Note de l'auteur : Plus j'ai de devoirs, plus j'ai besoin de décompresser. Y en a qui font du yoga, d'autres qui fument, certains qui se shootent aux médocs, bref vive les études supérieures Perso, pour décompresser j'écris et après je sors. Et vous avez de la chance, en ce moment j'ai beaucoup de devoirs ;)
Les paroles de chansons utilisées à but non lucratif dans ce chapitre, proviennent de " No Place for Us " par Saez.
*
Berlin.
Collin se promenait seul dans la rue. L'air était humide, les premiers éclairages publics se réveillaient et la faune de la nuit se profilait dans la faible clarté du soir. Il était dans un parc, non loin d'une longue lignée de pierres au sol, marquant l'ancien emplacement du Mur de Berlin.
Quelques éclats de rire de personnes de son âge le firent sursauter. Un groupe était tout proche, assis sur un banc ils plaisantaient. Le blond passa devant furtivement et entendit une des filles faire une remarque plus qu'élogieuse sur son physique. Il n'y prêta pas garde. Il n'aimait pas se retrouver en compagnie d'autres jeunes de son âge, celui lui rappelait ô combien il était différent, à quel point son métier l'avait vieilli.
Collin alla s'attabler à un bar un peu à l'écart qui se trouvait dans une rue adjacente au parc. Il commanda une bière, histoire de se fondre dans la masse encore assez rare à cette heure. Ponctuelle, Irina Derevko arriva peu après lui. Il se demandait bien ce qu'elle lui voulait. Il n'avait jamais été aussi méfiant, aussi parano que depuis que le groupe du manoir et lui avaient déclenché leur vendetta.
Il se sentait appeler par le sang et cela le terrifiait. Le meurtre de Stevenson avait été le théâtre de déchaînements de haine de la part des cinq individus. Collin avait aimé le voir souffrir, l'entendre les supplier de l'achever. Cela lui avait donné l'envie de recommencer surtout qu'ils avaient trouvé dans son coffre-fort, un carnet d'adresses qui leur permettait de facilement retrouver les anciens responsables du projet Neo.
Mais un seul nom résonnait plus particulièrement dans son esprit : Andrew Hogan.
Ses songes furent interrompus par le regard d'Irina qui tentait de le sonder. Elle lui sourit faiblement, ce à quoi il ne répondit pas. Il conservait un masque impassible, il avait hâte que cet entretien soit derrière lui :
" Alors ?
" Demanda-t-il en flamand pour entamer leur discussion.
"Je voulais voir si tu allais bien," déclara simplement Irina,
le ton se voulant maternel.
Mais elle ne pouvait pas duper Sark. Elle l'avait formé et par conséquent, il connaissait ses faiblesses.
" Ca c'est
la raison affichée. Qu'en est-il de la raison cachée ? "
Questionna-t-il acerbe.
" Je ne t'ai jamais connu si amer, " remarqua-t-elle avec calme. "
Serait-ce votre petite vendetta qui te rend si nerveux ? "
" Je ne vous permet pas de me parler de ça. "
Elle fut un instant prise de court par son ton hautain et l'agressivité visible dans son regard. Ce n'était plus le Sark qu'elle avait connu, à présent il était un mélange de Sark et de Collin, un inconnu qu'elle ne pouvait plus contrôler.
" Je voulais te Supplier d'arrêter, " murmura-t-elle à peine audible.
Sa voix s'étrangla au fond de sa gorge. Elle n'aimait pas ce qu'elle voyait, un homme brisé qui lui rappelait Jack quelque part. Et une fois de plus, la culpabilité la rongeait même si dans le cas de Sark, elle n'y était pour rien.
Il paraissait aussi choqué qu'elle. Elle avait employé le mot " supplier ", un mot qui n'appartenait pas à son vocabulaire. Elle le sentait ému.
" Je ne peux
pas, " répondit-il en baissant brusquement son regard vers sa bière.
" J'ai déjà goûté à la vengeance
C'est trop tard "
" Alors je t'y empêcherai de force ! " S'exclama brusquement
Irina, au risque d'amener sur eux toute l'attention de la clientèle du
bar.
" Tu n'as pas le droit, " gronda-t-il en retour. " Ma vie n'est
plus sous ton contrôle. Tu as fini de remplir le contrat que tu avais
passé avec ma mère ! "
" Alors pour toi, tu penses que je te considère simplement comme
un contrat ? " Se vexa-t-elle. " Tu crois que durant toutes ces années
j'ai essayé de localiser le manoir juste pour un contrat, que j'ai fait
exploser ce bâtiment en risquant ma vie pour te sortir de là, et
que je t'ai ensuite pris sous mon aile et formé comme si tu étais
mon propre fils parce que tu étais un contrat ? "
" Sauf que je ne le suis pas votre fils, " coupa-t-il.
" Pour toi peut-être ! Pas pour moi ! " S'exclama de nouveau
Irina.
"Vous essayez encore de me manipuler !"
Sark avait haussé à son tour le ton. Furieux, il sortit du bar en la laissant derrière lui. Ce rendez-vous juste pour ça, pour une dispute sans intérêt ! Il serrait les poings. Il se retourna un instant et vit Irina, toujours assise au bar. Elle ne le suivait pas.
Rapidement, il retourna à sa voiture garée à l'autre bout du parc, vérifiant qu'il n'était pas filé. Il démarra le véhicule en trombe et partit sillonner les grands boulevards chics de Berlin. Collin tourna longtemps, jusqu'à que sa colère commence à se dissiper. Il fuyait Irina. Il n'y avait pas d'autres mots : il fuyait.
Il n'aimait pas qu'elle lui montre son côté affectif, cela le mettait mal à l'aise. Le manoir l'avait formé à être Sark le tueur, le terroriste, l'espion. Il ne lui avait pas appris à être Sark l'humain. Il n'avait auparavant jamais compris les folies que cette femme qu'il admirait tant, avait pu faire pour sa fille. A présent il comprenait mieux, il se souvenait de cette femme qui lui chantonnait des comptines russes au creux de l'oreille, qui le serrait tendrement dans ses bras en disant qu'elle ne l'abandonnerait jamais.
Et il l'avait tué
Collin freina brusquement. Il était en rase campagne à présent. Les larmes se déversaient sur ses joues sans espoir de s'arrêter. Pourquoi n'avait-il pas eu une vie normale ? Pourquoi n'avait-il pas été un de ces enfants sans histoire qui avaient été à l'école, avec de vrais parents aussi imparfaits soient-ils, avec une enfance et des amis. Tant de gens ignorent leur bonheur.
Un bruit lui fit brusquement sortir son arme de son étui. Cela venait de sous la voiture. Il en sortit pour voir une ombre qui roula sur le côté, un harnais encore attaché autour de son corps. Il reconnut Sydney malgré sa vision troublée par les larmes. Béat, il l'observa se relever et essuyer un peu la poussière qui la recouvrait.
Elle lui jeta un regard à la fois désolé et ravi. Un timide sourire naquit sur ses lèvres. Sark devina sans qu'elle n'ait rien à dire. Le rendez-vous avec Irina ne fut qu'un leurre pour permettre à Sydney de s'attacher grâce à un harnais au châssis de sa voiture. Ainsi, elle aurait pu le suivre jusqu'à la planque de la bande du manoir. Mais entre-temps il aurait pris l'avion donc ce plan aurait forcément échoué.
" Il fait froid, " commenta-t-elle en frissonnant.
Collin remarqua enfin la température. Sa peine et sa haine lui avaient tout fait oublier. Il l'invita à s'asseoir sur le siège passager, puis il prit place au volant. La voiture se remit en route, la radio était allumée :
Nowhere to run
[Nulle part où fuir]
Nowhere to hide in this world
[Nulle part où se cacher dans ce monde]
No dream to have anymore in this world
[Plus de rêves à avoir dans ce monde]
No reason to stay that we can believe in
[Pas de raison de rester dans ce que l'on peut croire]
No Place for us
[Pas de place pour nous]
Ce n'était peut-être pas la meilleure chanson pour remonter le moral. Elle leur ressemblait trop. Il éteignit le poste. Elle posa sa main sur la sienne. Le contact de leurs peaux lui rappela l'île, quand encore tout n'avait pas encore commencé. Il aurait aimé y rester à jamais, sur cette île, dans cette parenthèse enchantée.
Il continuait de pleurer. Bizarrement, il ne ressentait aucune gêne face à Sydney. Elle l'observait sans un mot, l'enveloppant d'un silence réconfortant.
" Je ne peux pas m'arrêter, " murmura-t-il. " Je ne peux pas. "
Elle posa un doigt sur ses lèvres et lui ordonna de stopper la voiture dans un chemin de campagne. La nuit était totalement tombée et l'obscurité complice semblait vouloir leur procurer un peu de sécurité et d'intimité. Il n'y avait personne aux alentours. Pas même des habitations, simplement des champs à perte de vue.
La pluie se mit brusquement à tomber, des trombes d'eau se déversèrent des nuages sombres. Bientôt, la folle musique de la pluie résonnait joyeusement sur les vitres et la carrosserie de la voiture.
" Ne parlons pas de tout ça, " dit-elle.
Collin se pencha vers elle et l'embrassa longuement, retrouvant la douceur de ses lèvres, la chaleur sucrée de sa langue. Il rompit le baiser et l'observa longuement, droit dans les yeux :
" J'aurais
aimé me réveiller à tes côtés ce matin-là,
" confessa-t-il, las de tout et de rien.
" Je sais. "
Elle l'embrassa à son tour, ses bras encerclèrent sa nuque et elle se sentit se perdre en lui à nouveau. Le désir montait en elle, si pressant et ardent. Il était dans le même état qu'elle, ses gestes ne lui obéissaient déjà plus alors que ses mains fiévreuses se familiarisaient encore une fois avec les formes voluptueuses de Sydney.
Ils se glissèrent non sans mal vers la banquette arrière. Leur amour était urgent, un manque qu'il fallait à tout prix assouvir et ce quelque soit les conséquences. Sydney avait laissé derrière elle les mises en garde de son père, et Collin ne pensait plus ni au manoir ni aux meurtres.
Ils se défirent de leurs vêtements et elle s'arqua quand il entra brusquement en son intime intérieur. Ils dérivèrent ensemble vers l'extase, leurs cris étouffés par les chuintements de la pluie diluvienne. Elle sentait son souffle chaud et court contre son cou, elle murmurait à son oreille des paroles qui n'avaient de sens que pour eux. Ils gémirent ensemble dans un dernier effort avant qu'il ne retombe sur elle.
Collin ne voulait plus bouger. Il se sentait si bien au creux des bras de l'ennemi. Elle ne voulait pas non plus partir.
" Je ne peux
pas m'arrêter, " répéta-t-il essoufflé. "
Pas avant d'avoir vu Hogan mourir de mes mains "
" Ca ne s'arrêtera donc jamais, " murmura Sydney défaitiste.
" Il faudrait mieux que je te ramène à Berlin, " ajouta-t-il
en roulant sur le côté.
Elle se serra un peu contre lui.
" Que je te ramène demain, " ajouta-t-il ce qui fit sourire tristement Sydney.
Elle cala sa tête contre son torse et il l'encercla de ses bras. Elle ne tarda pas à s'endormir, bercée par les faibles mouvements réguliers du torse de Collin. Il resta éveillé à l'observer, ses doigts jouant avec quelques-unes des longues mèches châtain de la jeune femme.
*
Sydney gara sa voiture dans le parking souterrain. Elle sortit de son véhicule, pensive. Le groupe du manoir opérait régulièrement, six personnes étaient mortes depuis Stevenson malgré le programme de protection. Elle s'inquiétait autant pour son père que pour Collin.
Irina ne lui avait pas adressé un seul mot quand Sydney était revenue de sa filature bredouille, il y a une semaine déjà, une semaine que chaque soir les fantômes des mains de Collin parcouraient son corps fébrile. Il lui manquait tant.
Irina avait bien compris que Sark l'avait découverte sous la voiture, et il ne fallait pas être devin pour savoir ce qui s'était passé ensuite. Sydney en était venue à se demander, étant donné l'hostilité affichée de sa mère, si elle n'était jalouse de sa relation privilégiée avec Collin, une relation de confiance que l'ancienne espionne du KD avait perdu.
Une voiture, une petite berline européenne, vint se garer à côté de sa grosse Jeep. Sydney dissipa ses songes. Andrew Hogan en sortit, un large sourire hautain aux lèvres malgré la gravité de la situation. L'horrible cicatrice qui dévisageait son visage rappelait à Sydney que contrairement aux apparences, Hogan était loin d'être le parfait agent du MI6 qui sauvait les pauvres sans passés qui n'étaient pas des recalés. En parlant de ça, ils n'avaient toujours aucune nouvelle de Ming pour le plus grand malheur de Weiss.
" Bonjour mademoiselle Bristow, " dit-il sur un ton chantant. " Comment allez-vous ce matin ? "
Elle avait l'impression de se retrouver devant un nouveau Sloane, de faire une nouvelle fois comme si elle appréciait réellement une crapule dans son genre.
" Je vais bien, et vous ? "
Il n'eut pas le temps de répondre qu'une voiture de sport sombre entra en crissant des pneus dans le parking. Le barrage de l'entrée avait été forcé. Le véhicule aux vitres teintées s'arrêta en dérapant sur le revêtement plastique devant les deux agents. Ils eurent aussitôt le réflexe de se coucher au sol et de sortir leurs armes.
Les vitres avant passager et arrières se baissèrent pour laisser apparaître les embouts d'uzis. Les voitures de Sydney et Hogan furent mitraillées et les deux individus protégèrent leurs crânes des balles brûlantes qui tombaient au sol.
Il y eut un claquement de portières. Trois individus étaient descendus. Hogan se mit en position de tir sur le capot de sa voiture et commença à répliquer. Sydney fit de même avec moins d'entrain. Et si c'était ceux du manoir, et si Collin était là parmi ces agresseurs.
Trois ombres noirs roulèrent sur le côté pour se glisser parmi les voitures garées et les colonnes de béton. Sydney et Hogan devaient se tenir dos-à-dos pour pouvoir se protéger et répliquer à la fois. La voiture sombre se mit à faire des tours dans le parking, vitres ouvertes et uzis crachant leurs balles meurtrières. Sydney voyait sa vie défiler sous ses yeux alors que les ombres s'approchaient d'eux, les prenant au piège au sein de leur triangle meurtrier.
Mais la sécurité intervint. Une multitude d'agents de la CIA arrivèrent en trombe dans le parking, les premiers tombèrent aussitôt sous les balles et les autres se mirent à couvert. La sombre voiture vint récupérer les trois individus qu'elle avait déposés. Leur mission avait échoué, ils n'avaient pas réussi à abattre Hogan avant l'arrivé de la sécurité et il ne fallait mieux pas insister.
Ce dernier remarqua la voiture s'arrêter et il avait un angle de tir. Les trois individus durent se mettre à découvert un bref instant pour monter à l'intérieur. Hogan ne laissa pas passer l'occasion, il fit feu. Deux silhouettes tombèrent au sol, la dernière sauta de justesse dans le véhicule qui démarra en trombe.
Elle ne fut bientôt plus qu'une légère odeur d'essence brûlante dans l'air. Sydney et Hogan s'approchèrent avec précaution des deux hommes à terre. Le premier ne respirait pas, le torse criblé de balles.
Un flash de Danny revint brusquement dans la mémoire de Sydney. Tremblante, elle s'approcha de l'homme et vérifia son pouls. Nul. Alors qu'Hogan tenait l'autre individu en joue, Sydney retira délicatement le masque : Yuki.
Un filet de sang s'échappait de ses lèvres, ses yeux étaient grands ouverts, fixes et éteints. Sa peau était livide et son uzi encore chaud dans sa main.
Sydney lui ferma les paupières alors que la sécurité s'approcha à son tour. Elle vint vers le second individu, Hogan était à distance respectable, concentré, son arme braquée sur le crâne de l'homme. D'un coup de pied, Sydney retira l'uzi de la main gantée de l'agresseur. Il respirait, il était touché à la jambe, sûrement l'artère fémorale car il perdait une quantité importante de sang.
Elle se mit à genoux dans la flaque pourpre et retira le masque de l'homme. Elle croisa deux pupilles glacées, délavées, presque mortes. Collin respirait difficilement, comme si un poids appuyait sur sa poitrine. Il lui sourit puis tourna le regard vers l'homme qui le pointait de son arme, son expression redevint grave :
" Père, " murmura-t-il sur un ton autant chargé de haine que de regrets.
*
A suivre
