Titre : Les Sangs sorciers
Auteur : Neko-chan, disponible sur neko_enju@hotmail.com, et si besoin, kawaii_neko@hotmail.com …
Spoilers : Tomes 1, 2, 3, 4, 5 de Harry Potter, et la fic "Quelle heure est-il au paradis" écrite en concert avec Tilicho, et "les sorcières" de Rohal Dahl (trouvez l'allusion !), ainsi que les monde Chrestomanci. J'aime faire des clin d'oeil à ce que j'aime !
Résumé : Sixième tome - Des larmes de javel, des promenades de fantômes. Alors que le monde se renverse pour de bon, Harry Potter remonte le temps à travers la mémoire des autres.
Disclaimer : Je ne touche aucun argent (j'en aurais pourtant bien besoin), vous reconnaîtrez les personnages dont la création me revient, les autres étant les fruits de l'imagination de Madame J.K.Rowling dont je deviendrais plus tard l'elfe de maison pour la remercier d'avoir créé Harry Potter. Le monde de celui-ci lui appartient bien évidemment également et… hum, pardon. Début de chapitre.
Remerciements : Tous mes reviewers, et les chansons : Quatre nuages, Fille d'avril , Kanaete, Negai Koto, Purify, surtout (car il y en a eu d'autres…), qui de leurs musiques (non de leurs paroles…) m'ont inspiré l'ambiance de la Lande des Vents.
A Silver, pour lui…
Chapitre 3 : La Lande des Vents
Harry marcha quelques minutes, la tête baissée, les mains dans les poches de son pull. Qu'avaient-ils donc tous subis durant des années ? Il avait compris en plongeant son regard dans celui de Remus. Il n'y avait pas que la lycanthropie... il n' avait pas que ses propres démons à affronter, il avait ses fantômes à combattre, il devait faire face à son passé... Qu'est-ce qui avait bien pu le retenir dans cette campagne isolée ? Quels souvenirs le liaient à ces champs déserts... ? Il n'était pas seul... Les professeurs, Mr et Mrs Weasley...Chacun possédait cette lueur de spectracle dans leurs yeux, ce vent froid qui soufflait perpétuellement dans leur mémoire...
Harry le comprenait maintenant... Il avait reconnu la teinte de ses propres yeux...
Il s'arrêta soudain. Il se tourna derrière lui. La maison de Remus paraissait minuscule d'ici. Il voyait distinctement l'orée du bois, et, devant lui, la limite du champs, qui s'achevait par une clotûre en barbelé. Une brise d'été soufflait entre les brins d'herbe et de blé, d'herbes folles, de fragiles coquelicots. Le soleil était à son zénith. Il devait être environs midi... Il s'assit sur le sol et respira l'air. Il avait une odeur de paille et de fraîcheur.
Il s'allongea, mit ses bras derrière son crâne, tenta de se perdre dans l'immensité bleue qui s'offrait à lui.
Loin.
Aller loin.
C'aurait été tellement simple de prononcer une formule et de revenir assez tôt pour les prévenir, pour dénoncer, pour prévoir. Ses parents aurait été là, Sirius encore vie, tant de souffrances auraient été évitées... Mais même en ayant arrêté Queudver, Voldemort aurait vécu, aurait poursuivi son oeuvre. Il aurait donc fallu intervenir à l'époque où Voldemort n'existait pas, ou seul Tom Jedusor existait. Il aurait fallu lui parler, il aurait fallu s'interroger sur ce jeune sorcier trop brillant. Il aurait fallu le détourner de l'objectif qu'il convoitait. Mais peut-être Tom Jedusor lui-même était indomptable. Alors il aurait fallu que le père de Tom ait été autre, ou mieux, il aurait fallu que les parents de Tom ne se rencontrent pas.... Il aurait fallu... Oui, il aurait fallu...
C'était tellement agréable de rêver. Harry avait l'impression d'y croire un peu, que pendant une minuscule seconde tout s'arrangeait, tout allait pour le mieux...
"Harry !"
Il ouvrit les yeux, redressa la tête, s'appuyant sur ses coudes. Du pavillon, Tonks agitait bien grand les mains. Harry se releva et rejoignit la maison.
Tonks l'attendait, les bras croisés.
"On y va..." dit-elle.
"Heu..." commença Harry.
"Aux Landes des Vents." s'empressa de préciser Tonks. Elle détourna le regard.
"Ah."
" N'oublie pas qu'à dix-sept heures..."
"Oui, je sais."
Silence.
"Où est-ce ? Comment on y va ?" demanda Harry.
" En voiture, jusqu'au Chemin de Traverse. Il y a une entrée directe là-bas... Et Leah Parker a son cabinet sur le Chemin."
Harry acquiesça.
Remus sortit, un sac en bandoulière sur l'épaule. Il ferma la porte en passant sa main dessus ("Pratique !") et Tonks battit des cils en demandant la place du conducteur. Remus soupira, donna son accord et Tonks s'engouffra dans la voiture avec une allégresse surprenante.
Harry attacha sa ceinture avec précaution, Remus fit de même et se tourna vers la fenêtre.
Tonks démarra et déjà les paysages s'embrouillèrent pour former une masse incolore et étourdissante. Harry porta son pouce et ses dents et le mordilla concensieusement, rongeant son ongle jusqu'au sang.
En une petite demi-heure, ils se trouvaient déjà aux abords du centre de Londres.
Tonks chercha pendant plusieurs minutes une place, puis, arrivant à la dernière goutte de sa patience, fit disparaître l'engin d'un claquement de doigts sous l'oeil désaprobateur de Remus.
Celui-ci, les mains dans les poches de sa robe-tunique, le regard ailleurs, se dirigea vers l'avenue principale. Harry le suivit, accompagné de Tonks qui faisait claquer ses talons (verts) sur le pavé londonien, sous l'oeil ahuri des passants. Ils s'arrêtèrent enfin devant l'emblème usée du Chaudron Baveur qu'aucun moldu ne semblait remarquer. Remus poussa la porte et tous les trois entrèrent dans la salle sombre et bruyante.
Tonks enfonça son coude dans les côtes de Harry et désigna discrètement de l'index un petit groupe de sorcières attablées qui bavardaient avec élégance dans leurs verres. L'une d'elles portait un chapeau pervenche aux motifs gris qui rappellaient à Harry la housse d'un canapé. Elle avait un visage agréable, de longs cheveux noirs. Toutes portaient des gants.
"Ce sont les veuves grises... Elles se regrouppent en petits comités. Deux d'entre elles sont absentes... Jane Kreg et Marlene Smith...elles sont mariées, enfin, pour le moment. On dit que ce sont elles qu'un jour Mr.Dahl a croisé dans la rue... Celle au chapeau découpé dans un rideau, c'est Junon Phelow... La présidente, à ce qu'on dit. Je crois qu'elle prend une identité différente dès qu'elle peut... Elles ont une réputation épouvantable, mais rien n'a jamais été prouvé..."
Puis elle balaya la salle du regard et marmonna :
"Mr.Bashram... un vrai brigand, fais attention."
Le Mr.Bashram en question était un homme assez massif, à la barbre brute, qui fixait sa bière avec une expression inquiétante.
Puis :
"Et Miss Caroline Arcand... une vraie petite peste. Ils ne sont pas Mangemorts mais aussi nuisibles. Egoïstes, ambitieux, cruels, et de plus, incompétents. Caroline est connue pour avoir volé les pouvoirs de son frère..."
Harry émit un petit sifflement.
"C'est possible, ça... ? Voler les pouvoirs de quelqu'un... ?"
"Quand on s'y prend bien, oui."
"Son frère était quelqu'un de puissant ?"
Tonks eut un petit sourire rêveur.
"Un enchanteur..." dit-elle d'une voix qui ressemblait à un long et langoureux soupir.
Remus, devant eux, se retourna et lança un regard ironique à Tonks.
Harry posa son regard sur la table où était installée Caroline Arcand. C'était une femme plutôt belle, aux cheveux roux et bouclés, qui, emmitoufflée dans une robe rouge qui semblait appartenir à une époque lointaine, gribouillait des notes sur un carnet à la couverture de cuir. Elle chuchotait tranquillement, sourde aux regards curieux qui se posaient de temps à autre sur elle.
"Tu viens ?" demanda Tonks.
Harry acquiesça. Ils traversèrent le pub et attèrirent dans la petite cour où Remus tapa quelques coups de sa baguette sur les briques du mur rouge.
Le chemin de Traverse d'ouvrit à eux. Les boutiques s'enfilaient les unes à la suite des autres, serrées, bancales. Des enseignes étaient là par dizaines. Les gens sortaient, rentraient, et au fur et à mesure de leurs promenades s'ajoutaient des sacs et colis plus ou moins encombrants.
La rue était cependant moins enthousiaste que d'ordinaire. Les gens étaient moins nombreux, et parlaient moins bruyamment que d'habitude. Certains paraissaient soucieux, d'autres perplexes.
Cette fois-ci, au lieu de rester sur l'avenue principale, Remus les entraîna dans les rues parallèles. Harry, qui s'était efforcé de contenir son anxiété, sentait son coeur s'accélérer, ses mains se crisper.
Tonks lui prit le bras. Elle lui adressa un sourire encourageant auquel il ne put répondre.
Ils longeaient les maisons biscornues, les vitrines opaques. Soudain, Remus bifurqua dans une ruelle sombre et étroite, sur sa gauche. La rue était pavée, et un bruit de goutte qui tombait d'une gouttière se répétait en échos contre les murs.
La ruelle se terminait en un cul-de-sac. Harry leva la tête. Quelques fenêtres, en forme de meurtrières, donnaient sur cette petite cour. Alors qu'il se demandait la nature des créatures qui auraient pu vivre ici, il vit, en face, contre le mur qui achevait la ruelle, une grille qui ressemblait à un portail, en fer forgé, et quasiment incrustée dans le mur de pierres noires. Remus posa sa main contre un des entrelacs de fer et la porte tourna sur ses gonds, se détachant lentement du mur, qui s'effaçait pour laisser place à un paysage brumeux. Remus fit un pas, et entra dans cette autre unité parallèle. Tonks poussa Harry dans le dos et celui-ci rejoignit Remus. Enfin, Tonks passa le chemin à son tour. De l'autre côté, elle referma la porte, qui brusquement s'incrusta dans un mur de meulière qui avait remplacé celui de pierre sombre. Harry regarda autour de lui.
La lumière était blanche. Blanche, presque grise, aveuglante, et incroyablement désagréable. C'étaient des nuages épais qui s'étendaient sur le ciel, masquant toute partie bleue. C'"tait la lumière de ces jours nuageux sans soleil ni pluie...
Un immense portail leur faisait face. Une allée de graviers les y menait, large et majestueuse. A gauche, à droite, des arbres qui semblaient morts... A leurs branches semblaient accrochées d'épais filets bleus et argentés.
Remus avait pris de l'avance. Déjà, il était presque arrivé au portail. Il gardait irrévocablement la tête baissée, mes ses pas étaient décidés, come s'il se préparait à affronter dignement quelque chose ou quelqu'un. Tonks fit quelques pas, lents.
Elle lança un regard embué à Harry.
"C'est bizarre de venir ici, tu sais..."
Harry acquiesça. Il comprenait. Il savait. Son coeur s'accélera encore.
"Les filets fantômatiques que tu vois dans les arbres... ce sont des âmes et de la magie qui se sont rencontrées. Ici, il n'y a évidemment que ça... c'est puissant et dangereux."
"Y'a-t-il des fantômes ici... ?" demanda Harry.
Tonks eut un petit sourire, triste et ironique tout à la fois.
"Seulement pour ceux qui veulent bien les voir." dit-elle."Viens" ajouta-t-elle, "Il faut le rattraper" dit-elle en désignant Remus de son index à l'ongle verni.
Ils accélérèrent le pas.
Remus avait franchi le portail et s'avançait sur l'allée déserte.
Harry et Tonks le suivaient. La Lande des Vents... Un immense espace brumeux, où l'air respiré lui-même était spectral... L'herbe était sèche, lorsqu'elle existait. La terre était recouverte de gravier, mais parfois elle était découverte, et sa couleur pâle aveuglait presque. Il y avait des tombeaux, des caveaux immenses, même des petits temples... Harry remarqua qu'il s'agissait de grandes familles... Il y avait également de petites tombes, des pierres sobrement taillées, où seul un nom était inscrit. Elles étaient effacées par les monuments qui les entouraient. Un silence opaque envahissait chaque parcelle de l'immense cimetière. De temps à autres, une femme surgissait, habillée sombrement, la tête baissée, ou un vieux mage, vêtu d'une longue robe noire, les dépassait silencieusement.
Remus, Tonks et Harry marchèrent pendant longtemps.
Puis, brusquement, Remus bifurqua sur la droite. La rangée des pierres semblait les observer.
Harry regardait les noms. Il mit ses mains dans ses poches pour dissimuler leur tremblement.
"Sandra Phaney"
"John et Mary Poah"
"Ann Poree."
"Irina et Robert Poree."
"Potter, Scarlett."
Harry sursauta. Il déglutit. Ses yeux s'écarquillèrent.
"William Potter."
"Sarah Potter."
"Lucas Potter."
"Miranda Potter."
Devant Harry, des dizaines et dizaines de tombes se dressaient. Et chacune portaient le nom des Potter... Un caveau même se tenait là, des chouettes et des hiboux y étaient sculptés, et le nom des Potter y était gravé.
"Marlen Potter."
"Sean et Alisha Potter."
Ces deux tombes étaient reliées l'une et l'autre par une ronce épaisse où fleurissaient, parmis les épines, deux fleurs blanches.
"Morts pour leur amour..." déclara Remus en un murmure.
" Angus et April Potter."
"Tes grands-parents..." dit Remus avec un sourire triste. Ses yeux étaient cachés par un probable souvenir.
Harry essaya de parler, mais sa voix s'était éteinte. C'était comme si il se retrouvait à nouveau devant le miroir du Rised. Il s'accroupit devant la tombe commune à ses grands-parents. Une photo en noir et blanc y était accrochée dans un cadre oval.
Angus et April se tenaient de trois quart. Leurs deux mains se serraient et ils arboraient un sourire confiant. Elle avait un regard bleu et brillant, un nez en trompette, des lèvres minces et des cheveux châtain, fins et lisses qui coulaient sur sa robe blanche.
Lui... sa chevelure était semblable à celle de James et de Harry. Ses yeux noirs éclairaient de leur malice. Ses lèvres étaient pleines, son nez droit, son front haut. Il portait un costume noir.
"Le jour de leur mariage, si je crois me souvenir..." dit Remus.
Harry se releva lentement. Tonks avait les bras croisés pour lutter contre le froid de la brise qui soufflait. Harry arpenta le chemin qui se faisait entre les pierres.
"Octavia Potter..." murmura-t-il. Les mêmes cheveux...
"Ray..." continua-t-il. La même silhouette...
"Vivian et Benedict..." Benedict avait le même nez qu'Angus. Vivian ne portait aucun trait commun à la famille. Née Peterson... Une autre famille, une autre ascendance.
Sa gorge se serrait au fur et à mesure que les noms s'affichaient dans son esprit. Des visages, des corps par millier envahissaient sa conscience et sa mémoire. Un tourbillon de voix, de ressemblances, d'individus qui ne formaient qu'un seul et même être. Tous différents, tous semblables... Ils portaient le même nom, le sien, il était le dernier d'eux tous, il les avait vus dans le miroir, il y a déjà cinq ans... Il descendait d'un gigantesque arbre aux branches qui se tenaient par centaines, les Potter, si nombreux, autrefois omniprésents, la puissante famille sorcière, réduite en quelques décénies à un seul être, lui, Harry.
Lui...
Il s'appuya à une tombe lisse pour ne pas tomber, et aussitôt retira ses doigts de la pierre glacée.
"Harry !" appela Remus. "Ca va ?" ajouta Tonks d'une voix forte et inquiète.
Harry ne répondit pas. Car devant lui, il y avait deux noms. Encore deux noms à ajouter sur l'immense liste, deux noms si familiers, si présents...
"James et Lily Potter."
Une photo semblable à tant d'autres. Deux regards qui se croisaient, le noir qui se mêlait au vert, les mèches brunes contre les mèches rousses, deux visages qui communiaient, deux lèvres qui ne portaient ni inquiétude ni méfiance, ni la terreur qui les submergeraient bientôt, ni la haine contre leur assassin, ni le désarroi de leur avenir.
Et face au portrait, face à la tombe, face au lierre qui recouvrait le granit, une femme agenouillée. Une femme dont le visage aurait pu figer l'air, où la beauté se mêlait à la monstruosité. Sa figure, entourée de cheveux clairs et souples, était d'une harmonie parfaite, lisse et blance comme le givre, ses yeux pâles trahissait une sorte de divinité aveuglante, ses lèvres ne formaient ni sourire ni grimace, mais une froideur et une neutralité surprenantes... Cette virginité et cette jeunesse étaient déformées cependant, car une blessure longue et large s'étendait contre sa joue gauche.
Elle portait une robe bleue, presque grise, qui s'écoulait sur l'herbe tant elle était longue, une cape sombre qui lui tombait jusqu'aux pieds. Ses mains étaient protégées de mitaines noires et opaques, et ses doigts fins se crispaient sur un chapelet retenu par une chaîne cuivrée.
Harry cessa tout mouvement. Il était stupéfait d'une telle apparition. Elle plongea ses yeux luminescents dans l'infini vert des pupilles de Harry, fouilla longtemps son regard, longtemps... Harry sentit une lame de fond l'envahir et le ramener à la surface, il flottait.
"Harry !"
Remus approchait à grands pas.
"Harry..." répéta-t-il. "Tu..."
Mais il n'acheva pas sa phrase. Son corps se figea en apercevant l'étrangère. Sa pomme d'Adam effectua un étrange mouvement.
"Wibeka..." murmura-t-il. "Quelle surprise..."
La femme ne laissa paraître aucune réaction. Elle détacha juste son regard de celui de Harry.
"Bonjour Remus."
Harry, toujours figé, promenait son regard de l'étrangère à Remus. Tous les deux se regardaient fixement, sans ciller, sans hausser un seul sourcil.
« Quinze ans… » dit Remus.
« Oui, quinze ans. Le quatre novembre. » précisa Wibeka.
« Oui, le quatre novembre, en effet… » approuva Remus.
« Harry… »
Tonks venait de les rejoindre. Elle posa un regard inquiet sur Harry qui restait lui-même sans réactions.
« Bonjour… » dit-elle à l'adresse de la femme, et elle adressa un regard interrogateur à Remus qui ne répondit rien.
« Je venais me recueillir sur la tombe de Lily, comme chaque semaine. » expliqua soudainement Wibeka.
« C'est vrai que tu as le temps de venir souvent. » répliqua Remus.
Un échange de regard rempli de sous-entendus s'effectua, et Wibeka se détourna de Remus pour faire face à Harry. Elle le scruta du bout des chaussures jusqu'aux fourches de ses cheveux noirs. Elle fit deux pas vers lui.
« Tu leur ressembles. » dit-elle du bout des lèvres.
Harry baissa les yeux. Il leur ressemblait, oui.
Mais elle tendit sa main droite vers lui et il s'étonna de pas s'être reculé instinctivement.
Ses doigts blancs se posèrent sur son front et caressèrent la cicatrice.
« Il te l'a léguée, et elle te poursuit… Seize ans maintenant, si je ne m'abuse… »
Puis elle retira lentement sa main de la chaire glacée de Harry.
« J'étais sûre que je te verrais bientôt. » prononça-t-elle à Remus.
« Moi pas. » répondit aussitôt Remus. « Et pourtant je savais que tu venais ici… »
Elle haussa les épaules et fit volte-face, puis se dirigea vers la grande allée.
Remus, Harry et Tonks la regardèrent s'éloigner. Tonks s'apprêta à dire quelque chose mais elle sursauta lorsque Wibeka s'arrêta.
« Que s'est-il passé… en quinze ans ? » demanda Wibeka. Mais ce n'était pas une question. Cela ressemblait à un râle, à un cri de désespoir, à un dernier hurlement qui laissait place à la morte amère et noire.
« Que s'est-il passé en quinze ans ? » répéta-t-elle, et elle se retourna, en regardant Remus comme si elle l'affrontait. « Le mur s'est-il écroulé ? Avons-nous tous disparu ? Mais que de fantômes dans ces allées… Avons-nous tous enterré nos armes ? Notre tristesse est-elle telle que nos ardeurs de combattants se sont éteintes avec ceux qui sont partis ? Avons-nous sombré dans la faiblesse la plus lâche en quinze ans… ? »
Elle attendait une réponse. Son visage n'avait pas changé de couleur, ses sourcils ne s'étaient pas froncés, ses lèvres ne s'étaient pas crispées. Ca lui aurait été impossible. Harry pensa que cette femme était un spectre qui avait pris une apparence humaine… Près de la pierre, lorsqu'il l'avait vue, il avait songé que si elle avait été un fantôme, cela ne l'aurait nullement étonné.
Dans le silence, Remus s'approcha.
« Sirius est tombé, Wibeka… »
La femme cilla. Elle effleura l'épaule de Remus de ses doigts agiles.
« Je le savais… » murmura-t-elle dans un souffle qui respirait la fatalité.
Sous sa robe ample, Harry devina ses jambes céder. Un fantôme dont les jambes cédaient, c'était peu commun… Alors que son visage ne dégageait aucune expression, que sa poitrine ne semblait ressentir aucun affre, que ses membres ne semblait subir aucun changement, il se dégageait pourtant à ce moment de Wibeka une souffrance dure et particulière, semblable à la lame blanche d'un couteau sur la peau.
Harry fut pris d'un tournis. Il porta sa main à son front et s'accroupit sur le sol avant de tomber. Tonks se pencha et passa son bras autour de ses épaules.
« Harry, viens… » dit-elle. « Lève-toi, viens… »
Il essaya d'obéir et réussit à se tenir debout dans un équilibre précaire. Dans le calme désertique de la Lande, c'était cette absence de tout qui le frappait plus qu'un tremblement de terre et ébranlait son équilibre physique et mental.
Il gagna l'allée avec Tonks qui le soutenait et tous deux s'assirent, un peu plus loin, sur un banc de vieux bois. Mais Harry ne se sentait pas mieux. Tonks décida de sortir de la Lande, et entraîna Harry au gigantesque portail.
Quand Harry fut sorti, son cœur cessa de battre. Il porta les mains à son flanc gauche et courba le dos, ayant l'impression d'étouffer. Un long râle s'échappa de sa gorge et il eut la plus grande difficulté à ne pas tomber sur le gravier. Tonks se retourna et son visage pâlit considérablement.
« Harry ? »
Il ne pouvait répondre. Enfin son cœur émit un battement faible. Mais la douleur le submergea soudain. Il eut la sensation d'être écorché de toute part par un vent rapide et cruel. Tout monde extérieur tournait et tournait encore, les couleurs se confondaient. Il entendait vaguement Tonks l'appeler et crier. Il fit quelque pas difficiles en avant et s'appuya contre le mur de meulière.
« Aïe… »
Il se recroquevilla sur lui-même, osant prier pour que tout s'arrête, osant supplier un Dieu de le ramener à la vie et à l'absence de douleur. Serrant les dents, fermant les yeux, il attendit.
Puis soudainement, deux mains le relevèrent.
« Harry. »
« Harry. »
« Harry. »
Il ouvrit péniblement les yeux. Remus lui faisait face, le visage crispé et soucieux.
« Où as-tu mal ? Ta cicatrice ? »
Harry tenta de ravaler ses sanglots. Il avait trop pleuré ces derniers jours. Il ne voulait plus pleurer. Ca lui faisait trop mal de penser, mais il voulait, il désirait se souvenir…
« Non… » dit-il. Deux larmes brûlantes coulèrent sur ses joues, pénétrèrent dans ses lèvres.
Remus eut un petit mouvement de tête. Il se tourna vers Tonks.
« On l'emmène… » dit-il.
Elle acquiesça. Harry sentit son corps s'évanouir sous un sortilège de Remus et son esprit lui échapper. Il n'avait plus mal…
Il se réveilla en sueur. Ses ongles s'enfonçaient dans le matelas rapiécié. Il passa sa main sur son front brûlant.
« Du calme… » dit une voix.
C'était Tonks. Elle le regardait doucement, ses cheveux en arrière. Il passa sa main sur sa bouche.
« C'est un cauchemar. On est là. »
La respiration saccadée, il esquissa un sourire.
« Merci… »
Il parcoura la pièce du regard. Il y avait un fauteuil poussiéreux, un mobilier épuré…
« On est… au Chaudron Baveur ? » s'étonna-t-il.
Tonks acquiesça et baissa les yeux.
« Oui… Il est bientôt dix-sept heures, on n'allait pas rentrer, tu vois… »
Harry se laissa tomber sur son lit. Dix-sept heures.
**
Voilà, un peu moins long que le chapitre 2, qui (j'ai vérifié) était en fait le plus long.
J'ai écrit ce chapitre très vite, vive l'inspiration… Mais j'ai encore changé mon plan (honte sur moi)
Merci à Lisia, Jeanne d'Arc et Noella, ça m'encourage énormément ! J
Quant à Mara-Jade, et bien tu vois, Harry… Le gouffre. Quant à la confrontation, attends encore un peu… chapitre prochain normalement.
Tilicho, tu dis toujours la même chose, cher nèfle ! :o Tu pourrais critiquer un peu ? Heu… oups, pardon, je retire ce que j'ai dit, hé ^_^ Ne te défoule pas sur mes fics, pitié… Merci à toi !
Chère Aranel, le champ ne m'est absolument pas venu à l'esprit en voyant celui de derrière mon immeuble, étant donné que celui-ci est un terrain de foot, alors que celui de Remus s'étend sur des kilomètres et des kilomètres… Dans le genre landes du milieu de l'Angleterre…
Silver, merci énormément. C'est absolument merveilleux de penser qu'on peut toucher quelqu'un avec ce qu'on écrit, tu es bien placé pour le savoir. Merci, merci… Alors voilà, un chapitre pour toi !
