FIN DES VACANCES

Haletant, essoufflé, dégoulinant d'une sueur chaude et salée, Harry déboula dans une ruelle encore plus sinistre et sale que les précédentes. Ici, peut-être, celui qui le pourchassait ne le verrait pas...

Le silence était atterrant, seule une feuille morte glissait de temps en temps sur le pavé. Harry tendit l'oreille et n'entendit pas âme qui vive. Rassuré pour quelques instants seulement, il reprit son souffle et passa sa main sur son visage trempé de sueur et à présent froid comme la nuit qui l'entourait. Son inquiétude passée, il jeta un oeil dans la rue et s'y risqua, en évitant les lumières de la ville. C'est au moment où il pénétrait dans une avenue plus éclairée, totalement déserte à cette heure de la nuit à l'exception de deux ou trois chiens en balade, que la chose se rua de nouveau sur lui avec la vitesse d'un TGV et la force de deux hommes réunis. Harry encaissa le choc et fut projeté contre le mur de pierre derrière lui. Un coin de trottoir lui écorcha le bas du dos, il entendit le craquement sinistre des os lorsque la bête se pencha sur lui. Elle avait une gueule énorme, grande comme celle de deux loups et de la bave coulait de sa bouche, son souffle rauque soulevait les cheveux de Harry. Ce dernier profita de ce qu'elle l'observait pour lui donner un coup de genou dans le ventre et  se relever rapidement, mais la bête se ressaisit trop vite à son goût et lui attrapa le bras gauche. Harry se laissa tirer par l'animal qui l'entraînait le plus loin possible des lumières, dans le recoin le plus sombre d'une petite rue. La douleur était intense et le sang coulait en un petit filet de son bras. Il se pencha alors dans sa course un peu plus en avant et réussit à atteindre de son bras droit une touffe de poils drus et sales, comme si la bête s'était roulée dans la boue avant de se lancer à sa poursuite. Il tenta un redressement et réussit à se remettre sur ses jambes. Il dut courir pour rester à la hauteur de la bête. Il frappa dans le dos de cette dernière, ce qui n'eut absolument aucun effet sur le monstre. Cherchant désespérément un point sensible, il finit par faire parvenir sa main droite à la base de la queue. N'y croyant pas trop, il envoya un coup de poing de toutes les forces qui lui restaient.

La bête poussa un hurlement terrible; elle lâcha Harry et envoya violemment sa tête dans le mur juste au-dessus de la tête du garçon. Puis elle s'enfuit en courant sur ses quatre pattes, non sans continuer de gémir. Un filet de bave sur le sol renvoyait la lueur de la lune, seule preuve restante de l'existence du monstre chimérique...

Tout en se frottant le poing pour calmer sa douleur lancinante, Harry remarqua qu'il  avait arraché quelques poils de la bête qui se désintégrèrent au contact de l'air frais puis partirent en fumée. La bave qui était restée sur ses vêtements se rassembla en grosses gouttes qui tombèrent sur le sol et rejoignirent le filet de bave. Celui-ci avait déjà retrouvé l'apparence d'une flaque ronde qui se mût afin d'avoir la forme d'une sphère blanchâtre. Puis sous l'œil intrigué de Harry, elle se souleva lentement du sol et partit dans la direction de l'animal qu'elle avait quitté. Harry, comme pour se persuader de l'invraisemblance de ce qui se passait, jeta une pierre sur la sphère qui roula le long de sa surface pour retomber sur le sol, comme elle l'aurait fait sur un ballon. Mais ce n'était pas un ballon. Soudain la sphère recommença à se mouvoir ; elle avançait à présent en direction de Harry. Son trajet la fit passer sur la pierre, et elle passa dessus sans détourner son chemin ; au contraire, elle se déforma pour éviter la pierre, comme si la boule était constituée d'eau qui prenait la forme du sol en-dessous d'elle. Puis elle absorba carrément le caillou et se mit à grossir du volume de celui-ci. Elle prit la teinte gris-bleuté de la pierre. Ce monstrueux repas achevé, la sphère recommença à flotter au-dessus le sol. Cette fois, elle se dirigeait clairement vers Harry. Ce dernier se mit alors à reculer, en proie à une grande frayeur. Il lui tardait que ce cauchemar s'arrête. Un chat errant surgit alors dans la rue, visiblement curieux de regarder cette sphère de plus près; mais il s'en approcha trop près et le bout de ses moustaches frôlèrent le bord de la sphère. Celle-ci les sentit et essaya de les absorber à leur tour. Le chat fut pris de peur en sentant  son museau attiré vers la sphère et tenta de reculer tout en émettant un grognement et en abaissant les oreilles. Ceci n'eut d'effet que d'accentuer la pression sur toute sa tête puis sur le corps; ses muscles ne réagirent plus et le chat s'effondra sur le sol. La sphère n'eut plus qu'à l'engloutir une fois pour toute et sa couleur vira du gris bleuté à une couleur marron, striée de noir et teintée de beige avec des reflets plus foncés à certains endroits. La sphère, qui avait maintenant la taille d'un ballon de foot, continua à se rapprocher de Harry qui était acculé contre le mur de l'impasse. Pris d'une panique totale, il avait de la peine à respirer. Ses jambes tremblaient violemment, les battements effrénés de son cœur résonnaient dans sa tête comme un gong, lui vrillant douloureusement le crâne. Comme dans un rêve, il vit s'approcher la sphère marronâtre ; il était incapable de réagir. Il avait le sentiment d'être détaché de son corps et de contempler ce spectacle à distance, sans être concerné. La boule n'était plus qu'à dix mètres, et elle accélérait, pressée d'acquérir le triple de son volume et de sa puissance en un repas. Cinq mètres. Quatre. L'esprit de Harry, flottant à distance, prit soudain conscience qu'il s'agissait bien de son corps qui allait être absorbé dans quelques secondes. Il se ressaisit et chercha désespérément une issue. Il chercha des yeux autour de lui et au milieu des poubelles de l'immeuble, il dégotta une vieille couverture râpeuse et sale dont quelqu'un n'avait sûrement plus besoin. Sans trop réfléchir aux conséquences de son acte, il se jeta sur la sphère alors qu'elle était à un mètre de lui, l'engloba dans la couverture et, en attendant de trouver une meilleure solution, coinça sous son pied l'embouchure du globe formé par le tissu. Mais un trou subsistait, sans doute la raison pour laquelle on avait jeté la couverture, et la sphère se liquéfia complètement afin d'en sortir. Elle attrapa alors la première source de nourriture à sa portée et tomba sur le pied de Harry. Ce dernier ne s'aperçut que trop tard que la sphère avait entouré sa cheville droite et qu'elle progressait à présent vers le centre vital de Harry, le cerveau. Les vêtements ralentissaient sa course et Harry passa sa main sur la masse fluide pour l'empêcher de continuer. Le froid l'envahit. Il se jeta violemment contre un mur, ce qui n'eût absolument aucun effet sur le parasite monstrueux. Pris de folie, Harry se mit à courir de toute la vitesse dont il était capable. Il fit irruption dans un boulevard, emprunta une ruelle, une autre, dévala des marches en trébuchant. Il sentait la chose ramper le long de son bras et de son torse. Elle lui immobilisait à présent le bras droit de la main à l'épaule, collé contre son corps par la force de la créature, ce qui le gênait pour courir. La course de Harry le conduisit dans une nouvelle impasse et il s'écrasa la tête la première contre le mur du fond, incapable de freiner sa course. Il chuta et sentit sous lui des éclats de verre qui lui pénétraient dans le dos. Saisissant un gros morceau coupant, il l'abattit sur le monstre, qui l'absorba aussitôt et changea de couleur, devenant vert foncé et beige aux endroits où il avait dévoré les vêtements de sa victime. Le froid l'envahit, Harry ne sentait plus ses muscles, le liquide progressait de plus en plus vite. Il ne pouvait plus bouger, il était paralysé de peur, de froid et de douleur. Alors qu'il étouffait quand le liquide vint sur son cou, sa tête se projeta violemment en arrière et vint frapper contre le mur, le choc ébranla son corps et le fit trembler. Et soudain il y eut un flash de lumière blanche puis le noir absolu.

tic...tac...tic...tac...

Harry était allongé dans son lit, sa tête appuyé contre le bord du lit le faisait affreusement souffrir, et sa cicatrice le brûlait intensément. Il se frotta le crâne là où sa tête s'était cognée et sentit qu'une bosse apparaissait. Il se leva alors et vint à la fenêtre se rafraîchir. Un instant il crut voir la Marque des Ténèbres dans le ciel, mais c'était seulement un nuage verdâtre, abîmé par la pollution et les lumières de la ville. La douleur à sa cicatrice s'atténua un peu, et Harry repensa à ce rêve qui le laissait songeur, il ne connaissait ni n'avait jamais vu de bêtes semblables, c'était sûrement le jouet de son imagination. Harry revint vers son lit et tendit l'oreille: les ronflements de Dudley le faisait penser au cri du cochon, dont il avait déjà pris fortement l'apparence. Hedwidge était partie chasser, il y était habitué maintenant. Harry regarda son calendrier, il en était au 26 août. Son anniversaire était passé, et il avait été une source de réconfort et de détente formidable au milieu de ces longues vacances. Seules les lettres de ses amis et de Sirius parvenaient à lui faire oublier le retour du Mage Noir et la mort de Cédric. Même si Harry était maintenant en second cycle, le professeur Dumbledore lui avait interdit de pratiquer la magie afin qu'il ne soit pas repéré, ce que le jeune sorcier avait respecté à la lettre. Le directeur lui avait aussi interdit de rester avec les Weasleys pour le reste des vacances, ce qui était encore plus dur à tenir. Mais Harry savait que demain, une personne du Ministère viendrait le chercher pour l'emmener sur le chemin de Traverse, où il pourrait retrouver tous ses amis, et en particulier Ron et Hermione.

Harry se recoucha dans son lit en pensant fortement à son retour à Poudlard, qu'il attendait avec impatience, et s'endormit d'un sommeil sans rêve.

Le lendemain, le sorcier se réveilla brusquement par des coups donnés sur la porte. Tante Pétunia se mit à crier, comme à son habitude:

"Debout!! Si tu crois qu'on va t'attendre pour manger. Et tu as intérêt à être prêt quand ton je-ne-sais-quel-envoyé du Ministère viendra te chercher!!

Harry se leva, descendit et mangea en quatrième vitesse son quartier de pomme avant que Dudley ne le lui pique. Puis il remonta dans sa chambre avant que l'oncle Vernon ne le rappelle à l'ordre et prépara sa valise. L'envoyé venait le chercher à 10h précise. Il sortit sa grande malle et y rangea toutes ses affaires, cela allait du balai, au chaudron et aux gâteaux que lui avaient offerts ses amis pour qu'il ne meure pas de faim.

A 10h, une voiture verte s'arrêta devant la maison. Harry sortit tout de suite de la maison et rejoignit son guide sans même dire au revoir aux Dursleys. Ces derniers de toute façon étaient terrés dans la cuisine, de peur qu'on ne leur adresse la parole.

Harry s'installa dans la voiture et celle-ci démarra rapidement. L'envoyé du ministère ne fut pas très causant au cours du voyage, il lui demanda juste s'il allait bien et ce qu'il avait fait pendant les vacances, ce qui se résumait en quelques mots. Ils arrivèrent à Londres en un temps record et le chauffeur s'arrêta devant un bâtiment que Harry connaissait bien: le Chaudron Baveur.

Ils y entrèrent et furent tout de suite accueillis par Ron , Hermione, Ginny et les parents Weasley. Chacun voulait savoir s'il se sentait bien, s'il ne s'était pas trop ennuyé pendant les deux mois et s'il n'avait pas trop fait de cauchemar: il était maintenant de notoriété publique que Harry faisait des cauchemars et que sa cicatrice le brûlait fréquemment, Harry remerciait ironiquement Rita Skeeter de l'avoir fait savoir.

Alors que l'envoyé du Ministère donnait ses dernières instructions à M.Weasley, Harry sentit un frottement contre sa hanche et sa jambe droite; Gramine venait d'apparaître, ses splendides yeux verts observant ceux de Harry. Elle murmura d'une voix rauque et douce:

"Moi je sais que tu vas bien, Harry."

Elle vint se placer devant lui et Harry put ainsi la caresser sur la tête et les épaules. Il ne le dit pas mais remarqua que Gramine avait grossi ces derniers jours, et quand il enfouit sa main dans l'épais pelage de sa protectrice, il sentit la magie qui affluait en elle. Harry avait toujours eu un immense réconfort à la caresser, et il savait que c'était réciproque, car Gramine se mettait à ronronner dans ces moments là.

Puis l'envoyé du ministère partit après avoir serré la main de Harry. Les parents Weasleys se chargèrent alors de leur communiquer leurs instructions:

" Comme tu peux le constater, Harry, des mesures ont été prises pour assurer ta sécurité, et c'est pour cette raison que tu ne pourras pas venir chez nous pour le reste des vacances."

Une lueur d'inquiétude passa sur le visage de Harry.

" Ne t'inquiètes pas, tu ne retourneras pas chez ton oncle et ta tante, mais tu vas rester ici avec Gramine." reprit M.Weasley. Harry laissa alors échapper un sourire de ses lèvres, chose qui ne s'était pas beaucoup produite depuis la troisième tâche. "Elle se chargera de t'emmener à la gare où tu prendras le Poudlard Express", continua M.Weasley, "et tu nous retrouveras là-bas".

_ Bon, allons faire les courses, les enfants, coupa Mme Weasley. Je vais m'occuper de vos livres scolaires, vous pouvez aller où vous voulez mais restez groupés avec Gramine, on  retrouvera les jumeaux chez Florian Fortarôme à midi, d'accord?

_ Oui, oui, répondit distraitement Ron, allez viens Harry.

Puis Harry,  Ron, Hermione et Ginny coururent vers l'arrière du bâtiment et rejoignirent le Chemin de Traverse, bondé de monde comme d'habitude à cette époque de l'année. Tandis que les garçons et les filles faisaient leurs emplettes, Gramine prit soin de se rendre invisible et de suivre le groupe à une certaine distance ou sur les toits des boutiques, cela lui permettrait au moins un effet de surprise si une attaque survenait. Après avoir acheté de nouvelles robes et des ingrédients de potions, les enfants se dirigèrent vers le magasin de balais de course. Mais sur le chemin, Harry rencontra la dernière personne qu'il aurait voulu voir aujourd'hui: Drago Malefoy. Il tenta de l'éviter mais ce fut peine perdue, le Serpentard se dirigea vers eux:

" Tiens, tiens... Mais qui voilà, dit-il sur un ton sarcastique, Potter et qui d'autre... le fan club de Potter, j'aurai dû m'en douter.

_ Vas-t'en, Malefoy, rétorqua Ginny.

_ Oh mais je vois que l'ange gardien de Potter n'est pas là à vous coller aux basques! Elle aurait des ennuis avec le Ministère?

_ Tais-toi! coupa Hermione. Ca ne t'as pas suffi l'accident dans le train l'année dernière, tu veux qu'on recommence?"

Drago eut un mouvement de recul et toisa Hermione d'un air méprisant. Puis il jeta un coup d'œil derrière lui et continua à parler:

" Je me demande comment le fabuleux Potter va réussir à survivre cette année si Gramine n'est pas là pour le protéger?"

Cette fois s'en était trop: Harry s'avança vers Malefoy, prêt à le frapper s'il continuait à insulter son amie; mais Gramine fut plus rapide que lui et donna un violent coup de tête dans l'estomac du Serpentard avant d'enlever son invisibilité. Drago trébucha et se retrouva par terre, le souffle coupé. Gramine s'approcha de lui et lui dit:

"C'est pas ton jour de chance, Drago.

_ Je ne sais pas qui a le plus de chance aujourd'hui", répondit une voix que Harry ne connaissait que trop bien. Lucius Malefoy se tenait derrière Drago et commençait à dévisager les visages du groupe, s'attardant sur celui de Harry. Puis il arrêta son regard sur Gramine qui s'empressa de reculer et de se placer entre Harry et Lucius, en signe de protection. Harry posa sa main sur le cou de la tigresse et la sentit trembler de fureur, il n'en fallait pas beaucoup plus pour qu'elle se mette à grogner. Drago se releva rapidement, et son père lui fit signe qu'ils partaient. A contrecœur, Drago leur lança un dernier regard haineux et suivit son père. Harry remarqua que des passants s'étaient arrêtés pour observer la scène et que Gramine suivit longtemps des yeux les Malefoys, jusqu'à ce qu'ils disparaissent. Puis sans un mot, ils repartirent. Gramine resta visible tout le reste de la matinée, et ils rejoignirent sans encombre le reste de la famille Weasley sur la terrasse du café. Ils y déjeunèrent puis passèrent l'après-midi à parler de choses et d'autre. Ron leur donna des nouvelles du Ministère et Hermione leur annonça joyeusement qu'elle avait accepté de devenir préfète de Gryffondor. Pour sa part, Harry ne toucha pas un mot de son rêve avec le monstre.

A la fin de la journée, il fallut se quitter. Les parents souhaitèrent une bonne fin de vacances à Harry et les enfants une bonne fin de vacances aussi ( soyons fou ). Avant de quitter la terrasse, M.Weasley ajouta:

" Surtout, Gramine, tu ne lâches pas Harry d'une semelle!

_ Comptez sur moi", acquiesça la tigresse.

Puis Harry et Gramine se retrouvèrent seuls à leur table. Ils y restèrent encore un peu puis rentrèrent  au Chaudron Baveur où on lui avait déjà réservé une chambre. Harry passa une nuit très tranquille, contrairement à la plupart qu'il avait passé depuis le retour de Voldemort: il ne fit aucun cauchemar et ne se réveilla que tard dans la matinée; et ceci grâce à la présence de Gramine à ses côtés, qui lui avait habilement placé une patte près du cœur afin de le plonger dans un sommeil profond et réparateur. Harry était habitué à ce qu'elle dorme contre lui, et il n'était pas rare qu'il se retrouve entre ses pattes et son poitrail le lendemain matin.