Le câble était arraché. Le téléphone était même brisé à certains endroits. Pourtant, il sonnait. Qu'est-ce qui peut faire fonctionner ce téléphone ? Ce monde ? Mère Miranda ? Le Diable ? Dieu ? Comment ne peut-on pas se croire folle face à un téléphone qui ne cesse de sonner pendant que vous vous posez ces questions ?

Alcina finit par faire demi-tour, rejoignant lentement le téléphone, puis sortie les griffes d'une de ses mains. Celle de l'index empala le combiné, qui continua de sonner alors qu'elle le remontait progressivement jusqu'à son visage, tandis que le fil coupé pendait dans le vide. La comtesse délogea l'appareil de sa griffe avec son autre main puis le porta à son oreille.

Qu'était-elle devenue pour y croire ?

Et pourtant, une voix atteint son tympan.

_ Madame la Comtesse ?

_ Ce n'est pas possible...

_ Je sais que vous êtes perturbée.

_ Enfer... Je rêve... Est-ce que je vous entends vraiment ? Qui êtes-vous ?

_ Un ami.

_ Beaucoup m'ont fait croire ça. Je n'ai pas d'alliés, ici ! Comment pourriez-vous m'aider, homme profiteur ?

_ Vous savez comment soigner votre fille.

_ Non, je ne sais pas...

_ Le remède est sur vos lèvres, mais vous refusez de vous le dire. Autrement, il n'y a personne d'autre qui pourra la sortir de sa prison de torture. Elle souffre perpétuellement.

_ LA FERME ! Vous... Vous n'êtes pas réel ! Je... Voilà que je suis une femme tellement désespérée que je crois entendre des hommes venir à mon aide maintenant !

_ Ce n'est pas un homme qui peut vous aider.

_ TAISEZ-VOUS ! Je vais aller voir cet idiot de Karl, lui dire de cesser son projet et Mère Miranda acceptera de m'aider ! Il n'y a seulement que ça ! Il n'y a pas d'autres solutions !

Alcina jeta le combiné au sol, elle sortit de la pièce, les poings serrés, enragée.

_ Sale sorcière grossière ! Si je te trouve encore, je ferai de toi un tapis sur lequel je marcherai pour l'éternité !


Ça sonne, ça ne s'arrête pas, ça cogne dans le cerveau, ça racle la cervelle, ça laboure l'intérieur du crâne, le sommeil n'est plus possible.

Agacée par le son, Zorin ouvre les yeux, décidé à détruire cette radio une fois pour toutes. Les yeux grands ouverts, elle détruit la camisole qui emprisonne ses bras, arrache les fils et les capteurs de sa chair, puis retire le tuyau de sa gorge avant de briser le socle de la capsule d'eau gigantesque. Le Lieutenant Blitz a sauté hors de l'eau froide. Nue, elle s'est aventurée en dehors du laboratoire du Dok, a ignoré tous les soldats en état de choc, titubant un temps avant de retrouver comment marcher droit, les épaules redressées, la détermination de nouveau sur son visage.

Enfonçant la porte de sa chambre, Zorin a saisi la radio.

_ Zorin ? Tu es réveillé ?

_ Rip ?

Alors sur le point d'éclater la radio, alors entre ses mains, Blitz entend la voix de Winkle. Reposant l'appareil, elle sort de la chambre. Alors que sa peau frisonne, ses muscles sont soudainement couverts par le tissu d'un uniforme encore froid et sa poitrine par une joue gelée et humide venant chercher son pardon.

_ Excuse-moi Zorin ! Excuse-moi Zorin ! Tout est ma faute ! Je n'aurais jamais dû aller au château ! Je n'aurai jamais dû te forcer à aller chercher Tubalcain ! Je suis tellement désolé ! Je suis tellement désolé ! Pardonne-moi s'il te plait !

_ Dégage... de ma poitrine... Vite !

Rip s'écarte.

_ Pardon...

_ Reprends-toi ! T'es un soldat ou un rossignol qui chiale ?

_ Oui, oui, pardon !

Rip se frotte excessivement les yeux. Zorin soupire.

_ Il n'y a vraiment rien chez toi qui puisses me donner envie de partager ta douche.

Après ce moment, la soldat retourne dans sa chambre et se saisit de ses vêtements habituels. Rip passant la tête à travers la porte pour continuer à lui faire part de son inquiètude.

_ Zorin... Est-ce que tu... te sens mieux ?

_ Moins de temps, je passe dans le labo du Dok, mieux, je me sens ! Rends-toi utile, dis-moi ce qui s'est passé pendant que je dormais, demanda la sorcière vampire en enfilant son pantalon.

Elle fit un signe de tête significatif à Rip qui comprit en retour son accord pour rentrer dans sa chambre et le signal de fermer la porte derrière elle, juste ensuite.

_ Major m'a demandé de me rendre dans la zone des moulins du village pour trouver Luke et Jan. Ils s'étaient alliés avec l'ennemi.

_ Ils sont morts ?

_ Le Capitaine les a ramenés, mais je ne sais pas où ils sont. J'ai... J'ai détruit le barrage...

Zorin serra sa seconde botte.

_ Il y a maintenant trou gigantesque qui remplace le village, toute l'eau et les débris s'y sont engouffrés, il n'y plus rien à part le château, la maison près de la cascade et ce qui reste des moulins.

_ Et l'usine ?

_ Elle est toujours debout, elle est de l'autre côté de la rivière de toute façon.

_ Tant mieux, s'exclama Zorin en se redressant, je vais enfin pouvoir finir cette foutue mission !

Zorin saisit son manteau et son bonnet, elle sortit de la chambre avec la détermination de simplement détruire cette usine. Sa camarade l'a suivi dans sa marche, avec une autre détermination.

_ Zorin ! Je veux venir avec toi !

_ QUOI ?!

Blitz stoppa sa marche, Rip se recula lorsque l'iris difformes de l'illusionniste s'illumina aux paroles de la chasseresse.

_ Tu veux encore me faire perdre mon temps ? Ton obéissance a cessé ? Je dois te mettre moi-même en pièces pour que tu te la fermes et que tu restes à ta place, pour une fois ?

_ Non, tenta de se défendre Rip avec des lèvres tremblantes et quelques larmes dans les yeux, moi-aussi, je veux mener ma mission jusqu'au bout ! J'ai été battue plusieurs fois, comme toi, et je ne veux pas rester enfermer ici en sachant qu'ils sont à l'extérieur, en train de se languir de leur victoire sur nous ! Je veux que le chasseur soit le chassé ! Je veux que mon mousquet les abat tous !

Malgré le regard sombre de la tireuse d'élite, Zorin se refusait à ce qu'elle l'accompagne et se demandait alors où elle pourrait l'enfermer pour qu'elle ne la suive pas. Elle avait la certitude que la Major n'empêcherait pas Rip de faire sa tête de mule, à part Samiel, personne n'effrayait Rip van Winkle, sauf si ce Panzer Roumain avait rejoint la liste depuis, pensa Zorin sur le coup.

Zorin se demandait d'ailleurs si sa rivale lui retomberait dessus.

Car c'était bien une rivale pour être aussi égocentrique qu'elle, non ?

_ Si tu ne veux pas te faire saigner à blanc encore une fois, je te conseille de rester ici, à moins que tu ne veuilles à nouveau que je sois obligée d'aller te sauver ta peau contre un autre vampire affâmé ?

Rip grinça des dents. Elle ne voulait pas que Zorin souffre à nouveau à cause de ses erreurs, mais elle ne voulait plus la savoir loin du zeppelin maintenant. Tout le monde trouvait son compte en ce moment et elle voulait que ça soit aussi son cas, par la destruction de ses nouveaux ennemis et en s'appropriant la présence de Zorin notamment. Rip se sentait incapable de rester sans Zorin plus de quelques minutes, à présent.

_ Tu oublies que je suis Kaspar, le chasseur et que mes balles extermineront tout le monde sans distinction,Tinker, tailor, soldier, sailor ! Je ne reculerai devant personne !

_ J'aimerais bien voir à quel point tu es sûr ne pas trembler, mon petit rossignol.

Zorin tourna le dos à Rip, qui l'a suivi donc.

Par ailleurs, Blitz avait une idée de comment passer cette rivière.


L'apparition du trou ne signifiait rien pour Bela. Elle croira toujours aux paroles de sa mère, chaque mot, chaque mensonge, jusqu'au jugement dernier de l'univers. Même si elle savait la vérité, jamais son esprit ne la remettrait en question, y comprit dans ses actes. Lorsque sa mère vint dans la chambre, les nerfs à vifs, Bela craignait ses prochaines actions, mais n'en ferait rien de toute façon.

Elle voulait tellement se rattraper sur son échec contre cette garce de nazie.

Se tenant devant le lit, Cassandra assise de l'autre côté, auprès de leur plus jeune sœur, toujours dans le coma, Bela se présenta à sa mère, droite et digne.

_ Mère ? Il se passe quelque chose ?

_ Je vais à l'usine d'Heisenberg. Restez dans la chambre et veillez sur votre soeur jusqu'à mon retour, d'accord ?

_ Vous pensez que notre oncle...

_ Ah ! Ce n'est pas votre oncle les filles ! C'est juste un enfant idiot qui aime jouer avec le marteau de ses parents ! J'ai besoin d'aller régler quelque chose avec lui, sinon Miranda ne pourra pas guérir votre soeur !

Bela se reclut près du lit, honteuse.

_ Elle va la guérir, alors, demanda Cassandra.

Alcina se pinça les lèvres, ne repensant qu'aux paroles de cet homme...

_ Ne sortez pas trop de la chambre, s'il vous plait. Je préférai vous savoir enfermées, ici, plutôt que vous alliez affronter l'un de ces cafards seules, si l'un d'eux devait revenir. C'est entendu ?

Les deux sœurs hochèrent la tête.

_ Oui, mère.

Alcina ne vint même pas vers sa troisième fille pour lui embrasser le front ou lui sécher ses larmes, comme elle l'avait fait jusque-là, c'était comme si elle n'osait pas affronter son visage, comme honteuse de ne pas savoir comment régler le problème. Alcina se sentait si frustrée et indigne de la famille Dimitrescu quand elle ne savait pas prendre soin de ses héritières.

Peu importe la situation de leur famille.

Avant de quitter la résidence, Alcina décida se rendre à son dressing pour retirer sa robe.


_ Ravi de vous revoir debout, Lieutenant, vous êtes une lionne et aussi un jaguar très résistant, s'exclama le Major.

_ Je pars immédiatement pour l'usine, Major. Et j'aurai besoin de votre chien d'attaque pour passer la rivière, répliqua Zorin en retour.

_ Et bien ! Je m'étais justement interrogé sur la raison qui vous avez poussé à ne jamais m'en faire la demande ! Le désir de montrer que vos soldats ne manquent pas de ressources, peut-être ? Ou, votre détermination ?

_ Non, parce que je savais que vous ne m'auriez jamais accordé d'emprunter votre chien si je vous l'avais demandé plus tôt !

_ J'aimerais que votre intelligence puisse durer éternellement, Lieutenant, détruisait simplement cette usine, même si elle produit des armes.

Toutes les personnes présents, à l'exception du Capitaine, comme d'habitude, furent sous le choc.

_ Mais Major, paniqua Rip en premier, si c'est une usine qui produit des armes, nous devirons la garder pour nous, non ? Seulement tuer son dirigeant ?

_ Nein ! Elle ne m'intéresse pas ! Nous n'en avons pas besoin mais nous ne quitterons pas l'endroit sans avoir détruit toutes les ressources que cache ce village !

Rip était perdue. Zorin fronça les sourcils, pinçant secrètement sa cigarette entre ses dents, grondant intérieurement.

Le Doc devint lui aussi très intrigué et même très stressé.

Zorin fut ensuite la seule à répondre à son ordre. Elle avait besoin de se défouler aussi. Mais la situation ne manquait pas de l'irriter de plus en plus.

_ Ça ne me pose pas problème, Major, c'est vous qui dirigez cette guerre, si votre stratégie devait nous mener vers la défaite, c'est vous qui en serez responsable, après tout.

Le sourire du Major s'accentua.

_ Ja. Capitaine ! Vous aiderez le lieutenant Blitz dans sa mission, aujourd'hui !

_ Ils vont sortir en plein jour, Major, s'inquièta le Dok.

_ Ja ! Le soleil peut avoir nos autres soldats mais pas nos précieux "Loup-garoux" ! Je veux que le Lieutenant Winkle se joigne également à la mission !

Zorin grogna, mais c'était évident.

Rip salua son chef.

_ J'accomplirai ma mission, également, Major !

_ Excellent, mes très chères femmes, ne sous-estimez nos ennemis surtout ! Mais n'hésitez pas non plus à leur faire comprendre que nous n'abandonnerons pas aussi facilement !

_ Ja, cria Rip en faisant un très vieux salut vers son chef.

Zorin ne fit pas la même chose, elle coupa plutôt Rip dans la fin de son geste et l'entraina hors de la pièce.

_ Mais attends Zorin !

_ On n'a pas de temps à perdre avec ta fayoterie !

Le Capitaine les rejoignit dans la marche quand les tympans de Zorin entendirent de nouveau le morse. Elle voulait détruire cette machine mais ça ferait trop de bruits auprès de ses deux camarades et puis... Non, pas le choix...

Elle savait, de toute façon, que partir sans écouter le message l'empêcherait sûrement de mener à bien à sa mission.

_ Je dois repasser par ma chambre, on se rejoint à la porte dans trois minutes.

_ D'accord, je vais aller prendre des munitions de mon côté.

_ Prends ton manteau surtout. Vous pouvez aller me chercher ma faux, mon Capitaine ?

Le loup hocha la tête. Une fois seul, Zorin marcha rapidement jusqu'à sa chambre, le casque et le micro n'attendait qu'elle.

_ Quand allez-vous me lâcher ?

_ Vous êtes revenu à vous, de quoi vous plaignez-vous Lieutenant ?

_ Vous m'envoyez du morse dans ma tête quand ça vous arrange, vous cherchez à me tuer ?

_ Oh ? Vous parlez de la dernière fois ? C'était bien gentils de vous aidez mais vous deviez aussi apprendre à vous en sortir seule ! Toujours et encore ! Votre égo est ce qui vous amène trop souvent à échouer alors que vos pouvoirs peuvent être d'une incroyable puissance quand vous vous y concentrez. Et puis, je voulais savoir à quel point vous teniez à votre camarade !

_ Enfoiré ! Tu m'observes ? Où tu te caches ?

_ Vous ne tenez pas à elle de la manière qu'autre fois, votre rapport a changé. Bien sûr, je sais pourquoi, mais je voulais en être témoin.

_ Je vais en finir avec cette usine ! Je vais en finir avec ce village ! Et je vais en finir avec ce foutu panzer roumain ! Mais après... Après ça... Je détruirai ta foutu radio et je me metterai à ta recherche ensuite, je traverserai l'enfer pour ça s'il le faut !

_ J'aimerais beaucoup voir ça, ria-t-il, je vous offrirai moi-même cet rencontre, soldat, mais pas tant que vous n'aurez pas atteins la fin de votre mission.

_ Quoi ?

_ Vous devriez revoir votre approche avec ce "panzer roumain", vous ne fumez pas quand vous combattez, n'est-ce pas ?

_ Que... Allo ? Allo ? Enfoiré !