) et jura dans sa barbe qu'il ne portait pas.

            - Réveillez-vous ! ordonna-t-il brutalement. Si vous laissez ce type poser ses pattes sur vous, vous êtes foutus ! Cet homme est en fait un démon, continua-t-il durement. Son seul plaisir est de faire souffrir les autres et je parle au sens propre ! Ne l'approchez pas !

            - Mais… balbutia Ron. Il est si…

            - Je sais ! Ne vous retrouvez jamais seul avec lui ! On y va.

            Il les bouscula vers le village, le visage soucieux. Harry reprenait petit à petit ses esprits.

            - Il pourrait revenir ? Pourquoi ?

            Plume resta un moment silencieux.

            - Daelmanis a plus de mille ans, personne ne sait vraiment qui il est… ou ce qu'il est. Sa principale distraction est de déclencher des drames. Pour vous dire, il est à l'origine du soulèvement des Nains de 1565, de la guerre magique de 1666 et j'en passe. C'est aussi le tuteur de Voldemort, soit dit en passant. En bref, à chaque fois qu'il y a un problème quelque part, il y a joué un rôle. Vous venez de rencontrer le pire fléau de cette planète. Et il a des vues sur toi, Harry.

            L'adolescent rougit et bafouilla.

            - Moi ? Mais…

            - Tu es un personnage-clef des évènements actuels. S'il te chope, il te manipulera pour déclencher les pires situations possibles, puis te jettera comme une vieille chaussette.

            Harry se sentit considérablement refroidi.

            - Alors attention tous les trois.

            Harry, intrigué, allait demander comment il était si bien au courant et surtout qu'est-ce que c'était que cette histoire avec son père, mais Dumbledore surgissant des Trois-Balais et se dirigeant vers eux l'en empêcha.

            - Plume ! lança le vieil homme radieux. Où étiez-vous passés ?!

            - Nous venons de rencontrer Dimus Daelmanis, répondit laconiquement le Mercenaire.

            Le sourire du Directeur s'effaça.

            - C'est moi.

            - Alors c'était bien Pré-au…

            CHBAM !

Severus serra les dents, appréciant la rage avec laquelle la porte avait été claquée.

            - … Lard ?

            Plume ne répondit pas, mais se saisit du paquet de cigarette qui traînait près du coude de son amant et s'en alluma une nerveusement, tirant dessus à longues bouffées. L'homme le regarda curieusement.

            - Et depuis quand fumes-tu ?

            - Je viens de croiser Daelmanis.

            Et comme Severus ne répondait rien :

            - J'AI CROISE DIMUS DAELMANIS, BORDEL DE MERDE !!!!

            Son compagnon lui saisit le poignet et l'attira sur ses genoux. Plume soupira.

            - Excuse-moi.

            - Ce n'est rien. C'est pour toi qu'il est venu ?

            - Non. Harry.

            Severus cligna des yeux.

            - Potter ? Mais Potter a…

            - 17 ans. J'en avais 14. Et toi 16. Dumby 18. Mon père 15. Daelmanis a des goûts très précis.

            - Mmh… Et Potter ?

            - Potter Potter Potter et Granger et Weasley lui auraient sauté dessus s'ils avaient pu ! Cette charogne a senti que tout allait mal et a rappliqué à toute vitesse !!

            - Calme-toi.

            - Oui monsieur.

            - Tu as prévenu Dumbledore ?

            - Vouip.

            - Bon.

            Ils restèrent silencieux un moment, Plume blotti contre Severus, savourant sa chaleur, et son odeur épicée si familière. Puis il sourit légèrement.

            - Tu sais quoi ?

            - Mmh ?

            - Il a toujours son joli p'tit cul.

            - Tu n'étais pas sensé regarder ça.

            - N'empêche que c'est vrai. Mais j'aime bien le tien, aussi.

            §§§§§

            - Malefoy, Snape, le Maître vous demande.

            Les deux non-amis levèrent un œil curieux, échangèrent un regard et suivirent leur aîné à travers les couloirs du Château du Lord Noir, sans échanger un mot. Le fait d'être les deux plus jeunes MangeMorts de l'organisation et d'appartenir à la même Maison à Poudlard les avait rapprochés, mais plus par commodité et par intérêts communs que par véritable sympathie. Il était toujours bon d'avoir quelqu'un au courant de quelques petites choses auprès de vous et une sorte de compromis s'était établi.

            L'homme s'effaça devant la porte qui s'ouvrit devant eux, et ils pénétrèrent dans l'antre de Voldemort, en l'occurrence une gigantesque pièce souterraine aux grands piliers de roches, au bout de laquelle se trouvait le trône. Sinistre et froid.

            Les deux adolescents s'inclinèrent respectueusement devant la silhouette sombre.

            - Vous voilà enfin, siffla la voix aiguë. Mes deux plus jeunes et plus prometteurs serviteurs… Dimus, voici Severus Snape et Lucius Malefoy, continua-t-il d'un ton presque tendre (c'en était à la limite du répugnant, pensa Severus) à l'adresse d'un homme nonchalamment assis sur l'accoudoir de son immense fauteuil.

            Severus se réjouit en pensant à la rage fort probable de Lucius Malefoy-la-plus-riche-famille-de-sorciers-d'Angleterre de n'avoir été cité qu'en second, puis s'interrogea sur l'invité de son Maître. Dont pour l'instant il n'apercevait que les chaussures.

- Relevez-vous, leur intima une voix agréable et caressante.

            Ils obéirent et se redressèrent. Severus dévisagea un moment son Maître, puis laissa calmement son regard s'acheminer jusqu'au visage de l'homme. Le souffle lui manqua brusquement et il dut se retenir de ne pas bêtement ouvrir la bouche. L'homme était superbe. Captivant. Avec des traits d'une pureté incomparable, des yeux mauves intenses cachés sous ses paupières à moitié plissées, des cheveux acajou négligemment en désordre, une peau d'une blancheur appétissante, des lèvres sensuelles et provocantes, un corps grand, mince, et fort bien mis en valeur par une fine chemise bordeaux, de longues jambes moulées par un jean noir étroit, un cou affolant souligné par un collier de cuir. Il souriait légèrement et l'adolescent, à qui il n'était même jamais arrivé de se demander s'il pourrait préférer les hommes, se fit la réflexion que l'invité de son Maître était une formidable raison de virer sa cuti.

           

            Daelmanis sourit. Ce bon vieux Tom lui faisait là une charmante surprise. Il laissa son regard passer de l'un à l'autre des garçons. Mmh… Le blond était tentant. Droit comme un I, des yeux de granit étincelants d'orgueil, le visage fier et la bouche légèrement dédaigneuse, des traits classiques, pâles, solides, nobles… et cruels. Appétissant. C'était le mot. Le brun… Daelmanis le dévisagea attentivement. Le brun, au premier abord, semblait plus effacé, ne possédant pas la prestance de son collègue… Mais… Contrairement à l'autre qui le dévorait du regard, le brun restait calme, le regard impénétrable, attendant simplement ses ordres. Sa maîtrise était impressionnante. Daelmanis avait plutôt l'habitude que l'on se mette à baver devant lui… Mmh… Il n'était pas laid. Pas beau, non plus. Grand, mince, bizarrement presque… gracieux, des cheveux d'ébène qui encadraient un visage trop pâle et aquilin. Ses yeux semblaient deux puits d'ombres. Le démon se demanda quelle pouvait être leur expression en pleine extase ou lors d'une souffrance infinie. Hum. Si le brun était appétissant, le brun était intéressant.

            * Mmh…Le blond ou le brun ?*

            - Vous lui devez le respect et une entière obéissance, continua Voldemort, et Daelmanis soupira en lui-même au son aigu et grinçant.

            Dire qu'il y avait à peine une cinquantaine d'années, ce monstre était lui aussi un superbe adolescent. Il en avait bien profité, de ce jouet-ci, parvenant à lui faire déclencher quelques petites choses assez horribles. Mais les meilleures choses ont une fin, et Voldemort n'était plus guère… utilisable. Trop rongé par le pouvoir. Ahlàlà, que le temps passe vite.

            Alors, le blond ou le brun ?

            Le blond ne s'était, finalement, pas révélé très intéressant : pas de quoi vraiment jouer avec. Bon, il garderait la main dessus, histoire de pouvoir l'utiliser si besoin et de passer quelques moments agréables, mais pas de quoi en faire un plat. Et puis… trop facile.

            Dimus Daelmanis partit à la recherche du brun, Severus Snape. Severus Snape, le nom était plaisant. Tout en rigueur et en sécheresse, en netteté aussi, en bref rien de tendre et de facile là-dedans. Oui, cela pourrait être amusant de…

            - Lâche ça, je te dis.

            - NAON ! A moi !

- Tu vas lui faire mal, déclara catégoriquement l'adolescent en desserrant les petits doigts crispés de la queue du chaton qui piaulait lamentablement.

            Le gosse, assis sur ses genoux, regarda d'un air mécontent la petite boule de poil filer sans demander son reste, et pour se venger agrippa les mèches brunes qui caressaient les joues de son cher parrain.

            - Tu fais chier, soupira ce dernier.

            - Nan !

            - Oh si.

            - C'est le fils de Voldemort ?

            Severus leva ses yeux calme sur Daelmanis qui s'avançait tranquillement, toujours aussi attirant. Extrêmement, même, rectifia-t-il, le cœur battant à tout rompre. Plume le rappela à l'ordre d'une petite poigne solide.

            - Oui. C'est Plume.

            - Enchanté, Plume, sourit l'homme.

            Le gamin lui jeta un regard transperçant, glace et châtaignier mêlés, puis se détourna, désintéressé.

            - J'ai pas la côte, on dirait, s'amusa Daelmanis.

            Severus ne répondit pas, tentant de reconnecter ses pitits neurones flashés par le sourire et les yeux mauves et l'élégante silhouette qui s'asseyait face à lui et l'odeur enivrante qui s'en dégageait et…

            - Severus Snape… C'est toi qui te charge de lui ?

            La voix sensuelle modelant son propre nom lui fit tourner la tête. Il acquiesça lentement.

            - Oui, dit-il impassiblement.

            Se maîtriser, se maîtriser, se maîtriser…

            - Il t'aime bien, on dirait, dit doucement l'homme.

            Plume, blotti contre la poitrine du jeune MangeMort, jouait paisiblement avec les cordons de sa cape. Se sentant observé, il leva sur son parrain un de ses regards lumineux et lui tira gentiment la langue. Severus ne put s'empêcher de sourire légèrement, oubliant un instant Daelmanis et ses yeux envoûtants.

            Puis Plume ferma les yeux, Daelmanis parla et le cœur de Severus se remit à gigoter.

            Non, non, ça clochait…

            Severus terminait de se rhabiller, contraignant ses muscles courbaturés à regagner leur prison de tissu noir. Ses yeux vagabondèrent sur le lit. Dimus était déjà parti. Dimus partait toujours le premier, ne s'attardant jamais.

            Mais revenant chaque fois.

            Il aurait dû se sentir flatté d'avoir attiré son attention. Daelmanis était très beau, puissant, charmeur, captivant. Lui-même n'était qu'un adolescent peu attirant sur le plan physique, de famille plus que pauvre, uniquement apprécié par son Maître pour sa froideur et son intelligence. Et pourtant c'était lui que l'homme, il y avait à peine un mois, avait pris la peine de dépuceler de façon délicieuse, c'était lui que Daelmanis guettait à chaque fois qu'il visitait Lord Voldemort, c'était avec lui qu'il passait ses nuits, ou du moins une grande partie, partant au petit matin, c'était avec lui qu'il bavardait lorsqu'il en avait le temps.

            Oui, il y avait de quoi se sentir flatté.

            Mais outre le fait que Daelmanis s'était déjà occupé de Lucius avant lui (tout finissait par se savoir dans le Château du Lord Noir), quoique bien moins longtemps, et que Severus ne se faisait pas d'illusions sur son propre sex-appeal, d'autres petites choses clochaient.

            Daelmanis ne parlait jamais de lui.

            Daelmanis, mine de rien, lui soutirait plain d'informations sur les organisations du Maître. Il était extrêmement habile, mais Severus, obligé par son double rôle de MangeMort et d'espion de se méfier perpétuellement, avait vite compris que ses questions innocentes ne l'étaient pas toujours : Daelmanis était très fort à ce jeu-là, et Severus se retrouvait souvent à lui raconter des choses dont il avait à peine conscience d'être au courant. Et puis, ne dit-on pas que les confidences viennent sur l'oreiller ? Grâce à dieu, il ne parlait pas en dormant.

            Daelmanis était trop beau, trop charmeur, trop sensuel et trop doué de son corps pour posséder ne serait-ce qu'une particule d'honnêteté. Il y a des choses que les gens honnêtes ne font pas au lit. Comme quoi la malhonnêteté a du bon. Mais Daelmanis en était tellement malhonnête que Severus ne pouvait lui accorder un brin de confiance, ce qui ne gênait nullement l'homme qui parvenait à faire de lui ce qu'il désirait, au grand énervement de l'adolescent.

            Le pire restant encore que, à présent, Plume lui faisait la gueule. Parfaitement. Il était sidéré par la perspicacité du gosse qui, même sans tout comprendre (du moins Severus l'espérait), avait quand même capté que quelqu'un lui avait piqué sa nounou : conséquence, il refusait catégoriquement de lui adresser la parole. Ce qui ahurissait encore plus le jeune homme, c'était de constater que cela le blessait horriblement.

            Bref, tout clochait.

            Il hésita, planté devant la gargouille : et s'il se faisait des idées ? après tout, il ne voulait pas inquiéter Dumbledore pour rien. Bon… Mieux valait être sûr.

            - Esope reste et se repose.

            Il laisserait quand même quelques aspects de côtés… Il monta les marches et frappa à la porte.

            - Entrez.

            Le vieil homme leva les yeux sur lui.

            - Severus ? Un problème avec Voldemort ? demanda-t-il d'un ton inquiet.

            - Pas tout à fait. Monsieur…

            Severus hésita puis se jeta à l'eau.

            - Est-ce que le nom de Dimus Daelmanis vous dit quelque chose ?

            Il vit le visage de Dumbledore se figer brutalement.

            - Il est en Angleterre ? Avec Voldemort ? demanda-t-il d'une voix blanche.

            - Oui.

            - Nom de Dieu…

            Severus cligna des yeux, surpris : il n'avait encore jamais entendu (ou même imaginé) son directeur jurer.

            - Depuis combien de temps ?

            - Environ deux mois.

            - Par les roubignolles des dieux Trolls… Pardon, Severus.

            Le jeune homme ne répondit rien, trop ahuri pour ouvrir la bouche. Dumbledore resta quelques instants songeurs, griffonnant machinalement sur un parchemin, puis leva les yeux sur lui.

            - Severus.

            - Monsieur ?

            Le sorcier n'ajouta rien, se contentant de le dévisager avec attention. Le jeune MangeMort tenta de rester impassible et se maudit en se sentant furieusement rougir. Dumbledore gloussa.

            - Il est toujours aussi beau et imaginatif, hein ?

            - Monsieur !

            - Oh, il ne faut pas avoir honte… Je suis passé à la casserole, moi aussi, il y a 70 ans… Prenez un siège avant de tomber par terre.

            §§§§§

            - Bonjour.

            Plume détourna le regard du tronc d'arbre qu'il boxait allègrement et rencontra deux étranges yeux indigos. L'homme était superbement beau et souriait d'un air sympathique. Il lui disait vaguement quelque chose mais…

            - Bonjour ! répondit-il gentiment.

            - Qu'est-ce que tu fais tout seul ici ?

            - Je me défoule, expliqua Plume.

            - Tu sais que c'est dangereux par ici ?

            - La remarque est valable pour vous !

            L'homme éclata de rire, ses mèches acajou caressant son visage. Il semblait jeune et… attrayant.

            - Tu as raison. Quel âge as-tu ?

            - Douze ans.

            - Douze ans…

            Il le dévisagea songeusement, et l'enfant sentit un frisson lui parcourir l'échine. Mal à l'aise, il recommença à enchaîner les katas. Ce type lui faisait bizarre…

            - Tu te bats bien.

            - Merci…

            Plume se dit qu'il serait plus poli d'ajouter quelque chose

            - Vous savez vous battre, vous aussi ?

            - Un peu. Mais ce n'est pas ce que je préfère, ajouta l'homme, ses yeux brillant étrangement.

            - Ah.

            Nouveau silence. L'homme continuait à l'observer.

            - C'est ton grand-père qui t'a appris ?

            Plume s'immobilisa, le visage illuminé.

            - Vous connaissez grand-père ?

            - Un peu. Mais on est fâché, grimaça le type. Il n'a pas très bon caractère…

            - Je connais aussi ! Pourquoi vous êtes fâchés ?

            - On était pas d'accord sur quelques petites choses… Au fait, je m'appelle Dimus Daelmanis. Mais si tu pouvais éviter de lui dire que tu m'as vu…

            Plume le regarda, circonspect. Ben voyons. Enfin, l'homme n'avait pas l'air dangereux et puis ça ne changerait rien d'en parler à grand-père…

            - Pas de problème.

            - Et toi tu es Plume, c'est ça ?

            - Vouip.

            - Enchanté.

            - Moi de même, cher monsieur, rétorqua le garçon avec une révérence comique.

            L'homme sourit à nouveau et s'assit avec grâce sur une souche d'arbre. Avec sensualité, plutôt, rectifia Plume. Ce type n'était que sensualité et ce devait être agréable de…

            L'enfant secoua la tête. Plume, tu es précoce, mais à 12 ans évite de penser à des choses pareilles, s'il te plaît.

            - Qu'est-ce qui te fait sourire ? demanda Daelmanis avec curiosité.

            - Vous êtes très beau, répondit simplement le garçon. Surtout vos yeux, ils sont étranges.

            - Hé, les tiens ne sont pas mal non plus !

            Il semblait quand même un peu surprit de la franchise de la réponse, mais se reprit rapidement.

            - Je suppose que tu les tiens du père de ta mère ?

            Le garçon se figea et se retourna vers lui. Daelmanis le regardait tranquillement en s'allumant une cigarette. Ses mains aussi sont belles, remarqua distraitement Plume.

            - Comment le savez-vous ?

            - Parce que je l'ai connu. Le démon-dragon Taralo'th.

            - C'est vrai ?! Racontez-moi ! s'exclama l'enfant, toute méfiance oubliée.

            - Plume, tu vas où ?!

            - Faire un tour dans la forêt, Loulou ! cria l'adolescent avec un signe de main à sa cousine.

            L'elfe le regarda disparaître entre les arbres avec un soupir. Son cousin, cadet de deux ans, l'inquiétait : depuis quelques temps, les bois étaient devenus une véritable obsession. Mais dès qu'elle essayait d'en parler à son arrière-grand-père, celui-ci haussait les épaules ou rétorquait que Plume était parfaitement capable de s'en sortir seul.

            Certes.

            Mais quand même.

            Elle se détourna à regret.

            Plume arriva au rendez-vous hors d'haleine. Personne. Etait-il en retard ?s'inquiéta-il.

            Non. Il sourit à la vue d'une fumée de cigarette s'élevant nonchalamment de derrière un buisson. Il s'approcha doucement et s'immobilisa à un mètre de l'homme tranquillement somnolent, les bras repliés derrière la tête.

            - BOUAH !!!

            Daelmanis bondit sur ses pieds, sur le qui-vive, puis se détendit à la vue d'un Plume rigolant doucement.

            - T'es nul, fit le commentaire sans réplique.

            * C'est vrai. Ce gosse arrive Dieu sait comment à me surprendre à tous les coups. Et c'est bien le premier. Dangereux…*

            - Je le reconnais, soupira l'homme en se laissant retomber par terre. Comment fais-tu ça ?

            - Mmh ? (Plume se détourna du scarabée qui grimpait sur sa chaussure) De quoi ?

            - T'approcher des gens, comme ça.

            L'adolescent haussa les épaules. Pourquoi Dimus lui demandait-il ça ? Avec cet air sérieux, en plus, et ce regard à vous faire courir des frissons partout…

            - Je n'en sais rien. C'est important ?

            - Non, laisse tomber…

            Quelque chose clochait, se dit Plume. Quelque chose clochait toujours avec Dimus. Il voyait régulièrement l'homme (son ami) depuis près de deux ans. Ils parlaient, riaient de puis deux ans. Dimus lui apprenait des choses, des techniques de combat, des sorts, il lui racontait des légendes aussi. Il n'avait pas peur de lui, alors qu'il savait ce qu'il était et surtout qui il était, c'est-à-dire Plume Jedusor. Et pourtant il était toujours là. A lui parler quand il n'en pouvait plus. A le faire rire.

            Mais… Dimus ne voulait pas que l'on parle de lui. Dimus savait tout : son arrière-grand père, son grand-père et même son père (il lui avait dit qu'il avait un ami MangeMort, que Plume lui-même ne connaissait que trop bien, Lucius Malefoy, qui lui avait parlé de lui). Dimus posait des questions, oh, très rarement et discrètement, mais des questions quand même.

            Donc Dimus était plus qu'il ne prétendait être. Il devait même être dangereux. Son ami n'était pas vraiment son ami.

            Mais Plume le voyait toujours, d'abord par curiosité, ensuite parce qu'il était le seul à parler avec lui, et puis parce que… c'était Dimus.

            - Tu rêves ?

            Plume cligna des yeux, tiré de ses pensées, puis sourit au regard mauve pétillant.

            - Oui.

            - Tu rêves à quoi ?

            - Héhé…

            - A ta copine ?

            Les yeux de bois et de glace s'écarquillèrent.

            - Mais nan !

            - Mmh…

            - Je pensais à toi, crétin.

            - Oh…

            L'homme haussa un sourcil.

            - Très flatté.

            Puis il se pencha avec un sourire charmeur.

            - Et tu pensais quoi ?

            - Ca ne te regarde pas…

            - Allez…

            - Nan.

            - Allez !

            - Nan Monsieur.

            - Plume, tu vas souffrir…

            Il se jeta sur lui pour le chatouiller. L'adolescent, hoquetant de joie, n'en pouvait plus.

            - Dimmy, arrête ça ! Stop !

            - Dis-le-moi alors ?

            - Naon !

            - Avoue que tu es tombé sous mon charme !

            - Nan !

            * Enfin si. N'importe qui tomberait sous ton charme.*

            - Plume ? fit Dimus en s'immobilisant au-dessus de l'adolescent.

            - Mmh ?

            L'homme se pencha et l'embrassa.

            L'adolescent resta stupéfait, prêtant à peine attention aux lèvres qui caressaient les siennes. Qu'est-ce que… ? Dimus ? Dimus qui… ?

            Une main glissant le long se sa hanche le ramena sur terre et le fit pousser un petit bruit étouffé. Il sentit une brutale vague de chaleur lui monter à la tête et prit soudain conscience du corps qui immobilisait le sien et des lèvres qui capturaient sensuellement les siennes. C'était… excitant.

            - Plume…

            La bouche quitta la sienne, s'enfouit dans son cou il sentit des dents lui mordiller voluptueusement la gorge et rejeta la tête en arrière avec un soupir. Puis les lèvres revinrent, capturèrent sa bouche, et, une main enfouie dans ses cheveux, Dimus l'embrassa lentement, langoureusement, forçant ses lèvres, ses dents, rencontrant sa langue en un contact qui lui fit l'effet d'une décharge électrique. Il passa ses bras autour de son cou, répondant violemment au baiser, avant de se rendre compte de ce qu'il était en train de faire.

            * Dimus. J'embrasse Dimus. C'est un homme. En qui je n'ai aucune confiance. J'ai 14 ans. Je ne suis certainement pas dans mon état habituel. Foutues hormones…*

            Une caresse plus précise l'arracha à ses pensées. Les mains de Dimmy étaient… oh oui… Un frisson parcourut l'adolescent tandis qu'une chaleur sourde lui envahissait les reins. Il fondait…

            * Qu'est-ce que je fais ?! Je vais faire l'amour avec Dimus ?*

            Bah… pourquoi pas ? Il était plutôt bien tombé pour une première fois… Et puis il adorait cette bouche et ces mains et cette langue qui le caressaient, glissaient sur lui… encore…c'était si…

            Les mains se glissèrent sous la chemise, l'effleurant à peine, avant de se poser sur lui en une caresse si lascive qu'il en poussa un gémissement.

            - Plume…

            La voix était rauque, prometteuse de mille choses délicieuses. Plume ne se sentait plus en état de faire marche arrière. L'odeur de Dimus, son corps solide et si puissant… il voulait…gémir, crier…

            Mais… son cerveau nageait dans le coton… pourtant… ce manque de confiance…

            L'homme fit glisser sa chemise à terre, couvrant son torse fin de baisers.

            * Pourquoi je n'arrive pas à… ?*

            Deux mains entreprirent de déboutonner son pantalon, tandis que les dents de nouveau lui mordillaient l'épaule.

            * Pourquoi ça cloche comme ça… ?*

            Lui mordillaient presque violemment l'épaule.

            * Pourquoi je ne veux pas je ne sais pas j'ai peur ça ne va pas Dimus tu me mens tu me trompes tu es dangereux et de toutes façons tu n'es pas celui…*

            Lui mordillèrent l'épaule jusqu'au sang.

            / Sang !/

            Les pensées du jeune homme s'embrouillèrent totalement et il arrêta de penser. Seule des perceptions et des émotions confuses lui parvinrent, de la fureur, de la peur, des cris, du sang, de la douleur, une voix qui essayait de le stopper, mais pas la bonne, pas celle qu'il voulait entendre, et puis encore du sang, en puis pourquoi ça recommence ?, pourquoi il n'est pas là ?, de nouveau de la douleur, du désespoir, de la trahison, du sang, je le veux, pourquoi ?, j'ai mal, je veux mordre, déchirer, mourir, l'avoir, être dans ses bras, sang, où est-il ?, et puis encore douleur, et puis plus rien…

            Daelmanis, une grimace de dégoût aux lèvres, s'approcha du jeune garçon qui gisait au sol, la tempe en sang. Un monstre. Un stupide animal.

            Mais ce qui le dégoûtait encore plus, c'était d'en avoir eu peur. Une peur bleue. Effroyable. La première véritable peur de sa vie.

            Le jouet était une arme à tuer…

            Il le retourna du pied. Plume ne bougeait plus, les yeux clos, un filet de sang lui coulant du coin des lèvres. La trace de morsure sur l'épaule.

            * Merveilleuse journée. Pour la première fois de ma vie j'ai été stupide et j'ai eu peur.*

            Tout allait si bien… Comme avec tous les autres. La petite chose était presque à lui. Le fils de Voldemort, un véritable trophée. Il n'y avait pas pensé, dix ans auparavant il y avait eu l'affaire de ce brun intéressant, là… Et puis il s'était souvenu des yeux spectaculaires, et s'était fait la remarque que l'héritier du Mage Noir avait des chances d'avoir son mot à dire plus tard… Et tout se passait admirablement bien. Le gosse avait semblé lui faire confiance, s'était attaché à lui du moins. Et puis il s'était laissé emporté et avait oublié les légères caractéristiques de son nouveau jouet.

            Bon. Cessons d'être stupide. Il s'agenouilla pensivement. Après tout… la chose était peut-être rattrapable. Plume avait des chances d'être mortellement désolé. Et lui-même ne ferait plus d'erreur.

            Il essuya les dernières traces de sang et matérialisa de l'eau pour lui humecter le visage, se faisant la réflexion que l'adolescent était décidément très beau.

            - Mmmmh… Sev'…

            L'homme écarquilla les yeux. Sev' ? Kicéça ? Sev'… Sev'… Severus… Severus Snape. Le brun. Ahaaaah… Bien. Il se sentait quand même un peu vexé.

            - C'est Dimus, dit-il doucement.

            Les yeux papillonnèrent, puis s'ouvrirent, confus.

            - Dimmy ! Je… je suis désolé… balbutia Plume.

            - C'est rien. Laisse-moi t'aider.

            Il voulut lui entourer la taille du bras, mais l'adolescent le repoussa violemment, avant de se prendre la tête à deux mains.

            - Hé, Plume ?

            - NE ME TOUCHE PAS !

            Daelmanis recula prudemment sous le regard froid qu'il ne connaissait pas.

            - Tu sais que tu as failli me tuer ? lança-t-il un peu sèchement.

            - Ouais. J'aurais dû. Qu'est-ce que tu es, au juste ?

            L'homme soupira. C'était fichu.

            - Tu demanderas à ton grand-père, répondit-il plaisamment. Tu sais que tu es assez extraordinaire, quand même ?

            - C'est toi qui me dis ça ? sourit l'adolescent. Bon… Je pense qu'on ne se reverra pas…

            - Dommage… fit l'homme d'un ton de regret en se redressant. Enfin… Je n'avais aucune chance de toute façon.

            Plume, toujours assis par terre, le regarda d'un air surpris.

            - La place était déjà prise, continua l'homme aux cheveux acajou en souriant. Mais… peut-être que tu ne t'en es pas encore rendu compte ?

            Il eut un éclat de rire devant l'air sidéré du jeune garçon, puis le salua une dernière fois et disparut.

            Plume resta un instant songeur, puis se releva souplement et partit voir son grand-père, histoire de savoir qui était réellement son ''ami''.

            §§§§§

            ''On ne sait pas véritablement d'où vient Daelmanis. En fait, depuis les tous premiers épisodes funestes de l'histoire du monde Sorcier, il a toujours été présent. Ce n'est pas vraiment lui qui les provoquait, non, il les… catalysait.

            Moïse et les Dix Plaies d'Egypte, l'éradication par les chrétiens des druides de Bretagne vers le règne du roi Arthur, l'affaire des Poisons sous Louis XIV en France, pour ne citer que quelques exemple en Europe, lui sont dus. Il a toujours tout fait pour diviser Moldus et Sorciers, voire ces derniers entre eux.

            Le chaos est sa nourriture. Il s'en repaît.

            Le moyen de parvenir à ses fins a toujours été identique, et remarquablement efficace. Repérer le principal personnage-clef des évènements, s'en emparer, et le manipuler. Humain ou non, homme ou femme, jeune ou mûr, tout lui est bon, même s'il lui arrive de temps en temps d'en laisser un qu'il ne trouve pas à son goût ou qui ne l'intéresse pas. Il parvient même à diriger plusieurs marionnettes à la fois.

            Tout cela grâce à son charme… Car il est envoûtant, n'est-ce pas ?

            Peut-être est-il l'un des treize démons originels, qui ont engendré les hommes et les races magiques. Nul ne le sait.

            Mais il est funeste. Et dangereux.''

            Ainsi parlèrent Dumbledore à son protégé, Griffe Percevent à son arrière-petit fils, et plus tard Plume Jedusor au Garçon-Qui-avait-Survécu.

            Ainsi parlèrent tous ceux qui connaissaient Daelmanis à ceux qui ne le connaissaient pas.

            Ainsi met-on au courant les personnages-clef, le plus souvent trop tard.

            Mais mieux vaut tard que jamais, après tout.

            §§§§§§§

Neuf ans plus tôt :

            - Et donc le sortilège de Tranchanbois…

            Plume se déconnecta du cours et laissa son esprit vagabonder. Franchement, à quoi bon une baguette de toutes manières ? Severus ne lui parlait plus. Ne le regardait plus. Le fuyait presque.

            * Il m'en veut…*

            Il devait être fâché. Ou excédé. Pourtant, ce n'était qu'une petite bêtise de plus, non ?

            * Ca devient pire que les Feux de l'Amour, là. ''Oh, Sev', pourquoi me regardes-tu de ces yeux méprisants ? Est-ce parce que je t'ai trompé avec Killian, Raven, Charlie, deux loups-garous et treize MangeMorts ou parce que mon père te battait ?'' Bon, Plume, arrête de délirer. Tu ne vas pas passer ta vie à soupirer sur ton prof de Potions, non plus.*

            Excellente résolution. Pensons à autre chose.

            …

            Mais pourquoi il m'en veut ?

            Plume se vautra un peu plus sur son bureau, poussant un soupir. Ca faisait mal… Il tenait tellement à l'affection de Severus, ou simplement à ce que l'homme reconnaisse qu'il existait. Tout allait bien, ce n'était pas la franche camaraderie mais bon, il y avait échange, et là il l'ignorait de nouveau…

            Sev'… T'es chiant.

            - M. Percevent! piailla une voix aiguë. Répétez ce que je viens de dire !

            L'adolescent leva un œil vers son professeur de Sortilèges qui se tenait devant lui, raide comme la justice. Un vieux bouc nommé Deloignon, qui, heureusement pour les générations futures, prenait sa retraite l'an prochain.

            - Je vous prie de m'excuser, j'étais un peu distrait, répondit Plume d'un ton poli.

            * Fait chier. On peut même plus dormir en paix dans cette école…*

            - Vous êtes tout le temps distrait, M. Percevent ! Si mon cours vous désintéresse à ce point, je me demande bien ce que vous faites encore là ! éructa la vieille peau, postillonnant de partout.

            Plume sentit une vague d'énervement le balayer (* J'en ai marre de ne rien faire !*) et s'entendit répondre par un très sec :

            - Et bien moi aussi, figurez-vous !

            Un grand silence plana sur la classe, tandis que son professeur, le fixait, éberlué, puis bientôt blême de rage.

            * Merde, j'ai gaffé…*

            - Je... je suis désolé... je ne pensais pas ce que j'ai dit, dit Plume en baissant les yeux.

            * Il ne faut pas que je m'énerve, il ne faut pas que je m'énerve, il ne faut pas que je m'énerve, il ne faut pas…*

            - Vos excuses sont refusées ! rugit l'homme. Vos excellents résultats ne vous autorisent pas à vous montrer insolent ! Pour qui vous prenez-vous, Percevent ?!

            Plume serra les poings.

            - Dé… désolé…

            L'homme ne l'écoutait même plus, un rictus méprisant aux lèvres.

            - Le fait que le professeur Dumbledore soit personnellement intervenu auprès du Ministère pour valider votre inscription à cette école, où des gens tels que vous n'ont sûrement pas leur place, ne vous donne pas tous les droits ! Protégé du Directeur ou non, vous restez un Sang-Mêlé !!!

            - LA FERME !!!!

            L'adolescent venait de bondir sur ses pieds, le regard étincelant.

            - QU'EST-CE QUE CA PEUT VOUS FAIRE ?!

            L'autre en resta quelques secondes la bouche ouverte, le souffle coupé. Puis il vira eu rouge indigo, fulminant.

            - QUI VOUS AUTORISE A ME PARLER SUR CE TON ?!

            - MOI, JE M'AUTORISE ! DE TOUTES FACONS, LES TYPES COMMES VOUS NE MERITENT MEME PAS QU'ON LEUR ADRESSE LA PAROLE !!! DE QUEL DROIT VOUS VOUS PERMETTEZ DE CRITIQUER DES GENS QUI N'ONT PAS CHOISI D'ETRE CE QU'ILS SONT, HEIN ? DE QUEL DROIT ?!

            - Plume, rassis-toi, lui chuchota Raven en le prenant doucement par le coude. Ca suffit.

            L'adolescent inspira profondément, les yeux fermés, tentant de se maîtriser une partie de son esprit lui rappela confusément que c'était la pleine Lune, ce jour-là, mais déjà le professeur, hors de lui, l'avait saisi au col et lui crachait sa pensée à la figure.

            - OUI, JE CRITIQUE, JE MEPRISE, MEME ! VOUS ME DEGOUTEZ, PERCEVENT !!! LES GENS COMME VOUS NE DEVRAIENT MEME PAS AVOIR LE DROIT D'EXISTER !!! VOUS ETES MOINS QU'UN HUMAIN, UNE SALE BESTIOLE, UN REBUS ! PERSONNE NE VEUT DE VOUS !!

            Le son parvenait de plus en plus confusément aux oreilles du jeune homme les formes, les couleurs s'estompaient les élèves chuchotaient en un brouhaha bourdonnant d'autres voix, avec les mêmes paroles, se superposaient, insistantes, méprisantes, dégoûtées, moqueuses, méchantes, ironiques, mauvaises, mordantes, toujours ces voix…

            - … VOUS ME FAITES VOMIR ! VOUS M'ECOUTEZ, PERCEVENT ?!

            Schlack !

            La main de l'homme partit et le gifla à toute volée. Plume ressentit l'impact brutal sur sa joue, coupant net tous les sons qui lui parvenaient, le laissant seul, seul avec…

            D'un air halluciné, il porta sa main à son nez, recueillant délicatement du bout des doigts le sang qui commençait à en couler. Noooon…

            * Du sang…*

            /Du sang ! /

            En une fraction de seconde, l'odeur fut là, suave, épicée, entêtante, tellement désirée et tout lâcha. L'homme se retrouva plaqué au sol avec une violence inouïe, un genou cruellement enfoncé au creux de son ventre, les mains de Plume autour de son cou, les ongles enfoncés dans la peau. Son élève, le visage à quelques centimètres du sien, lui souriait angéliquement.

            Complètement dément.

            L'adolescent eut un soupir, et passa sa langue sur sa lèvre supérieure, lapant avec délectation le sang qui dégoulinait sur sa bouche.

            - Percevent… balbutia Deloignon d'une voix misérable.

            Un violent coup de poing lui répondit, s'abattant sur son nez avec un bruit infâme. Puis Plume lui saisit doucement le menton, le forçant à le regarder, souriant légèrement.

            Le deuxième coup l'atteignit à la tempe, lui faisant exploser la tête en une myriade d'étoiles. Plume prenait son temps, espaçant les coups. Le troisième lui fracassa la mâchoire. L'adolescent levait encore le bras, quand Charlie, Killian et Raven se jetèrent sur lui et essayèrent de l'immobiliser au sol. Avec un cri furieux qui n'avait plus rien d'humain, le jeune homme se dégagea brutalement, les envoyant s'assommer contre les tables qui les entouraient. Puis il se retourna souplement vers l'homme qui gisait toujours à terre, un petit rictus d'anticipation aux lèvres.

            - Qu'est-ce qui se passe ici ?

            La voix avait claqué sèchement. La silhouette du professeur de Potions se découpait dans l'embrasure de la porte.

            Severus comprit la situation d'un coup d'œil.

            * Et merde… Plume.*

            Il fit taire les élèves balbutiants d'un geste sévère, ses yeux noirs fixés sur Plume qui le regardait, indécis.

            /Qui ? Je le connais lui ça fait longtemps mais je le connais pourquoi longtemps pourquoi si longtemps pourquoi il vient maintenant et qui c'est je ne me souviens plus mais je le connais je crois…/

            Le jeune garçon percevait confusément ses pensées tourbillonner, se spiraler dans sa tête, sans parvenir à les immobiliser, tout entier à l'odeur et au goût ô si délicieux et affolant et c'est la vie-même le sang… Mais là… Il y avait quelque chose/quelqu'un qui s'opposait à lui, pourtant il ne faisait rien ne bougeait pas alors pourquoi ?

            Le professeur de Sortilèges tenta discrètement de ramper à l'écart, mais s'immobilisa lorsque Plume, le regardant vivement, se ramassa sur lui-même, prêt à bondir, de nouveau concentré sur sa proie.

            /Déchirer déchirer cette ordure cette chose infâme infâme oui mais pleine de sang oh il giclera ce sera beau pour une fois la seule une dernière fois de sa vie cette chose sera belle et…/

            - Plume !

            /L'Autre qu'est-ce qu'il veut c'est beau pourtant ce que je vais faire et c'est bon c'est très bon pourquoi il m'arrête il veut que je lui fasse pareil ? pourtant je n'ai pas trop envie je ne sais pas pourquoi mais je ne veux pas lui il est déjà beau tiens ça y est je me rappelle maintenant alors pourquoi il veut m'arrêter je ne le toucherai pas lui…/

            Plume plongea ses yeux dans le regard de nuit qui ne le quittait pas.

            - Plume… ne fais pas ça.

            Severus s'avançait doucement vers lui, le fixant et le fixant encore, s'immobilisant quand l'adolescent montra les crocs.

            - C'est fini…

            /Non non ! ne me parle pas comme ça parce que je vais m'arrêter et je ne veux pas je veux du sang ta voix tu sais je la reconnais douce gentille profonde rauque toujours là je veux mordre, il te plaît, laisse-moi déchirer, pourquoi pourquoi pourquoi tu veux pas lui ce n'est rien tu sais je peux le tuer il ne vaux rien allez juste un petit peu le tuer il a peur il est plein de sang qu'est-ce que ça changera ? je serai toujours là et tu seras toujours là et je tuerai les autres mais pas toi pourquoi tu ne me laisses pas celui-là j'en ai envie j'en ai si envie tu veux bien dis ? tu me laisses le tuer j'en ai si envie…/

            Plume, de nouveau, allait bondir sur son professeur de Sortilèges, mais Severus haussa la voix.

            - Ca suffit j'ai dit ! Plume… tu le regretteras sinon…

            L'adolescent sursauta, hésitant, fuyant le regard brûlant qui le clouait là.

            /Noooon ne me parle pas méchamment je ne suis pas méchant je veux juste le tuer c'est quoi regretter pourquoi regretter regretter c'est vouloir ne pas avoir fais ce qu'on a fait non ? mais je ne regretterai pas pourquoi je regretterais d'abord es-tu sûr qu'il mérite de vivre oh ça y est je me rappelle regretter c'est pleurer pleurer pleurer pleurer encore et vouloir se faire mal et mourir et mais ce n'est pas grave tu seras la hein mais c'est vrai que je ne veux pas pleurer mais tu sais j'ai vraiment envie de sang…/

            Tous les autres élèves avaient assisté à la scène sans piper mot. La fureur, la sauvagerie qui se dégageait de leur camarade était tétanisant même Charlie, Raven et Killian, extirpés de leurs décombres, n'osaient plus rien faire à part observer de tous leurs yeux l'homme en noir parler à adolescent, tour à tour doucement et fermement.

            Plume ou quoi qu'il fût à présent, avait du mal à respirer et sentait son envie de chair décliner, puis l'envahir à nouveau. Il voulait tant Lui obéir et – non, se déchaîner sur cette chose immonde – obéir ! lui faire plaisir… – non – obéis-lui ! – noooon !…

            Il hoqueta, sentant ses jambes céder sous lui. Severus poussa un léger soupir de soulagement.

            Et puis tout merda.

            Une simple chaise tombant par terre, bousculée par un élève inattentif, et Plume bondit, se jetant sur la personne la plus proche de lui.

            En l'occurrence Severus Snape.

            Ils boulèrent à terre sous le choc, le souffle coupé. Severus, réalisant à peine ce qui s'était passé, vit soudain une rangée de dents briller dangereusement près de sa gorge, et par réflexe gifla son élève a toute volée, lui arrachant un glapissement de rage. Il sentit ensuite confusément un genou rencontrer douloureusement ses côtes, et des ongles (des griffes ?) déchirer la peau de son avant-bras, mais les ignora, essayant d'écarter Plume qui s'acharnait à tenter de le mordre.

            Ce n'était pas la première fois que Plume l'attaquait, bien sûr, mais il n'avait même pas dix ans à l'époque. C'était maintenant un adolescent musclé, entraîné au combat, qui tentait furieusement de le tuer. Severus avait un peu de mal.

            * Les prémices de l'âge, peut-être* pensa-t-il amèrement.

            Il fallait juste qu'il puisse lui parler… il fallait qu'il s'immobilise quelques secondes et qu'il soit obligé de l'écouter… ce serait suffisant… enfin espérons.

            - Plume…

            L'adolescent n'écoutait pas, tout entier à son désir. De sang, mais aussi…

            / Je veux… je veux… il sent bon… il est fort… je veux…/

            Il n'eut pas le temps d'achever sa pensée, trouvant enfin une ouverture pour mordre, la jointure du cou et de l'épaule, et planta ses dents dans la chair, et le sang (son sang à Lui) jaillit dans sa bouche et c'était…

            Les bras de Severus se refermèrent fermement sur lui, l'immobilisant efficacement. Un piège, pensa-t-il confusément, mais trop occupé à savourer le sang qui coulait et coulait encore…

            - Plume… souffla une voix à son oreille.

            / Oui quoi ? tu es bon tu sais/

            - Tu me fais mal.

            / Hein oh non non non je ne veux pas je suis désolé mais tu es si bon continue à me serrer comme ça tu continueras même si je te fais mal dis dis dis ?/

            - Tu me fais très mal.

            Plume cessa aussitôt de mordre.

            / D'accord j'arrête j'arrête oh mon Dieu qu'est-ce que je faisais qu'est-ce que je faisais je suis désolé…/

            - C'est fini ?

            / Qu'est-ce que j'ai fait…/

            Plume sentit une formidable douleur exploser dans sa tête et poussa un gémissement terrifié. Les larmes se mirent à couler, couler comme le sang qui coulait de la blessure et dont l'odeur lui soulevait à présent le cœur, et il se laissa aller en sanglotant dans les bras de son ami qui soupira doucement, immensément soulagé, mais aussi troublé par cet abandon, comme autrefois…

            Il se serait bien laissé aller au sol, serrant et berçant Plume contre lui, mais le souvenir de la présence d'une vingtaine d'élèves et d'un professeur dans la pièce, dont sûrement quelques-uns uns mal en point et assurément une bonne partie en train de les dévorer du regard, lui revint en mémoire, et il se releva précautionneusement, les bras autour de Plume qui s'accrochait à ses vêtements, le nez enfoui contre sa poitrine.

            - Allez chercher le Pr Dumbledore, ordonna-t-il calmement à un des Serdaigles, qui les dévisageait d'un air stupéfait, pour ne pas dire choqué.

            L'adolescent reprit ses esprits et se précipita dehors. Severus, toujours assis par terre, se tourna vers ses autres élèves et désigna son collègue du menton.

            - Est-il encore vivant ? demanda-t-il négligemment

            Il eut la satisfaction de les voir se détendre un peu et pour certains sourire. Il savait que le Pr Deloignon n'était pas universellement adoré : il était non seulement, comme lui-même, froid et désagréable (Severus le reconnaissait en toute honnêteté), mais en plus lâche, s'acharnant avec sadisme sur ses élèves les moins doués, raillant non seulement leurs vies privées, mais surtout leurs origines, ce que lui-même trouvait répugnant. Il eut même la joie de sentir Plume pouffer dans son cou, entre deux sanglots, et lui caressa doucement la nuque.

            - Je ne crois pas, dit l'un des élèves avec quelque chose qui ressemblait à du respect. Il a simplement l'air évanoui.

            - Laissez-le traîner où il est… Zachary, Whitewinter, Weasley, tout va bien ?

            - Ca va…

            - Pas de bobos…

            - Bien. En attendant le professeur Dumbledore, remettez-moi tout ça en place. En silence, s'il vous plaît.

            Pendant qu'ils s'attelaient à la tâche, il se releva doucement et, tenant toujours Plume contre lui, s'assit derrière l'un des hauts pupitres, les regardant s'activer. Il ne fallait pas paniquer. Il ne fallait pas les laisser réfléchir ou parler. Il ne fallait pas leur laisser croire que quelque chose clochait. Il ne fallait pas que Plume soit rejeté.

            Il sentit l'adolescent s'affaisser contre lui, la tête sur son épaule. C'est dans cette position on ne peut plus intime que les trouva Dumbledore quelques instants plus tard.

            Le vieux sorcier prit immédiatement les choses en mains : après avoir écouté le récit des évènements que lui fit Killian Zachary, il s'adressa à la vingtaine d'élèves en leur déclarant que le Pr Deloignon n'avait eu que ce qu'il méritait (lui non plus ne semblait pas l'adorer), qu'on ne s'adressait pas inconsidérément à un Sang-Mêlé, et qu'il espérait sincèrement qu'ils se comporteraient désormais avec Plume de la même façon qu'ils se comportaient avec lui auparavant, et qu'ils n'ébruiteraient pas l'affaire. Il insista en faisant remarquer que Plume avait besoin d'aide, qu'il n'était véritablement dangereux que si on le poussait à bout, et qu'il leur faisait entièrement confiance pour ne pas se comporter de façon idiote après cet ''incident''.

            En bref il fit exactement ce qu'il fallait pour transformer l'accident en une épreuve de confiance et d'entraide. De toutes façons, tous le savaient, les traîtres se seraient fait passer à tabac par Raven, Killian et Charlie, qui jetaient des coups d'œil inquiets à leur ami.

            Dumbledore fit ensuite aller chercher Mme Pomfresh pour le professeur encore inconscient légèrement oublié, congédia les élèves et s'approcha de Severus.

            - Vous êtes tout de même terriblement doué, Albus.

            Contrairement à son habitude, le Directeur ne sourit pas, gardant un air étonnement sérieux, et se contenta sans un mot d'appliquer son pouce contre la morsure qui disparut. Puis il observa un moment Plume endormi, l'air contrarié, marmonnant dans sa barbe, ses yeux se posant parfois sur Severus qui, bien qu'un peu gêné, ne se résolvait pas à lâcher l'adolescent.

            Albus était étrange, ces temps-ci. Presque… irritable (en temps normaux, le jeune professeur aurait rit au nez de toute personne lui parlant d'Albus en ces termes).

            - Albus…

            Il dut fournir un immense effort pour que les mots franchissent ses lèvres.

            - Est-ce que quelque chose vous tracasse ? Vous avez l'air inquiet en ce moment. Le clan Percevent ? Ou… Voldemort ?

            Il vit avec soulagement le vieux sorcier perdre son expression soucieuse et lui sourire d'un air confus.

            - Oh, Severus ! Je vous prie de m'excuser, je vous ai tant inquiété que cela ? Non, il s'agit juste de quelques problèmes du côté du jeune Potter… Toutes mes excuses, mon ami !

            - Ce n'est rien.

            Albus semblait être redevenu Albus. Il avait reprit un air sérieux, mais plus calme et concentré.

            - Severus… est-ce que quelqu'un d'autre aurait pu parvenir à calmer Plume ?

            - Je ne pense pas, non, répondit l'homme un peu étonné.

            Son supérieur poussa un petit soupir.

            - Je vois, dit-il après un moment de silence. Pourriez-vous le réveiller ?

            Plume était bien. En sécurité – contre les autres, contre lui-même. Des bras puissants le soutenaient, l'entourant d'une chaude odeur légèrement épicée. Il sentait la cage thoracique de l'homme vibrer sous sa joue, lorsqu'il parlait. Son cœur résonnait comme un tambour. C'était délicieux. Il ne manquait plus que… ah, voilà : les mains douces et fermes lui caressant machinalement le dos. Par-fait.

            - Plume, revaille-toi…

            Mais naaaaaan-euh… Ca va pas et puis quoi encore ?!

            - Allez !

            Shiiiiiiiiiiiiiiit.

            Il battit plusieurs fois des paupières, recouvrant difficilement ses esprits, puis jeta un regard embué autour de lui : il y avait Severus, tout près, et puis…

            Dumbledore.

            L'adolescent tenta de se redresser, mais il était si fatigué…

            - Plume ? Est-ce que ça va ?

            Non… C'est Severus qui aurait dû poser la question. Et puis de quel droit utilisez-vous mon prénom, hein ? pensa-t-il. Puis il se rappela tout et ferma les yeux.

            - Désolé… je suis désolé… je n'ai pas tenu…

            - Tu n'es pas responsable, lui dit gentiment Dumbledore.

            * Ben si un peu, quand même…* se dit-il avec morosité.

            La main de Severus se posa sur la sienne, sur le banc. Ils étaient derrière un pupitre et Dumbledore ne pouvait voir.

            Plume se retint de se tourner vers lui et de lui sauter dans les bras.

            - C'est quand même un peu ma faute, fit-il d'un ton un peu narquois à l'adresse du vieux sorcier. Est-ce que… est-ce que j'ai blessé… ou tué quelqu'un ? demanda-t-il plus doucement. Je ne sais plus…

            - Non, dit calmement Dumbledore. Tu as juste fais une peur bleue au Pr Deloignon.

            - Ah… tant mieux…

Les doigts se refermèrent sur les siens, amusés. C'est dingue ce qu'une main peut être expressive.

            - Et… les élèves ?

            - Ne t'inquiètes pas pour ça. Plume, est-ce que tu as une idée de l'origine de tes crises ? Ton sang elfique n'explique pas tout… Peut-être du côté de ton père ?

            - Voldemort ? demanda-t-il tranquillement.

            Dumbledore fit une légère grimace.

            - Non, ça ne vient pas de là. C'est mon arrière-grand-père qui m'a tout raconté. Sa fille à eut une liaison avec un démon-dragon… Résultat : ma mère. Qui s'est unie avec un humain, le plus terrible Mage Noir de l'époque. Résultat : moi. On ne choisit pas sa famille, hein…

            Il vit le Directeur écarquiller les yeux de stupéfaction. Les doigts se relâchèrent un moment, surpris, puis le pouce reprit caressa doucement le dos de sa main. C'était très perturbant.

            - Tu es sûr de ce que tu dis ? demanda Dumbledore avec une note incrédule dans la voix.

            - Mmh ? Oui, bien sûr. Comme vous l'avez fait remarquer, mon sang elfique n'explique pas tout. Mais si je suis un quart démon-dragon… D'où mes yeux, d'ailleurs. Je pensais que Griffe vous en avait informé. Il devait vraiment vouloir se débarrasser de moi, ajouta-t-il pensivement. Vous avez été trompé sur la marchandise…

            - C'est pour ça qu'elles se produisaient surtout aux alentours de la pleine Lune, fit Severus, un peu ailleurs.

            La main continuait son travail agréable et délicieusement dérangeant. Je rêve, se dit Plume. Je suis en train de flirter avec Severus. Non. Il ne doit pas se rendre compte…

            L'adolescent sentit la fatigue revenir brutalement à l'assaut. La voix de Dumbledore lui parvint, un peu embrumée.

            - Cela change tout… je ne crois pas… d'un autre côté… ce serait…

            Il décida de fermer les yeux, juste quelques instants. La main de Severus était là pour l'empêcher de partir et…

            - Il s'est endormi, dit Severus.

            Les deux sorciers contemplèrent le terrible fils de Voldemort qui sommeillait doucement.

            - Ses crises l'épuisent beaucoup. Puis-je l'emmener à l'infirmerie ?

            Dumbledore hésita.

            - Faites, dit-il enfin, presque à regret. Oh, Severus ! l'arrêta-t-il au moment de sortit. Comment avez-vous su pour… ?

            Le jeune professeur haussa les épaules.

            - Intuition, répondit-il laconiquement.

            Puis il sortit, Plume dans ses bras.

            - Mettez-le dans le lit du fond, Severus. Il y sera plus au calme.

            - Merci.

            L'homme jeta un coup d'œil distrait à son collègue de Sortilèges qui gisait dans l'un des lits près de la porte, la bave aux lèvres. Puis il se retourna vers l'infirmière.

            - Oh… Poppy ?

            - Oui ?

            - Je… je peux rester un peu ?

            Mme Pomfresh lui jeta un coup d'œil, comprit parfaitement que s'il s'inquiétait, ce n'était certainement pas pour le Pr Deloignon, et lui sourit.

            - Bien sûr.

            - Merci… marmonna Severus, un peu gêné, avant d'aller déposer son précieux fardeau.

            Plume ne cilla même pas lorsqu'il lui ôta ses chaussures et rabattit les draps sur lui. Jamais l'expression ''plongé dans un sommeil de plomb'' n'avait été plus appropriée.

            Severus se laissa ensuite tomber sur une chaise et se frotta les yeux, sentant toute la tension accumulée au cours de cette petite demi-heure l'envahir brusquement. Il chercha machinalement son paquet de cigarettes, avant de se rappeler où il était, et laissa alors son regard se ramener à Plume.

            L'adolescent, livide, les yeux clos entourés d'immenses cernes noires, semblait presque plus mort qu'endormi. Si Severus ne l'avait pas tenu contre lui, sentant sa chaleur, quelques secondes plus tôt, il en aurait été effrayé. Les cheveux châtains s'éparpillaient misérablement sur l'oreiller, sans vie les lèvres étaient bleuâtres.

            Mais il respirait tranquillement, sereinement. Severus sentit le poids qui lui pesait sur le cœur se relâcher un peu.

            Pour être honnête, il s'y attendait, à cette crise. Durant son enfance, Plume en subissait en général une ou deux par ans. Il avait espéré qu'un milieu plus agréable, moins sévère pour le gosse les ferait s'espacer petit à petit, peut-être même disparaître… Visiblement ce n'avait pas été le cas.

            Il fallait dire que… Dieu. Un démon-dragon. Plume s'en était plutôt bien sorti jusqu'ici, réflexion faite. Un démon-dragon…

            - Décidément on t'aura tout fait… murmura-t-il.

            Un problème de plus. Une raison de rejet de plus. Il avait autant dû en baver chez les Elfes que chez Voldemort lui-même… Il se demanda vaguement si quelqu'un était également parvenu à le maîtriser, là-bas. Non. C'était son nom que Plume avait balbutié. Il en fut bizarrement satisfait et s'en senti minable. C'était nul de penser ça.

            Enfin bref, il se retrouvait bien embêté de toutes manières. Certes, Plume était à Poudlard pour le moment, ils se côtoyaient tous les jours, et en cas de crise il pourrait intervenir. Mais l'adolescent devrait partir un jour ou l'autre, peut-être même rapidement si une deuxième crise survenait trop vite.

            Ne plus le voir ? Severus sentit son estomac se contracter. Non. Il voulait encore le voir tous les jours… peut-être même le toucher ?… Et Plume… et Plume avait accepté tout à l'heure la caresse de ses doigts et…

            Il se rendit compte que ses yeux s'attardaient sur le col entrouvert de la chemise maculée de sang, guettant la peau pâle, et ressentit avec effarement, voire même terreur, une vague de désir chaud l'envahir. Oh non. Oh non pas ça. Severus… s'il te plaît... pense à autre chose qu'à Plume contre toi, son corps sous tes mains, son souffle contre sa joue et…

            Casse-toi. C'est ça, vas-t-en, ça vaux mieux.

            Le Maître des Potions s'enfuit de l'infirmerie.

            Le lendemain soir…

            - Bonne nuit les mecs.

            - Salut.

            - 'nuit.

            - Mmh…

            Plume cala confortablement sa tête au creux de l'oreiller, et laissa libre cours à ses pensées, les yeux plongés dans l'obscurité. Il avait été stupéfait par la réaction des autres élèves, en rentrant dans la Grande Salle ce matin-là. Ou plutôt par l'absence de réactions. Il s'attendait à des regards, haineux, dégoûtés, la rengaine habituelle quoi. Et bien non : on avait un peu plaisanté sur son passage, le félicitant d'avoir mis une rouste à leur professeur de Sortilèges détesté, le complimentant sur sa forme éblouissante – c'était tout. Pas d'allusion à sa légère folie meurtrière, ou au petit incident concernant la jolie morsure de leur professeur de Potions. Même ses trois amis n'avaient pas insisté sur le sujet, se contentant de le blaguer. On le considérait juste comme un gars à qui il ne fallait désormais pas trop marcher sur les pieds.

            Il soupçonnait Dumbledore d'avoir glissé quelque liquide peu net dans la soupe du dîner de la veille, et l'en remerciait sincèrement. Il était stupéfait de la confiance que lui accordait le vieil homme : après tout, il aurait très bien pu tuer Deloignon ou un autre élève. Mais Dumbledore n'était même pas revenu sur le sujet.

            * Ecole de fous…*

            Soit ce type avait une confiance infinie en sa bonne étoile, soit il avait une confiance infinie en Snape et sa capacité à le contrôler. A ce sujet… Il ne semblait plus fâché de sa ''relation'' avec Severus. Il n'avait rien dit lorsque l'homme l'avait tenu dans ses bras. C'était comme s'il… comme s'il avait réalisé que Severus était vraiment indispensable dans ces cas-là. Bof. Tant mieux. Même s'il n'avait toujours pas compris la raison pour laquelle le vieux sorcier tenait absolument à les tenir à l'écart l'un de l'autre (à part peut-être une relation élève/professeur de mauvais aloi pour l'école ? peu probable), Plume ne s'inquiétait pas. Il le saurait bien un jour. Ou alors ce n'était pas très important.

            Severus… Ca faisait si longtemps ! Les six dernières années avaient été horribles. Personne pour le contrôler, pour le calmer. D'un commun accord avec son arrière-grand-père, il avait été convenu que les Elfes l'assommeraient et l'enfermeraient en cas de crise. Et il se réveillait, seul, dans l'une des grottes, ne sachant pas ce qu'il avait fait…

            Oui, les bras de Severus étaient mille fois plus confortables.

            En six ans il avait fait… onze crises. Les Elfes avaient vite compris qu'il valait mieux éviter de l'énerver, surtout aux pleines Lunes. Il avait bien été obligé de révéler ses origines, que les plus anciens connaissaient déjà. Double déshonneur, la fille d'un démon-dragon et d'une Elfe de la famille du chef de clan, donnant elle-même naissance au bâtard d'un sorcier humain, Mage Noir qui plus était, pour se suicider peu après. Plume était positivement a-do-ré. Sauf par Louve et Griffe, heureusement. Mais bon, c'était du passé tout ça. Concentrons-nous sur le présent.

            Et le présent…

            Severus, se dit Plume avec béatitude. C'en devient effrayant tellement je pense à lui. Je tiens tant à lui… à rester avec lui… tout le temps…

            Rêve pas trop, mon petit père. Dans un an et demi, adieu Poudlard. Et puis, il a peut-être autre chose à faire, lui.

            Une vague de panique le traversa à la pensée de le quitter encore une fois. Non ! Non… Il fut épouvanté de ce qu'il ressentait. En trois mois, l'homme lui était redevenu aussi important que lorsqu'il avait neuf ans. Peut-être même plus…

            Plus.

            Beaucoup plus.

            A neuf ans, il ne savait pas qu'il pourrait être séparé de lui. Maintenant il savait, et il avait expérimenté. Le retrouver avait été retrouver le peu de joie qui lui avait été accordé durant son encore courte vie. Et surtout le sentiment de pouvoir se reposer sur quelqu'un qui lui dirait que faire. Personne ne lui avait jamais dit que faire dans sa vie. Et, bien que puissant et intelligent, il aurait bien aimé que dans certains cas on lui indique la marche à suivre. Même si c'était une erreur. Mais qu'on ne le laisse pas se dépatouiller tout seul, par peur, dégoût, ou même respect dans le cas des serviteurs de son père qui le considéraient comme une réplique miniature de Voldemort. Sauf Severus. Severus avait dû être le seul à jamais l'avoir engueulé lorsqu'il faisait des bêtises, se dit-il.

            Mais Severus ne serait pas toujours là.

            Alors je crèverai.

            J'ai tenu six ans mais je crèverai. Parce que… parce que…

            Parce que je l'aime encore plus qu'avant.

            Je l'aime tout court.

            Je l'aime…

            …

            Hum.

            C'est très bien, Plume. Tu arrives toujours à te compliquer la vie.

            Plume ferma les yeux, enfouissant son visage dans l'oreiller.

            * Et si je m'étouffais, là ?*

            …

            Je l'aime.

            …

            Bon. Analysons, analysons.

            Il n'avait jamais envisagé de tomber amoureux, cet état lui semblant légèrement incompatible avec celui de bâtard/demi-elfe/démon-dragon, sans parler d'être le fils de Voldemort et de la Marque qui, quoique maintenant pratiquement imperceptible, orne son bras.

            La même que Severus…

            Ne nous laissons pas distraire.

            Donc pas de petite copine. Qui aurait voulu ? Pas de copain, non plus. Plume ne se posait même pas de questions à l'époque.

            Et puis il y avait eu Dimus. Mais Dimus trichait, cela ne comptait pas. Il n'y avait aucun sentiment là-dedans, juste de l'attirance, et une fois du désir.

            Et maintenant…

            Severus Snape. Je focalise décidément sur les hommes plus vieux que moi. Etait-ce seulement de l'attirance ? Car bon, il ne prétendait pas être l'innocent agneau non plus, et les mains de Sev' dans la vieille église et le corps chaud de Sev' hier et… Il enfouit son nez dans l'oreiller, tentant de se calmer. Non. Non il n'y avait pas que ça. Il y avait… indescriptible. Severus était sa vie. Oui, voilà qui résumait assez bien l'ensemble. Il sait tout de moi je sais tout de lui on est passé par la même merde on se comprend parfaitement. Et j'aime son caractère de cochon.

            Pour conclure, je ne peux plus le quitter.

            Maintenant, il faut qu'il comprenne ça.

            Ensuite, qu'il envisage la possibilité de partager sa vie avec la mienne.

            Ensuite qu'il l'accepte.

            …

            Nom de Dieu.

            Je suis pas dans la merde.

            A suivre.