Des flacons de potions, aux couleurs plus éclatantes les unes que les autres, sont alignés sur un rebord parfaitement dénué de poussières. Pourtant, Tom ne peut s'empêcher de s'en approcher avec son plumeau pour vérifier l'inexistence de saleté. Il s'est lui-même donné pour mission de rendre cet endroit impeccable alors il ira jusqu'au bout. Son arme de ménage à la main, il s'approche le plus doucement et délicatement possible, non pas parce qu'il sait qu'il est en train de faire une bêtise, mais pour minimiser les risques. Il passe un coup de plumeau entre les premières potions, celles dans les flacons arrondis qui sont rose fuchsia et verte pomme, et rien, pas la moindre poussière. Par mesure de précaution, il met son doigt entre les deux suivantes, le premier flacon est allongé vers le haut et rouge pétant, le deuxième est bleu ciel avec un fond ovale, toujours aucune poussière. Sauf que son doigt a frôlé la potion, sauf que le bleu ciel s'est mué en un bleu sombre, sauf que le verre s'est mis à vibrer. Alors Tom il fait une première chose totalement idiote, il se saisit du flacon à pleines mains. Le verre vibre si fort qu'il se brise dans les mains du jeune homme et la potion, maintenant noire d'encre, se répand sur ses mains, ses bras et le sol. A cet instant, Tom fait une deuxième chose totalement idiote : il approche son nez pour sentir la potion -aucune odeur- avant de tendre la langue pour la goûter -aucun goût.

**BOUM**

Revenons quelques temps en arrière pour tenter de comprendre cette scène étrange qui se déroule sous nos yeux.

Tom Whitby est un jeune sorcier de vingt-ans, grand avec son 1m88 et fin, presque trop. Il a un visage rectangulaire et des cheveux bruns courts. Ses yeux sont bleus, mais pas pétillants ni comme la nuit d'été ou comme l'eau de mer, non, juste bleu terne. Comme si on lui avait donné une chance de briller par son physique et qu'il n'avait pas réussi à la saisir. Personne ne songerait à le qualifier de sexy, il est plus connu sous le nom de : "la grande perche". Tom a fait sa scolarité à Poudlard chez les Poufsouffle grâce au côté maternel d'Helga qui disait "je prends ceux qui restent". Il n'était pas un mauvais élève, plutôt du genre catastrophe ambulante, alors que ce n'est pas forcément sa faute ! Il n'est pas particulièrement maladroit, c'était comme si un lutin de Cornouailles invisible s'amusait à saboter chaque action entreprise par Tom. Ou alors c'était que le jeune homme dégageait de si mauvaises ondes que cela déréglait absolument tout ce qui se passait autour de lui. Quoiqu'il en soit, on l'a très vite mis de côté, préférant l'oublier. Tom, de nature plutôt optimiste et simple, avait décidé d'arrêter de se battre pour accepter ce qui lui arrivait. Quand on lui demandait quelque chose, il agissait, quand on ne lui disait rien, il restait en retrait. C'était plus simple pour tout le monde et il ne se posait pas de questions. Il avait redoublé sa cinquième année parce qu'il avait réussi à mettre le feu à tous les examinateurs en même temps avant de s'évanouir pour plusieurs jours. On lui avait donc redemandé de passer ses BUSEs l'années d'après en le surveillant de près. Il avait, en règle générale, beaucoup plus de facilité à répondre aux questions théoriques qu'aux exercices pratiques et certains de ses ASPICs lui avaient été offert aux vues de ses excellentes notes théoriques. Lassés de ses fresques, ses parents lui avaient offert un appartement en périphérie de Londres à sa majorité pour éviter de le voir plus longtemps. Conscient que leurs relations n'étaient pas simples, Tom n'avait rien dit et accepté cette décision. Seul son vieil oncle Carl, extrêmement riche, le voyait trois fois par an. Tom ne se plaignait pas, il profitait de son indépendance, faisait des tentatives culinaires désastreuses qui se terminaient en Deli'wizard -le fameux service de livraison de nourriture sorcière à domicile- et passait d'un job à l'autre. Son oncle avait fini par s'en mêler et il lui avait trouvé un emploi au ministère de la magie, sauf que Tom s'était trompé de porte et avait atterri chez les Oubliators, ces derniers avaient bien besoin d'un homme à tout faire et l'avaient accepté. Depuis lors, il triait et remettait à jour les vieux dossiers, passait un coup de balai tous les soirs et servait le café. Comme Tom n'était pas compté dans leur service, il n'était pas payé, mais il ne s'en rendait même pas compte, accomplissant les tâches demandées avec plaisir et reconnaissance.

Jusqu'au jour où on l'envoya par erreur sur le terrain. Nouveau chef, manque d'effectif, erreur administrative, qu'importe, Tom Whitby, armé de sa baguette magique et des quelques pauvres sorts qu'il était capable d'effectuer sans faire exploser tout le monde, se retrouva à Sainte Brique du Clocher, où un vieux sorcier avait mal positionné son dentier et fait pleuvoir une pluie de bouchons de liège pour fêter ses soixante-quinze ans de mariage avec son épouse. La première chose que Tom remarqua c'étaient que les bouchons -de champagne millésimé attention- étaient presque tous différents et le jeune sorcier se dit qu'il allait commencer une collection, il les envoya donc tous chez lui. L'histoire raconte qu'ensuite il mit plus de six mois à se débarrasser de tous les doublons et quatre de plus à retrouver un appartement vivable. Seulement, cela aida grandement à l'enquête. Il réussit même deux fois le sortilège d'oubliettes sur deux moldus différents qui avaient assisté à la scène. Bref, au terme de cette escapade sur le terrain, ses supérieurs ne purent plus faire semblant qu'il n'existait pas et il eut officiellement son emploi chez les Oubliators, paie incluse ! Depuis ce jour-là, il fait pratiquement le même travail qu'avant, mais en étant payé et en allant sur le terrain de temps en temps, quand vraiment il n'y a plus personne d'autre de disponible et que les supérieurs n'ont pas le choix.

Nous en arrivons à ce jour précis, où l'ordre était clair :
« Tom, allez faire le ménage chez ce maître des potions de Rutland. »

Pour les chefs c'était une mission facile, un vieux sorcier paumé, seul dans la campagne à proximité d'un petit village moldu. Une affaire facile, un idiot de moldu a aperçu quelque chose qu'il n'aurait pas dû voir et a attaqué le sorcier ; un sort d'oubliettes, un sort revigorant. Sauf qu'il a sous-estimé les capacités de Tom et quand on lui demande de faire le ménage et bien, il fait le ménage. L'ancien Poufsouffle est allé chercher un balai et un plumeau chez lui, il a enlevé la poussière, décrassé les vitres, mis le vieil homme au lit avant d'allumer un bon feu de cheminée. Il en était donc à l'étagère des potions. Ces potions si jolies, de toutes les couleurs, qui lui font tant envie. Alors, comme le vieil homme s'est remis de la bagarre et qu'il ronfle, comme le moldu est rentré chez lui avec des nouveaux souvenirs en tête, comme Tom est seul, il s'en approche.

L'explosion qui suit cet instant suffit à faire sombrer Tom. Le brouillard qui s'installe dans sa tête lui fait perdre connaissance.