Note de l'auteur : Vous croyez tous savoir ? Et bah non ! L'histoire est un tout petit plus compliquée que la version d'Hogan. Je ne vous en dis pas plus ;) Futurs rebondissements et retournements de situation à venir !

*

Sark ne fut pas surpris de trouver une ombre féline se profiler dans un recoin de son salon. Avec nonchalance, il s'assit dans un fauteuil, un verre à la main, invitant silencieusement la femme à le rejoindre, ce qu'elle fit sur le fauteuil voisin.

Irina Derevko. Son regard de chat étonnement brillant fixait son disciple. Un léger sourire se dessinait sur ses lèvres aux contours parfaits. Il n'avait pas allumé la lumière. Seul un quart de lune bleutée les éclairait de ses rayons feutrés par la grande baie vitrée du salon.

" D'habitude c'est Allison Doren qui me rend visite à cette heure, " glissa Sark grinçant.

Depuis l'épisode de Stockholm, il n'appréciait plus autant la compagnie de celle qu'il avait longtemps considéré comme une mère. Elle l'avait trahi. Le peu de confiance qu'il lui avait accordé, s'était évanoui à jamais.

" Je sais que nous avons un différent, " déclara-t-elle mal à l'aise.

Sark sourit froidement. L'attitude gênée d'Irina était totalement artificielle.

" Je sais que tu as repris rendez-vous avec Stella, je sais que lors d'une entrevue avec Xao, la CIA est arrivée. "
" Jack Bristow ? "

En réalité, sa question ne demandait pas de réponse. Mais Irina ne se laissa pas démonter par le fait qu'il est deviné sa source.

" Ne fais pas comme Stella, elle est devenue folle, " déclara-t-elle sombrement.
" Elle l'a toujours été, " nota Sark hautain. " Et après tout, je le suis aussi. Sinon je devrais ressentir quelque chose quand je tue, non ? "
" Tu ne comprends pas, " le coupa Irina agacée par son petit manège. " Stella a retrouvé la mémoire, c'est exact. Mais à quel prix ? Tu es bien placé pour savoir que.. la vérité prend du temps. Or, Stella l'a recouvert d'un coup grâce à une solution chimique qu'elle a volé au MI6. Et ça l'a rendue encore plus folle. "
" Alors Xao est du MI6 ? Qui l'aurait crû ? " S'exclama Sark d'un rire faussement joyeux.
" Xao n'est plus, elle est Ming à présent, elle est redevenue ce qu'elle était auparavant. "
" Et pourquoi est-ce que je n'aurais pas le droit moi aussi de redevenir ce que j'étais avant ? " Demanda le jeune homme d'un ton calme.
" Tu ne possèdes pas les prédispositions nécessaires, ton conditionnement a été trop poussé car tu as tenté de résister, tout comme Stella, " expliqua Irina d'un air absent. " Et il y a certaines choses du passé qu'il faut mieux oublier à jamais. Si tu retrouves la mémoire, tu perdras tout. "
" Prendre le risque est tentant, " déclara-t-il souriant.
" Tu n'es pas un joueur Sark, tu es un calculateur, " lui rappela-t-elle. " Collabore avec Ming pour les aider à coincer Stella et récupérer la fiole de la solution, et tu seras toi aussi débarrassé d'une menace dont tu ne soupçonnes pas l'importance. "
" Il me faut une garantie, je n'ai pas envie de me retrouver une nouvelle fois dans cette magnifique cellule de verre. "
" Je supposes que tu as déjà une idée derrière la tête, " devina Irina subitement inquiète.
" En effet, " rétorqua Sark en finissant d'un trait le verre qu'il tenait à la main.

*

" Non ! " S'exclama Vaughn catégorique. " C'est beaucoup trop dangereux ! Cet homme est un psychopathe ! "

Dans la salle de briefing, l'atmosphère était électrique après que Jack ait rapporté ce que lui avait dit Irina. Sark était d'accord pour collaborer, mais la garantie n'était pas du goût de tout le monde et deux camps s'affrontaient : Weiss et Vaughn d'un côté, Hogan et Ming de l'autre. Lauren, Sydney, Marshall et Jack n'avaient encore donné aucun avis.

" C'est notre dernière chance, " rétorqua l'agent Hogan. " Nous n'avons pas le droit de la laisser filer, Stella est bien plus dangereuse que vous ne l'imaginez ! "
" Elle n'a jamais été très stable psychiquement, " intervint timidement Ming, peu à l'aise dès qu'elle était dans la même salle que Weiss. " Et depuis qu'elle a bu la solution, elle est pire. Elle est mégalo et paranoïaque, avide de pouvoir et terriblement intelligente ! "
" Est-ce que je pourrais donner mon avis ? " S'exclama Sydney en se levant de sa chaise.

Après tout, elle était la première concernée. Autour de la table, les agents firent enfin silence.

" Merci, " reprit-elle avec sarcasme. " Sark me veut en tant que garantie. Je ne pense pas qu'il osera me faire du mal. Sa requête est je crois, plus une pique envers Irina qu'autre chose. Même s'il tente de ne pas être rancunier, de rester le plus pragmatique possible, Irina Derevko fait partie de ses points faibles. Je vais le faire. Nous ne pouvons pas, nous n'avons pas le droit de laisser Stella faire ce qu'elle veut. Elle ne veut sûrement pas reformer le groupe du manoir pour rien, et je n'ose même pas imaginer ce qu'elle a en tête. "
" C'est insensé ! " S'exclama Vaughn furieux, incapable de contenir sa colère.
" Il te faudrait un micro que Sark ne puisse pas repérer dans ce cas, " déclara Weiss à regret, sachant que rien ne ferait changer d'avis Sydney Bristow.
" Non, il faut jouer franc-jeu, " le contredit Hogan. " Vous êtes bien placé pour savoir que Sark n'est pas idiot. "
" Mais sans pouvoir la repérer nous la mettrons encore plus en danger ! " Renchérit Vaughn.
" Avec un micro, nous signons son arrêt de mort, " glissa sombrement Jack. " Il n'hésiterait pas à la tuer. "

Un silence morbide s'abattit sur la table. Même si Dixon était le plus haut gradé, Jack Bristow n'en restait pas moins celui qui avait le plus d'expérience, et donc le dernier mot.

*

Le jet filait vers Londres. Sydney y rencontrerait Sark dans un grand centre commercial bondé de monde, où il était impossible de contrôler quelque chose tant il y a avait de flux de gens et d'issues possibles. Ming reconnaissait bien là l'empreinte du manoir : ne jamais, au grand jamais, prendre de risques. Toujours tout calculer et prévoir vingt coups différents à l'avance. Elle devinait que selon la porte par laquelle Sydney et elle arriveraient, Sark aurait un plan différent.

L'avion dans lequel ils se trouvaient, était séparé en trois compartiments. Dans le premier on conservait le matériel technique. Marshall y était en compagnie de Weiss. Dans le second, les agents pouvaient discuter. Elle s'y trouvait contre les hublots en compagnie d'Hogan assis sur le siège voisin, songeur. Dans l'allée centrale s'étaient installés Vaughn et Lauren, ainsi que Jack le nez plongé dans un ordinateur. Le dernier compartiment était celui où l'on pouvait dormir. Sydney y était.

Ming remarqua Marshall qui venait de sortir du premier compartiment. Cela voulait dire qu'Eric était seul. L'informaticien s'avançait dans le couloir, un gobelet de café à la main. Elle se leva de son siège au moment où il passa devant elle. Maladroit, il se renversa le liquide noir sur sa chemise.

" Oh ! Désolée ! " S'excusa aussitôt Ming confuse.
" C'est. C'est rien, c'est juste du café, je vais euhm. "
" Nettoyer votre chemise aux toilettes, " termina-t-elle pour lui.

Il voulut ajouter quelque chose, mais finalement s'abstint. L'homme repartit précipitement. Après une légère hésitation, Ming s'avança vers le premier compartiment. Alors que Vaughn et Lauren semblaient ne se douter de rien, Hogan et Bristow s'échangèrent un bref regard. Ils avaient compris le petit manège de l'agent Hang-Wong.

Elle s'immisça sans bruit dans la pièce où se trouvait Weiss. Ce dernier remarqua une ombre malgré tout. Il était assis devant un écran et se retourna vivement, croyant avoir à faire à Marshall. Son sourire se fana en reconnaissant Ming.

" Qu'est-ce que tu fais là ? " Demanda-t-il sèchement, en évitant son regard.

Ming avait du mal à reconnaître le Weiss joyeux et maladroit qui lui avait papillonné autour des jours durant avant de se décider à faire le premier pas. Il était devenu froid et distant, les traits du visage tirés. Elle regrettait le temps où elle était Yu.

" Je voulais m'excuser Excuse-moi, " murmura-t-elle honteuse.

Il acquiesça silencieusement, ne sachant pas vraiment comment réagir lui aussi.

" Je voulais aussi dire que " Reprit Ming nerveuse. " J'avais J'ai aimé être Yu. J'ai aimé être auprès de toi. "

Elle sentit ses yeux picoter. Elle baissa aussitôt le regard pour qu'il ne voie pas ses larmes mais ce fût trop tard. Par réflexe, Weiss se leva aussitôt mais se retint de la prendre dans ses bras pour la consoler. Ce n'était plus Yu, c'était Ming.

" Je suis désolée, " répéta-t-elle les épaules basses.

Weiss se sentait de nouveau défaillir. Il allait enfin la prendre dans ses bras quand Marshall revint, la chemise trempée mais encore tâchée de café. Ming essuya brusquement ses larmes, et fuit littéralement hors du compartiment. L'informaticien remarqua l'air absent de Weiss.

" J'aurais peut-être dû pas revenir tout de suite, " murmura Marshall confus, conscient d'avoir interrompu quelque chose.

*

Escortée par Ming, Sydney s'avançait au milieu de la foule du centre commercial. Il était placé au carrefour de plusieurs axes routiers sans parler des transports en communs, un lieu idéal pour disparaître rapidement. Comme convenu, elle ne portait pas de micro. Sark n'avait pas précisé de lieu de rencontre particulier, aussi elle s'attendait à le voir surgir à n'importe quel moment.

Elle portait un simple jean, une tunique un peu hippie et un sac en bandoulière. Certaines de ses mèches étaient tressées, elle se confondait parfaitement dans la foule hétéroclite de Londres. A quelques pas, Ming la surveillait, habillée bon chic bon genre, une simple cadre comme une autre.

Un jeune homme l'aborda brusquement à sa droite. Sydney eut un choc en reconnaissant Sark. Il avait troqué son impeccable costume pour un pantalon marron défraîchi, un haut de sport bleu en col V et il portait aux pieds de vieilles baskets. Il ressemblait à l'un de ces chanteurs de rock anglais.

Sark se retourna brièvement vers Ming et Sydney nota aussitôt l'étrangeté de son regard : un mélange de confusion et d'amertume. Puis il glissa son bras sous le sien et la guida sans la brusquer vers où il voulait aller. Ils prirent les escalators pour descendre au rez-de-chaussée au point de rendez-vous des taxis. Un camion en double file les attendait.

Toujours sans un mot, Sark la fit monter à l'arrière, il la rejoignit et ferma les portes derrière lui. Sydney ne chercha même pas à se défendre quand il lui injecta un liquide dans le bras. Elle sentit ses paupières se fermer sans pouvoir résister. La dernière chose dont elle se souvint, fut de sentir les bras de Sark la retenir pour éviter qu'elle ne tombe au sol.

*

Stella sortit avec langueur de son bain de mousse. Elle se rinça rapidement au jet avant de s'envelopper dans un chaud peignoir. Puis elle rejoignit sa chambre et choisit l'une de ses plus belles robes de soirées. Elle revint dans la salle de bains pour se maquiller, se coiffer et se parfumer. Il ne fallait omettre aucun détail.

Puis elle attendit patiemment l'heure convenue. Un valet ne tarda pas à venir frapper à sa porte. Son hôte venait d'arriver. Devenant subitement moins pressée, elle prit son temps pour descendre au rez-de-chaussée et accueillir l'homme dans le hall : Sark.

Elle tendit la main en arrivant devant lui et il lui fit un délicat baisemain. Toujours aussi gentleman.

" Avez-vous fait bon voyage ? " Demanda-t-elle plus pour entamer la discussion que par réel souci.
" Oui, " répondit-il le regard insondable. " Il n'y a qu'un saut de puce entre Londres et Casablanca. "

Stella ne lui demanda ce qu'il avait fait à Londres. Cela ne la concernait pas. Elle l'invita à passer au salon et ils s'installèrent à une table basse, le sol était tapissé de larges coussins confortables.

" Je suis curieuse, " reprit-elle. " Pourquoi avez-vous subitement changé d'avis ? Pourquoi voulez-vous recouvrir votre passé ? "
" Je n'ai pas encore changé d'avis, " déclara-t-il un brin songeur. " Je me renseigne car je ne vois pas vraiment ce que pourrait m'apporter de connaître mon passé. "
" Nous avons grandi en apprenant à contrôler toutes les variables monsieur Sark, " expliqua Stella. " Nous sommes des calculateurs, nous maîtrisons toutes les nuances de chaque domaine. Tout dans notre vie a toujours été pratiquement réglée sauf une inconnue : notre passé. Il est notre point faible majeur. Personnellement, je ne me suis jamais sentie aussi forte, je n'ai jamais autant exploité mes talents que depuis que je sais qui je suis. Je n'ai plus cette zone d'ombre en moi, tout est clair, limpide. "
" Et pourquoi voudriez-vous reconstruire le groupe du manoir ? " Demanda Sark.
" Je sais qui nous a fait ça. Je ne cherche pas la vengeance, c'est une chose trop primaire. Les Alliés n'ont fait que voler l'idée du projet Neo et la liste des candidats potentiels. Ils ne sont pas ceux qui nous ont sélectionné à la base. Ceux qui nous ont sélectionné doivent être éliminés, ils sont dangereux pour nous car ils nous connaissent. Et ils seront durs à abattre. "
" Vous ne me direz pas tant que je n'aurais pas retrouvé la mémoire, " devina Sark légèrement déçu.
" Au fond de vous, vous savez qui ils sont, " déclara Stella.

Ils firent silence quand un serveur vint leur apporter des mets fumants aux senteurs exotiques.

" Au fait, quel est votre véritable nom ? " Demanda Sark sans cacher sa curiosité.

Stella sourit malicieusement. Elle était étonnée qu'il n'ait pas posé cette question plus tôt.

" Janis Sloane, fille d'Arvin Sloane que je ne vous présente plus, et de Sarah Reichman sa maîtresse, une espionne israélienne ayant toujours travaillé pour l'Alliance jusqu'à sa.. mort. "

Sark réprima un hoquet de surprise.

*

Sydney ouvrit brutalement les yeux. Elle découvrit un plafond blanc quelques mètres au-dessus d'elle. Elle se redressa doucement et observa les lieux avec une vision floue qui gagnait en netteté peu à peu. Les murs étaient d'un jaune chaleureux, des frises cuivre en ornaient le haut. Les meubles étaient simples, d'un style très exotique.

Elle se glissa hors du lit et remarqua qu'elle portait de nouveaux vêtements. Un pantalon de toile et un petit haut assorti à son regard en lycra. Elle se demanda avec hantise si c'était Sark qui l'avait changé ou pas. Sydney s'approcha de l'unique fenêtre de la pièce, ouverte. Un air marin s'engouffrait par la large ouverture.

Les portes-fenêtres donnaient en réalité sur une terrasse extérieure. Puis se déployait une plage paradisiaque et la mer turquoise à perte de vue. Les Caraïbes, sans nul doute. Sydney sortit à l'extérieur et s'avança pieds nus sur le sable brûlant. Elle était sur une île quasi déserte où l'on ne pouvait accéder que par bateau.

" Monsieur Sark n'est pas là pour le moment. Il vous prit de l'excuser. "

Sydney sursauta et se retourna vivement. Un caribéen d'une soixantaine d'années habillé d'un bermuda et d'une chemise à fleurs lui faisait face. Elle ne l'avait pas entendu venir.

" Si vous avez besoin de quelque chose, appelez-moi, je ne serais jamais très loin. "

Sans lui laisser le temps de répondre, l'homme repartit en direction de la maison, laissant Sydney hébétée seule sur la plage.

*

" Ce n'est qu'une question de temps avant que la vérité ne soit découverte, " murmura Irina soucieuse. " Qu'une question de temps. "

Jack soupira. Il savait qu'elle avait raison. Attablés dans un petit restaurant au Caire, les deux espions avaient ressenti le besoin de se voir pour parler de la situation actuelle.

" Hogan n'est qu'une hyène ! " Gronda l'homme qui d'habitude, contrôlait parfaitement ses émotions. " Et dire que j'ai les ordres de suivre son plan Alors que ma fille est je ne sais où en compagnie d'un gamin du projet Neo ! "
" Tu ne pouvais pas t'attendre à ce que la CIA se retourne contre le MI6, " rétorqua Irina philosophe. " Les deux partis sont trop impliqués, ils veulent étouffer l'affaire. Certains doivent avoir des sueurs froides à l'idée que l'un des recalés ait retrouvé la mémoire. Ils se sentent menacés à présent, ils le seront d'autant plus si Sark se rappelle lui aussi. Ses souvenirs sont bien plus dangereux que ceux de Stella. "
" Oui, Stella pourrait à la rigueur croire que le projet Neo était une idée de l'Alliance même si à mon avis elle a découvert le pot aux roses, mais Sark lui, en se rappelant il lui apprendra soit la vérité, soit confirmera ses doutes. Elle a bien compris la véritable signification du mot recalé. En attendant Hogan est redoutable, il les a tous bluffé. Surtout avec son histoire de cicatrice. "

Irina se mit à rire jaune.

" Et dire que c'est moi qui en est l'auteur après l'explosion du manoir ! " S'exclama-t-elle.
" En attendant, je ne comprends pas comment peut-on faire ça à son propre enfant, " soupira Jack. " Pour Sloane ce n'était pas pareil, il n'était même pas au courant qu'il avait une fille avant qu'elle n'essaye de le tuer, mais Hogan c'est insensé ! "
" Finalement, nous ne sommes peut-être pas de si mauvais parents que ça, " murmura Irina d'un ton pensif.

*

A suivre