Hey !

Et voilà deux nouveaux chapitres écrits pendant cette nuit du FoF ! Pour celui-là, le thème était Cailler, que j'ai pris dans son sens familier.

(Attention, TW en fin de page !)

Merci à Ya pour sa relecture !


Où Lucio est jaloux (ce qui ne déplait pas à Asra)

.

Asra ne saurait pas dire à quel moment ça a dérapé. Mais ça a dérapé, et c'est tout ce qui compte. Il suppose.

D'abord, le regard de Lucio s'attarde sur lui dans les couloirs. Ils ne font que se croiser alors qu'il plaisante avec Portia, à l'abri du soleil. Julian laisse parfois ses doigts abîmés glisser sur son épaule, et il le laisse faire sans trop l'encourager. Il est distrayant, gentil, même. Le vampire le laisse s'approcher, conscient que l'humain reculera sans doute de lui-même – comme il semble l'avoir fait avec tous ses autres partenaires.

— Tes cheveux. Tu mets quelque chose dessus ? le rouquin roucoule. De l'huile de coco ? D'argan ? Ils sont particulièrement doux, et brillants, c'est…

— De l'eau, Asra glousse. Et du shampoing, à l'occasion.

Il laisse le grand dadais jouer avec ses boucles à l'ombre d'un préau et quand Lucio passe près d'eux, il cherche son expression. Comme l'autre se détourne, il abandonne sa tête sur les genoux de son ami.

Il pourrait jurer qu'il entend le poing du loup se crisper.

— Je, errr… Oui, de l'eau. Bien sûr.

Il rit comme l'autre rougit avant de le rejoindre. Peu de jeux sont aussi plaisants qu'Ilya, mais c'est bien tout ce qu'il est pour. Il apprécie son amitié, sans plus.

Il se laisse cajoler le reste de l'après-midi, le cœur gonflé de cette séduction qui le revigore aussi sûrement que le coup de l'écureuil auquel il s'abreuve le soir même. Une pauvre petite bête qui a sauté de la mauvaise branche, au mauvais moment. Repus, mais pas rassasié, Asra s'en retourne vers son repère et guette l'odeur de chien mouillée qui lui fait plisser le nez.

Derrière la pierre froide, Lucio s'est roulé dans le lit - qui n'est pas tant un lit qu'un matelas qu'ils ont traîné là, recouvert d'une longue couette. Il peut presque l'entendre ronfler.

— Quel prédateur, il ronronne en s'approchant.

Sous les draps, ça soupire. Le blond grogne et se retourne finalement pour lui offrir son plus bel air renfrogné. La parfaite trogne du gamin qui n'a pas eu ce qu'il voulait pour Noël. Lasse d'avance de la dispute qui pourrait lui tomber dessus, Asra se laisse tomber à ses côtés.

— Qu'est-ce tu fais là, Lucio l'attaque.

— Je rentre de chasse. Cet endroit est autant à toi qu'à moi, je te signale.

— Mm.

Asra ne comprend pas ce qui lui prend. Mais il a suffisamment fréquenté le loup pour savoir que quand il est de mauvaise humain, mieux vaut le laisser bougonner tout seul jusqu'à ce qu'il se calme. C'est une bête hargneuse, pas mauvaise

Il n'empêche que quand Lucio fait la gueule, il a toujours une raison. Pas souvent une bonne, Asra le reconnaît. Le plus souvent, c'est parce qu'il a chipé sa proie sous son nez. Ou qu'il l'a battu à il ne sait quel jeu. Mais c'est la première fois qu'il le croise ce soir, et si l'autre avait coursé l'écureuil qui lui a servi de repas, il l'aurait senti.

— Et toi, pourquoi tu m'as rejoint si c'est pour passer la soirée à ruminer ?

— Je t'ai pas rejoint. J'traîne ici quand je veux.

— Cet endroit ne porte pas ton odeur, le reste du temps.

— Gna gna gna.

Plutôt que se vexer, le vampire s'éloigne. Si Lucio veut bouder, grand bien lui fasse. Il lui laisse ce plaisir, pendant qu'il retourne se remplir la panse. Infini, le temps d'Asra n'en reste pas moins précieux, et il aimerait autant de pas le perdre à écouter un chien errant lui aboyer dessus.

C'est ce qu'il se répète alors qu'il s'en retourne vers la fenêtre sans vitre ni barreaux, où la lune dépose ses rayons. Un milliers de bruits s'élèvent et dansent entre eux qu'il perçoit de son oreille aiguisée, un chant constant qui échappe au commun des mortels. Asra ferme les yeux pour mieux les apprécier.

— Pourquoi tu vas pas plutôt passer la nuit avec Jules ?

Mais la voix de Lucio s'invite comme une fausse note.

— Julian dort la nuit, il fait remarquer.

Et son interlocuteur se tourne pour planter ses petits yeux sur lui.

— T'as qu'à le réveiller. Il dort la fenêtre ouverte.

— Comment tu sais ça ?

— A ton avis ?

Il se souvient des piques douteuses de son partenaire de jeu sur le grand corbeau, et il en conclut qu'il préfère encore ne pas savoir. Julian ne dormirait pas la fenêtre ouverte s'il savait quel genre de dangers guettent dans la région. Quoi que. De ce qu'Asra a pu en voir, il aime jouer sur les cordes raides qui menacent de le faire tomber.

Mais ce n'est pas lui qui l'intéresse, là.

— Et je peux savoir pourquoi tu parles d'Ilya ?

— Ah, parce que tu l'appelles Ilya, maintenant ?

— Il préfère.

Ça tient à peu de chose. Au pli qui se creuse entre les yeux de Lucio, à se sourire affreusement faux qui découvre ses crocs. Au tremblement incertain dans sa voix qu'il cache sous une assurance forcée. Aux doigts qu'il ramène contre sa paume et à ses épaules qui roule alors qu'il se tourne entièrement vers lui. Un tressaillement dans ses muscles, une pause trop brève dans sa respiration, un tique de langue. Ce sont autant de mots qu'il ne prononce pas mais qu'Asra entend et qui convergent vers une même réponse : la jalousie.

Intéressant.

— Pourquoi ? Ça te dérange ?

— Pas du tout.

Le souffle sec qu'il échappe achève de le convaincre. Lucio est désespérément jaloux d'Ilya, et ça ne devrait pas lui plaire autant. Mais la créature de la nuit n'a pas envie de perdre son précieux temps en questions inutiles et comme il sent ses pupilles attraper les pans dorés de sa peau, il retourne vers lui. Ses pieds nu caressent la pierre et le vieux tapis qu'ils ont aussi traîné là, ses chevilles roulent et tournent alors qu'il se laisse tomber sur la couverture, ses longues jambes allongées sur la couverture.

— T'es chiant, Lucio râle.

— Tu peux parler.

Julian lui a parlé des reflets clairs entre ses boucles cotonneuses, et il se demande si le loup les a aussi remarqués. Est-ce qu'il a envie de les caresser ? De les tirer ?

Ça fait longtemps qu'il n'a pas fait l'amour avec quelqu'un.

— Franchement, qu'est-ce qu'il a de si spécial ?

— Il n'est pas imbu de lui-même ni égoïste, pour commencer.

— Pas égoïste ? Lucio ricane. On verra si tu penses encore la même chose quand il t'aura largué soi disant parce que c'est mieux pour toi.

En effet, Asra a déjà eu vent de la réputation d'Ilya. Ses frasques amoureuses ne lui sont pas étrangères et c'est bien pour ça qu'il s'investit de loin, sans y laisser son cœur.

Pour ça, et parce que quelqu'un a déjà piqué sa curiosité.

— Et toi tu vaux mieux, c'est ça ? il termine.

Lucio hausse des sourcils surpris, exécute une grimace vexée avant de se redresser, les mains enfoncées dans le matelas.

— Evidemment.

Le vent passe sur ses bras nus. S'il ne le sent pas, Asra le devine aux frissons qui se dressent sur sa peau. L'hiver bat son plein et la température glaciale de la pièce frappe le canidé comme il abandonne la couette.

D'ici, le garçon devine comme sa chair est chaude.

— Et qu'est-ce que tu as qu'il ne possède pas ?

— J'me respecte, déjà.

Lucio n'est définitivement pas une lumière. Mais soit. Asra croise les jambes et cette fois, les yeux du prédateur s'y attardent. Il remarque qu'elles sont nues. Pas que ce soit rare - le buveur de sang se débarrasse toujours des couches quand elles nuisent à son confort. Mais il les fixe comme s'il les voyait pour la première fois.

— Mais encore ?

— Qu'est-ce que tu veux ? Lucio lance, méfiant.

— Moi ? Rien.

Il n'a pas besoin de sort pour le fasciner. La lune qui se mêle à sa peau s'en charge pour lui.

— Mais si tu te crois meilleur qu'Ilya, je vais avoir besoin de preuves.

— Genre ?

La trogne de Lucio se fend, incertaine. Asra devine que le sang s'échauffe dans son corps. Le circuit se lance et, bientôt, un sourire qui n'a rien de rassurant s'allonge sur sa bouche.

— Fais marcher ton imagination.

— Y a qu'à demander.

Le loup va pour se redresser et l'autre le laisse s'approcher. Mais il appuie au dernier moment son doigt sur son nez. Empêche sa bouche de retrouver la sienne. Si proche, son nez échappe un souffle qui se répand sur ses lèvres. Une chaleur qui lui rappelle comme il doit faire froid, pour son partenaire de jeu - et bientôt d'autre chose.

— Qu'est-c'que tu-

— Chut.

Il le repousse doucement, jusqu'à ce que sa tignasse blonde ne retombe sur le matelas. Il entend d'ici son cœur qui cogne de plus en plus fort, alors que ses pupilles s'affinent. Est-ce que ses sens s'aiguisent en même temps que les siens ?

Son odeur est plus forte. Sa poigne aussi, alors qu'il le renverse d'un coup sur la couverture. Le poids de son bassin pèse d'un coup contre le sien et loin de s'en plaindre, Asra croise nonchalamment ses bras sous sa tête. Lucio a fini de bouder. Et comme à chaque fois qu'il sort de sa bougonnerie, il est de nouveau prêt à jouer.


[TW : sexe sous entendu]