4- Action, Émotions…

En entrant dans la salle commune des Gryffondor, Sirius chercha Remus et Peter des yeux. Il les repéra assez rapidement, tout au fond de la salle. Ils étaient autour d'une table jonchée de parchemins froissés. Bien que Sirius ne pouvait voir que son profil, Remus avait l'air à bout de nerfs. Son teint était plus pâle qu'à l'habitude et il avait l'air épuisé. Remus avait souvent l'air épuisé mais cette fois, il lui semblait qu'il ne l'avait jamais vu dans un état aussi lamentable. Sirius fronça les sourcils, espérant que Remus ne serait pas malade à nouveau. Sentant son regard, le jeune Lupin tourna la tête dans sa direction. Il parut surpris de les voir revenir si tôt mais leur lança tout de même un sourire fatigué avant de reporter son attention sur Peter. Tout en avançant entre les tables, Sirius se sentit coupable d'avoir laissé Remus seul avec Peter. À en juger par l'état de ses cheveux, Remus avait dû passer la main dans ses cheveux un bon millier de fois. Même James était présentable en comparaison. Sirius prit place à la table en même temps que James et les deux filles.

- Est-ce que ça va Remus ? Tu as l'air épuisé, demanda doucement Lily.

- J'ai toujours l'air épuisé, ce n'est pas grave, répondit Remus avec un faible sourire.

- Je crois que j'ai un peu trop abusé de sa patience, dit Peter avec un sourire d'excuse. Je ne comprends rien à ce qu'il se tue à m'expliquer.

- Mais non voyons. C'est vrai que ce n'est pas facile. Tu vas voir, on va s'en sortir, répliqua Remus.

Curieusement, la patience et la gentillesse de Remus étonnaient encore Sirius.

- Alors ? Qu'est-ce que vous faites déjà là ? demanda Remus.

- Ahaha ! Ça mon p'tit pote, c'est une longue histoire ! Tu es prêt à l'entendre, Lup ? répondit Sirius.

- Lup ? Je vois que tu m'as déjà trouvé un nouveau nom… Chaaaaaarmant !

- Je savais bien que ça te plairais ! dit Sirius en riant. Alors ? Tu veux connaître notre fabuleuse histoire ?

Remus tourna la tête vers Peter, une question muette sur le visage.

- Oh, bien sûr ! assura Peter qui avait déjà lâché sa plume et semblait tout ouïe.

- Alors voilà…

Sirius se mit alors à raconter les événement dans leurs moindre détails, James, Lily et Cathy ajoutant leurs grains de sel de temps en temps. Peter écoutait, penché vers l'avant, les yeux brillants, avide de savoir, ponctuant le récit d'exclamations et de rires. Mais Remus… Le coude sur la table, le menton appuyé sur son pouce, ses doigts devant la bouche, il écoutait sans bouger, le visage de plus en plus soucieux.

- … Et Hagrid est retourné à sa cabane, termina Sirius avec un sourire.

- Wouah ! C'est fou ! J'aurais aim…, commença Peter d'un ton excité.

- Tu es fier de ça Sirius ?

La question avait été posée sur un ton calme et bas. Mais la voix de Remus donna à Sirius l'impression d'avoir reçu un coup de fouet. Il tourna la tête vers son ami. Remus le regardait, le menton toujours appuyé sur sa main. Rien dans sa physionomie n'avait changé mais ses yeux… D'un ton brun doré, ils étaient habituellement chaleureux. Jamais Sirius Black ne s'était fait regarder aussi durement et certainement pas par Remus Lupin.

- Euh… Ben… Pas spécialement mais… c'était quand même… cool ?! répondit Sirius d'une voix incertaine.

- Cool ? Tu trouves ça « cool » de frapper les gens et de passer à deux cheveux de te faire renvoyer de l'école ? demanda Remus, toujours sur un ton calme. Parce que c'est certain que si Hagrid n'avait pas été là, vous auriez été dans un sale pétrin. Vous en êtes conscients, j'espère ?

Sirius échangea un regard avec James. Celui-ci déglutit difficilement. Lily s'était enfoncée sur sa chaise et Cathy fixait Lupin les yeux grands ouverts. Pour une raison inexplicable, Remus les faisait se sentir coupables. Quelque chose dans ses yeux, dans sa voix…

- Mais enfin, Remus, on… on… qu'est-ce qu'on pouvait faire d'autre ? demanda James.

- Quoi faire d'autre que de lui casser le nez, James ? Je ne sais pas… Te servir de ta baguette peut-être ? répondit Remus.

- Mais… on a pas eu le temps, répliqua James.

- Ah… je vois… Tu as eu le temps de jeter ton balai et d'avancer assez près de lui pour le frapper mais tu n'as pas eu le temps de sortir ta baguette... Bien sûr, c'est évident.

James ne trouva rien à répondre. Le voix de Remus devenait de plus en plus dure mais il ne bougeait toujours pas.

- Remus, j'avoue que ce n'était peut-être pas la meilleure idée de l'année mais… mais…, essaya Sirius.

- Mais ? mais quoi, Sirius ? demanda Remus.

- Voyons Remus, arrête de les gronder ! Ils n'ont rien fait de mal, tout de…

Cette fois, Remus bougea. Il baissa vivement la main et se tourna vers Peter en se penchant sur la table avec une expression sévère et dure que personne ne lui avait vu jusqu'à présent.

- Est-ce que c'est à toi que je parle ? demanda Remus.

- Euh… non mais…

- Parfait… l'interrompit Remus avec un geste brusque de la main.

- J'ai tout de même..

- PETER ! Quand je voudrais avoir ton avis, je te le demanderais !

Le pauvre garçon s'était reculé brusquement sur sa chaise. Sirius n'en croyait pas ses yeux. Il ouvrit la bouche pour dire un truc qui pourrait peut-être détendre l'atmosphère lorsque Remus tourna la tête vers lui, des éclairs dans les yeux. Sirius enfonça sa tête dans ses épaules. Il n'aurait jamais cru que « Lup » pouvait avoir l'air aussi effrayant.

- T'as quelque chose à dire Sirius ? demanda sèchement Remus.

- Non… répondit Sirius en avalant sa salive.

- Remus, d'accord, on a fait une bêtise. D'accord on n'aurait pas dû le frapper. Je sais bien que tu as raison. On a pas réfléchi et on a eu de la chance. Mais tu admettras que Severus est… dit James.

- Severus ? Est-ce que je parle de Severus ? Est-ce que j'en ai quelque chose à foutre de Severus Rogue moi ? demanda Remus en se mettant à gesticuler et à augmenter la voix. C'est de vous que je parle ! Rogue peut bien aller se faire rôtir en ENFER si ça peut lui faire plaisir, je m'en balance !!! Qu'il ait été le méchant de l'histoire, je vous l'accorde. Mais VOUS avez été stupides !

James se ratatina sur sa chaise. Remus devenait de plus en plus agressif. Sa respiration était de plus en plus rapide et saccadée. Sirius se lança sur la seule planche de salut qu'il leur restait. Tout aussi fâché que Remus pouvait être, il ne s'en prendrait pas à tout le monde.

- Nous ne pouvions tout de même pas laisser les filles toutes seules avec Rogue, s'indigna Sirius.

- Ah oui, les filles. Parlons-en des filles, répondit Remus d'un ton brusque en regardant Lily et Cathy alternativement.

- Hey ! Nous on voulait juste savoir ce que Severus voulait faire à Sirius ! On l'avait entendu, à la bibliothèque, dire à Tyson qu'il voulait planifier quelque chose et on a décidé de le suivre ! C'était… c'était…

Cathy cessa de parler, choquée d'entendre le rire sans joie de Remus.

- Catherine, je ne savais pas que tu pouvais être aussi stupide.

- QUOI ? Comment ose-tu… ? s'exclama la jeune fille.

- CATHY ! Tu crois vraiment que Rogue est un imbécile ? Il a tout de suite deviné que les tarentules venaient de vous ! Et tu penses vraiment qu'il serait assez bête pour donner un rendez-vous tout en signalant le sujet, comme ça, tout bonnement à voix haute en pleine bibliothèque ?? Franchement Catherine, réfléchis !

En parlant, Remus s'était à demi levé de sa chaise. Son teint avait repris des couleurs mais elles n'auguraient rien de bon. Cathy ne trouva rien à répondre. Elle était à la fois terrorisée et bouche bée. Parce que Remus avait évidemment raison.

- Qu'est-ce que tu croyais ? Qu'il se laisserait avoir aussi facilement ? Qu'est-ce qui serait arrivé si James et Sirius ne vous avaient pas vu les suivre ? Si Hagrid n'avait pas été là ?

- Et bien… On est assez forte pour se défendre, dit Lily d'une toute petite voix.

- Ahah ! Bien sûr ! Leslie, faut être réaliste ! Tu ne peux rien faire contre les gens qui trichent  ! Tu as déjà vu Rogue jouer dans les règles ? Tu ne sais même pas ce qu'ils comptaient te faire ! Bon sang, Leslie… fais donc un peu attention à toi ! répliqua Remus en ponctuant sa phrase d'un coup sur la table.

Tous les élèves de la salle commune regardaient maintenant vers eux, la même expression de surprise sur chaque visage.

- Mais à quoi avez-vous pensé, pour l'amour du ciel ! Avec un peu de chance, vous vous seriez retrouver ligotées à un arbre en plein milieu de la forêt interdite !

- Ce n'est pas grave, ce n'est pas la pleine lune. Y'aurait pas eu de loups-garous ! dit Peter d'un ton qu'il voulait jovial pour essayer de faire rire Remus.

Étonnement, la réplique de Peter provoqua l'effet contraire. Remus se figea puis eut un mouvement nerveux de la tête. Sirius ne put s'empêcher de songer qu'une explosion venait de se faire dans le cerveau de Remus lorsqu'il le vit se tourner lentement vers Peter, les tempes battantes, avec une expression de rage sans nom. Remus fixa Peter un bon moment avec un regard frisant la psychose puis, soudainement, il plaqua ses deux mains sur la table et avança son nez à deux centimètres de celui de Peter. Sirius grimaça lorsqu'il entendit les ongles de Remus grincer sur la table.

- Écoute-moi bien, Peter. Premièrement, il y a des moments pour essayer de faire le malin. Deuxièmement, il n'y a pas que les loup-garous de dangereux en ce monde et troisièmement, tu n'as pas idée à quel point ça peut être effectivement dangereux… un loup-garou, dit Remus avec un rictus de colère.

Remus avait parlé d'une voix sourde mais puissante. Sirius sentit un frisson lui parcourir l'échine. Du coin de l'œil, il vit James faire le tour de la table pour se précipiter vers Remus.

- Hey, Remus, écoute, je… dit James en posant la main sur l'épaule de son ami.

Il n'eut pas le loisir de terminer sa phrase. Remus se tourna vivement vers lui et repoussa sa main. Il fixa James pendant un moment, d'un regard sauvage et étrange. Son rictus de colère n'avait toujours pas disparu de son visage et lorsqu'un grognement sourd sortit de sa gorge, James ne put s'empêcher de reculer d'un pas. Remus serra les dents et les poings puis fit demi-tour et se dirigea d'un pas vif vers l'escalier qui menait au dortoir des garçons de deuxième année. Personne n'osa lui bloquer le passage. Juste avant de mettre le pied sur la première marche. Remus s'arrêta en s'appuyant sur le mur, ses genoux semblant avoir flanché. Sirius amorça un mouvement pour aller voir ce qui n'allait pas lorsque Remus secoua la tête et fila dans le dortoir. James tourna la tête vers Sirius, le teint aussi blanc qu'un fantôme. Sirius ne trouva rien à répondre. Ils reprirent tous place autour de la table, sans mot dire, se regardant les uns les autres.

Dans le dortoir des garçons de deuxième année de la maison des Gryffondor, un silence parfait régnait. Si quelqu'un y était entré à ce moment, il aurait pu croire qu'il était désert. Peut-être se serait-il demander pourquoi un des lits avaient ses rideaux entièrement fermés mais les caprices des garçons de 12 ans étant impénétrable, il serait reparti sans poser de question. Pourtant, le dortoir n'était pas vide. Derrière les rideaux fermés, il y avait quelqu'un. Recroquevillé dans son lit, tenant son oreiller serré contre lui, un jeune garçon menait une bataille contre lui même et contre ses larmes.

Une des choses qu'il craignait le plus depuis qu'il était entré à Poudlard venait de se produire. Lui qui avait une patience sans limites venait de se mettre en colère contre les seuls amis qu'ils avaient eut de toute sa jeune existence. Il ne leur avait pas seulement crié dessus, il leur avait fait peur. Il l'avait vu dans leurs yeux. Ils avaient tous eu peur de lui. Même Sirius qui avait frissonné. Même James qui avait reculé devant lui. Même Cathy et Lily qui étaient prêtes à affronter Rogue et ses Serpentard avaient eu peur de ce petit garçon, maigre et fatigué, habituellement si gentil. Il leur avait fait peur. Ils étaient sur le point le découvrir, de savoir ce qu'il était vraiment et il avait trouver le moyen de les terrifier en leur montrant un côté de lui qu'ils ne connaissaient pas. Il avait espéré qu'ils ne le connaîtraient jamais mais il était trop tard. Et il n'aurait pas le temps de se racheter avant qu'ils ne comprennent. Le dernier petit soupçon d'espoir qu'ils resteraient ses amis avait commencer à faiblir à la seconde où il avait bougé. Il n'aurait pas du bougé. En gardant la position, il aurait pu rester plus calme, ne pas s'emporter autant. Mais il avait fallu qu'il réagisse à ce que Peter disait en se tournant vers lui. Tout avait dégénéré à partir de là. Et tout s'était terminé lorsqu'il avait repoussé la main de James en grognant. Il avait grogner ! Magnifique, quoi de plus invitant pour une amitié durable.

Tout ce qu'il avait voulu, c'était leur faire prendre conscience de leurs actes. Leur dire qu'ils avaient été imprudents. Mais il leur avait pratiquement sauté à la gorge. Il avait lu tellement de tristesse dans les yeux de Lily. Sa meilleure amie. Celle qui le comprenait le mieux. Il l'avait blessée. Il avait dit qu'elle était stupide. Et puis d'abord, pourquoi est-ce qu'il s'était acharné sur Peter ? Il ne faisait que donner son point de vue. Il avait voix au chapitre tout de même. Il était leur ami au même titre que lui. Peter ne lui adresserait sans doute plus jamais la parole. Il avait eu tellement peur. Ses pupilles s'étaient dilatées au maximum lorsque son visage avait approché le sien. N'importe qui d'autre aurait eu peur. Il avait vu Sirius frissonner. Et à ce jour, rien n'avait fait frissonner de peur Sirius Black. Et James… Il était devenu tellement pâle. Le fier, le fort James Potter.

Pourquoi est-ce qu'il avait bougé ?!

- Remus ?

Remus sursauta dans son lit. Il n'avait pas entendu la porte s'ouvrir. La voix de James le frappa droit au cœur. Il n'y avait aucune colère, aucune peur, seulement son nom prononcé doucement. Il ne voulait pas leur parler, il ne voulait pas les voir. Pas après ce qu'il venait de faire. Ils devaient bien lui en vouloir ! Mais la voix de James ? Le calme avant la tempête. Il retint donc son souffle et essaya de se faire encore plus petit dans son lit.

- Tu crois qu'il dort ?

La question avait été posée dans un murmure, tellement qu'il n'arrivait pas à identifier qui avait parler. Ils devaient être devant la porte, convaincu que leur voix ne portait jusqu'au lit de Remus. Mais Remus avait depuis longtemps développé la capacité d'entendre les murmures.

- Je ne sais pas. Peut-être… Il avait l'air tellement fatigué lorsque nous sommes arrivés…

- Il n'est vraiment pas dans son assiette depuis hier. Il est encore plus pâle que d'habitude.

- Je sais… je sais… J'espère qu'il dort. Ca lui fera du bien. Je n'aime vraiment pas le voir comme ça. Il ne fait pas assez attention à lui.

Une minute. Une petite minute… Une toute petite minute. Il venait tout juste de les engueuler à mort et ils trouvaient encore le moyen de s'inquiéter pour LUI ?

- Et bien, il est où ? demanda soudain la voix de Peter.

- Sssssssshhhhhhhuuutttttttt ! dirent les deux autres voix qui devaient être celles de James et de Sirius.

- Il n'a pas répondu. Il doit dormir.

- Ah bon ? c'est vrai que ça fait presque une heure qu'il est monté, dit Peter sans arriver murmurer aussi bas que les deux autres.

Une heure ? Il y avait déjà une heure qu'il était dans son lit à se torturer l'esprit.

- C'est fou, vous saviez qu'il pouvait se fâcher autant ? demanda Peter.

- Tout le monde peut se fâcher autant, voyons.

- Oui mais… Il ne se met jamais en colère ! Jamais ! Et ce n'est pas la première mauvaise idée que vous avez. Je me demande pourquoi il a sauté les plombs aujourd'hui, continua Peter.

- Parce que c'était sans doute la pire connerie qu'on ait fait à date…

- Et parce qu'on ne voulait pas l'admettre…

- Et parce qu'il semble vraiment stressé…

- Et fatigué…

- …depuis hier. Il a explosé. C'est tout.

- Ca peut arriver à tout le monde.

- Ouais, peut-être. Mais je ne pensais pas qu'il pouvait être aussi…

Peter ne termina pas sa phrase mais Remus devina qu'il avait frissonné.

- Probablement le contraste. Il est tellement… calme.

- C'est vrai. Mais même en colère, il reste fidèle à lui même.

- Qu'est-ce que tu veux dire ? demanda Peter.

- En règle générale, dans un état de fureur aussi poussé, les gens ont tendances à raconter n'importe quoi… Mais pas Remus.

- Là, t'as un point, Jamesie. Il est trop génial ce mec. Je l'adore.

- N'empêche qu'il est effrayant, dit Peter.

- Ben tu n'auras qu'à te rappeler de ne pas le provoquer.

- Voilà ! Allez, on s'en va. Faudrait pas le réveiller.

Et ils sortirent en silence. Lorsqu'il entendit la porte se refermer, Remus se mit à pleurer. Pleurer comme il ne l'avait fait depuis longtemps. Pendant un long moment, son oreiller contre sa poitrine, il songea à ses amis qui le trouvaient si gentil et si génial. Qui lui pardonnaient tout et qui faisaient ce qu'ils pouvaient pour le comprendre. À ses amis à qui il mentait depuis si longtemps. Trop longtemps. Il ne les méritait pas. Il ne méritait pas l'attention qu'ils lui portaient. Mais juste avant que le sommeil ne vienne le chercher, Remus songea qu'il aurait au moins eu la chance d'avoir des amis extraordinaires une fois dans sa vie.

Remus ouvrit les yeux lorsque le premier rayon de soleil traversa la fenêtre du dortoir. Il se mit à s'étirer lentement puis il se figea. Il eut l'impression de recevoir une brique en plein front lorsque les souvenirs de la veille lui revinrent. Avec horreur, il revit défiler les images dans sa tête. Au petit matin, il lui semblait que c'était encore pire que la veille. Jamais il n'aurait cru qu'il se serait emporté de la sorte contre qui que ce soit. Comment avait-il pu ? Non, jamais il ne pourrait se le pardonner. Il se leva et s'habilla rapidement, prenant bien soin de ne réveiller personne. Il regarda ses amis avec nostalgie pendant une seconde puis se dépêcha d'aller manger avant que personne ne se lève. En règle générale, les élèves se levaient tard le samedi mais aujourd'hui, c'était le premier match de Quidditch et personne n'allait vouloir rater ce match. Gryffondor contre Serpentard. La partie s'annonçait solide. En prenant place à la grande table de sa maison, Remus se demandait si il allait y assister. Il était déchiré entre le besoin d'être seul et le désir de voir le match. Puis il songea que c'était la première fois que James se joindrait à l'équipe et qu'il ne pouvait pas manquer ça. Il n'irait pas s'asseoir avec Sirius et les autres. Il ne se sentait pas capable de leur faire face. Bien sur, ils ne poseraient pas de question mais Remus savait qu'il ne pourrait pas faire comme si rien n'était arrivé et il ne pouvait pas leur expliquer. Comment leur expliquer ? « C'est à cause du stress et de la lune. » Non, il ne pouvait pas. Il mangea donc en vitesse et quitta le château. Il erra tranquillement dans le parc sans destination précise. Plus rien ne pourrait redevenir comme avant et ce ne pourrait certainement pas devenir mieux. Sans s'en rendre compte, il s'arrêta et resta là, les mains dans les poches, à fixer le sol sans le voir. Il ne voulait pas perdre ses amis. Il avait été seul longtemps… trop longtemps. Ca ne pourrait pas recommencer, pas après avoir été aussi bien entouré.

- Remus, dit une voix douce à son oreille.

Décidément, il n'y avait aucun moyen de s'apitoyer sur son sort à Poudlard. Il y avait toujours quelqu'un qui venait essayer de vous remonter le moral. Remus soupira et tourna la tête. Derrière lui, se tenait Hagrid. La tête légèrement de coté, il regardait Remus avec une expression étrange.

- Quoi ? demanda Remus beaucoup plus sèchement qu'il ne l'aurait voulu.

Hagrid ne s'en offusqua pas. Il lui sourit doucement.

- Rien, je voulais juste savoir ce que tu fais ici tout seul, répondit Hagrid. C'est le premier match de James aujourd'hui. Tu n'es pas avec tes amis ?

Remus ne répondit pas. Il se contenta de hausser les épaules avec un rire sans joie. Ses amis ? Il en avait encore ? Hagrid plissa les paupières.

- Y'a quelque chose qui va pas ? demanda Hagrid.

- Oh non… Tout va trrrrrrès bien merci ! Rien ne pourrait aller mieux. Pourquoi est-ce que ça irait mal ? répondit Remus d'un ton agressif.

Remus pinça les lèvres et ravala ses larmes. Il ne voulait pas être impoli avec Hagrid. Il avait toujours été gentil avec lui. Mais pourquoi était-il venu lui parler ? Remus voulait être seul. Seul avec son malheur. Personne ne pouvait comprendre.

- Tu sais, Remus, chaque personne a son secret. Certains sont pire que d'autres, c'est certain. Mais tu dois apprendre à détecter les gens à qui tu peux faire confiance. Parce que tu ne leur a pas dit n'est-ce pas ? C'est pour ça que tu as peur… Je me trompe ?

Remus eut l'impression que son corps tombait en morceaux sur le sol. Ses épaules s'affaissèrent et sa mâchoire semblait s'être décrochée. Puis, rapidement, il se raidit et recula d'un pas. Si il le savait, qu'est-ce qu'il faisait là à lui parler ? Hagrid eut un rire sonore.

- Allons, allons, ne fait pas cette tête méfiante ! Bien sur que je le sais ! Et je ne vois pas de problème là-dedans. Sauf pour toi… lui dit Hagrid.

Remus se contenta de le regarder avec des grands yeux ronds.

- Tu ne me croiras peut-être pas, mais je sais ce que tu ressens. Ne me regarde pas comme ça je sais que tu penses que personne ne peut comprendre. D'accord, je n'ai pas le même problème que toi, mais… mais… Tu sais, mon père était un tout petit homme mais ma mère… Ma mère faisait dans les six mètres ! Dit Hagrid avec un certain malaise.

Le sourire sarcastique de Remus s'effaça d'un coup. Six mètres ? Une… géante ? Bien sur, c'était logique. On ne pouvait pas être aussi grand avec seulement du sang humain. Remus n'y avait jamais songé. Le jeune garçon regarda Hagrid un moment, sans rien dire. Oui, lui aussi avait dû passer par les mêmes émotions que lui. Les géants étaient tellement mal vus parmi les sorciers. Ce ne devait pas être facile non plus. Remus fit un faible sourire à Hagrid et hocha la tête. Le demi-géant lui sourit.

- Tu vois ? Je sais très bien ce qui se passe dans ta tête. C'est vrai qu'on ne peut pas faire confiance à tout le monde. Tout le monde ne peut pas comprendre. Mais j'ai bon espoir en ce qui te concerne, ajouta Hagrid d'une voix enjoué.

Remus était loin d'être d'accord avec lui mais il répondit à son sourire. Pour l'aider, il lui avait confié quelque chose d'important et Remus lui en était reconnaissant. C'était toujours réconfortant de savoir que quelqu'un, près de vous, savait, comprenait ce que vous ressentiez. Un poids s'était envolé de son cœur et c'est ce qui lui donna la force de sourire. Par contre, il se sentait toujours mal. Que Hagrid le comprenne ne l'aiderait  faire s'envoler le poids le plus lourd, celui qui l'empêchait parfois de respirer. Remus ne doutait pas que ses amis étaient des gens compréhensifs et potentiellement ouverts d'esprit mais il doutait que si il leur disait la vérité maintenant, ils l'accepteraient. C'était quelque chose de trop grave. Même en considérant que les évènements de la veilles combinés à l'horrible nature de sa personne ne les effraient pas, ils allaient forcément lui en vouloir de leur avoir caché la vérité et de leur avoir menti avec effronterie pendant tant de temps.

Mais la lueur de bonheur dans les yeux du géant l'empêcha de formuler ses pensées à voix haute. Visiblement, Hagrid était heureux d'avoir pu aider le jeune Lupin. Il était facile de comprendre pourquoi. Hagrid était un homme sensible et aider quelqu'un qui vivait ce que lui avait vécu était probablement pour lui un soulagement. Remus se contenta donc de lui faire son plus beau sourire.

- Bon ! Voilà qui est mieux ! Tu viens, le match va commencer bientôt ! Tu ne voudrais pas rater la première de James quand même ? Dit Hagrid.

Tout en parlant, il avait donné une tape amicale sur l'épaule de Remus qui l'avait fait avancer d'une bonne dizaine de pas. Après avoir retrouvé son équilibre, le jeune garçon fit à nouveau face à Hagrid.

- Non ! C'est certain… euh…  Merci Hagrid, murmura Remus.

- Ah bon, tu avais oublié le match ? s'étonna Hagrid.

Remus se mit à rire tandis que le géant lui faisait un clin d'œil. Puis ils se mirent tous les deux en route pour le stade de Quidditch.