Titre: Risques personnels version remaniée 10/2003
Chapitre 7 : Patience (7/7)
Auteur: R. J. Anderson
Email: rebeccaj@pobox.com
Traduit de l'anglais par dark_rogue@caramail.com
Categorie: Drama/Angst
Mots clefs: Rogue, Maugrey, cinquième année, après la coupe de feu
(Accord parental souhaitable)
"Tu," Maud dit à George sans se retourner, "m'effrayes."
"Pas à moitié autant que l'idée de toi avec Rogue m'effraie," dit George.
Elle se tourna lentement, croisa le regard franc de George . "Comment..."
"Je ne suis pas aussi bête que j'en ai l'air." Il sonnait résigné. "Si j'avais eu un doute que tu ne me disais pas la vérité entière quand tu m'as dit que tu espionnais Rogue, hier soir aurait arrangé ça. Non seulement tu as rejeté une parfaite occasion de m'embrasser - pas que je le retienne contre toi, je le soumets juste comme preuve - tu es sortie en courant dans la pluie glacée juste pour le rencontrer." Il grimaça. "J'espère juste que tu sais quelque chose à propos de lui que le reste d'entre nous ignore. Parce qu'autrement, je devrai rejeter tout ce que j'ai pensé que je savais de toi et recommencer au début."
Maud rougit. "Non ... ne le fais pas." Elle regarda le plancher. "Tu as raison ... je ne t'ai pas dit toute la vérité . Mais-" sa tête se leva de nouveau - "je n'ai pas menti, non plus. Je ne mens jamais , si je peux l'éviter."
"C'est probablement mieux ainsi," consentit George équitablement, "parc'que tu es vraiment nulle pour cela." Il fit une pause, puis ajouta avec un peu d'exaspération, "Oh, n'ai pas l'air si tragique, femme, je ne vais pas t'interroger. Même si je voulais savoir, ce ne sont pas mes oignons. Et crois-moi, si Rogue est impliqué, je ne veux pas savoir."
Elle ferma les yeux, sentant le n?ud à l'intérieur d'elle commencer à se dérouler. "George", dit-elle, "t'ai-je dit que tu es un des hommes les plus remarquables j'ai jamais rencontrés ?"
"Oh, j'aime ça," dit George, avec quelque chose de sa vieille insouciance. "Reviens me le répéter demain. Jusque-là - oublie cela, n'est-ce pas ? Je commence à devenir claustrophobe ici."
Maud lui fit un sourire reconnaissant, mit son sac sur ses épaules et partit.
* * *
Quelqu'un avait éteint les feux dans le dortoir jusqu'à ce que seulement un rougeoiement verdâtre et faible reste, baignant la pièce d'une pâleur maladive. Quand Maud entra, elle pouvait juste discerner une forme fourrée sur le lit dans le coin le plus éloigné. Elle se débarrassa négligemment de son cartable sur une chaise et approcha pour voir ce qui se passait.
"Muriel ?" demanda-t-elle prudemment.
Il n'y eut aucune réponse. Elle avança tout près, étendit la main pour toucher l'épaule de l'autre fille. "Muriel ?" "Va-t'en," dit une voix épaisse, assourdie par les couvertures.
Maud soupira et s'assit sur le bord du lit. "Ecoute", dit-elle. "Je sais que c'est pourri, mais ce n'est pas la fin du monde. Ils oublieront tout en quelques jours et-"
Muriel se redressa brusquement et tourna un visage rouge et gonflé vers elle. "La ferme!" cracha-t-elle. "Que sais-tu de quoi que ce soit ? Va- t'en! Sort juste d'ici et laisse-moi tranquille!" Quand Maud hésita, elle la regarda fixement cruellement, les yeux rougeoyant de misère et de colère : puis son visage se chiffonna et elle s'effondra de nouveau sur le lit, en pleurs.
Résignée, Maud se mit sur ses pieds, se tourna et retourna par où elle était venue. Elle était presque à la porte lorsque Muriel parla de nouveau, sa voix était un chuchotement étranglé :
"Je te déteste. Je te déteste tant. Je souhaiterais que tu sois morte." Elle prit une respiration pointue, ajouta avec venin soudain, "Je ferai en sorte que tu meures."
Un froid courut le long du la colonne vertébrale de Maud. "Tu ne parles pas sérieusement," dit-elle, faisant un effort pour garder une voix égale.
"Ah, non ?" Muriel eut un rire dur. "Bien sûr que tu as raison. Tu as toujours raison. Non, je ne te tuerai pas, pas maintenant, pas ici. Mais après Poudlard..." Elle fit une pause et son sourire amer miroita dans l'obscurité. "Tu ferais mieux de surveiller ton dos."
Les mains de Maud se serrèrent en poings. Elle resta debout un moment en silence, à peine capable de croire ce qu'elle venait d'entendre : puis brusquement elle poussa de l'épaule la porte entrouverte et partit.
Est-ce que Muriel était folle ? La rivalité d'écolière et la jalousie étaient une chose; la haine meurtrière en était une autre. Et pourtant Maud ne pouvait pas faire disparaître le sentiment que les mots de Muriel étaient plus - beaucoup plus - qu'une menace sans suite. Il n'y avait eu aucune hésitation, aucune honte dans la voix de Muriel quand elle avait parlé de tuer Maud : en effet, au-dessous de la colère superficielle il y avait une note de plaisir fervent, presque sensuel.
Et voilà, pensa Maud avec une certitude morne, comment sont faits les Mangemorts ....
Perdue dans ses propres pensées troublées, elle quitta le dortoir des Serpentards et était à la moitié du couloir quand une voix familière, fraîche vint de derrière elle. "Mlle Maugrey ?"
Maud s'arrêta, se tourna pour voir Professeur McGonagall debout là. "Oui ?" dit-elle.
"Le professeur Dumbledore voudrait vous voir dans son bureau." Elle examina Maud d'un regard pénétrant à travers ses lunettes. "Immédiatement".
Quoi encore ? se demanda Maud, mais elle suivit sans protester. Ils montèrent l'escalier et marchèrent par les couloirs pour arriver à la gargouille en pierre familière, où McGonagall s'arrêta et dit, avec une faible note de désapprobation dans sa voix, " Crème Canari."
La gargouille sauta de côté, révélant l'escalier en spirale conduisant au bureau de Dumbledore. "Allez y," dit McGonagall, comme Maud hésitait. "Il vous attend."
Maud monta sur la première marche de l'escalier, s'attendant à ce que McGonagall la suive : mais quand elle jeta un coup d'?il en arrière par dessus son épaule, le mur s'était refermé derrière elle et MacGonagall n'était plus là. Étonnée, mais un peu soulagée - au moins elle n'allait pas être appelée devant les Directeurs de maisons, ou quelque chose comme ça - Maud se laissa porter par l'escalier tournant jusqu'à ce que la porte de chêne poli familière ne soit en vue, puis elle en descendit et frappa avec hésitation avec le marteau de porte en cuivre.
"Entrez," dit Dumbledore.
Elle ouvrit la porte. Devant elle, il y avait la pièce circulaire confortable qu'elle avait visitée auparavant, ses murs alignés avec des portraits souriants, clignant, fronçant des sourcils ou sommeillant doucement d'anciens Directeurs. Fumseck était assis sur son perchoir habituel, le Choixpeau était sur son étagère et Dumbledore à son bureau; à première vue la scène entière apparaissait tout à fait ordinaire. Mais à peine avait elle fait un pas vers l'intérieur qu'une forme inattendue attrapa le coin de son ?il et elle se retourna pour voir-
"Oncle Alastor." Sa voix était un chuchotement. "Que fais-tu ici ?"
"Maudie," dit-il, son visage blanc de surprise et puis de nouveau, sauvagement, "Maudie!" Et il la prit dans ses bras dans une embrassade écrasante.
"Je n'arrive pas à y croire," grinça-t-il au-dessus de sa tête, plus près des larmes qu'elle ne l'ait jamais vu - certainement plus proche qu'elle ait jamais imaginé qu'il pourrait être. "Tu vois, gamine. Tu peux voir!"
Dumbledore se racla la gorge. "J'ai pris la liberté d'inviter Alastor ici pour une réunion privée," dit-il. "J'ai pensé que tu voudrais qu'il sache."
"Oh, oui," dit Maud avec reconnaissance, son visage enfoui sur la large épaule de Fol Oeil. Elle serra ses bras autour de lui, l'étreignant avec une chaleur égale. "Je m'étais demandé comment je pourrais te le faire savoir, alors que nous sommes supposés être fâchés - oh, Oncle, c'est si bon de te revoir!"
"Mais comment, gamine ? Comment est-ce arrivé ?" Il la relâcha et la tint à bout de bras, regardant avec incrédulité les yeux verts clairs.
Maud sourit. "Assieds toi," dit-elle, "et je te raconterai tout."
***
"Alors il m'a demandé où Athéna était ... et c'est alors que je me suis rendue compte que je pouvais voir."
Pendant un moment, après que Maud ait fini de parler, Alastor Maugrey resta assis immobile, sa tête grisonnante penchée. "Pauvre Athéna," dit-il brusquement. "Pauvre petite créature." Alors il se secoua légèrement comme pour se rappeler à lui et se rassis . "Et bien, tu as eu une drôle de nuit, c'est sûr. Content de savoir que Rogue est revenu à Poudlard en un seul morceau : il ne semblait pas trop vif quand il est parti. Et à propos, Maudie-"
Elle le regarda d'un air interrogateur.
"-ne pense pas que je n'ai pas remarqué les parties que tu as omises."
Mais Maud avait déjà prévu ce défi. "Lesquelles", dit-elle avec un calme parfait , "la partie où Professeur Rogue m'a lu un sonnet, ou la partie où nous avons dansé le tango ?"
"Reste sur tes pieds, gamine," gronda Maugrey, mais elle pouvait voir le sourire tirant au coin de sa bouche et elle savait qu'elle l'avait désarmé.
"Si vous voulez bien m'excuser," dit Dumbledore poliment, "je crois que c'était la cloche du dîner. Maud, tu peux rester avec Alastor en mon absence si tu le souhaites, mais puis-je te suggérer de ne pas manquer le repas de ce soir entièrement ?"
"Oui, professeur," dit Maud. "Je ne serai pas longue."
Dumbledore lui sourit, serra la main de son oncle et partit.
"Donc tu as accepté Rogue après tout, n'est-ce pas, Maudie ?"Dit Fol Oeil, la regardant astucieusement. Elle fit un léger signe de tête à demi embarrassé et il renifla. "Aucun goût. Bon, bien - au moins tu ne prendras pas cela trop sérieusement. Pas quand tu sais que cela ne peut pas durer."
"Cela ne peut pas durer ?"
"Bien sûr que non. C'était une chose pour toi que de travailler avec Rogue quand il semblait que tu n'aies aucune autre option : mais maintenant tu as retrouvé ta vue-"
"Nous avons déjà parlé de cela," dit-elle. "Je ne serais pas Auror, mon oncle."
"Maudie!"
"N'essaye pas de me faire changer d'avis." Sa voix était ferme. "Je sais ce que tu penses, mais ce n'est pas à cause du Professeur Rogue, pas vraiment. C'est juste que - s'il y a une chose j'ai apprise depuis mon arrivée à Poudlard, c'est que je ne suis pas aussi forte que je pensais l'être. Peut-être que c'est la faute de ces six ans que j'ai passés à Durmstrang, mais je ne peux pas avoir confiance en moi pour me battre durement et me battre encore de façon propre. Alors ... peut-être que je dois faire mon combat d'une façon différente."
Il renifla. "Et tu penses que feindre être au côté de Voldemort est plus propre ?"
"Non," dit-elle calmement, "je ne le pense pas. Et même si je le faisait, duper mes camarades de classe est une chose; duper Voldemort en est une autre. Donc je ne serai pas espionne, non plus. Ou du moins, pas cette sorte d'espionne."
Les sourcils de Fol Oeil montèrent en flèche. "Alors quoi ?"
"Je ne suis pas encore sûre. Je suis bonne observatrice, je le sais : et je sais comment analyser et interpréter ce que je vois. Peut-être ferai-je quelque chose le long de ces lignes. Ou je pourrais employer mes compétences en potions et faire médecine - s'il doit y avoir une guerre, nous aurons besoin de tout les medicomages que nous pourrons avoir. Mais je te le promets, mon oncle, je ne renonce pas. Je jure que je trouverai quelque façon de combattre Voldemort, quelque façon de faire une différence. Et une fois que je saurais ce que c'est... Je ne laisserai personne m'arrêter de faire ce que je crois être bon."
"Pas même Rogue ?" C'était un défi.
"Non," dit-elle tranquillement. "Pas même Rogue."
Un sourire lent commença à poindre à un coin de la bouche de son oncle et se propagea jusqu'à l'autre. "Ca c'est ma gamine," dit-il.
***
"Quatre grammes d'épines de Billywig séché," dit Maud, les yeux fixés sur le livre qu'elle tenait.
Rogue prit une fiole posée sur l'établi à côté de lui, et en renversa le contenu sur la balance. Les yeux rétrécis, il ajusta la quantité avec une petite cuillère d'argent avant que la mesure ne soit parfaite, puis versa la poudre scintillante dans le chaudron. "Ensuite", dit-il d'un ton croquant.
Elle dirigea son doigt vers le bas de la liste d'ingrédients. "Trois plumes de Fwooper."
"Plume de queue ou d'aile ?"
"Le dernier, je pense ... oui, d'aile."
"Couleur ? Soyez toujours précise, Mlle Maugrey."
Alors c'était Mlle Maugrey de nouveau, n'est-ce pas ? Bien, elle ne devrait pas être étonnée. Il y a quinze minutes elle avait poussé la porte avec un c?ur battant péniblement dans sa cage thoracique et une peau picotant avec une sorte d'attente craintive, seulement pour trouver un lourd livre relié de cuir poussé dans ses bras et une voix impartiale lui disant de se rendre utile. Il ne l'avait même pas regardée depuis lors.
"Rose," dit-elle d'un ton fatigué.
"Rose," répéta Rogue, ses lèvres se retroussant loin de ses dents comme si le mot l'ennuyait. "Très bien. Ensuite?"
"Deux ?ufs d'Ashwinder." Elle fut fortement tentée d'ajouter, "... et une perdrix dans un poirier,", mais elle soupçonnait que Rogue n'était pas d'humeur à plaisanter.
"C'est fait. Ensuite ?"
"Une tasse et demi de..." Elle regarda le livre, surprise. " Chocolat fondu ?"
"Oui, oui." Il fit un geste impatient. "Et après ?"
Mais Maud ne prêtait plus attention : elle lisait le reste des ingrédients. Quand elle eut fini, elle leva les yeux et dit d'une voix soigneusement mesurée, "Exactement pourquoi, si je peux demander, faites- vous un philtre d'amour ?"
"Parce que," dit Rogue, tournant dans le chaudron, "je n'en avais pas de disponible ."
Elle ferma le livre, le posa sur une chaise voisine et vint se placer debout à côté de lui. "Laissez-moi le reformuler," dit-elle. "Pourquoi penseriez-vous que vous avez besoin d'un philtre d'amour ?"
"Je n'en ai pas besoin." Il se pencha plus près du chaudron, fronçant les sourcils. "Appelleriez-vous cette couleur rouge, ou orange ?"
Maud ouvrit sa bouche pour s'adresser à lui brusquement par son nom, puis se rendit compte qu'elle n'avait plus aucune idée de comment l'appeler et la ferma de nouveau. "Orange", dit-elle après un moment.
"Cela devrait être rouge." Il émit un doux tsk d'irritation, claqua des doigts et tendit une main aux longs os. "Faites-moi voir ce livre de nouveau."
Brièvement, Maud hésita; puis elle se tourna et revint vers la chaise. Elle ramassa le livre encore une fois, l'enveloppa de ses deux bras et resta debout là en silence, attendant.
Quelques longues secondes passèrent tandis que Rogue continuait à remuer le contenu du chaudron et à froncer les sourcils. Puis il se redressa, se tourna très lentement et rencontra son regard fixe. "Mlle Maugrey," dit-il, "voudriez-vous me remettre ce livre, s'il vous plaît ?"
"Non, merci, pas maintenant. Professeur Rogue-" ça, au moins, sortait facilement - "Voudriez vous répondre à ma question, s'il vous plaît?"
Il laissa tomber la louche dans le chaudron et marcha à grands pas vers elle, ses robes sombres se gonflant. "Donnez-le moi."
Elle fila loin de lui, serrant toujours le livre contre elle. C'était un tour enfantin et au-dessous d'elle, mais c'était la seule chose à laquelle elle pouvait penser. "Désolée", dit-elle.
Silence. Elle resta debout là, obstinément immobile, attendant qu'il la rabroue ou qu'il tire violemment le livre de ses mains - il pourrait le faire, il en avait certainement la force - ou n'importe quoi d'autre, du moment qu'il arrête de jouer ce jeu d'esprit inexplicable et lui dise ce qui se passait. Doutait-il de ce qui s'était passé entre eux ce matin ? Etait-il donc vraiment si peu sûr de lui, ou d'elle, pour recourir à cela ?
Non, c'était impensable; il devait y avoir quelque autre raison. Et pourtant...
Rogue s'avança encore d'un pas, se pencha jusqu'à ce que sa bouche frôle son oreille. Avec une voix basse, presque ronronnante , il dit, "Maud. Mon amour. Si tu ne te retournes pas pour me donner le livre avant trente secondes, cette potion sera ruinée et je devrai tout recommencer . Alors, à moins que tu ne veuilles que le reste de cette soirée soit aussi ennuyeux que les quinze dernières minutes l'ont été ... donne moi le livre."
Mon amour. Maud sentit tous ses muscles se changer en beurre. Rogue mit le bras autour d'elle, prit le livre proprement de son étreinte et s'éloigna sans autre mot.
"C'était injuste," dit-elle, quand elle eut assez rassemblé ses esprits pour parler.
Rogue ne prit pas la peine de la regarder, mais le coin de sa bouche s'étira d'un coup sec en ce qui pourrait avoir été un sourire. Il étudia la recette attentivement un instant : puis il referma le livre en le clappant, ajouta encore plusieurs ingrédients au chaudron dans un enchaînement rapide et remua pendant deux pleines minutes en silence. Puis enfin il reposa la louche, lui refit face et dit d'un ton égal :
"Maintenant. Comme vous devriez le savoir, je n'ai aucun intérêt ni aucune utilité pour un philtre d'amour en lui-même. Cependant, il m'est venu à l'esprit que tenir une bouteille ou deux, suggestivement à moitié vide, sur mes étagères pourrait être ... une précaution sage, dussait notre relation être découverte."
"Pour que je puisse vous renier et m'éloigner ?" Elle était incrédule. "Jamais. Je ne vous ferais jamais cela."
Le sourire de Rogue se teinta d'amertume. "Je vous crois. Mais cela peut être nécessaire, néanmoins. Mieux vaut que Voldemort pense à vous comme à mon jouet plutôt que comme à mon amante, je vous assure : s'il semble n'y avoir aucun lien réel entre nous, il n'essayera pas d'employer l'un d'entre nous pour manipuler l'autre."
Maud avait la bouche sèche. "Mais je ne peux pas. Même si je le voulais - je ne suis pas une si bonne menteuse."
"Ca ne fait aucune différence. Même si vous juriez une dévotion éternelle pour moi, avec une si belle preuve circonstancielle -" il jeta un coup d'?il en arrière au chaudron significativement - "on ne vous croirait pas."
L'implication - que même parmi les Mangemorts, il était considéré comme si répulsif que n'importe quel rapport qu'il pourrait avoir dusse être le résultat de quelque breuvage magique - n'échappa pas à Maud. "Et alors," dit-elle doucement, souffrant pour lui, "qu'est-ce qui vous arriverait ?"
Il haussa les épaules. "Peut-être rien. Certainement que beaucoup de personnes seraient choquées, horrifiées même : mais vous êtes majeure et personne ne pourrait prouver que vous n'aviez pas agi de votre propre libre arbitre. Au pis aller, je suppose que je perdrais mon poste ici. Mais cela ferait peu pour diminuer mon utilité à Voldemort et sans aucun doute je trouverais un emploi ailleurs, avec un peu de temps."
Il parlait, pensa Maud, comme si cela n'importait que peu. Mais elle n'était pas dupe : Poudlard était sa maison, son refuge et le quitter serait comme lui arracher le c?ur. "Non", dit-elle durement. "Je ne vous laisserai pas faire cela-"
Une étincelle dangereuse s'alluma dans les profondeurs des yeux de Rogue. "Vous plus que tout autre, Maud, devriez savoir qu'il ne faut pas me dire quel prix je dois ou ne dois pas être préparé à payer. J'ai répondu à votre question; je ne demandais pas votre permission. Le sujet est clos."
"Vous n'êtes pas obligé me protéger." Sa voix était calme, mais elle n'avait aucune humilité .
"Tout à fait vrai," dit-il équitablement. "Je ne suis pas obligé de vous aimer, non plus. Y a-t-il encore d'autres déclarations évidentes à en être renversantes que vous voudriez ajouter ?"
Sa bouche était restée sobre, mais dans ses yeux l'étincelle était devenue une flamme dansante; et elle réalisa avec un léger mouvement qu'il se moquait d'elle. "Je suis sérieuse!" dit-elle, résistant à la forte envie de taper du pied de frustration.
" Sans aucun doute. Mais si vous insistez à vous laisser aller à votre inclination malheureuse pour le mélodrame en ma présence-"
"Mon inclination pour mélodrame ?" Pour un instant elle fut outrée; puis elle vit l'éclat des dents de Rogue dans le demi-jour et elle sut qu'elle venait juste de mordre à l'hameçon.
"Je vous prie de me pardonner," dit-il. "L'inclination de votre oncle pour le mélodrame, consciencieusement transmis à la génération suivante. Et bien, au moins l'un d'entre nous se le procure honnêtement."
Maud le regarda fixement. Cela avait-il vraiment été une tentative d'autodérision ?
D'un ton vif, Rogue continua : "En tout cas, il n'y a aucune raison d'agoniser, beaucoup moins de discuter, à propos de quelque chose qui peut très bien ne jamais arriver. En effet, les chances sont considérablement contre cela, maintenant que cette empoisonneuse de Mlle Groggins a été réduite au silence."
"Cela me rappelle," dit Maud, se résignant au changement de sujet. "Comment avez-vous réussi cela, exactement ?"
Il revint au chaudron, commença à répartir le breuvage dans des bouteilles. "Je n'ai rien fait - ce qui est la beauté de la chose. Chacun sait que j'ai échoué à discipliner Muriel tant que le choix m'a été laissé et que j'ai été très hors de moi quand les autres enseignants ont conspiré pour me forcer la main. Après tout, ses rumeurs étaient basées sur la supposition que j'avais vraiment une vie amoureuse - une notion sans précédent et que je devais sûrement avoir trouvée tout à fait flatteuse."
Il y avait une note d'humour désabusé dans son ton et Maud mit une main devant sa bouche pour cacher son sourire.
"Quant à la question des points perdus de Serpentard étant généralement attribués à Mlle Groggins plutôt qu'à vous," continua Rogue, "même cela n'était pas de moi. Les autres directeurs ont considéré ma punition de votre méfait excessivement dur étant données les circonstances et l'ont réduit à cinquante points. Muriel a alors reçu une réprimande sévère, a reçu comme instructions de nettoyer la volière sans utiliser de magie à la prochaine occasion disponible et s'est vue dire que les cinquante points restants seraient maintenant comptés comme sa faute. Moi, bien sûr, j'ai objecté d'avoir mon jugement rejeté-"
"Bien sûr."
"-mais hélas, mes efforts furent vains. Et pour quelque raison, mes pairs enseignants ont semblé penser qu'il était approprié de ne pas informer les étudiants de la nature de la punition de Mlle Groggins, mais de lui permettre de voir par elle-même si on croirait son témoignage."
C'était approprié, Maud dût admettre : mais pas étonnant que Muriel ait trouvé une telle pilule amère. Un instant elle fut tentée de dire à Rogue ce qui était arrivé dans le dortoir, mais elle écarta alors la pensée. Elle voulait seulement son conseil, pas son intervention; et même s'il n'était rien de plus à Maud que son directeur de Maison, une menace mortelle contre elle n'était pas quelque chose que l'on pourrait s'attendre à ce qu'il ignore. Alors au lieu de cela elle resta silencieuse et le regarda simplement travailler.
Comme il rebouchait adroitement les bouteilles il avait remplies, le regard de Maud s'attarda sur la tournure de ses poignets, les os élégants de ses mains. Le donjon était froid, comme toujours à cette époque de l'année; mais elle pouvait sentir le sang chaud pulser sous sa peau, sa bouche picoter avec le souvenir de son dernier baiser. Il semblait impossible qu'il y a vingt-quatre heures elle insistait toujours pour elle-même qu'elle n'était pas amoureuse de lui; absurde qu'il y a seize heures elle ait parlé d'amour en termes simplement philosophiques. Il n'y avait aucun sophisme, beaucoup moins de pragmatisme, en elle maintenant.
Avec une facilité due à la pratique Rogue remit les bouteilles sur l'étagère, enleva le chaudron du feu et fit disparaître les débris de l'établi avec une chiquenaude de sa baguette . Il passa une main dans ses cheveux d'un geste presque inconscient, puis se tourna et dit d'un ton badin, "La porte est fermée , bien sûr."
"Bien sûr," dit Maud, pas tout à fait fermement.
"Et j'ai pris la précaution de garder le couloir - subtilement, bien sûr - de telle sorte que si quelqu'un décide d'errer dans notre direction, je le saurai."
"Très sage à vous."
"D'autre part, je ne plaisantais pas à propos du serment que j'ai juré à votre oncle. Donc vous n'avez pas besoin de craindre que votre vertu soit en danger."
"Je sais." Elle leva la tête, le regarda dans les yeux. "Je n'ai pas peur."
Un instant il lui rendit son regard fixe sans parler; puis il fit un sourire lent et répondit, d'une voix d'autant plus forte par sa douceur : "Si, tu as peur."
Elle n'avait aucune réponse à cela, non pas seulement parce qu'elle avait beaucoup de mal à respirer.
"Ce qui est une bonne chose," continua Rogue calmement, "parce que ce serait irritant si j'étais le seul."
Maud sortit de sa transe, effrayée. "Vous ?"
Ses sourcils sombres s'arquèrent. "Bien sûr. Idiote, pensez-vous que je fais cela tous les jours ? Juste parce que vous semblez vous être persuadée de me trouver irrésistible-"
La tension se cassa : Maud rejeta la tête en arrière et rit. "Coupable de toutes les accusations," dit-elle. "Est-ce que je vraiment si transparente?"
"Cristalline." Il marcha vers elle, ses pas délibérés mais spontanés. "Transparente. Diaphane." Il souleva les cheveux de Maud, les fit glisser sur ses doigts. "Nacrée". Ses pouces effleurèrent les coins de ses yeux. "Lumineuse". Sa paume caressa sa joue. "Radieuse".
Maud leva le bras, repoussa une mèche de cheveux loin du visage de Rogue. Ils n'avaient rien de gras. Elle traça la ligne de sa pommette, où sa peau pâle rougeoyait d'or dans la lueur du feu, puis toucha ses lèvres dans une exhortation muette au silence.
"Impatiente," dit Rogue, sa voix gutturale d'amusement, mais il n'alla pas plus loin, car Maud tira sa tête vers le bas et fit taire sa bouche avec sa sienne.
Cela ne ressemblait pas à leur premier baiser, où elle avait été presque trop étonnée pour reconnaître ce qui lui arrivait; ni comme leur second, qui n'avait pas été beaucoup plus qu'un bref, tendre geste d'adieu. Ca, avec les mains de Rogue courant légèrement du bas de son dos à sa taille, ses bras enroulés autour des épaules de Rogue, leurs lèvres se capturant mutuellement , encore et encore, avec une urgence augmentant, était comme goûter du feu . Après un autre instant l'intensité devint trop forte pour elle : elle se détacha, rougit et soudainement timide.
"Désolée," haleta-t-elle. "Je ne voulais pas -"
"Si," dit-il, sonnant comme s'il était un peu à bout de souffle lui-même. "C'est juste que tu n'étais pas préparée à ce que ça serait." Il fit une pause. "Ni moi, d'ailleurs. De la part de quelqu'un qui semble définir l'amour comme une alliance de philosophies compatibles, je m'attendais à quelque chose d'un peu plus ... retenu."
Maud sourit et laissa tomber son visage contre son épaule. "Tu as oublié l'autre partie de l'héritage Maugrey ," dit-elle.
"Qui est ?"
Elle tourna la tête, ses lèvres effleurant la cavité de sa gorge. "Passion".
Rogue émit un bruit étrange, étranglé et un instant elle craint d'être allée trop loin; mais quand il parla, sa voix avait l'air peinée. "Maud", dit-il, "laissez-moi vous suggérer quelque chose. En ce moment, la dernière chose à laquelle je veux penser est ce à quoi ressemblerait le fait d'embrasser votre oncle."
Maud s'étouffa, s'étrangla, et commença à rire avec impuissance sur sa clavicule. "Vous savez que ce n'était pas ce que je voulais dire!"
"Je suis soulagé de l'entendre," dit Rogue, mêlant ses doigts dans les cheveux de Maud et lui inclinant la tête en arrière. Sa bouche était détendue, souriant faiblement; ses yeux scintillaient comme des diamants noirs au-dessous des paupières à demi fermées. "Dans ce cas ... embrasse moi encore."
***
Quelque temps plus tard, ils étaient assis ensemble devant le foyer, faisant face au feu brûlant bas. Les bras de Rogue encerclaient les épaules de Maud et son menton reposait sur le sommet de sa tête. Athéna aurait été très indignée contre lui, ne pouvait pas s'empêcher de penser Maud; elle n'aurait eu aucune place pour se percher...
Elle tressaillit. C'était toujours dur, toujours douloureux, de se rappeler que le petit hibou n'irait jamais sur son épaule de nouveau; et même l'excitation d'avoir retrouvé sa propre vue ne pouvait pas emporter cette piqûre. Sentant le picotement menaçant des larmes derrière ses yeux, elle chercha une distraction et finit par dire les premiers mots qui lui vinrent en tête :
"Vous savez," dit-elle à Rogue, "je ne sais pas comment vous appeler."
"Je pense que Maître fera l'affaire," dit-il facilement.
Elle fit un bruit ironique. "Dans tes rêves."
"Maud, si tu me rappelles ton oncle encore une fois-"
"Désolé." Elle fit une pause. "Severus ."
"Quoi ?"
"J'essayais juste. Tu aimes ton nom ?"
Il tressaillit. "Il convient. Redis le."
"Severus."
"Ca sonne bien." Sa voix devint plus vive. "Juste ne le dis pas en classe."
Elle sourit. "Ne t'inquiète pas, je ne le ferai pas. Peux-tu imaginer ?"
"Je ne préfère pas."
Silence. Distraitement, il ramassa quelque chose du plancher et l'envoya d'une pichenette dans le feu, faisant sauter les flammes et les teintant momentanément de bleu avant qu'elles ne baissent de nouveau.
"Bien sûr," dit Maud tranquillement, "nous savons tous les deux que cela ne peut pas durer."
C'était si typique de Rogue qu'il n'eut pas même besoin de lui demander ce qu'elle voulait dire. "Pas comme cela, non. Même sans Voldemort et la guerre que nous savons tous les deux arriver, ton diplôme de fin d'études s'en occuperait. Mais..." Ses bras se serrèrent autour d'elle. "Tout n'est pas perdu une fois que tu auras quitté Poudlard. Cela peut être difficile pour moi de te rendre très souvent visite, mais je te promets, que je trouverai un moyen." Il fit une pause. "À moins que tu ne penses que tu pourrais changer d'avis sur le fait de ne pas devenir Auror."
Elle secoua la tête.
"Alors..." Il caressa ses cheveux, puis fit glisser sa main le long de son bras et entremêla ses doigts avec les siens. "Nous devrons juste attendre pour voir."
FIN
Chapitre 7 : Patience (7/7)
Auteur: R. J. Anderson
Email: rebeccaj@pobox.com
Traduit de l'anglais par dark_rogue@caramail.com
Categorie: Drama/Angst
Mots clefs: Rogue, Maugrey, cinquième année, après la coupe de feu
(Accord parental souhaitable)
"Tu," Maud dit à George sans se retourner, "m'effrayes."
"Pas à moitié autant que l'idée de toi avec Rogue m'effraie," dit George.
Elle se tourna lentement, croisa le regard franc de George . "Comment..."
"Je ne suis pas aussi bête que j'en ai l'air." Il sonnait résigné. "Si j'avais eu un doute que tu ne me disais pas la vérité entière quand tu m'as dit que tu espionnais Rogue, hier soir aurait arrangé ça. Non seulement tu as rejeté une parfaite occasion de m'embrasser - pas que je le retienne contre toi, je le soumets juste comme preuve - tu es sortie en courant dans la pluie glacée juste pour le rencontrer." Il grimaça. "J'espère juste que tu sais quelque chose à propos de lui que le reste d'entre nous ignore. Parce qu'autrement, je devrai rejeter tout ce que j'ai pensé que je savais de toi et recommencer au début."
Maud rougit. "Non ... ne le fais pas." Elle regarda le plancher. "Tu as raison ... je ne t'ai pas dit toute la vérité . Mais-" sa tête se leva de nouveau - "je n'ai pas menti, non plus. Je ne mens jamais , si je peux l'éviter."
"C'est probablement mieux ainsi," consentit George équitablement, "parc'que tu es vraiment nulle pour cela." Il fit une pause, puis ajouta avec un peu d'exaspération, "Oh, n'ai pas l'air si tragique, femme, je ne vais pas t'interroger. Même si je voulais savoir, ce ne sont pas mes oignons. Et crois-moi, si Rogue est impliqué, je ne veux pas savoir."
Elle ferma les yeux, sentant le n?ud à l'intérieur d'elle commencer à se dérouler. "George", dit-elle, "t'ai-je dit que tu es un des hommes les plus remarquables j'ai jamais rencontrés ?"
"Oh, j'aime ça," dit George, avec quelque chose de sa vieille insouciance. "Reviens me le répéter demain. Jusque-là - oublie cela, n'est-ce pas ? Je commence à devenir claustrophobe ici."
Maud lui fit un sourire reconnaissant, mit son sac sur ses épaules et partit.
* * *
Quelqu'un avait éteint les feux dans le dortoir jusqu'à ce que seulement un rougeoiement verdâtre et faible reste, baignant la pièce d'une pâleur maladive. Quand Maud entra, elle pouvait juste discerner une forme fourrée sur le lit dans le coin le plus éloigné. Elle se débarrassa négligemment de son cartable sur une chaise et approcha pour voir ce qui se passait.
"Muriel ?" demanda-t-elle prudemment.
Il n'y eut aucune réponse. Elle avança tout près, étendit la main pour toucher l'épaule de l'autre fille. "Muriel ?" "Va-t'en," dit une voix épaisse, assourdie par les couvertures.
Maud soupira et s'assit sur le bord du lit. "Ecoute", dit-elle. "Je sais que c'est pourri, mais ce n'est pas la fin du monde. Ils oublieront tout en quelques jours et-"
Muriel se redressa brusquement et tourna un visage rouge et gonflé vers elle. "La ferme!" cracha-t-elle. "Que sais-tu de quoi que ce soit ? Va- t'en! Sort juste d'ici et laisse-moi tranquille!" Quand Maud hésita, elle la regarda fixement cruellement, les yeux rougeoyant de misère et de colère : puis son visage se chiffonna et elle s'effondra de nouveau sur le lit, en pleurs.
Résignée, Maud se mit sur ses pieds, se tourna et retourna par où elle était venue. Elle était presque à la porte lorsque Muriel parla de nouveau, sa voix était un chuchotement étranglé :
"Je te déteste. Je te déteste tant. Je souhaiterais que tu sois morte." Elle prit une respiration pointue, ajouta avec venin soudain, "Je ferai en sorte que tu meures."
Un froid courut le long du la colonne vertébrale de Maud. "Tu ne parles pas sérieusement," dit-elle, faisant un effort pour garder une voix égale.
"Ah, non ?" Muriel eut un rire dur. "Bien sûr que tu as raison. Tu as toujours raison. Non, je ne te tuerai pas, pas maintenant, pas ici. Mais après Poudlard..." Elle fit une pause et son sourire amer miroita dans l'obscurité. "Tu ferais mieux de surveiller ton dos."
Les mains de Maud se serrèrent en poings. Elle resta debout un moment en silence, à peine capable de croire ce qu'elle venait d'entendre : puis brusquement elle poussa de l'épaule la porte entrouverte et partit.
Est-ce que Muriel était folle ? La rivalité d'écolière et la jalousie étaient une chose; la haine meurtrière en était une autre. Et pourtant Maud ne pouvait pas faire disparaître le sentiment que les mots de Muriel étaient plus - beaucoup plus - qu'une menace sans suite. Il n'y avait eu aucune hésitation, aucune honte dans la voix de Muriel quand elle avait parlé de tuer Maud : en effet, au-dessous de la colère superficielle il y avait une note de plaisir fervent, presque sensuel.
Et voilà, pensa Maud avec une certitude morne, comment sont faits les Mangemorts ....
Perdue dans ses propres pensées troublées, elle quitta le dortoir des Serpentards et était à la moitié du couloir quand une voix familière, fraîche vint de derrière elle. "Mlle Maugrey ?"
Maud s'arrêta, se tourna pour voir Professeur McGonagall debout là. "Oui ?" dit-elle.
"Le professeur Dumbledore voudrait vous voir dans son bureau." Elle examina Maud d'un regard pénétrant à travers ses lunettes. "Immédiatement".
Quoi encore ? se demanda Maud, mais elle suivit sans protester. Ils montèrent l'escalier et marchèrent par les couloirs pour arriver à la gargouille en pierre familière, où McGonagall s'arrêta et dit, avec une faible note de désapprobation dans sa voix, " Crème Canari."
La gargouille sauta de côté, révélant l'escalier en spirale conduisant au bureau de Dumbledore. "Allez y," dit McGonagall, comme Maud hésitait. "Il vous attend."
Maud monta sur la première marche de l'escalier, s'attendant à ce que McGonagall la suive : mais quand elle jeta un coup d'?il en arrière par dessus son épaule, le mur s'était refermé derrière elle et MacGonagall n'était plus là. Étonnée, mais un peu soulagée - au moins elle n'allait pas être appelée devant les Directeurs de maisons, ou quelque chose comme ça - Maud se laissa porter par l'escalier tournant jusqu'à ce que la porte de chêne poli familière ne soit en vue, puis elle en descendit et frappa avec hésitation avec le marteau de porte en cuivre.
"Entrez," dit Dumbledore.
Elle ouvrit la porte. Devant elle, il y avait la pièce circulaire confortable qu'elle avait visitée auparavant, ses murs alignés avec des portraits souriants, clignant, fronçant des sourcils ou sommeillant doucement d'anciens Directeurs. Fumseck était assis sur son perchoir habituel, le Choixpeau était sur son étagère et Dumbledore à son bureau; à première vue la scène entière apparaissait tout à fait ordinaire. Mais à peine avait elle fait un pas vers l'intérieur qu'une forme inattendue attrapa le coin de son ?il et elle se retourna pour voir-
"Oncle Alastor." Sa voix était un chuchotement. "Que fais-tu ici ?"
"Maudie," dit-il, son visage blanc de surprise et puis de nouveau, sauvagement, "Maudie!" Et il la prit dans ses bras dans une embrassade écrasante.
"Je n'arrive pas à y croire," grinça-t-il au-dessus de sa tête, plus près des larmes qu'elle ne l'ait jamais vu - certainement plus proche qu'elle ait jamais imaginé qu'il pourrait être. "Tu vois, gamine. Tu peux voir!"
Dumbledore se racla la gorge. "J'ai pris la liberté d'inviter Alastor ici pour une réunion privée," dit-il. "J'ai pensé que tu voudrais qu'il sache."
"Oh, oui," dit Maud avec reconnaissance, son visage enfoui sur la large épaule de Fol Oeil. Elle serra ses bras autour de lui, l'étreignant avec une chaleur égale. "Je m'étais demandé comment je pourrais te le faire savoir, alors que nous sommes supposés être fâchés - oh, Oncle, c'est si bon de te revoir!"
"Mais comment, gamine ? Comment est-ce arrivé ?" Il la relâcha et la tint à bout de bras, regardant avec incrédulité les yeux verts clairs.
Maud sourit. "Assieds toi," dit-elle, "et je te raconterai tout."
***
"Alors il m'a demandé où Athéna était ... et c'est alors que je me suis rendue compte que je pouvais voir."
Pendant un moment, après que Maud ait fini de parler, Alastor Maugrey resta assis immobile, sa tête grisonnante penchée. "Pauvre Athéna," dit-il brusquement. "Pauvre petite créature." Alors il se secoua légèrement comme pour se rappeler à lui et se rassis . "Et bien, tu as eu une drôle de nuit, c'est sûr. Content de savoir que Rogue est revenu à Poudlard en un seul morceau : il ne semblait pas trop vif quand il est parti. Et à propos, Maudie-"
Elle le regarda d'un air interrogateur.
"-ne pense pas que je n'ai pas remarqué les parties que tu as omises."
Mais Maud avait déjà prévu ce défi. "Lesquelles", dit-elle avec un calme parfait , "la partie où Professeur Rogue m'a lu un sonnet, ou la partie où nous avons dansé le tango ?"
"Reste sur tes pieds, gamine," gronda Maugrey, mais elle pouvait voir le sourire tirant au coin de sa bouche et elle savait qu'elle l'avait désarmé.
"Si vous voulez bien m'excuser," dit Dumbledore poliment, "je crois que c'était la cloche du dîner. Maud, tu peux rester avec Alastor en mon absence si tu le souhaites, mais puis-je te suggérer de ne pas manquer le repas de ce soir entièrement ?"
"Oui, professeur," dit Maud. "Je ne serai pas longue."
Dumbledore lui sourit, serra la main de son oncle et partit.
"Donc tu as accepté Rogue après tout, n'est-ce pas, Maudie ?"Dit Fol Oeil, la regardant astucieusement. Elle fit un léger signe de tête à demi embarrassé et il renifla. "Aucun goût. Bon, bien - au moins tu ne prendras pas cela trop sérieusement. Pas quand tu sais que cela ne peut pas durer."
"Cela ne peut pas durer ?"
"Bien sûr que non. C'était une chose pour toi que de travailler avec Rogue quand il semblait que tu n'aies aucune autre option : mais maintenant tu as retrouvé ta vue-"
"Nous avons déjà parlé de cela," dit-elle. "Je ne serais pas Auror, mon oncle."
"Maudie!"
"N'essaye pas de me faire changer d'avis." Sa voix était ferme. "Je sais ce que tu penses, mais ce n'est pas à cause du Professeur Rogue, pas vraiment. C'est juste que - s'il y a une chose j'ai apprise depuis mon arrivée à Poudlard, c'est que je ne suis pas aussi forte que je pensais l'être. Peut-être que c'est la faute de ces six ans que j'ai passés à Durmstrang, mais je ne peux pas avoir confiance en moi pour me battre durement et me battre encore de façon propre. Alors ... peut-être que je dois faire mon combat d'une façon différente."
Il renifla. "Et tu penses que feindre être au côté de Voldemort est plus propre ?"
"Non," dit-elle calmement, "je ne le pense pas. Et même si je le faisait, duper mes camarades de classe est une chose; duper Voldemort en est une autre. Donc je ne serai pas espionne, non plus. Ou du moins, pas cette sorte d'espionne."
Les sourcils de Fol Oeil montèrent en flèche. "Alors quoi ?"
"Je ne suis pas encore sûre. Je suis bonne observatrice, je le sais : et je sais comment analyser et interpréter ce que je vois. Peut-être ferai-je quelque chose le long de ces lignes. Ou je pourrais employer mes compétences en potions et faire médecine - s'il doit y avoir une guerre, nous aurons besoin de tout les medicomages que nous pourrons avoir. Mais je te le promets, mon oncle, je ne renonce pas. Je jure que je trouverai quelque façon de combattre Voldemort, quelque façon de faire une différence. Et une fois que je saurais ce que c'est... Je ne laisserai personne m'arrêter de faire ce que je crois être bon."
"Pas même Rogue ?" C'était un défi.
"Non," dit-elle tranquillement. "Pas même Rogue."
Un sourire lent commença à poindre à un coin de la bouche de son oncle et se propagea jusqu'à l'autre. "Ca c'est ma gamine," dit-il.
***
"Quatre grammes d'épines de Billywig séché," dit Maud, les yeux fixés sur le livre qu'elle tenait.
Rogue prit une fiole posée sur l'établi à côté de lui, et en renversa le contenu sur la balance. Les yeux rétrécis, il ajusta la quantité avec une petite cuillère d'argent avant que la mesure ne soit parfaite, puis versa la poudre scintillante dans le chaudron. "Ensuite", dit-il d'un ton croquant.
Elle dirigea son doigt vers le bas de la liste d'ingrédients. "Trois plumes de Fwooper."
"Plume de queue ou d'aile ?"
"Le dernier, je pense ... oui, d'aile."
"Couleur ? Soyez toujours précise, Mlle Maugrey."
Alors c'était Mlle Maugrey de nouveau, n'est-ce pas ? Bien, elle ne devrait pas être étonnée. Il y a quinze minutes elle avait poussé la porte avec un c?ur battant péniblement dans sa cage thoracique et une peau picotant avec une sorte d'attente craintive, seulement pour trouver un lourd livre relié de cuir poussé dans ses bras et une voix impartiale lui disant de se rendre utile. Il ne l'avait même pas regardée depuis lors.
"Rose," dit-elle d'un ton fatigué.
"Rose," répéta Rogue, ses lèvres se retroussant loin de ses dents comme si le mot l'ennuyait. "Très bien. Ensuite?"
"Deux ?ufs d'Ashwinder." Elle fut fortement tentée d'ajouter, "... et une perdrix dans un poirier,", mais elle soupçonnait que Rogue n'était pas d'humeur à plaisanter.
"C'est fait. Ensuite ?"
"Une tasse et demi de..." Elle regarda le livre, surprise. " Chocolat fondu ?"
"Oui, oui." Il fit un geste impatient. "Et après ?"
Mais Maud ne prêtait plus attention : elle lisait le reste des ingrédients. Quand elle eut fini, elle leva les yeux et dit d'une voix soigneusement mesurée, "Exactement pourquoi, si je peux demander, faites- vous un philtre d'amour ?"
"Parce que," dit Rogue, tournant dans le chaudron, "je n'en avais pas de disponible ."
Elle ferma le livre, le posa sur une chaise voisine et vint se placer debout à côté de lui. "Laissez-moi le reformuler," dit-elle. "Pourquoi penseriez-vous que vous avez besoin d'un philtre d'amour ?"
"Je n'en ai pas besoin." Il se pencha plus près du chaudron, fronçant les sourcils. "Appelleriez-vous cette couleur rouge, ou orange ?"
Maud ouvrit sa bouche pour s'adresser à lui brusquement par son nom, puis se rendit compte qu'elle n'avait plus aucune idée de comment l'appeler et la ferma de nouveau. "Orange", dit-elle après un moment.
"Cela devrait être rouge." Il émit un doux tsk d'irritation, claqua des doigts et tendit une main aux longs os. "Faites-moi voir ce livre de nouveau."
Brièvement, Maud hésita; puis elle se tourna et revint vers la chaise. Elle ramassa le livre encore une fois, l'enveloppa de ses deux bras et resta debout là en silence, attendant.
Quelques longues secondes passèrent tandis que Rogue continuait à remuer le contenu du chaudron et à froncer les sourcils. Puis il se redressa, se tourna très lentement et rencontra son regard fixe. "Mlle Maugrey," dit-il, "voudriez-vous me remettre ce livre, s'il vous plaît ?"
"Non, merci, pas maintenant. Professeur Rogue-" ça, au moins, sortait facilement - "Voudriez vous répondre à ma question, s'il vous plaît?"
Il laissa tomber la louche dans le chaudron et marcha à grands pas vers elle, ses robes sombres se gonflant. "Donnez-le moi."
Elle fila loin de lui, serrant toujours le livre contre elle. C'était un tour enfantin et au-dessous d'elle, mais c'était la seule chose à laquelle elle pouvait penser. "Désolée", dit-elle.
Silence. Elle resta debout là, obstinément immobile, attendant qu'il la rabroue ou qu'il tire violemment le livre de ses mains - il pourrait le faire, il en avait certainement la force - ou n'importe quoi d'autre, du moment qu'il arrête de jouer ce jeu d'esprit inexplicable et lui dise ce qui se passait. Doutait-il de ce qui s'était passé entre eux ce matin ? Etait-il donc vraiment si peu sûr de lui, ou d'elle, pour recourir à cela ?
Non, c'était impensable; il devait y avoir quelque autre raison. Et pourtant...
Rogue s'avança encore d'un pas, se pencha jusqu'à ce que sa bouche frôle son oreille. Avec une voix basse, presque ronronnante , il dit, "Maud. Mon amour. Si tu ne te retournes pas pour me donner le livre avant trente secondes, cette potion sera ruinée et je devrai tout recommencer . Alors, à moins que tu ne veuilles que le reste de cette soirée soit aussi ennuyeux que les quinze dernières minutes l'ont été ... donne moi le livre."
Mon amour. Maud sentit tous ses muscles se changer en beurre. Rogue mit le bras autour d'elle, prit le livre proprement de son étreinte et s'éloigna sans autre mot.
"C'était injuste," dit-elle, quand elle eut assez rassemblé ses esprits pour parler.
Rogue ne prit pas la peine de la regarder, mais le coin de sa bouche s'étira d'un coup sec en ce qui pourrait avoir été un sourire. Il étudia la recette attentivement un instant : puis il referma le livre en le clappant, ajouta encore plusieurs ingrédients au chaudron dans un enchaînement rapide et remua pendant deux pleines minutes en silence. Puis enfin il reposa la louche, lui refit face et dit d'un ton égal :
"Maintenant. Comme vous devriez le savoir, je n'ai aucun intérêt ni aucune utilité pour un philtre d'amour en lui-même. Cependant, il m'est venu à l'esprit que tenir une bouteille ou deux, suggestivement à moitié vide, sur mes étagères pourrait être ... une précaution sage, dussait notre relation être découverte."
"Pour que je puisse vous renier et m'éloigner ?" Elle était incrédule. "Jamais. Je ne vous ferais jamais cela."
Le sourire de Rogue se teinta d'amertume. "Je vous crois. Mais cela peut être nécessaire, néanmoins. Mieux vaut que Voldemort pense à vous comme à mon jouet plutôt que comme à mon amante, je vous assure : s'il semble n'y avoir aucun lien réel entre nous, il n'essayera pas d'employer l'un d'entre nous pour manipuler l'autre."
Maud avait la bouche sèche. "Mais je ne peux pas. Même si je le voulais - je ne suis pas une si bonne menteuse."
"Ca ne fait aucune différence. Même si vous juriez une dévotion éternelle pour moi, avec une si belle preuve circonstancielle -" il jeta un coup d'?il en arrière au chaudron significativement - "on ne vous croirait pas."
L'implication - que même parmi les Mangemorts, il était considéré comme si répulsif que n'importe quel rapport qu'il pourrait avoir dusse être le résultat de quelque breuvage magique - n'échappa pas à Maud. "Et alors," dit-elle doucement, souffrant pour lui, "qu'est-ce qui vous arriverait ?"
Il haussa les épaules. "Peut-être rien. Certainement que beaucoup de personnes seraient choquées, horrifiées même : mais vous êtes majeure et personne ne pourrait prouver que vous n'aviez pas agi de votre propre libre arbitre. Au pis aller, je suppose que je perdrais mon poste ici. Mais cela ferait peu pour diminuer mon utilité à Voldemort et sans aucun doute je trouverais un emploi ailleurs, avec un peu de temps."
Il parlait, pensa Maud, comme si cela n'importait que peu. Mais elle n'était pas dupe : Poudlard était sa maison, son refuge et le quitter serait comme lui arracher le c?ur. "Non", dit-elle durement. "Je ne vous laisserai pas faire cela-"
Une étincelle dangereuse s'alluma dans les profondeurs des yeux de Rogue. "Vous plus que tout autre, Maud, devriez savoir qu'il ne faut pas me dire quel prix je dois ou ne dois pas être préparé à payer. J'ai répondu à votre question; je ne demandais pas votre permission. Le sujet est clos."
"Vous n'êtes pas obligé me protéger." Sa voix était calme, mais elle n'avait aucune humilité .
"Tout à fait vrai," dit-il équitablement. "Je ne suis pas obligé de vous aimer, non plus. Y a-t-il encore d'autres déclarations évidentes à en être renversantes que vous voudriez ajouter ?"
Sa bouche était restée sobre, mais dans ses yeux l'étincelle était devenue une flamme dansante; et elle réalisa avec un léger mouvement qu'il se moquait d'elle. "Je suis sérieuse!" dit-elle, résistant à la forte envie de taper du pied de frustration.
" Sans aucun doute. Mais si vous insistez à vous laisser aller à votre inclination malheureuse pour le mélodrame en ma présence-"
"Mon inclination pour mélodrame ?" Pour un instant elle fut outrée; puis elle vit l'éclat des dents de Rogue dans le demi-jour et elle sut qu'elle venait juste de mordre à l'hameçon.
"Je vous prie de me pardonner," dit-il. "L'inclination de votre oncle pour le mélodrame, consciencieusement transmis à la génération suivante. Et bien, au moins l'un d'entre nous se le procure honnêtement."
Maud le regarda fixement. Cela avait-il vraiment été une tentative d'autodérision ?
D'un ton vif, Rogue continua : "En tout cas, il n'y a aucune raison d'agoniser, beaucoup moins de discuter, à propos de quelque chose qui peut très bien ne jamais arriver. En effet, les chances sont considérablement contre cela, maintenant que cette empoisonneuse de Mlle Groggins a été réduite au silence."
"Cela me rappelle," dit Maud, se résignant au changement de sujet. "Comment avez-vous réussi cela, exactement ?"
Il revint au chaudron, commença à répartir le breuvage dans des bouteilles. "Je n'ai rien fait - ce qui est la beauté de la chose. Chacun sait que j'ai échoué à discipliner Muriel tant que le choix m'a été laissé et que j'ai été très hors de moi quand les autres enseignants ont conspiré pour me forcer la main. Après tout, ses rumeurs étaient basées sur la supposition que j'avais vraiment une vie amoureuse - une notion sans précédent et que je devais sûrement avoir trouvée tout à fait flatteuse."
Il y avait une note d'humour désabusé dans son ton et Maud mit une main devant sa bouche pour cacher son sourire.
"Quant à la question des points perdus de Serpentard étant généralement attribués à Mlle Groggins plutôt qu'à vous," continua Rogue, "même cela n'était pas de moi. Les autres directeurs ont considéré ma punition de votre méfait excessivement dur étant données les circonstances et l'ont réduit à cinquante points. Muriel a alors reçu une réprimande sévère, a reçu comme instructions de nettoyer la volière sans utiliser de magie à la prochaine occasion disponible et s'est vue dire que les cinquante points restants seraient maintenant comptés comme sa faute. Moi, bien sûr, j'ai objecté d'avoir mon jugement rejeté-"
"Bien sûr."
"-mais hélas, mes efforts furent vains. Et pour quelque raison, mes pairs enseignants ont semblé penser qu'il était approprié de ne pas informer les étudiants de la nature de la punition de Mlle Groggins, mais de lui permettre de voir par elle-même si on croirait son témoignage."
C'était approprié, Maud dût admettre : mais pas étonnant que Muriel ait trouvé une telle pilule amère. Un instant elle fut tentée de dire à Rogue ce qui était arrivé dans le dortoir, mais elle écarta alors la pensée. Elle voulait seulement son conseil, pas son intervention; et même s'il n'était rien de plus à Maud que son directeur de Maison, une menace mortelle contre elle n'était pas quelque chose que l'on pourrait s'attendre à ce qu'il ignore. Alors au lieu de cela elle resta silencieuse et le regarda simplement travailler.
Comme il rebouchait adroitement les bouteilles il avait remplies, le regard de Maud s'attarda sur la tournure de ses poignets, les os élégants de ses mains. Le donjon était froid, comme toujours à cette époque de l'année; mais elle pouvait sentir le sang chaud pulser sous sa peau, sa bouche picoter avec le souvenir de son dernier baiser. Il semblait impossible qu'il y a vingt-quatre heures elle insistait toujours pour elle-même qu'elle n'était pas amoureuse de lui; absurde qu'il y a seize heures elle ait parlé d'amour en termes simplement philosophiques. Il n'y avait aucun sophisme, beaucoup moins de pragmatisme, en elle maintenant.
Avec une facilité due à la pratique Rogue remit les bouteilles sur l'étagère, enleva le chaudron du feu et fit disparaître les débris de l'établi avec une chiquenaude de sa baguette . Il passa une main dans ses cheveux d'un geste presque inconscient, puis se tourna et dit d'un ton badin, "La porte est fermée , bien sûr."
"Bien sûr," dit Maud, pas tout à fait fermement.
"Et j'ai pris la précaution de garder le couloir - subtilement, bien sûr - de telle sorte que si quelqu'un décide d'errer dans notre direction, je le saurai."
"Très sage à vous."
"D'autre part, je ne plaisantais pas à propos du serment que j'ai juré à votre oncle. Donc vous n'avez pas besoin de craindre que votre vertu soit en danger."
"Je sais." Elle leva la tête, le regarda dans les yeux. "Je n'ai pas peur."
Un instant il lui rendit son regard fixe sans parler; puis il fit un sourire lent et répondit, d'une voix d'autant plus forte par sa douceur : "Si, tu as peur."
Elle n'avait aucune réponse à cela, non pas seulement parce qu'elle avait beaucoup de mal à respirer.
"Ce qui est une bonne chose," continua Rogue calmement, "parce que ce serait irritant si j'étais le seul."
Maud sortit de sa transe, effrayée. "Vous ?"
Ses sourcils sombres s'arquèrent. "Bien sûr. Idiote, pensez-vous que je fais cela tous les jours ? Juste parce que vous semblez vous être persuadée de me trouver irrésistible-"
La tension se cassa : Maud rejeta la tête en arrière et rit. "Coupable de toutes les accusations," dit-elle. "Est-ce que je vraiment si transparente?"
"Cristalline." Il marcha vers elle, ses pas délibérés mais spontanés. "Transparente. Diaphane." Il souleva les cheveux de Maud, les fit glisser sur ses doigts. "Nacrée". Ses pouces effleurèrent les coins de ses yeux. "Lumineuse". Sa paume caressa sa joue. "Radieuse".
Maud leva le bras, repoussa une mèche de cheveux loin du visage de Rogue. Ils n'avaient rien de gras. Elle traça la ligne de sa pommette, où sa peau pâle rougeoyait d'or dans la lueur du feu, puis toucha ses lèvres dans une exhortation muette au silence.
"Impatiente," dit Rogue, sa voix gutturale d'amusement, mais il n'alla pas plus loin, car Maud tira sa tête vers le bas et fit taire sa bouche avec sa sienne.
Cela ne ressemblait pas à leur premier baiser, où elle avait été presque trop étonnée pour reconnaître ce qui lui arrivait; ni comme leur second, qui n'avait pas été beaucoup plus qu'un bref, tendre geste d'adieu. Ca, avec les mains de Rogue courant légèrement du bas de son dos à sa taille, ses bras enroulés autour des épaules de Rogue, leurs lèvres se capturant mutuellement , encore et encore, avec une urgence augmentant, était comme goûter du feu . Après un autre instant l'intensité devint trop forte pour elle : elle se détacha, rougit et soudainement timide.
"Désolée," haleta-t-elle. "Je ne voulais pas -"
"Si," dit-il, sonnant comme s'il était un peu à bout de souffle lui-même. "C'est juste que tu n'étais pas préparée à ce que ça serait." Il fit une pause. "Ni moi, d'ailleurs. De la part de quelqu'un qui semble définir l'amour comme une alliance de philosophies compatibles, je m'attendais à quelque chose d'un peu plus ... retenu."
Maud sourit et laissa tomber son visage contre son épaule. "Tu as oublié l'autre partie de l'héritage Maugrey ," dit-elle.
"Qui est ?"
Elle tourna la tête, ses lèvres effleurant la cavité de sa gorge. "Passion".
Rogue émit un bruit étrange, étranglé et un instant elle craint d'être allée trop loin; mais quand il parla, sa voix avait l'air peinée. "Maud", dit-il, "laissez-moi vous suggérer quelque chose. En ce moment, la dernière chose à laquelle je veux penser est ce à quoi ressemblerait le fait d'embrasser votre oncle."
Maud s'étouffa, s'étrangla, et commença à rire avec impuissance sur sa clavicule. "Vous savez que ce n'était pas ce que je voulais dire!"
"Je suis soulagé de l'entendre," dit Rogue, mêlant ses doigts dans les cheveux de Maud et lui inclinant la tête en arrière. Sa bouche était détendue, souriant faiblement; ses yeux scintillaient comme des diamants noirs au-dessous des paupières à demi fermées. "Dans ce cas ... embrasse moi encore."
***
Quelque temps plus tard, ils étaient assis ensemble devant le foyer, faisant face au feu brûlant bas. Les bras de Rogue encerclaient les épaules de Maud et son menton reposait sur le sommet de sa tête. Athéna aurait été très indignée contre lui, ne pouvait pas s'empêcher de penser Maud; elle n'aurait eu aucune place pour se percher...
Elle tressaillit. C'était toujours dur, toujours douloureux, de se rappeler que le petit hibou n'irait jamais sur son épaule de nouveau; et même l'excitation d'avoir retrouvé sa propre vue ne pouvait pas emporter cette piqûre. Sentant le picotement menaçant des larmes derrière ses yeux, elle chercha une distraction et finit par dire les premiers mots qui lui vinrent en tête :
"Vous savez," dit-elle à Rogue, "je ne sais pas comment vous appeler."
"Je pense que Maître fera l'affaire," dit-il facilement.
Elle fit un bruit ironique. "Dans tes rêves."
"Maud, si tu me rappelles ton oncle encore une fois-"
"Désolé." Elle fit une pause. "Severus ."
"Quoi ?"
"J'essayais juste. Tu aimes ton nom ?"
Il tressaillit. "Il convient. Redis le."
"Severus."
"Ca sonne bien." Sa voix devint plus vive. "Juste ne le dis pas en classe."
Elle sourit. "Ne t'inquiète pas, je ne le ferai pas. Peux-tu imaginer ?"
"Je ne préfère pas."
Silence. Distraitement, il ramassa quelque chose du plancher et l'envoya d'une pichenette dans le feu, faisant sauter les flammes et les teintant momentanément de bleu avant qu'elles ne baissent de nouveau.
"Bien sûr," dit Maud tranquillement, "nous savons tous les deux que cela ne peut pas durer."
C'était si typique de Rogue qu'il n'eut pas même besoin de lui demander ce qu'elle voulait dire. "Pas comme cela, non. Même sans Voldemort et la guerre que nous savons tous les deux arriver, ton diplôme de fin d'études s'en occuperait. Mais..." Ses bras se serrèrent autour d'elle. "Tout n'est pas perdu une fois que tu auras quitté Poudlard. Cela peut être difficile pour moi de te rendre très souvent visite, mais je te promets, que je trouverai un moyen." Il fit une pause. "À moins que tu ne penses que tu pourrais changer d'avis sur le fait de ne pas devenir Auror."
Elle secoua la tête.
"Alors..." Il caressa ses cheveux, puis fit glisser sa main le long de son bras et entremêla ses doigts avec les siens. "Nous devrons juste attendre pour voir."
FIN
