Je reraconte les événements des Terres du Milieu du point de vue des méchants. Ca mélange une tentative de les justifier, quelques passages pseudo-théologiques et de la romance yaoi sur Melkor et Sauron. C'est plutôt sérieux. Les persos ne sont pas a moi mais aux héritiers de Tolkien, je ne sais pas exactement qui c'est. Ils seraient probablement hautement choqués par ce qui suit. Ah, et puis c'est entièrement plein de spoilers sur _toutes_ les oeuvres de Tolkien que je connais.


Partie I

Ici est l'histoire de Sauron, dit aussi Gorthaur le cruel, et de son maître Melkor, le plus grand des Ainur qu'il suivit dans sa chute, de par sa propre volonté. ainsi que leurs faits et méfaits depuis le commencement d'Arda jusqu'à la fin de Sauron.

Il n'est rien dit de ce qu'il chanta lors de la Grande Musique. Si de plus sages que lui y avaient pris garde, le mal qu'il fit aurait-il pu être prévu, évité, contré? Aurait-on même pu l'empêcher de rejoindre l'ombre? Mais aucune trace n'en reste, et ce récit commence lors de l'entrée des Ainur dans Ea.

Rien n'existait encore, et le vide les surprit et les effraya. Mais quatre des plus grands le bravèrent directement, façonnant de leurs esprits le monde et la matière.

Manwë le tout premier créa l'air qui remplit l'espace, puis les vents qui le parcourent, souples et rapides. Ce fut tout à la fois l'origine du mouvement, et celle de la musique. Et certains des Maiar sentirent en eux un bruissement d'ailes, un parfum de liberté et une fraicheur de brise, et ceux-là surent leur nature ; ils rejoignirent Manwë et l'aidèrent dans son oeuvre.

Ulmo créa l'eau qui coule en gouttelettes, gouttes, ruisseaux et fleuves, sans cesse se divisant puis se réunissant, sans cesse changeant mais sans jamais se perdre. Les Maiar qui sentirent en eux la force des vagues et le murmure des sources, ceux qui pleurèrent en voyant le scintillement des toutes nouvelles couleurs sur la moindre goutte, ceux-là furent ses serviteurs.

Aulë fit la roche dure ou tendre, lisse ou fragmentée, grise ou étincelante ; et il fit la forme et la solidité, ce qui met longtemps à se créer comme à disparaître. Il fit de grands berceaux et accueillit en son sein les eaux d'Ulmo. Et ceux des Maiar qui sentirent en eux l'éclat du métal, la force de la roche et la richesse des cristaux vinrent à lui, et Sauron fut de ceux-là.

Tous ces éléments étaient en équilibre harmonieux, quand Melkor créa le feu en grande rubans qui parcouraient l'espace, et le froid en mille éclats perçants. Ceux des Maiar qui avaient la froideur de la glace ou l'appétit du feu se regroupèrent derrière lui. Le feu fondit les roches en longues rivières de lave liquide, et vaporisa l'eau en air porteur d'orages. Et le froid congela l'eau en cristal solide et fit éclater la roche dure en fragments évasifs. Et Melkor clama sa maîtrise sur tout ce qui avait été créé, et demande pour lui la royauté sur le monde.

Un grand bruit se fit alors parmi les Ainur. Certains blamaient ce chaos, et d'autres l'admiraient pour sa nouveauté. Mais tous reconnurent la grandeur de Melkor. Il semblait que personne n'oserait le contredire, et Sauron se réjouissait déjà d'avoir un tel roi, parmi de nombreux autres. Manwë seul s'avança vers lui pour lui dénier ce droit, et ses amis tremblèrent pour lui. Mais au moment de parler, il fut vêtu de la pure lumière d'Iluvatar, qui éclipsa celle de Melkor, pourtant le plus brillant des Ainur. Melkor recula et fuit seul dans d'autres parties vides du monde ; Manwë fut choisi comme roi.

Aulë et ses serviteurs continuaient d'ordonner la terre, la rendant belle et inébranlable. Aulë fit alors le fer et le cristal, l'or et le mithril, et il fit aussi la terre meuble et tendre, pour l'amour de Yavanna la douce. D'autres firent le cuivre ou l'argile, l'argent ou le sable, imitant leur maître en y apportant leurs variations personnelles.

Mais si Sauron servait Aulë, ses pensées étaient tournées vers Melkor - s'en rendait-il compte lui-même? Il créa alors le soufre, en cristaux jaune pâle ou en fleurs sublimées. Il se consumait en belle flamme d'un bleu de ciel, mais sa fumée était malfaisante, et il causa bien plus tard de grands malheurs, par l'acide ou par les armes. Il créa aussi le phosphore, dont la pâle lumière illumine un temps les ténèbres, mais ce fut aussi un poison mortel, dont la brulure mord et détruit.

Comme le monde avait pris consistance, les Ainur s'y créèrent un corps de chair, adoptant la forme des futurs enfants d'Iluvatar, qui leur avait montrés la Vision. Les cheveux de Sauron étaient de feu orange, car la flamme de Melkor était touours dans son esprit, et il regrettait son absence.

***

Quand Melkor vit les autres Ainur, il souhaita lui aussi pouvoir posséder physiquement ce monde, et il se créa un corps. Ses cheveux longs étaient plus noirs que la nuit, car aucune des étoiles de Varda n'aurait voulu s'y montrer. Sa taille était grande, son pas lourd, et nul ne pouvait regarder en face ses yeux de glace et de feu. Ils vint chez les Ainur, et tous voulurent le voir, mais peu parvinrent à le fixer longtemps. Ils ne comprenaient pas comment un des leurs pouvait leur inspirer une telle crainte, en même temps qu'un étrange fascination.

Il s'avança devant Manwë, et presque tous crurent qu'il venait pour proposer une réconciliation, car ils ne connaissaient pas encore les sentiments de l'ombre. Mais Melkor se dressa, leva le bras comme pour prêter serment, et dit d'une voix tonnante, devant tous les Ainur.

"Loin d'ici, seul, j'ai déjà renié en mon coeur la lumière d'Iluvatar. Et je le fais encore, solennellement, devant cette assemblée. Je désire renier ce qu'il m'avait accordé, je chercherai ma propre lumière, car ma liberté est à ce prix. Et j'invite ceux qui le souhaitent à me rejoindre dans ma lutte, à suivre mon geste s'ils l'osent."

Puis il s'en fut seul, car personne ne le suivit. Mais quelques jours après, des bruits circulaient déjà chez les Ainur : on disait que la plupart des esprits du feu qui avaient suivi Melkor au début des âges étaient allés le rejoindre. Et ceux qui en cherchaient un de leurs amis, souvent ne le trouvaient pas. On disait que Melkor avait entrepris une grande guerre contre le monde, et qu'il comptait détruire ce que les autres avaient construit, avec tant de peine.

Sauron le sut quand il fut envoyé, avec d'autres des serviteurs d'Aulë, pour tenter de guérir une de ces blessures faites à la surface de la terre. Ce qui avait été une haute montagne était maintenant un lac de feu ; les plus belles des pierres avaient fondu et coulé.

"Comment a-t-il pu détruire une montagne d'une telle majesté?" murmura un des Maiar.

Mais Sauron se tut, car autant qu'il avait admiré le fier sommet qui se dressait ici, autant il aimait la montagne égorgée et le lac de flammes, la lumière sombre et la force qui en émanaient.

Ils conversaient tout en dressant des barrières de pierre pour empêcher la roche fondue de déborder sur les terres.

"Certains disent qu'il a promis de nous prendre le monde, ou du moins la plus grande partie, et qu'ils laisserait à chacun de ceux qui l'auront suivi une petite partie des terres, pour qu'ils puissent les gouverner à leur guise.

- Ne croyez pas ses discours. Il est vain d'espérer la liberté de celui qui ne rêve que de régner sur les autres. Il peut avoir décidé de refuser la soumission à Iluvatar, qui est pourtant douce. Ne pas vouloir de maître est stupide, mais je le comprends. Mais que dire de ceux qui le suivent? Accepter d'être un esclave pour pouvoir régner sur d'autres esclaves : qui peut souhaiter un tel sort?

- Et c'est encore dans le cas où il pourrait gagner, mais c'est impossible. Même s'il est le plus fort des Ainur, il ne peut les vaincre tous réunis."

Et Sauron pensait, et se disait que tous les Maiar étaient les serviteurs des Valar, et que les Valar eux-mêmes servaient Iluvatar - sauf Melkor, qui l'avait rejeté. Et que s'il n'y avait pas de honte à être un serviteur, il y en avait à servir quelqu'un qu'on avait pas choisi, et que les Maiar qui suivaient Melkor devraient être libres de leurs choix - mais que lui-même resterait à Aulë, malgré la beauté sauvage des champs de flammes.

***

Mais il devait être un jour où Sauron verrait Melkor de près, pour son malheur. Parcourant le monde en quête d'espace, il venait de découvrir un des multiples lieux que Melkor avait corrompus et rendus inhabitables. De l'eau bouillante y jaillissait d'un sol de glace, la fumée en était étouffante, et un être vivant n'aurait pu s'y tenir sans être à moitié gelé et à moitié brulé, mais aucun être vivant vulnérable au feu ou au froid n'existait encore à l'époque, et Sauron resta fasciné par l'irrégularité des torrents d'eau qui montait vers le ciel, avant de se refroidir et de se condenser en frêles réseaux de glace.

Mais avant qu'il ait eu le temps de quitter ce spectacle pour aller annoncer cette nouvelle destruction à Aulë, il sentit derrière lui une présence imposante et sut qui c'était, et la peur l'étreignit, sans qu'il sut de quoi il avait peur ; en effet les Maiar et les Valar, qui quittaient à volonté leur corps de chair pour en prendre un nouveau, ne pouvaient ni souffrir ni mourir.

Et Melkor lui parla longuement, comme on parle à un enfant. Il lui parla de la liberté qu'il cherchait et qu'il ne pouvait trouver, car Iluvatar était dans les actes de chacun, bien qu'il leur ait promis une vie indépendante, mais il ne demanda rien à Sauron, qui sentit qu'il devrait parler quand même.

"Je ne veux pas vous suivre pour détruire ce que d'autres ont créé.

- Ce n'est pas la destruction que je souhaite, mais la création, et je demande une place pour ce que je crée. Ne souhaites-tu pas toi aussi créer quelque chose qui ne vienne que de toi, dans lequel ni Aulë, ni même Iluvatar n'auraient leur part?"

Sauron était fasciné par ces paroles, mais aussi par la voix et l'allure de celui qui les prononçait, qu'il pouvait enfin regarder en face, pendant une brève durée, après quoi ses yeux embarassés, presque blessés par tant de majesté, cherchaient à se fixer sur un autre objet, avant de revenir à Melkor.

- Je ne désire rien de tel, put-il finalement répondre mensongèrement. Et vous ne pouvez pas me l'accorder.

- Bien sur, que je ne peux pas te l'accorder, fit Melkor tonnant. Si j'y avais ma part, cela ne viendrait plus de toi. Je ne peux que chercher pour moi-même.

- Ne pouvez-vous pas créer, pourtant? et Sauron montra le champ d'eau brulante et de glace.

- Je peux essayer, mais je sens encore une part de la lumière d'Iluvatar dans ce que je crée, même à ma propre façon. C'est la façon de créer d'Aulë, et la tienne, de n'être que l'éxécutant d'une source extérieure. Rien de tout cela n'est encore réellement à moi. - il ricana - ce qui ne m'empêche pas d'avoir maîtrise dessus, tant qu'Iluvatar ne se montre pas. A ceux qui me suivront, je donnerai une part de ce que je pourrai conquérir sur les autres. Et puisque toi, par crainte ou par manque d'imagination, tu ne cherches pas la liberté non plus, ni la création, tu peux au moins faire partie de mes serviteurs.

- Que voulez-vous qu'ils fassent, que vous ne pouvez pas faire vous-même?

- J'ai besoin d'aide. Car je veux ce monde, ou au moins une partie, dont on ne puisse me disputer la propriété. Et quand je l'aurai, j'aurai la matière pour chercher ma nouvelle lumière. Je l'ai cherchée dans le vide, et je ne l'y ai pas trouvée.

Sauron se sentait de plus la tentation de céder, sans savoir vraiment si ce qu'il ressentait était un désir de possession, ou l'envie de participer à un projet qui lui semblait plus ambitieux que tous ceux qui avaient pu jaillir de l'esprit d'Aulë. Ou peut-être même encore autre chose.

- Nous serions vos esclaves, malgré ce que vous nous promettez! cria-t-il encore pour se libérer de cette tentation.

La voix de Melkor se teinta d'ironie.

- Tu as raison. Reste l'esclave d'Iluvatar, si c'est ce que tu préfères. Après tout, je n'ai nul besoin de toi. Mais ne pense pas être libre, en ce moment. Personne ne l'est. Pas même moi. Et toi moins que les autres.

Sauron se sentit humilié et furieux. Les phrases de Melkor résonnaient douloureusement à ses oreilles. "Je n'ai nul besoin de toi." L'envie de lui prouver le contraire le dévorait. Mais déjà Melkor s'éloignait.

Sauron se rappela Iluvatar, la source de tout, la voix qui leur suggérait les mélodies qui étaient l'univers, quand aucun monde confiné ne les retenait encore. Il pensa à Aulë, à sa noblesse et son ingéniosité. Et il regarda Melkor, qui lui proposait une guerre incertaine, dirigée contre celui qui les avait créés et contre le monde entier. Même si sa puissance le fascinait, il ne pouvait croire que Melkor pourrait un jour rivaliser avec Iluvatar. Mais s'il ne pouvait le croire, il se retrouvait presque à le souhaiter.

Et il choisit.

"Je vous suivrai." dit-il.

- En es-tu capable? Rejetteras-tu tes anciens maîtres?"

Sauron ressentit un sentiment d'exaltation qui se mêlait à la peur qui ne l'avait pas quitté depuis le début de leur discussion et à un reste de honte. Il se mit à genoux devant Melkor.

"A partir d'aujourd'hui, je cesse d'être un des serviteurs d'Aulë, et je ne suivrai plus que vous. Je vous aiderai de tout mon pouvoir à conquérir, contrôler et changer ce monde. Je renie également la lumière d'Iluvatar et je ne vivrai plus que dans votre lumière.

- C'est bien, répondit Melkor. Viens, maintenant."

***

Melkor proposa de le suivre à de nombreux autres Maiar, parmi ceux qu'il avait choisis pour leurs caractères en conformité avec le sien. Mais certains d'entre eux regrettèrent leur acte et rejoignirent à nouveau les autres Valar, comme le fit Ossë, serviteur d'Ulmo, Maia très puissant à qui Melkor avait promis la maîtrise sur les mers s'il triomphait. Et ils furent nombreux à être inconstants, à cette époque, tant le sort du monde était inconstant lui-même. Par contre, la plupart des esprits du feu qui s'étaient déclarés ses serviteurs au commencement des temps le restèrent avec lui.

Melkor, Sauron, et les autres Ainur qui avaient suivi Melkor continuaient de se battre pour imposer au monde leur sauvagerie, créant plaines de glaces et montagnes de flamme, rendant les sources brulantes et fétides, étendant de grands champs de cristaux de sel stériles et douloureux, aux formes torturées, frappant le monde d'éclairs aux couleurs malsaines qui laissaient derrière eux une odeur fétide. Les autres tentaient bien de réparer leurs changements, mais nul ne savait à l'avance où et quand ils allaient frapper - et il sembla un temps que Melkor allait vaincre.

Mais alors, du monde extérieur dont les Valar et les Maiar s'étaient coupés surgit Tulkas le fort, envoyé par la main même d'Iluvatar. Son intelligence était faible, mais il n'était venu que pour exercer sa force brute contre Melkor, qui connut à l'époque de nombreux revers.

Alors, les Valar surent leur victoire et décidèrent que Melkor serait chassé au-delà des portes de la nuit. Mais ils ne voulaient perdre tous ceux qui l'avaient suivi, et durent décider, avec chagrin, de ceux dont l'erreur ne pouvait pas être réparée, et Aulë plaida avec chaleur pour Sauron, bien qu'il n'ait pas lui-même demandé son pardon.

Parmi ceux qu'ils n'estimèrent pas assez, certains fuirent et se cachèrent dans des contrées éloignées, et les autres, soit qu'ils lui fussent fidèles, soit qu'ils se sentissent trop dépendants pour souhaiter d'être seuls, suivirent Melkor dans son exil.

Aulë réclama Sauron à ses côtés, qui fut écrasé par sa clémence, et ne put pendant un temps rejeter ce poids. Mais, bien qu'il aie essayé de ses mêler aux autres, il ne retirait plus aucune joie d'un travail exécuté sous de tels ordres. Il repensait aux paroles de Melkor et sentait à nouveau l'exaltation lui traverser les veines, puis il pensait à ses propres paroles à cette époque, et rougissait de honte. Non plus de les avoir proférées, comme il l'avait cru un instant, abreuvé par les leçons des Valar ; mais de les avoir trahies.

Il fut un moment ou la peur de l'espace hors du monde, et même la crainte qu'il éprouvait par avance devant les déclarations de mépris que Melkor pouvait avoir pour un traître, ne purent plus compenser son ennui, et surtout son désir de revoir celui qu'il avait choisi pour maître.

Alors il partit seul, en secret, et franchit les portes de la nuit.