Note de l'auteur : Ca bouge un peu plus dans ce chapitre. Attendez-vous à des connections inattendues entre certains personnages !
*
Eric Weiss était encore sous la couette quand le portable de Yu sonna. Cette dernière prenait sa douche dans la salle de bain adjacente à la chambre. L'agent jeta un coup d'il au réveil et lut qu'il était à peine six heures. Il se rappela en soupirant que dans quelques heures, il avait un vol pour la Bulgarie. Cette nouvelle mission sur les traces de l'imprenable Sark ne l'enchantait guère.
D'un geste lent, il attrapa l'appareil qui ne cessait de sonner, posé sur la table de nuit. Weiss appuya sur la touche décrocher du portable :
" Allô ? "
Il y eut un silence au bout de la ligne.
" Excusez-moi,
j'ai du me tromper de numéro, " déclara subitement une voix
à l'accent cantonnais.
" Vous téléphoniez à Yu ? " Demanda Weiss.
" Oui, vous êtes ? "
" Eric son.. ami, " dit l'agent en restant volontairement dans la
vague, il ne savait pas à qui il avait à faire. "
" Je suis Han son frère, " reprit l'interlocuteur dont le ton
était devenu plus léger. " J'aimerais parler à ma
sur, raisons familiales. "
" Elle est sous la douche, je peux lui dire de vous rappeler quand elle
sortira, " proposa Weiss.
" Non, ce n'est pas la peine, " répondit Han. " Dites-lui
simplement que notre tante va de nouveau mal. On aimerait qu'elle vienne la
voir ici, à New York, juste une journée. Cela lui remonterait
le moral. Vous pourriez passer la commission ? "
" Bien entendu, " affirma Weiss. " Je lui dirais dès qu'elle
sera sortie de la douche. "
" Merci beaucoup. "
" De rien. "
Han raccrocha. Au même moment, Yu sortit enveloppée dans un peignoir, s'essuyant les cheveux avec une serviette rose, sa peau encore rougie par l'eau chaude de la douche.
" Tu parlais
tout seul ? " Demanda-t-elle en souriant.
" Non, ton portable a sonné et.. J'ai pris la liberté de
répondre, " répondit Weiss un peu gêné tout
en se décidant enfin à sortir du lit. " C'était ton
frère Han. Il m'a dit de te dire que ta tante allait de nouveau mal et
qu'il fallait que tu passes la voir. "
" Encore ? " S'exclama Yu en fronçant les sourcils. "
Cette vieille chouette est la pire hypocondriaque qui existe sur terre ! Mais
bon, cela fait un bout de temps que je n'ai pas remis les pieds à New
York, je profiterais de ton petit voyage d'affaires pour aller voir ma famille.
"
Tout en parlant, elle s'était approchée de lui et l'embrassa distraitement sur les lèvres.
" Maintenant, il faut que je téléphone pour avoir les horaires d'avion, " déclara-t-elle prise d'un brusque accès de paresse.
*
Sydney était assise dans l'avion, un ordinateur portable sur les genoux. Elle observait avec attention une photo, celle de Stella et Sark, issue de la bande vidéo. Quelques sièges plus loin, Lauren avait réussi à trouver le sommeil tandis que Weiss semblait pensif. Ce dernier venait pour la partie logistique de leur opération.
C'est vrai qu'ils se ressemblent, se dit-elle intérieurement. Stella et Sark faisaient à peu près la même taille, ils avaient cette même insolence dans leurs attitudes et leurs regards, ils avaient aussi en commun un visage dangereusement angélique et juvénile qui pouvait tromper leurs ennemis. Sydney fronça les sourcils. Elle connaissait une autre personne semblable à cette description, mais elle n'arrivait pas à déterminer qui. Ca lui reviendrait sûrement.
Elle se surprit à éprouver de la pitié pour les deux tueurs. Ils avaient apparemment été très jeunes, incorporés dans un programme semblable au projet Christmas, ils n'avaient pas dû avoir d'enfance, tout comme elle. Mais cela n'excusait en rien leurs actions.
L'agent se décida finalement à fermer la fenêtre, puis à éteindre son portable. La mission allait s'avérer éprouvante, car plutôt aléatoire. Elle ferma les yeux et tenta de dormir.
*
Xao n'avait pas repéré d'agents, elle n'avait sûrement pas été suivie. Mais prudente, elle décida de faire quelques détours supplémentaires. La jeune femme se trouvait en plein cur du Chinatown de New York. Elle entra dans un vieil immeuble recouvert de paraboles aux balcons et de fils téléphoniques qui striaient la façade. A l'intérieur, il n'y avait plus d'éclairage et des obscénités ou des noms de gang étaient marqués sur les murs.
Elle monta jusqu'au second étage et s'arrêta devant une porte. Elle frappa distinctement plusieurs coups.
" Qui est
là ? " Demanda une voix à l'accent cantonais de l'autre côté.
" C'est Yu qui vient voir la tante malade, " récita Xao.
Il y eut un déclic de serrure et la porte s'ouvrit. Elle entra doucement dans le sombre appartement. On referma derrière elle. L'homme l'étreignit aussitôt, soulagé de la revoir en forme.
" Ming, "
murmura-t-il avec un accent irlandais, beaucoup plus naturel pour lui que celui
qu'il avait employé précédemment.
" Ne m'appelles pas comme ça en mission, " déclara-t-elle
avec douceur. " En mission, je suis Xao, pas Ming. "
" Désolé. "
Ils se sourirent et Xao se sentit une nouvelle fois fondre pour Andrew. Il était grand, au début de sa cinquantaine, des cheveux blonds qui se recouvraient d'une pellicule cendrée, d'immenses yeux bleus et insondables. Ses traits étaient fins et élégants, mais une impressionnante cicatrice le dévisageait de sa tempe droite jusqu'à son sourcil. Il avait été chanceux de pouvoir garder son il, et surtout d'être encore en vie. Cette cicatrice était l'ancien impact d'une balle.
" Tout se
déroule comme prévu ? " S'enquit-il en l'invitant à
entrer dans la pièce suivante.
" Weiss semble ne se douter de rien, Bristow non plus. Mais j'avoue que
c'est très fatiguant, il faut sans cesse que je sois sur mes gardes avec
eux. Ils ont l'habitude d'être trahis et ils se méfient. "
Xao ne fut pas surprise de trouver Blum, de son pseudonyme Creat, entouré d'une multitude d'écrans dans la chambre. L'Israélien avait son âge et s'avérait être l'un des meilleurs informaticiens de cette planète. Il avait la peau cuivrée et les cheveux noir corbeau. Xao aimait le taquiner en lui faisant remarquer qu'il ressemblait plus à un Palestinien. Peu grand et assez mince, il ne fallait pas se fier à son air d'adolescent attardé, il pouvait mettre k.o. tout un bataillon de marines en levant à peine le petit doigt. Il était comme elle.
" Xao, " s'exclama-t-il en russe. " J'ai pensé à toi et je t'ai préparé deux, trois petits gadgets pour tes retrouvailles avec Sark ! "
Elle adopta un sourire grimaçant en l'entendant prononcer le mot retrouvailles. Andrew restait silencieux, elle comprenait son malaise. Pendant que Creat faisait son exposé, l'Irlandais s'éclipsa de la pièce.
*
Pourquoi avait-il ce mauvais pressentiment ? Son instinct le tiraillait, lui affirmait que quelque chose de louche se préparait. Mais Sark ne voulait pas faire mauvaise figure, il dirait sa réponse à Stella de but en blanc, face-à-face. Il sortit de sa Mercedes et réajusta son sombre costume : toujours bien paraître, à défaut de l'être.
Il évita soigneusement les nombreuses flaques de boue avant d'arriver au hangar. Stella devait déjà l'y attendre. Sark leva le regard vers le ciel grisâtre de Sofia, l'air sentait la neige. Il détestait ce climat et maudit intérieurement la jeune femme pour avoir choisi un endroit aussi sinistre comme lieu de rendez-vous.
Il arriva enfin au hangar et ses pas se mirent à résonner sur le béton froid et humide. Au milieu se trouvait une table unique, Stella était assise dessus, les jambes croisées, une cigarette à la main. Elle se leva en le voyant arriver, un sourire carnassier aux lèvres.
Il se tendit légèrement. Pourvu qu'elle ne manque pas à sa promesse
*
Postées sur le toit du hangar, Sydney et Lauren avaient réussi sans trop de mal à trouver un bon poste d'observation. Elles avaient chacune une oreillette par lesquelles Weiss les informait de chaque mouvement à l'extérieur grâce à une liaison satellite. Il était caché dans une fourgonnette non loin.
Stella était seule au milieu du hangar. Mais Sydney la soupçonnait d'avoir des hommes dans les parages. Elle savait qu'elle ne devait pas sous-estimer cette femme à cause de son âge ou de son apparence. Anna Espinosa n'était qu'une amateur à côté de la pulpeuse blonde.
Sydney échangea un bref regard avec Lauren en entendant des bruits de pas, des foulés longues et calmes, empreintes d'une nonchalance affichée et d'une certaine assurance : Sark. Il apparut enfin dans leur champ de vision et Stella se leva à son approche. Ils ne perdirent pas de temps en formules de politesse cette fois :
" Alors ?
" Demanda-t-elle en russe, jetant son mégot au sol avant de l'écraser
avec son fin talon.
" Alors non, " répondit Sark dans la même langue.
Sans véritablement voir son visage, Sydney devina à la subite raideur des mouvements de Stella qu'elle n'avait pas apprécié la réponse.
" Pourrais-je
avoir l'honneur d'en connaître la raison ? C'est une proposition plus
qu'honnête que je t'ai faite. " Reprit-elle d'un ton calme.
" Je n'éprouve pas le besoin de savoir, " déclara simplement
Sark, les mains dans les poches.
" Et c'est tout ? "
" Non, " admit-il avec un sourire arrogant. " Je n'éprouve
pas non plus l'envie de travailler à tes côtés. "
Stella sortit aussitôt une arme, auparavant cachée contre l'intérieur de sa cuisse sous sa courte robe. Elle pointa le canon vers Sark sans hésiter et défit la sécurité. Ce dernier ne semblait nullement impressionné et n'avait pas bougé.
" Qu'est-ce qu'on fait ? " Chuchota Lauren. " Elle va le tuer et nous avons besoin de lui vivant pour lui retirer des informations ! "
Sydney voulut communiquer avec Weiss mais s'aperçut que leur transmission avait été brouillée, impossible de le contacter. Cela ne voulait dire qu'une seule chose, elles avaient été repérées.
" Nous sommes à découvert. Agissons ! " Ordonna-t-elle.
Les deux agents de la CIA bondirent dans le vide et leur chute fut freinée par une corde de rappel. Dès que leurs pieds touchèrent le béton, elles avaient déjà leurs armes braquées sur Stella, Sark se trouvait entre les deux camps.
" CIA ! Posez votre arme ! " Aboya Lauren.
Un sourire amusé se glissa sur les lèvres de Stella qui n'était pas décidée à leur obéir, encore un nouveau trait commun avec Sark.
" Je vois que tu déplaces toujours avec les groupies de ton fan club, " ironisa-t-elle.
Sark se tourna vers les agents de la CIA, toujours aussi calme malgré le fait qu'il soit le seul sans défenses. Son regard croisa brièvement celui de Sydney et elle crut y percevoir une certaine impatience, comme s'il attendait quelque chose. En attendant, la situation était dans une impasse, personne ne voulait baisser son arme.
Brusquement, Lauren s'écroula au sol, une flèche tranquillisante plantée dans le cou. Stella profita de cette occasion pour faire feu et Sydney sentit sa balle brûler la peau de son avant-bras. Sark avait déjà roulé sur le côté et il courait en direction de la sortie où une quatrième ombre féminine se tenait.
Sydney se cacha derrière de vieux caissons pour éviter les balles de Stella. Lauren était toujours étendue sur le sol, inconsciente. Sark eut tôt fait de rejoindre l'ombre qui portait une cagoule. C'était donc ça qu'il attendait. Sydney remarqua que Stella l'avait lui aussi mis en joue et tira. Le jeune homme s'écroula sur le sol et la femme se précipita à genoux auprès de lui.
Sydney tira plusieurs fois en direction de Stella et l'ombre en profita pour relever Sark, apparemment touché à l'épaule. Ils se glissèrent hors du hangar tandis qu'elle et Stella restaient en duel. Mais cette dernière s'était peu à peu approchée à reculons d'une autre sortie par laquelle elle s'éclipsa.
L'agent de la CIA la suivit et arriva dehors juste à temps pour voir une BMW partir en faisant crisser ses pneus. Avec rage, elle jeta son arme au sol. L'opération avait été un fiasco. Sark leur avait échappé, Lauren était au sol tandis que Stella devait à présent savoir qu'elle avait une taupe dans son entourage.
Sydney prit subitement peur pour Weiss. Et s'il lui était arrivé quelque chose ? Elle ramassa son arme et entra de nouveau dans le hangar pour chercher Lauren. Elle reconnut avec soulagement l'homme agenouillé à côté de la femme de Vaughn. Il se leva en la voyant arriver.
" Je viens
de demander l'extraction. J'ai entendu les coups de feu. Qu'est-ce qui s'est
passé ? " Demanda-t-il inquiet.
" Sark devait être au courant de notre mission, " expliqua la
jeune femme. " Un brouilleur avait été installé pour
nous empêcher de communiquer, et il n'a été activé
qu'au dernier moment. Sark a refusé un accord avec Stella qui a alors
voulu le tuer. Nous sommes intervenues, ce qui fut une erreur, quand une troisième
femme est arrivée. Elle a endormi Lauren et prit Sark avec elle. Il a
été touché d'une balle à l'épaule par Stella.
"
" Toi aussi tu saignes, " remarqua Weiss.
" Ce n'est rien, juste une éraflure. " Soupira-t-elle.
Allongée sur le sol, Lauren émit un faible gémissement, elle se réveillait. Le regard de Sydney se fixa sur la fléchette tranquillisante. Une interrogation se réveilla alors en elle. Pourquoi cette femme qui venait de sauver Sark, avait-elle endormi au lieu de tuer Lauren ?
*
La femme arrêta enfin la voiture près d'un petit chalet perdu dans la montagne brumeuse. Sark sortit en premier, une main maintenant des compresses sur son épaule blessée. Elle passa devant lui pour ouvrir la porte et ils entrèrent. Elle alluma aussitôt un feu dans la cheminé pour faire bouillir de l'eau et pouvoir soigner la blessure de l'homme.
Il s'assit, épuisé à cause de la perte de sang, sur un vieux sofa et l'observa faire. Son regard scrutait chacun de ses gestes, s'abreuvait de tous les petits détails.
" Ca fait longtemps, " marmonna-t-il en russe. " Je n'étais pas sûr de pouvoir te faire confiance mais je n'avais pas trop le choix. Merci. "
Elle soupira. Elle savait que son merci n'était pas sincère, c'était juste une marque de politesse apprise par cur.
" Parlons
tout de suite affaire, " dit-elle d'un ton sec. " Je ne t'ai pas sauvé
par pure bonté d'âme. Je n'ai que peu de temps devant moi pour
t'expliquer ce que tu dois savoir. "
" Je t'écoute, Xao. "
*
A suivre
