Dans la cuisine de sa mère, la petite Helga était considérée comme un génie. Elle adorait tester des aliments, leur donner une autre saveur en les mélangeant, les laisser cuire un peu plus ou moins longtemps que ce que l'on devrait faire pour obtenir des textures et des couleurs différentes. Elle avait toujours aimé regarder sa mère utiliser sa baguette magique, mais, pour l'instant, elle préférait de loin utiliser ses mains. Tous ses gestes étaient précis et parfaits. Elle avait appris cela dans l'atelier de son père, maître des potions. Helga était fille unique et s'amusait vraiment en passant de la cuisine de sa mère à l'atelier de son père. Elle se croyait enfant solitaire, puisqu'elle n'arrivait pas à entrer en communication avec les petits enfants moldus du voisinage, mais évidemment, devoir cacher son statut de sorcière l'empêchait d'être entière. Souvent, elle s'accoudait à la fenêtre et regardait les enfants en essayant de comprendre leurs jeux pour qu'un jour, si la chasse aux sorcières venait à cesser, elle puisse jouer avec eux. En parlant de chasse aux sorcières… Helga se posait beaucoup de questions : pourquoi seules les sorcières devaient-elles être chassées ? Alors que son père passait toutes ses journées à l'intérieur de son propre atelier rempli de chaudrons fumants… et que sur lui, ne pesait le moindre soupçon ? Bien sûr, elle ne voulait pas qu'on lui arrache son père, mais sa mère et elle ne comprenaient pas pourquoi les villageois attaquaient uniquement les femmes. Ces dites femmes étaient rarement dotées de pouvoirs magiques.
Un jour, toute une délégation de sorciers vint dîner dans le restaurant de la mère d'Helga. Grâce au bouche-à-oreilles des sorciers venus manger dans la taverne, la renommée des Poufsouffle était remontée jusqu'au grand château du maître Gryffondor. Hé oui, le Roi et la Reine du royaume étaient des sorciers, certes cela arrivait fréquemment dans ces temps-là, mais c'était toujours étonnant de voir à quel point les deux mondes se mêlaient, alors que les sorciers vivaient, pour la plupart, cachés et traqués. Ce jour-là donc, la grande famille Gryffondor arriva couverte de capes noires les rendant invisibles et leur donnant l'air de voyageurs fatigués. Évidemment ils avaient transplané dans la forêt située juste à côté et ils n'avaient marché que quelques minutes sous l'œil interrogateur des quelques moldus qui n'étaient pas encore rentrés chez eux.
La famille entra dans le restaurant tenu par la mère Poufsouffle, et à l'instant même Helga, qui tenait la porte, découvrit Godric. Godric avait six grands frères et grandes sœurs, il en était le benjamin. Tout de suite un lien indescriptible les attira l'un à l'autre et les deux enfants se mirent à jouer.
Ils découvrirent qu'ils partageaient le même amour pour les amusements et la même méconnaissance de leurs paires moldus. Même si une majorité des personnes vivantes et employées du château étaient des sorciers et que l'aile droite leur était réservée, on y voyait et employait souvent des moldus. Néanmoins Godric les fréquentait peu et devait leur cacher sa nature sorcière. Il n'y avait pas beaucoup d'enfants et aucun n'aurait été en droit de fréquenter le prince. Il n'y avait non plus d'enfant sorcier de l'âge de Godric dans son environnement immédiat. Le jeune garçon, à l'instar d'Helga, était très souvent seul. C'est ainsi que leur amitié naquit.
Les deux enfants jouèrent toute la fin d'après-midi et la nuit. Et, quand vint le jour et que le Roi et la Reine Gryffondor durent retourner chez eux, Godric et Helga se promirent de se revoir bientôt. Tant ils avaient joué avec facilité et joie.
Seulement, le temps passa. Des jours d'abord, puis des semaines et enfin des années. Une chasse aux sorcières énorme branla le pays, une guerre entre les villageois et paysans éclata et le royaume prospère des Gryffondor commença à se détruire. N'oubliant ni les sujets du royaume ni la prestance des Gryffondor, le Roi fit de son mieux pour garder le royaume debout, en s'aidant un peu de sa magie. Pourtant, quand la Reine tomba gravement malade, il se retira dans ses appartements et oublia son devoir de Roi. Il envoya quérir les meilleurs maîtres des potions des alentours, mais aucun ne put rien pour la célèbre Reine Sorcière. C'est alors que Godric se souvint d'Helga et de son père. Une petite famille, sans renommée, qui pourtant était exceptionnelle et qui gardait une place chère dans son cœur.
Cette deuxième rencontre fut mêlée de tristesse et de désespoir, mais le père Poufsouffle fit tout ce qu'il put pour soulager la Reine. Le remède ne la sauva pas, mais lui permit de paraître en forme. La magie lui donnait l'énergie qu'il lui fallait pour être debout et active, pendant que la maladie la rongeait de l'intérieur. Elle secoua son mari le Roi, elle durcit les lois du pays, sauva des centaines de sorcières et mourut entourée et aimée de son peuple. Godric, le petit dernier, le préféré, fut si touché de la mort de sa mère qu'il rejeta toute sa famille en bloc, peiné de douleur. Helga, qui était restée au château, le soutient du mieux qu'elle put. Attendant, écoutant, le veillant. Elle ne pouvait que compatir et sa douceur fit énormément de bien à Godric, qui en arriva à demander pardon à toute sa famille. Tous le reconnurent, Helga faisait ressortir le meilleur de leur petit frère.
Dès leur première rencontre, ils l'avaient senti, mais leur seconde marqua le tournant : ils seraient appelés à faire de grandes choses ensembles.
Des années passèrent et ils ne se quittèrent plus. Sitôt le calme revenu dans le domaine, Helga demanda à être embauchée dans les cuisines du palais et elle y développa son don. Entourée des plus grands Sorcichefs du royaume, elle apprit à mêler magie et cuisine plus étroitement qu'avec ses deux parents. En échange, elle apprit aux Sorcichefs ses recettes, ses associations d'éléments, ses idées. Durant cinq années, elle fut vraiment heureuse. Elle cuisinait pour le plaisir et pour la famille royale, elle voyait son ami tous les soirs et elle vivait dans un grand château, entourée de sorciers. Elle apprit les nobles manières, tout en côtoyant de près le peuple.
Un soir, lors d'un grand repas secret entre sorciers aristocrates, une jeune fille de l'âge de Godric attira son attention. Elle était vêtue sobrement et pourtant elle dégageait l'élégance. Elle avait un visage droit et dur tout en parlant d'une voix douce. Intrigante et majestueuse, il ne la quitta pas du regard de la soirée. Et lorsque la conversation dévia sur la structure du château, Rowena – car tel était son nom – proposa d'enchanter un escalier. Seuls les sorciers seraient capables de le voir et d'y monter, cela interdirait donc, à tous les moldus passant devant, l'étage situé au-dessus. Ce n'était pas le premier escalier de la sorte qu'elle ensorcelait et depuis elle avait encore progressé dans son envie d'amélioration du quotidien sorcier. Elle découvrait puis testait de nombreux sortilèges et enchantements, elle modifiait sa maison et celles de tous ceux qui le lui demandaient. Récemment, elle avait même modifié une caravane gitane – le peuple nomade étant connu dans le monde sorcier pour pratiquer la magie chez les moldus en toute discrétion – pour qu'ils puissent y cacher toutes leur matériel magique sans risquer de se faire prendre ou dénoncer par leurs spectateurs.
Quelques heures plus tard, le coin magique était installé, sans que personne ne puisse observer ou apprendre comment la jeune sorcière s'y prenait. En effet, Rowena tenait à conserver le secret de ses sortilèges, mais elle promit qu'elle répondrait favorablement à chaque hibou venu lui demander son aide pour améliorer son quotidien. Quel incroyable femme, cette Rowena pensèrent toutes les sorcières de l'assistance. Au contraire, les sorciers furent plus partagés, ils étaient gênés de voir cette demoiselle prendre position si fermement, mais ils ne purent que s'incliner. De son côté, Godric brûlait d'en connaître plus sur elle.
Pourtant, le matin venu, il ne restait plus aucun des talentueux sorciers de la veille dans les parages du château. Godric n'avait pas pu discuter davantage avec Rowena et conservait cette tristesse en lui. Il se confia à Helga.
« De ce que j'ai vu, Rowena est une femme intelligente qui a goût au mystère, commença innocemment Helga.
- Et pas qu'un peu, acquiesça le jeune homme.
- Je te conseille donc de lui envoyer une lettre, mais sans te dévoiler entièrement, ne signe pas, proposa-t-elle.
- Comment ? Ne pas signer, mais comment, pourquoi ?
- Si elle te voit comme un mystère, peut-être aura-t-elle plus envie de faire ta connaissance, assura Helga, mais ta lettre doit lui donner des indices sur ta personne, cependant rien de trop flagrant ! »
Et ce fut ainsi. Il écrivit une longue lettre, parlant de lui et du souvenir qu'il avait laissé, tout en lui laissant des indices comme son amie lui avait conseillé. Seulement, la réponse de Rowena arriva bien vite. Elle commençait de la sorte. « Cher Godric, bien essayé le mystère, même s'il était trop simple à résoudre, j'attends tout de même votre prochaine lettre. » Le jeune homme était bien déçu de son échec, mais la fin de la phrase le motiva et ils commencèrent à correspondre régulièrement. Au fil des mois et des années, les sentiments de Godric se firent plus mûrs et il comprit qu'ils resteraient amis et uniquement amis. Et c'était mieux comme cela.
