Titre: Si nous survivons - Chapitre 6: Tristes Amis (6/11) version modifiée 10/2003

Author: R. J. Anderson

Email: rebeccaj@pobox.com

Traduit de l'anglais par dark_rogue@caramail.com

Category: Drama/Angst/Romance

Mots-clefs: Rogue, George, après la coupe de feu, Voldemort, guerre

(Accord parental souhaitable)

* * * Le ciel s'obscurcissait sur Pré-au-lard et les rues vides et silencieuses reposaient sous un léger poudroiement de neige. Même sans manteau d'invisibilité pour la protéger, l'apparition de Maud dans l'allée à côté des Trois Balais serait probablement passée inaperçue. Cependant, elle ne fit pas même un pas avant d'avoir jeté un Charme de Dissimulation sur les semelles de ses bottes et de les avoir soigneusement essayées pour s'assurer qu'elles ne laisseraient aucune empreinte de pas.

Ce fut une longue marche froide et mettant les nerfs à l'épreuve pour sortir du village, passer devant de la station de chemin de fer et autour du lac. Un vent mince, glacial sifflait autour d'elle, ses doigts froids tirant son manteau de côté, glissant même entre les couches de ses robes. La route était pierreuse et inégale et plus d'une fois ses pieds faillirent lui échapper, la faisant s'agripper convulsivement aux deux petites bouteilles liées à sa ceinture. Maud tremblait d'appréhension autant que de froid lorsqu'elle atteint les portes de Poudlard - et elle les trouva fermées.

Non seulement cela, elles étaient fermées à clef. Le treillis en fer forgé avec son embrouillement élégant d'ornementation pourrait avoir été un morceau simple de métal défendant son chemin : il semblait n'y avoir aucune clenche visible sur les portes, ou même une couture entre eux. Et n'était absolument pas question de les contourner non plus- les colonnes en pierre imposantes de chaque côté, avec leur statuettes symétriques de verrats ailés, étaient un obstacle aussi intimidant .

Maud recula, pensant durement. Les flasques de jus d'Erumpent qu'elle avait avec elle seraient presque certainement suffisantes pour souffler les portes ouvertes. Mais ce ne serait pas discret, pour dire le moindre; et elle pourrait encore avoir besoin de ces bouteilles pour sa propre protection. Elle pourrait, bien sûr, se soulever par lévitation et flotter par dessus les portes; ou se rendre insubstancielle et passer à travers; ou se faire rétrécir et ramper dessous. Mais serait-ce vraiment si facile ? Elle pourrait juste terminer à faire retentir une alarme, ou marcher dans quelque piège.

D'autre part, son oncle savait autant de Poudlard que qui que ce soit et il n'avait jamais dit qu'arriver au château serait impossible - seulement que cela pourrait être dangereux. En plus, en ce qui concernait Poudlard, Maud n'était ni étrangère, ni ennemie : elle avait été élève là elle-même il y a quelques mois seulement et ses intentions était entièrement bienfaisante. Sûrement que cela compterait pour quelque chose ?

Bien, il y avait seulement une façon de le découvrir. Maud allongea sa main et toucha les portes.

Pendant un moment terrible, rien n'arriva. Alors, doucement et silencieusement comme un souffle exhalé, les portes se séparèrent par le milieu et s'ouvrirent. La route se déroulait devant elle, une piste aux ornières profondes scintillant de gel. Maud redressa ses épaules, tira la cape d'invisibilité plus près d'elle et commença à grimper lourdement la colline vers Poudlard.

* * *

Lorsqu'elle atteint l'entrée principale de l'école, les dents de Maud claquaient. Ses jambes tremblaient de fatigue après cette montée raide de vingt minutes et son mal de tête était revenu à pleine force. Pour la première fois elle se trouva à penser, que fais-je ici ? C'était un risque fou qu'elle avait pris de venir à Poudlard et Rogue pourrait très bien être fâché en la voyant - après tout, si elle était découverte, cela pourrait sérieusement les mettre en danger tous les deux.

Les portes d'entrée de l'école - deux blocs massifs de chêne attachés par du fer - se dressaient devant elle. Pendant un instant elle les regarda d'un air fatigué, luttant avec la tentation de repartir. Mais alors elle se rappela que Dumbledore était mort et que rien ne serait jamais plus pareil; qu'un fait dur et dévastateur l'avait conduite ici et la poussait en avant maintenant. Elle prit une respiration profonde, tira une des portes ouvertes en une fente et se glissa à l'intérieur.

Le château était frais et calme, les couloirs vaguement éclairés. Il semblait n'y avoir personne alentour, ce qui était logique; le repas du soir serait fini à cette heure et les étudiants expédiés à leurs salles communes pour la nuit. Maud se glissa silencieusement à travers le vestibule et descendait l'escalier vers les cachots. Elle était à mi-chemin du couloir, une ombre vacillante parmi les ombres, quand-

"-bonne chose que quelqu'un ait le sens de la perspective par ici," vint une voix inopinément de plus loin devant elle. Maud sursauta et s'aplatit contre le mur juste à temps pour voir Draco Malfoy apparaître au tournant, avec Crabbe et Goyle traînant les pieds dans son sillage.

Draco avait grandi depuis qu'elle l'avait vu pour la dernière fois et les traits pointus, propres de son visage étaient plus prononcés; ses cheveux brillaient d'argent dans la lumière des torches et ses yeux pâles étaient rétrécis, le faisant ressembler plutôt à un homme qu'à un garçon. Le ton moqueur de sa voix, cependant, n'avait pas changé un brin. "Alors Dumbledore est parti. Et alors ? Bon débarras, je dis. Vous ne me verrez pas verser une larme sur lui. Si vous me demandez, le Seigneur des Ténèbres nous a fait à tous une faveur : il était grand temps que nous ayons un changement de direction ici."

Crabbe et Goyle acquiescèrent ensemble.

"Bien sûr, McGonagall est aussi inutile. L'avez-vous vu sangloter dans son mouchoir quand Rogue nous a dit ce qui était arrivé ?" Sa lèvre se frisa. "Pathétique. Et quand les Gryffondors ont tous commencé à pleurnicher et larmoyer avec elle.... Pas étonnant que Rogue ait eu l'air de vouloir vomir sur eux tous. Je sais que je l'ai presque fait."

Il s'arrêta au milieu du couloir, se tourna face au mur blanc. "Main de la Gloire," dit-il d'une voix ennuyée et l'entrée de la salle commune des Serpentards bailla ouverte. En entrant, ses copains le suivant de près, il reprit son monologue : "maintenant Rogue ferait un Directeur convenable - mais alors, c'est ce que j'ai toujours dit .."

La porte se ferma, coupant ses mots et laissant le couloir vide de nouveau. Maud relâcha son souffle, se redressa et continua à marcher, les mots dédaigneux de Draco se répercutant toujours dans son esprit : que Rogue ait eu l'air de vouloir vomir ...

Pas de doute, pensa-t-elle tristement.

Quand elle fit une pause pour examiner la salle de classe de potions, la porte du bureau de Rogue était entrebâillée, jetant une lumière blême dans l'obscurité au-delà . Tranquillement elle passa entre les tables, mit son oeil à la fente de la porte et regarda à l'intérieur.

Rogue était assis à son bureau, penché en arrière dans sa chaise avec une longue jambe passée au-dessus de l'autre. Une plume tournoyait lentement entre ses doigts, et une page à demi finie était posée devant lui, mais il ne faisait aucune attention à elles. Son autre main était posée sur son genou, s'arrondissant lâchement autour de quelque objet petit, arrondi, mais il ne regardait pas cela, non plus. Il regardait le feu.

Dans le demi-jour ses yeux étaient des cavités sombres et les coins de sa bouche étaient tirés vers le bas; de temps en temps il passait une main sur son front comme s'il était douloureux et elle le vit avaler convulsivement. Ses cheveux décharnés tombaient sur ses épaules et la pâleur malsaine de sa peau était plus prononcée que jamais. Maud brûlait douloureusement d'aller vers lui, mais elle se retint, sachant que ce n'était ni le temps, ni le lieu. Elle devrait simplement attendre qu'il ne se retire à un emplacement plus privé.

Pendant plusieurs minutes Rogue resta assis immobile, regardant fixement les flammes. Puis il laissa échapper un souffle long, délibéré et ses doigts se serrèrent autour de l'objet qu'il tenait. Sa bouche se tordit et il se tira hors de sa chaise dans un mouvement fluide, impatient, se dirigeant vers la porte - et Maud.

Elle eut à peine le temps de sauter hors du chemin avant qu'il n'ouvre la porte brusquement et ne marche à grands pas dans l'obscurité, ses robes noires tourbillonnant autour de lui. Maud attendit qu'il soit dix bons pas devant elle; puis elle tira la cape d'invisibilité plus près d'elle et le suivit, se déplaçant aussi silencieusement qu'elle le pouvait.

Son corps entier rigide de tension, Rogue marcha à grands pas dans le couloir vers une autre porte, qu'il ouvrit avec un mot brusquement murmuré et un coup de sa baguette. Elle s'ouvrit et il entra. Maud compta trois battements de c?ur, pour le laisser s'écarter de l'embrasure; puis elle abandonna la discrétion pour la vitesse et fila comme une flèche après lui.

La porte se referma derrière eux et la clenche cliqueta . Maud jeta un coup d'?il autour à la pièce éclairée par une cheminée, chichement meublée et la reconnut immédiatement : la chambre à coucher de Rogue. Elle avait été ici seulement une fois auparavant et cela plusieurs mois auparavant, mais cela ne semblait pas avoir changé un iota depuis.

Elle eut à peine assez de temps pour finir cette pensée avant que Rogue ne se retourne en un éclair, les yeux flamboyant et ne balaye soudain l'air devant son visage. Instinctivement elle s'élança loin de lui, perdit l'équilibre et tomba presque , ses bottines grattant contre la pierre comme elle s'efforçait de regagner son appui. La mâchoire de Rogue se serra, une veine sur sa tempe palpitant à la surface; il regarda fixement la place où Maud avait été debout et un mot simple siffla hors de sa gorge :

"Potter."

Maud reprit son souffle et s'étrangla. Lorsque Rogue la traqua en avant, ses traits tordus de fureur, elle recula, sachant à peine où elle allait. Sa hanche frappa contre une petite table -qui commença à se renverser - elle tourbillonna instinctivement pour l'attraper - et à cet instant Rogue la saisit.

Ses mains se fermèrent autour de ses poignets, sa poigne implacable, incassable; le visage qui se penchait près du sien était tordu de colère au- dessous d'un éclat miroitant de sueur. Il cracha, "Je vous ai averti de me laisser tranquille, Potter. Mais vous ne m'écoutez jamais - toujours si abominablement sûr de vous - et venir m'espionner avec cette maudite cape d'invisibilité , ce soir, de toutes les nuits-"

Elle essaya de parler, mais tout ce qui sortit fut un gargouillis; elle essaya de libérer ses mains, mais il était trop fort pour elle. Son regard sombre, fixe légèrement déconcentré se rétrécit et sa poigne se desserra un peu, mais il ne la lâcha toujours pas.

"Même Black n'aurait pas eu le culot de faire ce que vous venez de faire, Potter," dit-il d'une voix serrée. "Que - faudra -t-- il -" Il la secoua pour insister - "pour que vous arrêtiez de fourrer votre nez dans mes affaires privées ? Que dois-je faire pour vous faire avoir peur de moi ?" Sa voix s'abaissa en un chuchotement enroué : "Parce que vous devriez avoir peur, Potter. Particulièrement ce soir."

Ses yeux scintillaient dangereusement comme il parlait, froids et insondables et noirs comme le péché et en les regardant Maud eut en effet peur - mais pas pour elle. Parce que dans leurs profondeurs elle voyait les bords déchiquetés de sa douleur, de sa misère et cela lui perça le c?ur. A ce moment elle retrouva sa voix, hoqueta :

"Severus."

Sa mâchoire devint lâche d'étonnement et il laissa tomber les poignets de Maud. À la hâte Maud souleva ses mains, les porta à sa gorge, mania gauchement l'attache pour l'ouvrir et laissa glisser la cape d'invisibilité sur le plancher à ses pieds.

Rogue fit - ou plutôt tituba - un pas en arrière, son visage drainé de toute couleur. Il la regarda fixement pendant un long moment, le choc mélangé à de la colère, de la crainte et du désir nus dans son regard ; puis il mit ses mains sur son visage et se détourna. "Va-t-en", dit-il d'une voix assourdie. "Ne me touche pas, ne me parle pas, ne me regarde même pas, juste va-t-en. Maintenant ."

Elle s'était attendue à trouver ses émotions à cru; mais le désespoir de sa voix était différent de tout ce qu'elle avait entendu auparavant. Cependant, maintenant qu'elle lui faisait face enfin, elle sentit un calme étrange se répandre en elle. "Pas cette fois," dit-elle tranquillement. "Tu as besoin de moi."

Il laissa retomber ses mains, les serra sur ses côtés. "Ce dont j'ai besoin," dit-il avec une sauvagerie soudaine, "c'est d'être laissé en paix. Tu n'aurais jamais dû venir ici."

Mais il ne la regardait pas en parlant et il y avait un tremblement de sa voix qui trahissait le mensonge de ses mots. Maud l'observa un moment en silence; puis elle avança et ramassa le petit objet qui était tombé de sa main quand il avait fait sa première tentative pour l'attraper.

C'était Athéna.

Doucement elle posa le petit hibou - heureusement intact après sa chute - sur le manteau de la cheminée, puis se baissa pour attiser le feu et accrocher un chaudron sur la flamme. Tandis que Rogue restait debout rigide et sans bouger, le regard vide fixé dans l'obscurité, elle commença à ajouter des ingrédients : camomille, un soupçon de Valériane, ailes de mite en poudre, houblon, toiles d'araignée, un tout petit bout de laitue sauvage...

Elle remua le breuvage lentement jusqu'à ce qu'il commence à bouillir et à dégager des frisettes minces de vapeur. Alors elle tira le fauteuil à haut dossier de Rogue tout près du feu et tira une autre chaise à côté . Retournant au chaudron, elle remplit deux tasses de thé relaxant et les posa sur le manteau de la cheminée pour les laisser refroidir un peu. Finalement elle revint en marchant vers Rogue, qui n'avait pas bougé pendant tout ce temps et dit, "Viens t'asseoir."

Il ferma les yeux. "Maud-"

"Ne discute pas. Viens ."

Un soupir lui échappa et ses épaules s'effondrèrent. Maud retourna à la cheminée pour aller chercher le thé et quand elle se retourna de nouveau Rogue était assis dans le fauteuil, le regard morne fixé sur les flammes. Elle lui remit une tasse, puis s'assit à côté de lui et prit une petite gorgée de son mélange, pensivement. Ce n'était pas exactement plaisant, mais c'était buvable et elle pouvait sentir la tension de ses muscles se détendre un peu comme sa chaleur courrait en elle.

Pendant quelque temps ils restèrent assis là, côte à côte, sans parler ou même se regarder. Alors Rogue dit d'une voix basse :

"Je te dois des excuses."

Elle remua et cligna des yeux. "Ce n'est pas grave."

"Si. T'ai-je fait mal ?"

"Seulement un peu. Je vais bien maintenant." Elle hésita. "Je ... comprends que tu as eu quelques problèmes avec Harry aujourd'hui."

Ses mains maigres se serrèrent autour de la tasse qu'il tenait. "On pourrait dire cela , oui."

Maud ne dit rien, attendant qu'il continue. Quand il rompit le silence de nouveau, sa voix était rugueuse: "Il me tient responsable de la mort de Dumbledore. Et je n'ai ni les moyens, ni l'inclination de le convaincre du contraire. Si l'ennemi le plus détesté de Voldemort est convaincu..."

"Tu penses qu'il le croit vraiment ?"

Il eut un rire court. "Je n'ai pas besoin de le penser . Il me l'a dit en face. Et pourquoi pas ? Je n'ai montré aucun chagrin quand je suis revenu et ai dit aux autres ce que j'avais vu. J'ai été froid, j'ai été impitoyable, j'ai rabroué les élèves qui pleuraient et ai crié après ceux qui enrageaient. Je me suis même permis de montrer un flash d'exultation dans un moment apparemment sans surveillance." Sa bouche se tordit dans une haine-moqueuse. "Chaque centimètre Mangemort - c'était peut-être ma plus belle performance."

Maud regarda sa tasse. "Je vois."

"La pitié et la sympathie, je les laisse à Minerva. Elle est directrice de Poudlard maintenant." Il fit une pause, son visage gris et soudainement vieux, ajouta, "Pour l'instant," et avala le reste de son thé comme pour essayer de trouver l'oubli dans la boisson.

"Pour l'instant ?"

"Un court instant, si le Seigneur de Ténèbres a son mot à dire. Je suis maintenant dans la position peu enviable de devoir simultanément soutenir Minerva et saper subtilement son autorité à tout moment, sans basculer ma main vers elle ou vers Voldemort." Il leva sa tasse vide dans une moquerie cynique d'un toast. "Enfin, un défi réel. Réjouis-toi avec moi."

"Est-ce qu'elle sait ... ce que tu pourrais devoir faire ?"

Il secoua sa tête. "Dumbledore ne lui a jamais dit. Les plans que nous concevions, nos espoirs et nos craintes pour l'avenir de Poudlard étaient seulement connus de lui ... et moi."

"Alors..." Maud hésita. "Elle pourrait te renvoyer, si elle doutait de ta loyauté."

"Elle ne le fera pas. Cela, aussi, nous l'avions prévu. Je me suis permis de montrer quelque peu plus d'humanité en présence du Professeur McGonagall que je n'en ai jamais montré aux élèves; elle me voit comme strict et de temps en temps excessivement exigeant envers mes élèves, mais elle croit aussi que Dumbledore n'a fait aucune erreur en m'embauchant. Je suis le Directeur adjoint maintenant."

"Draco pense que tu devrais être Directeur."

"De même que son père - ce qui est plus essentiel." Il regarda sa tasse. "Lucius Malfoy peut avoir été exposé comme Mangemort, mais il exerce toujours une influence considérable sur les membres du conseil d'administration. Si Minerva se prouve être trop un obstacle pour les ambitions de Voldemort à Poudlard, elle sera, je n'en doute pas , écartée. Mais avec moi ici pour intercéder, ce sera le pire qui lui arrivera." Il donna un éclat blême de sourire. "Et ainsi continue le jeu d'échecs . Même dans la mort, Dumbledore jouait comme un maître."

Il ne lui avait toujours pas dit comment Dumbledore était mort, ou pourquoi; mais Maud le connaissait trop pour demander. Au lieu de cela elle se leva sur ses pieds, dit, "Plus de thé ?" Et avança sa main pour attraper sa tasse. Silencieusement il la lui donna et elle l'emplit à nouveau de même que la sienne, puis revint et s'assit de nouveau avec un pied plié au-dessous d'elle.

"Muriel Groggins a été arrêtée," dit-elle.

Rogue sembla étonné. "Pour quel motif ?"

"Conspiration avec un Mangemort et tentative de meurtre sur un représentant du Ministère de la Magie." Maud fit une pause, prit une petite gorgée de thé et continua calmement, "Elle a essayé de me faire embrasser par un Détraqueur à la demi-finale de la Coupe de la Ligue aujourd'hui."

"Quoi ?" Maintenant son attention était entièrement sur elle et pour le moment ses propres ennuis étaient oubliés. "Tu étais là-bas ? Mais tu ne - Quidditch n'est pas-"

Tu es séduisant quand tu es incohérent, taquina la voix d'Imogen dans son esprit, avec une irrévérence dérangeante. Maud annula la pensée, disant simplement, "Elle s'est assurée que j'y serais ," et continua à raconter l'histoire entière.

Quand elle eut fini, Rogue resta calme un instant. Enfin il dit, "Je n'ai jamais rencontré Godfrey Bigelow, en tant qu'élève ou comme Mangemort. Et même si je l'avais fait , je n'aurais pas supposé qu'il était le cousin de Muriel." Son visage se durcit. "Mais je le connaîtrai maintenant."

"Attends, j'ai oublié encore une chose." Maud avala son thé. "Il y a déjà une plaisanterie circulant dans le Département - Pourquoi les Mangemorts ont-ils frappé à la demi-finale de la Coupe de la Ligue ?"

"Puisque c'est une plaisanterie, je feindrai de ne pas le savoir. Pourquoi ?"

"Parce que," dit Maud, "Lucius Malfoy avait fait un pari sur la finale."

Rogue tressaillit .

"Désolé."

"Non," dit-il catégoriquement. "Ce n'est pas ta faute. C'est juste que - aussi absurde que cela puisse paraître, la réponse tient plus d'un grain de vérité." Il grimaça. "Sais-tu ce que je déteste le plus chez mes semblables les Mangemorts ? Ce n'est pas la profondeur du mal, c'en est la petitesse incroyable . Le seul capable de voir plus loin que ses propres soifs et ambitions égoïstes est Voldemort - et il est complètement fou."

"Tu penses ?"

"Si j'avais un doute, ce que j'ai vu aujourd'hui l'aurait déterminé. Le regard de son visage quand il-" Il s'arrêta, prit une respiration rapide et serra ses yeux fermés; pour un instant Maud vit quelque chose scintiller dans l'obscurité de ses cils.

Elle reposa sa tasse soigneusement sur le plancher, s'étendit pour mettre une main sur son bras. "Ce n'est pas grave," dit-elle. "Tu n'es pas obligé."

Rogue courba la tête. Elle pouvait sentir la tension en lui, les muscles étaient tirés serrés comme du fil de fer; il se battait avec son chagrin avec chaque once de force et de volonté qu' il possédait. Deux tasses de potion relaxante auraient dû retirer l'épine de stress qu'il sentait, mais il ne pouvait pas briser son contrôle rigide. Et pourtant il avait tellement besoin de laisser aller... Maud déplaça doucement sa main de haut en bas de son bras; il lâcha un petit soupir, à peine audible et alors elle comprit ce qu'elle pouvait faire.

"Viens," dit-elle, tirant son bras. "Viens t'asseoir sur cette chaise, plutôt."

"Pourquoi ?"

"Tu es tendu. Je vais te faire un massage." Elle se leva, tourna la chaise pour que le dos soit dirigé vers le feu. "Là".

À contrec?ur, son expression soupçonneuse mais ses yeux brillant avec une fascination gardée, il se leva, gagna la chaise et s'assit comme elle lui demanda, enjambant la chaise avec ses bras pliés sur le dossier. Maud tira un fil lâche de sa manche, le changea en une lanière de cuir et l'utilisa pour lier les cheveux de Rogue de côté, découvrant son cou à ses soins; puis elle tordit ses doigts, posa ses mains fermement sur ses épaules et se mit au travail.

Idéalement il aurait dû être couché, bien sûr; et ce serait beaucoup plus facile s'il enlevait ses robes. Mais elle n'avait aucun doute qu'il aurait refusé si elle avait proposé l'un ou l'autre, donc elle décida de faire du mieux qu'elle pourrait dans ces conditions. Ses doigts tracèrent des cercles le long des cordes de son cou, doucement d'abord, puis plus durement, sondant. D'abord elle pouvait le sentir résister, mais comme elle continuait à pétrir, à travailler les muscles, la tension commença à fondre hors de lui et sa tête s'effondra en avant.

Après quelques minutes ses mains lui faisaient mal de l'effort inhabituel; mais quand elle tendit le cou pour regarder le visage de Rogue, son expression lâche et presque béate la récompensa. Elle adoucit son contact, ses paumes glissant vers extérieur de ses épaules, en bas de ses bras puis remontant à nouveau. "Mieux ?" dit-elle.

Il cligna et ouvrit des yeux somnolents pour la regarder. "Qu'as-tu mis dans ce thé ?" murmura-t-il.

"Juste l'ordinaire."

"Étrange. Cela ne marche pas d'habitude pour moi."

Maud délia ses cheveux, y passa ensuite sa baguette légèrement, les laissant propres. "Cela doit être l'effet calmant de ma présence."

Il lui donna un sourire las. "Mon asphodèle," dit-il. "Merci."

Asphodèle était le mot-clé qu'il lui avait donné pour qu'elle encode ses lettres et qui, quand il le dirait , désactiverait temporairement le Charme Anagrammatica pour qu'il puisse les lire. Elle se baissa et embrassa sa nuque .

"De rien," dit-elle.

Rogue reposait son menton sur ses poignets croisés, son regard distrait. Alors il dit, d'une voix basse exempte d'émotion, "Il ne restait plus rien."

Maud contourna lentement la chaise, se mit à genoux sur les pierres de l'âtre devant lui, pour qu'il dusse regarder son visage et pas les flammes crépitantes. "Il ne restait rien de quoi ?" dit-elle.

"Après que le Seigneur des Ténèbres ait retiré son armée de Poudlard, je suis sorti et ai regardé la place où Dumbledore était debout quand il est mort." Il ferma les yeux. "Il y avait une marque roussie sur l'herbe - c'était tout. Même ses anneaux étaient partis et ses lunettes. Si je ne l'avais pas vu moi-même - si je n'avais pas vu quand Voldemort - l'a fait sauter-"

Une larme simple coula de sous le coin d'une paupière, descendit en glissant sur l'angle de sa pommette. Maud leva les bras et prit son visage entre ses mains.

"Tu ne voulais pas le perdre," dit-elle d'une voix douce. "Et je sais que tu l'aurais sauvé si tu l'avais pu. Ne te torture pas . Tu as le droit d'être affligé."

"De toute ma vie," il chuchota durement, "seulement deux personnes m'ont jamais aimé. Et maintenant l'une d'entre elles est partie."

Maud ferma les yeux. "J'ai pensé y être préparé - nous en avions même parlé, lui et moi - mais profondément en moi je n'ai jamais vraiment cru-" Elle l'entendit avaler. "Aussitôt que j'ai appris le plan de Voldemort, je suis allé voir Dumbledore et lui ai dit tout ce que je savais. Je l'ai averti - l'ai prié - l'ai supplié de me laisser prendre du Polynectar et aller à sa place-"

Il s'interrompit, se repoussant loin d'elle et la chaise se renversa sur le plancher avec une bruit retentissant. Maud leva les yeux , effrayée, juste à temps pour voir Rogue faire deux pas chancelants sur le plancher, tituber et s'effondrer à genoux.

Elle se hissa sur ses pieds, se jeta à moitié sur lui, ses bras encerclant ses épaules, le tirant contre elle. Il enterra son visage dans la courbe de son cou, ses mains saisirent la taille de Maud avec acharnement et lorsque ses épaules se soulevaient elle sentait les larmes de Rogue couler goutte à goutte sur sa peau.

"Il t'aimait," chuchota-t-elle, lui caressant les cheveux, se balançant avec lui. "Il voulait que tu soies heureux. Il voulait que tu vives."

"Je n'ai aucun droit de vivre." Les mots venaient troublés, ponctués par des halètements frissonnants . "Je ne l'ai jamais eu. Mais il ne voulait pas me laisser mourir. Et maintenant je dois faire ce qu'il m'a demandé - m'occuper de Poudlard - Minerva - Harry-"

Dans sa sagesse Dumbledore avait perçu la seule chose qui retiendrait Severus Rogue de se laisser aller au désespoir suicidaire : son sentiment absolu, inflexible du devoir. Pas même l'amour de Maud, isolément, aurait pu le tirer de l'abîme; il aurait été bien trop facile pour Rogue de se convaincre que le chagrin de Maud à sa perte serait provisoire et que à la fin elle serait plus heureuse sans lui. Mais maintenant que Dumbledore - avec son dernier souffle, en fait - avait placé l'avenir de Poudlard dans les mains de Rogue, il n'avait pas d'autre choix, que de continuer à vivre.

Même dans la mort, Dumbledore jouait comme un maître...

Et c'était seulement, pensa Maud, un aspect des plans du dernier Directeur. Quelles autres révélations restaient à venir ?

Elle tint Rogue fermement, muettement, jusqu'à ce que sa respiration perde son caractère déchiqueté et qu'il soit calme de nouveau. Enfin il parla, sa voix creuse contre son épaule : "je ne lui ai jamais dit combien il voulait dire pour moi. S'il y a quelque chose de bon en moi, quoi que ce soit de digne de ton amour, je le lui dois. Sans Dumbledore je ne serais rien. Moins que rien. Je serais mort il y a des années."

"Je te crois."

" Je ne t'ai jamais dit - probablement parce que je répugnais à admettre cela même à moi - mais une partie de mon ressentiment envers Harry était de la jalousie." Il donna un rire chancelant, cynique. "Comme si le c?ur de Dumbledore était trop petit pour contenir plus d'une personne à la fois. Je t'ai déjà dit que les Mangemorts étaient mesquins ?"

"Tu n'es pas un Mangemort."

"Non, bien sûr que non. J'y ressemble juste, j'agis comme un, parle comme un et ai la Marque Sombre de manière permanente brûlée sur mon bras." Son ton était acide, mais elle savait que son venin était dirigé vers lui, pas vers elle. "Le Mangemort peut-il changer sa peau, ou le Léopard Nundu ses taches ? Je ne vois aucune issue de moi, Maud. Particulièrement maintenant."

"Je sais qui tu es," dit-elle doucement. "Dumbledore savait aussi. Il croyait en toi. Il avait confiance en toi. Et d'une certaine façon il nous a réunis, toi et moi - l'aurait-il fait s'il ne croyait pas que tu ais un avenir ? Il savait qu'un jour que tu prouverais, non seulement à mon oncle, mais au reste du monde des sorciers, que tu étais un meilleur homme qu'ils ne l'ont jamais rêvé." Elle embrassa sa tempe, ajouta d'une voix encore plus basse, "Et tu le feras."

Lentement Rogue souleva la tête, s'assit pour la regarder. Ses yeux étaient rougeauds et las, mais secs. D'une voix enrouée il dit, avec une emphase délibérée, "La vérité, Maud, toute la vérité..."

Elle sourit, ravalant ses propres larmes. "Je t'aime."

Il se pencha en avant jusqu'à ce que leurs fronts se touchent et Maud ferma les yeux. Les mains de Rogue rassemblèrent les longs cheveux tombants de Maud, les laissant glisser entre ses doigts; puis il enveloppa ses bras autour d'elle et abaissa sa bouche vers la sienne.

Ils s'embrassèrent doucement d'abord, puis avec une passion croissante et Maud sentit sa peau frissonner , son sang commencer à battre. Elle devait partir, pensa-t-elle. Elle avait fait ce pour quoi elle était venue, il était tard, il n'était plus sûr de rester plus longtemps...

"Maud," souffla-t-il, ses lèvres dérivant en bas vers sa gorge, ses mains écartées contre la voûte de son dos. "Tu avais raison. J'ai besoin de toi ce soir, après tout..."

Oh, ne me fais pas cela, elle gémit silencieusement, même alors que sa tête s'inclinait en arrière et sa respiration s'accélérait, je n'ai pas assez de force pour nous deux...

Mais même en finissant cette pensée, elle se trouva en train de se repousser loin de lui, haletant un peu de l'effort et de désir contrecarré . "Je suis désolée," dit-elle. "Nous ne pouvons pas faire cela. Tu sais que nous ne pouvons pas."

Ses yeux s'ouvrirent, la transperçant avec le feu noir de son regard . "Ne pouvons pas ?" dit-il et la tira de nouveau contre lui dans un mouvement implacable et rapide. "D'une façon ou d'une autre j'en doute."

"Severus-"

"Je t'avais averti," murmura-t-il d'une voix gutturale, sa bouche contre son oreille, les mains glissant en bas de son cou et sur ses épaules, "je t'avais dit de partir. Tu n'as pas voulu écouter. Ne me dis pas que tu n'avais aucune idée que cela puisse arriver. Tu le savais du moment où tu m'as touché ce soir..."

"Tu ne comprends pas," dit-elle faiblement. Alors, dans un assaut frénétique - ses doigts avaient trouvé le fermoir de ses robes et elle les saisit avant qu'ils ne puissent errer plus loin - "Nous ne pouvons pas, vraiment pas, s'il te plaît arrête, cela n'a pas bien, ce n'est pas ce qu'aucun d'entre nous veut, pas comme cela, pas vraiment-"

Rogue exhala et recula. "Rappelle-moi," dit-il.

"Aucun doute. Aucune hésitation. Honnêtement. Librement. Complètement." Ses yeux fouillèrent ceux de Rogue, suppliant. "Penses-tu vraiment que cela va arriver ce soir ?"

Son visage était illisible. "Continue."

"Et en plus-" Elle lui fit un petit sourire nerveux. "Ton lit n'a pas l'air confortable - et je n'en possède pas même la moitié des parts."

Pour un instant l'expression de Rogue se ferma et elle eut peur qu'il se dispute avec elle; mais alors le coin de sa bouche se tira d'un coup sec et elle se rendit compte qu'elle avait gagné. "Bon argument." Il se frotta la tête comme pour essayer de la clarifier, puis ajouta avec un peu d'ironie, "Je suis heureux que l'un d'entre nous ait quelque sens."

Elle ne savait absolument pas que répondre à cela, donc elle lui tendit simplement sa main; il la prit et la porta brièvement à ses lèvres.

"Jusqu'à la prochaine fois," dit-il.

"Oui," dit Maud avec plus de stabilité qu'elle n'en sentait, "Jusque-là." À contrec?ur elle se leva et se détourna, allant ramasser le manteau d'invisibilité là où il était posé en flaque d'argent sur le plancher. "Dois-je présenter tes salutations à mon oncle ?"

"Il sait que tu es ici ?"

"Il m'a prêté le manteau." Soigneusement elle le drapa autour de ses épaules, l'arrangeant pour s'assurer qu'il tombait sans à-coup sur le plancher de tous les côtés et l'attacha à sa gorge.

"Ah, oui, bien sûr." Ses yeux s'attardèrent sur son visage, apparemment non dérangé par sa demi-visibilité. "Et tu lui as dit que tu reviendrais ce soir, aucun doute; comme c'était ... prévoyant de ta part."

"Es-tu déçu par moi ?" dit-elle un peu mélancoliquement.

"Déçu ?" Ses sourcils montèrent en flèche. "Pas le mot que je choisirais, non. Frustré serait plus précis - mais pour cela je dois accepter au moins un peu du blâme. Il est, indubitablement, assez humiliant de se rendre compte que deux simples tasses de thé relaxant et un frottement de dos pourraient entraîner un tel ravage sur mon sang-froid dont je suis si fier, mais qu'il en soit ainsi." Il avança et leva doucement le capuchon sur son visage, comme son oncle l'avait fait.

"Bonne nuit, alors, mon amour," dit-il. "Permets-moi de te voir - ou plutôt de ne pas te voir - jusqu'à la porte."

* * *

Quand Maud arriva chez son oncle, lasse , froide et douloureuse des pieds à la tête, tous les feux étaient éteints. Méthodiquement, bêtement, elle jeta les dix-sept contre-charmes provisoires nécessaires pour passer les défenses magiques de la maison, ouvrit la porte d'entrée avec quelques mots chuchotés et coups de sa baguette et entra.

Elle se déplaça tranquillement le long du hall et vers le salon, ôtant le manteau d'invisibilité et le pliant sur son bras en entrant. Alastor Maugrey était assis effondré dans son fauteuil, son bon pied allongé vers les tisons du feu. Une bouteille vide de Vieux Firewhisky d'Ogden posé à coté de la chaise et un verre pendait mollement de sa main.

Elle resta debout immobile un moment, sentant la douleur couler en elle, frayer son chemin à travers ses poumons et dans sa gorge; pas pour Rogue ou même pour son oncle, mais son propre chagrin, trop longtemps nié. Lentement elle posa le manteau sur le coffre de l'Auror, clignant pour chasser les larmes qui picotaient derrière ses yeux, se disant de ne pas être idiote, elle n'avait aucun temps pour cela, il y avait du travail à faire et la vie devait continuer ... et alors ses jambes se plièrent sous elle et elle glissa à genoux sur le tapis et pleura, silencieusement et misérablement, jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus pleurer.