8- James et Lily mènent l'enquête

Après avoir trouvé un coin où se cacher, James s'était mis en attente, le regard fixé sur la porte de l'infirmerie. Le jour commençait à tomber sérieusement et Remus n'allait pas tarder à sortir… si il était bel et bien à l'infirmerie. Le doute s'empara de lui pendant un instant puis James secoua la tête. Il ne voyait pas où il pouvait être si ce n'était avec Pomfresh. Il garda donc les yeux sur la porte sans bouger. Au bout d'un moment, elle s'ouvrit lentement. Pomfresh regarda autour tandis que Remus sortait à son tour. James étouffa une exclamation horrifié. Certes, son ami avait souvent l'air épuisé et stressé mais là, il battait le record. Jamais James ne l'avait vu aussi pâle. Il fixait le vide avec des yeux éteints, tristes. Pomfresh lui jeta un œil inquiet et se dirigea vers la sortie. Remus la suivit avec une démarche automatique, l'esprit ailleurs. James amorça un mouvement pour les suivre lorsqu'il songea que Remus risquait de l'entendre. Il attendit donc qu'ils aient tourné le coin du couloir et s'avança à leur poursuite, courant sur la pointe des pieds dans un geste inconsciemment très gracieux, comme un chat à l'affût. Il les suivit comme ça jusqu'à ce qu'ils sortent du château. James se glissa silencieusement dans la porte dérobée qu'ils avaient emprunté et les chercha des yeux. Il fut totalement abasourdi de voir qu'ils se dirigeaient vers le saule cogneur. Il avança lentement sur l'herbe humide, levant machinalement la tête vers le ciel. Aucun nuage à l'horizon. La nuit s'annonçait douce et fraîche. Une nuit parfaite pour une balade au clair de lune. James s'arrêta de marcher brusquement. La conversation qu'il avait eu avec Remus lui revint en mémoire. « Elle sera pleine dans trois jours. » James ferma les yeux et soupira. * Qu'est-ce que je suis stupide…* songea-t-il. *Il a vraiment essayé de me le dire et je n'ai rien vu.* James les chercha à nouveau du regard. Il fut brièvement aveuglé par un des derniers rayons de soleil puis les trouva enfin. Tout près du saule cogneur. De loin, il ne pouvaient voir exactement ce qu'ils faisaient mais bientôt, une silhouette, d'après la taille, celle de Remus, disparut dans le saule. Puis Pomfresh disparut à son tour. James n'y comprenait plus rien. Qu'est-ce qu'ils pouvaient bien aller faire dans un arbre ?! Il resta planté devant le château pendant un long moment, à fixer l'endroit où ils avaient disparu, essayant de comprendre. Puis il secoua la tête et fila rejoindre ses amis. Il courut aussi vite qu'il le pouvait, montant les escaliers quatre à quatre, prenant des couloirs secondaires pour ne pas croiser de professeurs qui lui poseraient invariablement des questions. Il ne cessa de courir qu'une fois qu'il eut refermé la porte de la salle de classe désaffectée. Il appuya son dos contre le mur et se laissa glisser sur le sol, les yeux fermés, cherchant à reprendre son souffle. Évidemment, Lily, Sirius et Peter s'étaient immédiatement levés et le regardaient avec un air à la fois très inquiet et très curieux. Ils eurent tout de même l'amabilité de lui laisser le temps de se ressaisir. Mais James était pressé.

- Ils vont… dans le saule… dit-il, encore très essoufflé.

- Le saule ? Euh ?

Lily et Sirius échangèrent un regard d'incompréhension.

- Le saule… cogneur ! Ils vont… dedans ! Je…

- James ! Reprend ton souffle avant. Tu oublies des mots je crois, dit Sirius sur le même ton qu'il prendrait pour parler à un enfant stupide.

James le fusilla du regard et se leva d'un bond. Il prit de grandes inspirations pour arriver à parler normalement, fixant toujours Sirius dans les yeux.

- Je n'oublie pas de mots ! Pomfresh le fait entrer dans le saule cogneur ! dit James.

- James… on ne peut pas entrer dans un arbre, expliqua Sirius patiemment.

- Sirius, change de ton ! Tu m'agaces et ce n'est pas le moment ! dit James en menaçant son ami de son doigt.

Sirius leva les mains en signe de reddition.

- D'accord mais n'empêche qu'on ne peut pas entrer dans…

- Sirius… Ici, les escaliers bougent, les personnages des portraits parlent et les photographies sont animées. Alors entrer dans un arbre, tu trouves vraiment ça exceptionnel ? demanda Lily.

Sirius la regarda un moment, songeant qu'effectivement, pour elle, beaucoup de choses devaient être encore très surprenantes.

- Et bien, techniquement, ça l'est, Lily. Par contre, tu as raison, je ne vois pas pourquoi ça m'étonne… dit James en lui souriant.

- Il y a peut-être quelque chose en-dessous, suggéra timidement Peter.

Toutes les têtes se tournèrent vers lui. Il rougit.

- Et bien, il a été planté au début de l'année dernière, non ? Ils l'ont peut-être mis là exprès avec quelque chose en dessous pour Remus, expliqua-t-il.

Sirius siffla d'étonnement.

- C'est qu'il a sûrement raison, le bougre ! dit Sirius à James.

Peter eut une moue de satisfaction personnelle avant de froncer les sourcils.

- Mais… enfin… Qu'est-ce qu'il peut y avoir en dessous du saule cogneur ? demanda-t-il.

- Euh… Ils ont peut-être fait une pièce à même le sol pour lui, dit Lily en haussant les épaules.

- Oui mais il pourrait toujours ressortir facilement. Et il doit bien vouloir sortir ! Je ne crois pas qu'il ait de la compagnie, dit Sirius.

- Il a peut-être des petits jouets en plastique pour s'amuser. Vous savez, ceux qui font « squik squik », dit Peter avec un faible sourire.

James le fusilla du regard mais ne put s'empêcher de sourire. Bien que déplacée, l'image restait amusante.

- Ils ont dû trouver un moyen de l'empêcher de sortir. Dumbledore n'agit jamais à la légère, dit Lily qui souriait elle aussi.

- Mais je ne vois pas quoi… dit Sirius, perplexe.

- Une chaîne ou une cage, dit Peter d'un ton badin.

Ils tournèrent la tête vers lui au moment où il réalisait l'ampleur de ce qu'il venait de dire. Ses yeux se remplirent d'horreur et sa lèvre supérieure se souleva avec dégoût.

- Non, quand même ! Ils ne feraient pas ça… hein ? demanda-t-il à James sur un ton presque suppliant.

James haussa les épaules.

- C'est possible, dit Sirius avec indifférence. La sécurité des élèves est importante et il faut prendre toutes les précautions nécessaires. Et les animaux dangereux, le meilleur moyen de les tenir tranquille, c'est de les attacher ou les enfermer. Une nuit par mois, ce n'est pas dramatique.

James n'en croyait pas ses oreilles. Jamais il n'aurait cru entendre Sirius dire de telles choses. À coté de lui, Lily semblait s'être décroché la mâchoire.

- Bon, il doit se faire mal, c'est certain, c'est agressif ces trucs-là, mais est-ce que c'est grave ? Après tout, ce n'est qu'un… continua Sirius en regardant Peter.

- SIRIUS ! s'écria Peter, visiblement outré. Voyons ! Comment peux-tu dire ça ? C'est… affreux ! Seigneur, tu penses vraiment ce que tu dis ? Peu importe ce qu'il est, personne n'a le droit de traiter Remus comme ça ! C'est inhumain, barbare ! C'est…

Peter cessa de parler lorsqu'il s'aperçut que Sirius le regardait en souriant.

- Alors ? Ca t'ennuie toujours qu'il dorme dans le même dortoir que nous ? demanda malicieusement Sirius.

James et Lily se mirent à rire. Sirius venait de faire une impressionnante démonstration de psychologie inversée. Peter le fixa un instant avec son air de poisson hors de l'eau. Il ne comprenait visiblement pas .

- Non, bien sûr ! Pourquoi je… oh… dit-il en rougissant. D'accord, d'accord. T'as raison et je m'excuse.

- Heureux de te revoir parmi nous, Peter ! s'exclama Sirius en lui tendant les bras.

Peter lui fit une grimace et secoua la tête en souriant. James tourna la tête vers Lily. Elle ne souriait plus. Elle fixait Sirius avec un drôle d'air.

- Lily ? dit doucement James.

Elle sursauta et tourna la tête vers lui avant de regarder Sirius à nouveau.

- Tu étais sérieux quand tu disais qu'il devait se faire mal ? demanda-t-elle d'une toute petite voix.

Black baissa tristement la tête.

- Oui… Même si il était en plein milieu d'un champ, libre comme le vent, si il est seul, il va se faire mal. C'est instinctif et personne ne peut rien y faire, dit sombrement Sirius.

- Mais… mais… qu'est-ce que tu entends par « se faire mal » ? demanda Lily.

- Et bien… C'est difficile à dire parce que je ne suis pas un expert mais… Je crois bien que si il n'a personne à attaquer, à mordre… il s'attaque lui-même. De l'auto-mutilation, en quelque sorte. Ils ne sont pas très… hum… conscients, répondit Sirius sans la regarder.

Un silence inconfortable s'installa, chacun étant plongé dans ses pensées plutôt morbides.

- Mais… Ça doit faire mal… alors, il ne doit pas se blesser tant que ça, dit finalement Peter.

Au son de sa voix, James su qu'il n'arrivait pas à se convaincre lui-même mais c'était tout de même soulageant de l'entendre.

- Sûrement ! dit Sirius avec un sourire incertain. Enfin, de toute façon, il est entre de bonnes mains avec madame Pomfresh ! Bon, je ne voudrais pas être rabat-joie mais il nous reste malheureusement des devoirs à faire.

- Ouais… Allons-y, dit James. J'espère que la salle commune à une odeur supportable, maintenant.

- McGonagall à dû se charger de ce problème. Allons-y. Et en attendant, on tient ça mort, mmmmmm, dit Sirius en fixant Peter avec insistance.

Peter lui fit une moue qui signifiait clairement qu'il avait compris le message et que, de toute façon, il n'allait pas le crier sur tous les toits et ils sortirent tous de la pièce en silence.

En entrant dans la salle commune, ils eurent la joie et le plaisir de découvrir qu'elle avait retrouvé son odeur naturelle. Ils poussèrent donc un soupir de soulagement et retournèrent à la table qu'ils avaient quittée en toute hâte. Au loin, assise avec les mêmes garçons que lors du repas, Cathy les fusilla du regard, insistant sur Sirius, qui ne lui accorda qu'un bref regard dédaigneux. Lily se sentit mal à l'aise. Même si elle leur avait demandé, de façon assez claire d'ailleurs, de ne plus le faire, ils avaient encore disparu sans lui donner aucune indication. Lily amorça un mouvement pour aller lui parler, lui demander pardon. Cathy était sa meilleure amie et elle ne voulait pour rien au monde qu'il y ait un froid entre elles, ni avec aucun autre de ses amis. Mais Lily baissa la tête tristement et renonça à l'idée d'aller s'expliquer avec Cathy. Elle ne pouvait pas lui dire une chose pareille en pleine salle commune et de toute façon, elle ne voyait pas ce qui lui permettait de s'octroyer le droit de révéler le secret de Remus. « C'est ce que James vient de faire », lui souffla la petite voix dans sa tête. Lily la repoussa vivement. James savait que d'une façon ou d'une autre, avec la recherche de Spite, ils le découvriraient. Il avait donc agit sagement en les isolants pour leur dire lui-même pour éviter les réactions exagérées en publique. « Et Peter ? » demanda à nouveau la petite voix. Lily haussa les épaules. Peter les avait suivis et James n'aurait tout de même pas pu lui dire de partir. « Et Dieu fit don de la perfection à James Potter… »

- Franchement… grommela Lily.

- Pardon ?

Lily sursauta. Elle avait parlé sans s'en rendre compte et elle avait été entendue. Et pas par n'importe qui ! Elle se sentir rougir et son regard croisa celui de James qui la fixait, la tête légèrement de coté, dans l'attente d'une explication. Ce qu'il pouvait être mignon quand il voulait.

- Oh, rien… Je me parlais toute seule, répondit-elle timidement.

- J'ai entendu dire que c'était un signe d'intelligence, répliqua James avec un charmant sourire.

Lily rougit de plus belle, le petit rire moqueur de Sirius n'aidant pas, et replongea le nez dans ses livres. Elle fut soulagée d'avoir presque terminé ses devoirs parce qu'elle n'arrivait pas à se concentrer du tout. Elle n'arrivait pas à chasser Remus de son esprit. Non pas qu'elle avait fait semblant de ne pas se soucier de sa condition, elle aimait vraiment Remus. Il était sans doute son meilleur ami. Elle aimait sa force intérieure et sa tranquillité, la malice qu'il cachait en lui et la façon dont il lui souriait. Rien au monde n'aurait pu la pousser à avoir peur de lui ou à le rejeter. Non… Ce qui hantait son esprit, c'était ce que Sirius avait dit. Elle ne pouvait pas supporter l'idée que Remus souffre. Il fallait qu'elle sache si il se blessait vraiment, si il avait mal. Elle allait le lui demander lorsqu'elle le verrait. Elle allait lui dire qu'elle savait et lui demanderait ce qui se passait. Ca lui ferait sans doute du bien d'en parler. Elle hocha la tête avec détermination et se força à comprendre la phrase qu'elle lisait pour la dixième fois.

Le temps fila doucement et la salle commune commença à se vider. Lily avait maintenant terminé ses travaux et fixait d'un air absent James, qui travaillait toujours, pensant encore à Remus et à combien les cheveux de James avaient l'air soyeux. Le son d'un livre tombant sur le sol la sortit de sa torpeur. Elle s'étira et poussa un long bâillement avant de ranger ses livres et accessoires dans son sac.

- Et bien, messieurs, je vais aller dormir, si ça ne vous dérange pas trop, dit-elle.

- Bonne nuit, Lily ! dirent les trois garçons en même temps en lui souriant.

- Et vous aussi ! répondit-elle en se levant.

Elle se dirigea vers son dortoir avec l'impression que James la suivait des yeux. Elle ne savait pas si elle était embarrassé ou contente mais elle rougit néanmoins. Une fois devant son lit, elle se prépara pour la nuit et se glissa entre les draps frais. Cathy n'était pas encore montée, discutant toujours avec ses nouveaux amis, sans doute au grand dam de Sirius. Les pensées de Lily filèrent automatiquement vers Remus. Elle secoua vivement la tête. Elle ne voulait pas y penser. Il ne fallait pas penser au pire avant de savoir. Elle s'obligea donc à penser à autre chose et traversa lentement la barrière des rêves…

…pour se redresser en sursaut quelques heures plus tard, trempée de sueur. Elle avait fait un rêve atroce. Elle était pourchassée par des gens armés de haches et de fléaux d'arme qui étaient fermement décidés à la faire brûler sur un bûcher après l'avoir torturé pour lui faire avouer qu'elle était une sorcière. Elle avait couru longtemps sur le terrain de Poudlard, qui était beaucoup plus grand qu'en réalité, puis s'était enfoncé dans la forêt interdite, pour y trouver refuge. Ses poursuivants avaient vite abandonné la chasse, craignant les créatures de la forêt, mais Lily avait continué à courir. Elle avait fini par arriver à une clairière. La lune pleine illuminait l'endroit d'une douce lumière argenté. Lily s'était arrêté pour reprendre son souffle, savourant l'air frais sur ses joues, écoutant les hiboux hululer doucement dans les arbres, les criquets leur répondant dans l'herbe haute, le son des feuilles dansant joyeusement au gré du vent, admirant le paysage, les fleurs endormis, le cadavre à demi nu de Remus baignant dans son sang, atrocement mutilé, la fixant de ses yeux morts.

Assise dans son lit, les mains pressées sur son cœur qui battait la chamade, la respiration haletante, Lily se demandait comment elle avait réussi à ne pas hurler. Longtemps, elle resta là à trembler, des larmes roulants sur ses joues. À ce jour, elle ne se souvenait pas avoir fait un rêve aussi horrible. C'était tellement réel. « Ca va aller, ce n'était qu'un rêve après tout… » se dit-elle. Elle regarda autour d'elle pour s'assurer qu'elle n'avait pas réveillé ses compagnes de chambre puis se leva pour aller prendre un verre d'eau. Elle tremblait encore tellement qu'elle faillit tout renverser sur le sol. Elle vida son verre d'un trait et se glissa à nouveau sous ses couvertures, les remontant jusque sous son nez. Elle prit de grandes inspirations et fit tout son possible pour faire le vide dans son esprit, se concentrant uniquement sur le rythme de sa respiration. Au bout d'un moment, elle cessa de trembler. Elle se roula en boule dans son lit et ferma les yeux, cherchant à nouveau le sommeil. Deux secondes plus tard, le regard mort de Remus la fixait. Elle ouvrit vivement les yeux et secoua la tête. Elle devait cesser de penser à ce rêve et dormir ! Elle força ses pensées sur quelque chose d'autres et refit un autre essai. Mais le regard vide revint la hanter. Elle se redressa dans son lit et se fit un sermon mental pendant une bonne dizaine de minutes avant de s'installer pour un nouvel essai… qui rata encore. Avec détermination, elle fit tout ce qu'elle put pour s'aider à dormir. Elle pensa à ses cours, à ses amis, à James, à ce qu'elle voulait faire lorsqu'elle serait grande, à ses parents, à James, aux vacances de noël, à l'halloween, à James, à combien elle détestait Severus Rogue, à quel point James était mignon en comparaison, à comment elle pourrait torturer le professeur Spite, à sa joie d'être sorcière, à James, au match de Quidditch, à la survie des éléphants d'Afrique, à James… Et aussi à James mais rien ne put lui chasser l'image des yeux de Remus. Ses grands yeux dorés habituellement si chaleureux… Lorsque Lily réalisa qu'elle se chantait une chanson et qu'elle se berçait toute seule dans son lit (ce qui n'aurait pas manqué d'horrifier Cathy), elle renonça au sommeil. De toute façon, était déjà cinq heures quarante-cinq et il ne lui restait plus beaucoup de temps pour dormir. Elle poussa un soupir puis se leva. Elle s'habilla et prépara ses livres pour la journée avant de descendre dans la salle commune. Elle se recroquevilla dans son fauteuil favori, celui où elle s'installait toujours pour regarder Remus battre tout le monde aux échecs. Encore une fois, l'image du cadavre de son ami la frappa de plein fouet. Elle frissonna et regarda à la fenêtre. Le soleil se levait lentement. Lily soupira. Où pouvait-il bien être ? Elle se demandait si il était blessé, si il avait mal. Il faudrait attendre de lui avoir posé la question pour le savoir. « Comme si il allait te le dire… » murmura la petite voix dans sa tête. Lily se redressa dans son siège, se sentant parfaitement stupide. Évidemment qu'il n'allait pas le lui dire ! Mais comment faire pour savoir alors ? Elle devait savoir, sinon, elle n'aurait plus jamais le sommeil tranquille. Si il partait de l'infirmerie le soir, peut-être qu'il y revenait le matin. Pomfresh devait aller le reprendre là où elle l'avait laissé. Il suffisait de se trouver une maladie imaginaire et le moyen d'avoir le champ libre pour chercher Remus au cas où l'infirmière la voyait entrer. Elle regarda sa montre. Six heures. Elle glissa son sac sous son fauteuil et quitta la tour des Gryffondor en douce. Elle hésitait encore entre la migraine violente et l'intoxication alimentaire lorsqu'elle poussa lentement la porte de l'infirmerie. Tous les lits étaient vides à l'exception d'un seul sur lequel était penchée Pomfresh. Lily toussota pour signaler sa présence et Pomfresh se redressa vivement. Elle tira consciencieusement les rideaux et alla à la rencontre de Lily.

- Mon Dieu, mon enfant, qu'est-ce qui se passe ? demanda l'infirmière.

Lily n'avait pas pensé que seul son teint pâle dû à une nuit presque sans sommeil et l'état de stress dans lequel elle se trouvait allait l'aider dans son plan. Elle passa une main sur son visage.

- Je ne… sais pas. Je ne me sens pas… pas très bien, balbutia Lily, comme si elle était sur le point de s'effondrer.

Pomfresh la prit par le bras et l'aida à se coucher confortablement. Seul un lit séparait Lily de Remus.

- Expliquez-moi…

- Je ne sais pas. J'ai la tête qui tourne et je… me sens bizarre, répondit Lily d'une voix faible.

Pomfresh ouvrit la bouche mais un son étrange venant de la pièce d'à côté l'interrompit.

- Oh… Excusez-moi, Mlle Evans. Reposez-vous, je reviens bientôt. Je dois préparer… enfin… je reviens, dit l'infirmière en se levant vivement.

Lily ne croyait pas à sa chance ! Tout allait comme sur des roulettes et elle n'avait même pas eu besoin de mentir. Enfin, pas beaucoup. « Sauf si Remus est dans l'autre pièce ! » lui dit sa voix intérieure. Elle résista juste à temps de se redresser vivement dans son lit. Elle attendit donc patiemment que Pomfresh ait quitté la salle puis elle se leva doucement et avança sur la pointe des pieds jusqu'à l'autre lit occupé. Elle se mordit la lèvre, imaginant à quel point elle aurait l'air stupide si ce n'était pas Remus puis écarta doucement le rideau…

Elle aurait préféré que ce ne soit pas Remus, après tout. Elle plaqua la main sur sa bouche pour étouffer son exclamation d'horreur. Ses genoux flanchèrent et elle se retrouva assise sur le lit de son ami, à combattre les larmes qui lui montaient au yeux. Elle avait imaginé le pire mais ce qu'elle voyait était encore pire. La première chose qui avait frappé Lily, c'était la difficulté qu'il semblait avoir à respirer, bien qu'elle fut soulagée de voir qu'il respirait tout de même. Sa poitrine se soulevait à un rythme irrégulier et les râles qui sortaient de ses lèvres fendues et gonflées indiquait que c'était douloureux. Sa peau était tellement pâle que Lily avait l'impression qu'elle pouvait voir au travers. Enfin, si on pouvait en juger par l'étendu de l'épiderme qui était toujours intact. Il était couvert de sang, frais ou en train de coaguler. Il avait une horrible plaie au dessus de l'œil droit, sa joue du même côté était presque entièrement à vif et une longue et profonde rigole sanglante traversait son visage de la tempe gauche jusqu'à son menton puis descendait sur sa gorge pour disparaître sous le drap. Le tissu était collé à plusieurs endroits sur le corps de Remus par des taches de sang. Il devait être couvert de plaies. Pomfresh avait commencé à soigner ses bras avec une mixture que Lily ne connaissait pas et des bandages épais qui commençaient tout de même à prendre une teinte écarlate. La jeune fille ne savait pas si il dormait bien qu'il avait les yeux fermés. Son visage était contracté dans une expression de douleur si profonde qu'il semblait impossible qu'il ait pu trouver le sommeil. Puis elle remarqua à quel point il avait l'air épuisé.

- Remus… murmura Lily.

Elle effleura doucement sa joue gauche. Elle n'entendit pas Pomfresh revenir derrière elle.

- Remus… ouvre les yeux…

Elle voulait qu'il la regarde. Elle voulait voir ses yeux dorés et les voir vivants. Elle voulait chasser l'image de son rêve et s'assurer que malgré tout, il allait à nouveau lui sourire comme avant.

- S'il te plaît… Ouvre les yeux !

Lentement, les paupières de Remus se soulevèrent. Il fixa le vide un moment, ses yeux brouillés par la douleur puis il sembla se concentrer sur Lily. Elle refoula ses larmes et arriva à lui sourire. Elle était si contente de voir qu'il la regardait.

- Lily… dit-il dans un souffle.

Il eut un spasme de douleur, probablement pour avoir essayé de parler. Lily se mit à paniquer. Elle ne voulait pas qu'il souffre davantage… Et il lui sourit. Pas un de ses sourires chaleureux qu'il avait l'habitude de faire mais un faible sourire qui serra le cœur de Lily. Ses yeux brillaient doucement, heureux de la voir près de lui. Il leva lentement la main vers elle. Lily l'attrapa doucement entre les siennes. Elle ne voulait pas lui faire mal. Elle caressa le dos de sa main avec sa joue. Comme elle avait envie de le serrer dans ses bras.

- Lily… répéta-t-il.

Il ferma les yeux un instant sous la douleur puis les ouvrit à nouveau. Il glissa faiblement son index sur la joue de Lily. Elle tourna la tête et déposa un baiser sur ses doigts.

- Sssssshhhhhh… Repose-toi, maintenant, dit-elle.

Elle se leva et posa délicatement la main de Remus sur le lit. Ils se regardèrent un moment puis il ferma lentement les yeux. Lily referma le rideau et recula d'un pas avant de se retourner et tomber nez à nez avec Mme Pomfresh.

- Oh ! je…

Pomfresh lui fit signe de se taire et de la suivre. Lily, la tête enfoncée dans les épaules, la suivit. Elles sortirent toutes les deux de l'infirmerie.

- On se sent mieux ? demanda ironiquement l'infirmière.

- Non, répondit tristement Lily.

Elle leva un regard misérable vers Pomfresh. N'avait-elle aucune compassion ?

- Excusez-moi… Mais vous n'auriez pas du faire ça, vous savez ? dit l'infirmière d'une voix douce.

- Mais… mais je voulais savoir comment… comment…

Lily avait envie de tourner les talons et d'aller s'effondrer dans un coin pour pleurer toutes les larmes de son corps, bien que cela serait sans doute sans grande utilité. Pomfresh posa une main sur son épaule.

- Je comprends… Mais, bien que cela semble difficile à croire, son état est beaucoup moins dramatique qu'il n'en a l'air, dit l'infirmière.

- C'est toujours… comme ça ?

Pomfresh eut l'air surprise de la question. Elle fixa Lily pendant un moment. Visiblement, elle ne s'attendait pas à ce que la jeune fille sache pourquoi Remus était à l'infirmerie exactement.

- C'est comme ça après toutes les pleines lunes ? insista Lily.

L'infirmière soupira.

- Non… Aujourd'hui, c'est exceptionnel. Mais vous mentir serait stupide… Il ne revient jamais indemne, expliqua tristement Pomfresh.

- Il n'y a rien à faire ? vraiment ?

- Non… Et ce n'est pas parce qu'on a pas cherché…

Un court silence s'installa.

- Retournez à votre salle commune, Mlle Evans, et reposez-vous. Je ne crois pas que ça lui plairait que vous vous rendiez vraiment malade, dit Pomfresh avec un faible sourire.

- Vous… Vous allez bien vous occuper de lui, n'est-ce pas ? demanda Lily avec un regard suppliant.

- Bien sûr, ne vous inquiétez pas, dit Pomfresh. Maintenant, allez avant que je ne me fâche.

Lily lui fit un faible sourire puis se dirigea vers la tour de Gryffondor. Si quelqu'un l'avait croisé, il l'aurait ramené illico à l'infirmerie. Elle marchait légèrement en zigzag, le regard absent et vitreux. Elle fut même étonné lorsqu'elle arriva devant le portrait de la grosse dame. Elle donna machinalement le mot de passe et entra dans la salle commune. Elle prit immédiatement la direction de son dortoir sans regarder autour. Elle était à mi-chemin lorsqu'elle fut interpellée.

- Lily ? demanda James d'une voix inquiète.

Elle se tourna lentement vers lui. Au premier coup d'œil, Lily sut qu'il n'avait pas mieux dormi qu'elle. Il avait les traits tirés, le teint pâle et ses cheveux étaient un véritable désastre. Elle nota accessoirement que Sirius et Peter étaient là eux aussi, passablement dans le même état mais seul James importait. Elle était tellement contente de le voir là.

- Lily, qu'est-ce qui se passe ? demanda à nouveau James.

La jeune fille tituba jusqu'à lui sans le quitter des yeux, enroula ses bras autour de sa taille et éclata en sanglots sur son épaule.