Titre : Les Sangs sorciers
Auteur : Neko-chan, disponible sur neko_enju@hotmail.com, et si besoin, kawaii_neko@hotmail.com …
Spoilers : Tomes 1, 2, 3, 4, 5 de Harry Potter.
Résumé : Sixième tome – Des larmes de javel, des promenades de fantômes. Alors que le monde se renverse pour de bon, Harry Potter remonte le temps à travers la mémoire des autres.
Disclaimer : Je ne touche aucun argent (j'en aurais pourtant bien besoin), vous reconnaîtrez les personnages dont la création me revient, les autres étant les fruits de l'imagination de Madame J.K.Rowling dont je deviendrais plus tard l'elfe de maison pour la remercier d'avoir créé Harry Potter. Le monde de celui-ci lui appartient bien évidemment également et… hum, pardon. Début de chapitre.
Remerciements : Tilicho, la première personne qui a lu ce chapitre et qui m'a bien évidemment donné son avis, Hajime Mizoguchi pour ses musiques inspirantes, ainsi que Arai Akino, Mayaa Sakamoto, Yoko Kanno, Tchaïkovsky, Muse, U2, The Corrs, et Savage Garden que je persiste à écouter, et toutes les musiques qui me berçaient aux moments où j'écrivais ces lignes.
A Tilicho pour nos vies passées, à Hime pour son affection, à lui pour son sourire…
Chapitre 1 - Quatre ans pour des larmes de javel
C'était comme si rien n'aurait pu empêcher la pluie de s'abattre sur les pavillons de Privet Drive. De véritables rideaux d'eau s'écoulaient du ciel tandis que des édredons de nuages d'un gris sombre, presque bleu, avaient élu domicile sur les toits clairs. Les premières gouttes de pluie étaient apparues au début de juillet et aucune éclaircie n'était survenue entre temps. Le nez collé contre la vitre embuée, Harry Potter demeurait immobile et silencieux. Le bruit familier des gouttes qui éclataient contre la paroi de verre berçait presque ses pensées, les mêlait, les broyait ensemble de façon à ce que l'esprit du jeune homme soit totalement vide. Cette litanie aquatique couvrait presque la voix haut perchée de la Tante Pétunia qui prenait le thé avec une quelconque voisine ainsi que le grondement incessant de la télévision que Dudley avait laissé allumée en permanence depuis le commencement des vacances. Harry soupira légèrement contre la fenêtre. De la buée s'y dessina. Il se détourna de la vitre, se leva et s'étira doucement.
Peut-être était parce qu'il portait des vêtements trois fois trop larges pour lui, mais le garçon semblait incroyablement maigre.
Ses yeux étaient comme vides, son visage arborait une expression creuse. A ses pieds, une dizaine de lettres s'empilaient. Alors que d'une écriture ronde et régulière il était inscrit :
« Ne t'inquiète pas, ils agissent activement pour que tout cela s'arrête très vite. Ne lis pas ces bêtises de la Gazette… », sur un autre parchemin, des lettres embrouillées s'entrechoquaient pour former : « Le ministère est sans dessus dessous, Papa est débordé de travail…Percy est revenu à la maison il y a quelques jours, mais je raconterais plus tard… »
A la surface d'un autre parchemin encore, une main avait tracé d'une écriture fine : « A la moindre douleur, à la moindre intuition, Harry, préviens-moi. »
Pas la moindre allusion au dernier meurtre, pas un seul fantôme dissimulé à la fin d'une ligne. C'était aussi difficile de l'écrire que de le dire, apparemment. Harry avait espéré que les jours passant, tout aurait été moins précis, que les heures se déroulant, tout se serait effacé un peu… Et puis, comme l'année précédente, lorsque la vision de Cedric Diggory s'effondrant sur le sol le frappait de plein fouet à chaque fois qu'il tentait de fermer les yeux, le souvenir de Sirius qui tombait en arrière face à une Bellatrix riant aux éclats lui revenait, plus net que jamais…
Il souhaitait ne jamais avoir à accepter ça, ne jamais avoir à prononcer la vérité, et pourtant il savait que c'était ce qui aurait pu apaiser sa douleur également.
Sirius était mort…
Exactement comme ses parents l'étaient, ainsi que Cedric…
Une des lettres lui avait prié de ne pas lire les « bêtises de la Gazette ». Harry n'aurait même pas pu désobéir, étant donné que pas un seul hibou n'était venu lui apporter le journal depuis fin juin. Dumbledore lui avait expliqué dans une de ses lettres que des articles alarmants ne lui apprenant rien de plus que ce qu'il ne savait déjà ne lui auraient été d'aucune utilité.
Harry s'avança vers la porte de sa chambre et la poussa pour se diriger vers le couloir. Contrairement à l'intérieur de sa chambre d'où les bruits étaient étouffés, le couloir recevait particulièrement bien les sons de l'émission que regardait Dudley. Des coups de revolver retentissants, des sons violents, des cris agonisants. Harry eut une grimace, agressé par cette abondance de sons puissants et lourds. Il entra dans la salle de bain et contempla sa tâche : sur le rebord de l'évier se trouvaient une bouteille de javel, une éponge jaune et des gants. Il enfila ceux-ci et après avoir appliqué un peu de produits sur l'éponge, il se mit à frotter l'intérieur de la baignoire blanche avec force, une force presque violente. Et tout en grattant la surface de calcaire qui maculait l'émail, tout en rinçant à l'aide de grands jets d'eau, il eut l'impression qu'il essayait d'arracher sa peine de la pierre pâle et qu'il épongeait ses propres larmes, ces sanglots qui n'avaient pas encore jailli de ses yeux et qui se refermaient dans un globe de nerfs, au creux de sa gorge.
Lorsque la tante Pétunia, après avoir raccompagné son invitée à la porte à force de ragots et de rires hypocrites, monta à l'étage et entra dans la salle d'eau pour inspecter le travail de Harry, ses yeux globuleux eurent difficulté à ne pas se fermer tant l'émail était rutilant.
Harry entendait légèrement les bruits des casseroles et des plats que la tante Pétunia agitait pour la préparation du dîner. La télé de Dudley s'était enfin – ô joie – éteinte, car son propriétaire était sorti, malgré la pluie, rejoindre son « ami » Piers pour une quelconque affaire, et l'Oncle Vernon n'allait pas tarder à rentrer. Il avait énormément de travail cet été-là, le marché des perceuses n'étant pas à son plus beau fixe. Harry ne s'en trouvait pas plus mal. Les retrouvailles « familiales » ne s'effectuaient que durant les week-end et les dîners, la tante Pétunia vaquait à ses occupations, Dudley restait inlassablement collé à son écran de télévision, ce qui assurait un minimum de paix à l'égard de Harry.
Harry descendait les escaliers sur l'ordre de la tante Pétunia (il devait dresser la table), lorsque la sonnerie du téléphone résonna. Pétunia décrocha et alors que Harry laissait tombait les fourchettes sur la table, il put la voir pâlir et dissimuler une grimace peu engageante. Elle resta silencieuse durant une ou deux minutes. Puis elle baissa le combiné et le tendit à Harry brusquement en marmonnant : « C'est pour toi » et en détournant les yeux. Harry s'approcha du combiné et le prit dans le creux de sa main. Il se doutait de la personne qui se trouvait à l'autre bout du fil mais c'était, il s'en rendait compte, le premier appel qu'il recevait.
« Allô ? » dit-il.
Une voix claire lui répondit :
« Harry ? C'est Hermione… »
Harry sourit légèrement. Il remercia mentalement son amie en espérant que la magie de celle-ci était sensible à la télépathie.
« Tu vas bien ? » demanda Hermione d'une voix hésitante.
Harry soupira. Il sentait le regard perçant de la tante Pétunia darder sa nuque, soupçonneux, méfiant.
« … Ca va » finit-il par déclarer. Il savait que Hermione se doutait de la véritable réponse. « Et toi ? »
« Plus bien que mal, on va dire, répondit-elle. Tu as reçu la lettre de Dumbledore ? »
« Il m'a écrit mais… »
« Pour la semaine prochaine » ajouta Hermione d'une voix lente.
« Non… »
Près de la table, la tante Pétunia laissa tomber le saladier et se mit à pester. Elle ne cessait de lancer des regards furibonds à Harry comme si il avait été le responsable de sa maladresse.
« … On est censés se rendre à l'ancienne… enfin, à l'ancien quartier général de l'Ordre. Ou plutôt, tu es censé te rendre là-bas… mais nous venons aussi », expliqua Hermione.
Harry déglutit difficilement. L'ancien quartier général. L'ancienne demeure des Black. L'ancienne demeure de Sirius…
« Oh… » fit-il simplement, sa voix étranglée.
Il y eut un silence un peu lourd. La conversation tournait à vide. Harry ne se sentait aucunement libre de ses paroles (la tante Pétunia persistait à le fixer furieusement), et jamais il ne serait arrivé, de toutes façons, à prononcer à travers un combiné impersonnel, le nom de Voldemort, ou de Sirius.
Puis la voix d'Hermione reprit un peu tremblante et faussement enjouée :
« Heum… tu… tu as reçu les résultats de tes buses ? »
« N..non » répondit Harry. Aucune lettre annonçant ses notes n'était arrivée depuis le début des vacances.
« Oh, nous non plus en fait, mais je pensais que, peut-être… »
« Non non, rien. Peut-être que Ron… » insista Harry.
« Non, Ron n'a rien reçu. Il est à côté de moi et… »
Harry sentit sa gorge se serrer encore, et interrompit Hermione :
« Tu es au Terrier ? »
« Non, Oxford Street. On t'appelle d'une cabine téléphonique. Les parents de Ron sont avec les miens, à un café. Mrs. et Mr. Weasley ont eu la gentillesse d'expliquer à mes parents pour… »
Harry crut entendre Hermione qui prenait une légère inspiration.
« … pour Voldemort. (elle s'empressa d'enchaîner sur le reste de ses phrases) Le père de Ron sait très bien comment s'y prendre pour parler de tout cela aux moldus. »
« A table. » prononça la tante Pétunia d'un ton plus froid que la brise de janvier.
« Je dois te laisser, déclara Harry avec amertume. »
« Prends au moins mon numéro, alors. »
Et Hermione entreprit de lui dicter une suite de chiffres que Harry griffonna en toute hâte à l'aide des premier bout de papier et stylo qu'il put trouver. Puis ils se dirent à bientôt et Harry raccrocha. Il inspira profondément et se tourna vers la table.
La tante Pétunia s'était assise et mâchait ses carottes comme si elle avalait de l'acide. Harry s'assit en face d'elle.
« Ils… ils ne mangent pas avec nous ? » demanda-t-il en parlant de Vernon et Dudley.
La tante Pétunia lui lança un regard noir.
« Vernon est surchargé de travail. Dudley est chez Piers, si je ne m'abuse. »
Harry amena à lui le plat de carottes et se servit. La cuisine était anormalement silencieuse, sans les grognements de l'oncle Vernon et la télé de Dudley. Seuls les tintements des fourchettes et des couteaux résonnaient.
La tante Pétunia ne savait pas, songea Harry. Si le fait d'être ici le protégeait de Voldemort, alors cette maison était un obstacle pour le mage noir. Et être un obstacle pour Voldemort signifiait être un danger pour soi-même. Voldemort avait été affaibli. Mais maintenant qu'il était de retour… La tante Pétunia avait-elle conscience de l'ombre qui planait sur son toit ?
« Tante Pétunia… » commença Harry.
Elle ne releva pas les yeux.
« Je… Etes-vous au courant pour Voldemort ? »
Pétunia laissa tomber ses couverts sur la table. Son regard se plongea dans celui de Harry.
« On m'a mise au courant » déclara-t-elle d'un ton acerbe. « Ce sorcier ne mourra jamais, apparemment. »
Harry scruta son visage.
« Ma mère vous en parlait lorsqu'elle était encore au collège ? »
« Comme si je m'intéressais à ses histoires de sorcellerie. » rétorqua froidement Pétunia.
Elle se leva et porta son assiette dans l'évier. Harry sentit son cœur s'accélérer. Comme à chaque fois qu'un peu de ses parents était révélé, l'envie de percer ce moment dépassait toutes ses émotions – même la tension qui circulait dans ses veines depuis le début de l'après-midi.
Il observa sa tante dans les moindres mouvements qu'elle opérait.
« Vous ne l'entendiez pas quand elle en parlait à vos parents ? » insista-t-il.
Pétunia se figea une seconde puis entreprit de frotter frénétiquement son assiette.
« Ou quand elle en parlait avec mon père ? »
Harry avala sa salive.
« Où habitiez-vous quand vous étiez jeunes ? »
La tante Pétunia se retourna. Dans ses yeux bruns brillaient une colère pure.
« Ne pose pas de questions ! »
Cette phrase tintait familièrement aux oreilles de Harry. On lui avait inculqué ce principe dès qu'il avait été en âge de poser des questions, et il n'était pas sûr de désirer une fois encore l'appliquer.
« Pourquoi ma mère n'a plus été votre sœur lorsqu'elle a reçu sa lettre de Poudlard… ? »
La tante Pétunia se dirigea vers lui, et bien que désormais Harry fut de la même taille qu'elle, il se demanda l'espace d'une seconde si elle n'allait pas lui administrer une gifle. Mais il en fut tout autrement. Pétunia le darda de ses yeux furieux, puis retira ses gants maculés de vaisselle qu'elle jeta violemment sur la table. Enfin, elle murmura :
« Très bien. »
Elle tourna les talons et fit quelques pas vers le salon. Puis elle tourna furtivement la tête et ordonna :
« Viens. »
Un peu étonné, Harry la suivit. Un peu méfiant aussi. Mais surtout, intrigué. Pétunia s'avança vers l'armoire en chêne, massive et imposante, qui trônait dans le salon. Elle sortit une clé de la poche de son tailleur de tweed. Le visage plus contracté que jamais, elle inséra la clé dans la serrure de bronze et tourna deux tours. Un déclic se fit, la lourde porte de chêne s'ouvrit. Plusieurs piles d'assiettes aux décorations travaillées remplissait les étagères. Pétunia en déplaça deux, qu'elle posa délicatement sur la table du salon, et Harry distingua alors, collés contre la paroi de bois, un livre relativement volumineux, couvert d'un épais tissu vert bouteille. Pétunia le prit entre ses mains avec une grimace vainement contenue, et souffla sur l'épaisse couche de poussière qui maculait la surface de l'ouvrage. Une multitude de grains grisonnants lévitèrent dans les airs avant de s'éparpiller dans l'air.
Pétunia posa le livre sur la table, à côté des piles d'assiettes, comme si il lui ébouillantait les mains. Elle saisit entre son index et son pouce la couverture et la fit basculer.
Harry s'approcha. Ses yeux brûlaient, ses doigts également. Oui, brûlaient. Et il brûlait d'envie de s'emparer du livre. Au centre de la page de garde, une inscription tracée d'une écriture régulière.
« Famille Evans »
Et en haut, à droite, une date. « le 26 juin 1957 »
Pétunia tourna la page.
Sur le papier épais, une photo en noir et blanc était accrochée. Une femme, dont les traits du visage évoquaient à Harry un souvenir qu'il ne parvenait pas à identifier, serrait contre sa poitrine un nourrisson emmitouflé d'un linge blanc. L'expression de la femme était douce, ses cheveux (apparemment clairs), tombaient sur son front et ses épaules avec grâce, ses yeux à demi-fermés semblaient emplis de satisfaction.
« Ma mère. » déclara Pétunia, d'une voix à la fois acide et lasse.
Harry s'absorbait dans la contemplation de cette femme si proche et lointaine en même temps. Il se souvenait… En première année, dans le reflet du miroir du Rised, il avait vu ces traits reproduits à l'infini, et cette femme aux cheveux blonds…
« L'enfant… »
« C'est moi. » coupa Pétunia. Mes parents ont commencé cet album le jour de ma naissance.
Et elle tourna l'autre page.
Plusieurs photos se succédaient. Pétunia enfant qui dormait, qui tentait de se trouver son équilibre, une petite fille assez maigre, à l'expression déjà sombre, qui de temps à autres grimaçait un sourire. Quelques indications se pressaient entre les photos… Le premier sourire… Les premiers pas… La première dent… Elle rencontre ses cousins… Elle rencontre ses grands-parents… C'est Noël… C'est son anniversaire. Harry voyait, dans les gravures des photos familiales, des nez dont la forme ressemblait au sien, et il crut distinguer, dans certaines photos en couleur, un garçon et une jeune fille qui avaient les mêmes yeux que lui.
Puis, le 17 janvier 1960, sa grand-mère réapparut, tenant dans ses bras un second bébé, souriant à l'aînée qui ne semblait pas ravie d'avoir une petite sœur. Le bébé avait des yeux plus verts qu'une chrysoprase. Puis, de nouvelles photos, d'autres indications. Tantôt deux petite filles, tantôt une seule. Pétunia qui tenait Lily dans ses bras avec un air grincheux… Lily qui tentait de manger une glace… Lily devant le sapin de Noël… La première rentrée, celle de Pétunia, les genoux anguleux et les mains crispées sur son cartable. La deuxième rentrée, Lily qui se tenait sur les marches de son école, un sourire s'étendant d'une oreille à une autre, déjà entourée d'une ou deux amies.
Dans la rainure du livre. Une lettre à l'écriture verte. « Miss Lily Evans, la deuxième chambre du premier étage… »
Pétunia ferma le livre dans un claquement sourd. Elle le tendit à Harry qui le prit dans ses mains.
« Je te le donne. Ca encombrait mon armoire. Nous ne sommes plus revues après. Les vacances sont courtes, et nous partions chacune de notre côté. »
Harry fixait le l'ouvrage tout comme il avait fixé l'album que lui avait offert Hagrid dans sa première année.
« La dernière fois que je l'ai vue… » commença la tante Pétunia.
Harry tourna son regard vers elle.
« C'était à l'enterrement de nos parents, en 1978. »
Elle prit les piles d'assiettes dans ses mains, les reposa sur leurs étagères, referma vivement la serrure et en quelques enjambées pressées, regagna sa cuisine.
Harry resta quelques instants immobile, puis, d'un pas lent et ignorant les bruits de casseroles qui venaient de la cuisine, il grimpa une à une les marches de l'escalier tapissé de moquette rose. Il poussa la porte de sa chambre, la ferma et s'y laissa glisser.
Il aurait voulu poser des questions, encore, demander, interroger, et pourtant jamais il ne se serait senti capable de le faire. Il voulait plus que tout avoir des précisions, écouter les histoires de Pétunia même si elle était une narrative acerbe et amère, il voulait savoir, son corps et son esprit le réclamait, mais l'idée même de rassembler la même force qui l'avait poussé à provoquer Pétunia quelques instants auparavant l'épuisait.
L'album s'échappa de ses mains et une fois de plus le livre s'ouvrit. Essayant de respirer lentement pour que son cœur reprenne un rythme normal, Harry se pencha sur la page, reprit le livre, recommença à le feuilleter. Il observa les détails… Il regarda les photos qu'il n'avait pas eu le temps de voir, Pétunia ayant refermé le livre à la moitié du recueil. Des photos de sa mère… jeune et souriante, pas encore sa mère, pas encore amoureuse.
Le souvenir de la Pensine de Rogue était souvent revenu en son esprit… Malgré ce qu'avaient dit Remus et… Sirius… il ne savait trop de quoi penser de son père… on lui avait toujours dit qu'il était son portrait, qu'il était digne d'être son fils. Son père… son père qui apparaissait sur cette photo. Sur un canapé à la couverture écossaise, sa mère assise, qui riait, et son père à ses côtés, qui souriait apparemment un peu gêné. Debout, derrière le canapé, son grand-père, qui souriait d'un air moqueur.
« 12 juillet 1977, appartement de Londres, trois mois avant déménagement »
Ils avaient dix-sept ans… ils étaient tombés amoureux durant leur septième année, avait dit Sirius. Quatre ans avant leur mort… Quatre ans seulement à partager… Quatre ans… Le temps de se marier et d'avoir un enfant, juste ce temps. Juste ce laps de temps. Juste quatre ans…
Ses quatre premières années à Poudlard. Quatre ans…
Il tourna la page suivante.
Le mariage de Pétunia. Le 3 août 1977. Dans une robe blanche qui rappelait furieusement à Harry une gigantesque meringue, au bras de Vernon qui souriait de contentement dans sa tenue grise, un sourire tremblant sur les lèvres.
L'album s'arrêtait là. Le reste des pages étaient blanches et vides.
Ses grands-parents étaient morts dans les mois qui avaient suivi… Comment ? Un accident, encore ? Un accident qu'on lui cachait, un accident qui n'en était peut-être pas un.
Harry se recroquevilla contre lui-même et serra ses jambes sur son torse. La tête contre les genoux, il resta immobile dans l'obscurité. Ses yeux, immergés de larmes transparentes, cherchaient dans l'ombre quelque chose. Il ne savait même pas quoi.
Il entendit la porte d'entrée claquer, plus tard, dans la soirée, dans le brouhaha des casseroles. Vernon était rentré, Harry entendait maintenant sa voix grasse qui saluait avec fatigue Pétunia, dont il ne percevait pas les réponses. Puis, plus tard, dans la soirée, la porte claqua de nouveau. Les pas lourds de Dudley résonnèrent, Harry l'entendit grimper difficilement l'escalier. Le lourd pachyderme qui lui servait de cousin s'arrêta sur le seuil de l'escalier, apparemment essoufflé, et juste en face de la porte de Harry.
« T'es réveillé ? » lança-t-il à son cousin toujours assis contre la porte.
«… Ouais. » répondit ce dernier.
Dudley donna un grand coup dans la porte et Harry fut expulsé à quelques mètres, sur les parchemins jaunis qui maculaient le sol.
« Alors ? » déclara Dudley. « T'as reçu des nouvelles ? »
Harry grogna et se releva. Il lança un regard noir à Dudley :
« C'est à cette heure si qu'on vient poser des questions pareilles à son cousin ? » donna-t-il comme toute réponse.
Dudley fronça les sourcils et s'approcha de Harry, les poings fermés, menaçant.
« Tu ferais mieux de pas t'approcher trop près », lança Harry. « Une queue de cochon, un passeport pour être un légume toute ta vie, je crois que ça fait ton compte. »
Dudley montra les dents.
« T'as pas le droit dans la maison ! » assura-t-il.
« Que tu crois. » répondit Harry. « Sors de la chambre, s'il te plaît. »
« Ma chambre, à l'origine. Je sortirais pas. »
Harry soupira. Il se dirigea vers son lit et de sous son oreiller dégaina sa baguette.
Dudley le regardait désormais avec un air paniqué.
« NON ! » s'exclama-t-il.
« Somnus totalus ! »
Dudley s'effondra sur le sol en ronflant lourdement. Harry rangea sa baguette dans sa poche et s'approcha de son cousin qui dormait, un filet de bave aux lèvres. Il essaya de le traîner jusqu'à son lit mais changea d'avis très vite, vu le poids que pesait Dudley et la force qu'il fallait déployer pour le traîner dans le couloir. Il le poussa donc en dehors de sa chambre et le laissa tel quel.
Harry se laissa tomber sur son matelas et ferma les yeux. Pas la peine de se déshabiller…
Il n'avait pas eu le temps de songer à… la maison, de la place Grimmauld. Revenir dans la maison de Sirius… revenir à la maison des Black…
Il sombra dans un sommeil comateux, entrecoupé de diverses images et paroles.
Il frottait la baignoire de la salle de bain de la Noble Maison des Black, une bouteille de javel à la main. Mais alors qu'il nettoyait l'émail de ses propres larmes qui coulaient en laissant de longues traînées grises, un album photo dont les pages volaient venait emplir ses pensées, comme si l'album murmurait : « Seulement quatre ans, ils vécurent seulement quatre ans… »
Une femme hurlait, des épées s'entrechoquaient et une boule de lumière noire éclairait le monde d'un vif éclat blanc qui désintégrait les tableaux et ramenait Harry dans son monde…
