Prompts du jour : Soleil/Lettres
À toi pour toujours
Chapitre 2
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« C'est comme si rien n'avait changé... » souffla Jaime tandis que Tyrion et lui arpentaient les jardins du Donjon Rouge.
Il observait avec attention chaque arbre, chaque fleur, chaque brin d'herbe, comme s'il espérait parvenir à ressentir la présence de Cersei autour de lui.
« Les jardins ont été relativement épargnés lors de l'assaut sur le Donjon Rouge, » répondit Tyrion. « Daenerys ne souhaitait pas régner à l'intérieur d'un palais en ruines, comme tu t'en doutes sûrement. »
Jaime réalisa alors qu'ils n'avaient jamais véritablement parlé du jour où la reine dragon s'était emparée du trône. Comme Tyrion l'avait prédit, la ville était rapidement tombée. La Compagnie Dorée avait été écrasée d'un crachement de feu, et quant aux soldats de Cersei, ils avaient rapidement jeté leurs armes. Daenerys s'était alors contentée d'infliger quelques dégâts à l'illustre demeure de ses ancêtres, histoire d'effectuer une démonstration de force sans doute superflue.
Comment avait-il pu croire que Cersei était décédée ? Il se sentait si stupide, à présent... mais pourquoi n'avait-elle donc pas cherché à le contacter, à le retrouver ?
Jaime avait bien une hypothèse sur le sujet, mais puisqu'elle ne lui plaisait absolument pas, il l'écarta avec force de son esprit.
Ils finirent par s'assoir sur un banc, et Jaime donna la deuxième lettre à Tyrion.
« Je suis prêt, » assura t-il, répondant à la question muette de son petit frère.
Si Tyrion s'aperçut qu'il n'était qu'à moitié sincère, il n'en fit pas la remarque.
Jaime,
Les jardins du Donjon Rouge me manquent. C'est à présent que je sais que je ne les reverrai jamais que je regrette de ne pas avoir su en apprécier la beauté lorsque je le pouvais encore.
Te souviens-tu de nos baisers volés au clair de lune ? Je vivais pour ces rendez-vous secrets, à une époque. Je me rappelle encore l'habitude que tu avais de jouer avec mes cheveux lorsque nous parvenions à passer un après-midi à l'abri du regard. Tu disais que sous le soleil, ils ressemblaient à une rivière d'or.
Lorsque je ferme les yeux, je peux toujours t'entendre me faire la lecture, et je peux presque croire que, quand je les ouvrirai, je serai de nouveau allongée dans l'herbe, la tête posée sur ta cuisse, le cœur léger.
Tu me manques.
Cersei
Jaime pouvait lire la surprise dans les yeux de Tyrion.
« J'ignorais que tu lui faisais la lecture... » avança t-il avec prudence, comme s'il craignait qu'il ne fonde subitement en larmes – ce qui, Jaime devait bien se l'avouer, était tout à fait probable.
« J'essayais de lui faire la lecture serait plus exact, » s'esclaffa t-il.
Il riait jaune, cependant, parce que tout ce qu'il avait envie de faire, c'était pleurer encore et encore, mais pleurer alors que Cersei n'était pas là pour essuyer ses larmes n'aurait fait que torturer davantage son cœur déjà trop amoché.
« Elle était patiente, tu sais, » reprit-il.
L'air toujours aussi stupéfait de Tyrion parvint à lui arracher un léger sourire.
« Bien des adjectifs me viennent à l'esprit quand il s'agit de Cersei... mais patiente ne faisait définitivement pas partie d'entre eux, » rit-il.
Jaime poussa un soupir nostalgique.
« Avec moi, elle l'était. La plupart du temps. »
« Tout est dans le la plupart du temps, » railla Tyrion.
Une nouvelle vague de mélancolie le poussa à se lever et à reprendre son exploration des jardins, Tyrion sur les talons. Son regard scrutateur se promena avec encore plus d'attention sur les différents arbres. Serait-il encore capable de le reconnaître, après toutes ces années ? Ou bien faisait-il partie des quelques arbres calcinés le jour de la prise du Donjon ?
Cependant, ses craintes s'envolèrent dès qu'il posa les yeux sur un vieux saule pleureur dont les feuilles frémissaient doucement sous l'effet de la brise.
« C'est l'arbre en dessous duquel nous nous installions souvent, » murmura t-il.
Il s'en approcha, posa la main sur le tronc, et laissa un nouveau souvenir l'emporter.
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« La... la demoiselle et le pr... pr... » balbutia Jaime, les sourcils froncés par la concentration.
« Et le preux chevalier, » acheva Cersei pour lui avec patience.
La tête posée sur sa cuisse, elle faisait tourner une pâquerette entre ses doigts, les yeux mi-clos.
« Tu connais visiblement cette histoire par cœur, » bougonna t-il. « Je ne vois pas pourquoi tu as insisté pour que je t'en fasse la lecture. »
Cersei roula des yeux.
« Peut-être parce que j'aime que tu me fasses la lecture ? »
Jaime se pencha et déposa un baiser sur ses lèvres.
« Je sais que ma voix est irrésistible, mais tout de même... »
« Toujours aussi modeste, » railla t-elle.
« Je suis réaliste. Nuance. »
Cersei se redressa pour plonger ses yeux dans les siens.
« Je sais que tu n'aimes pas lire... mais tu te débrouilles bien. Vraiment. »
« Menteuse. »
Il rit pour cacher son embarras, mais elle ne fut pas dupe. Elle passa les bras autour de son cou et l'embrassa tendrement.
« Les lettres se mélangent toujours, » soupira t-il, un peu honteux. « Malgré les innombrables heures que j'ai passées sur les genoux de père à déchiffrer des textes... elles continuent de se mélanger. »
Il ferma les yeux, un peu triste.
« Au fond... c'est une bonne chose que j'aie perdu tous mes droits sur Castral Roc. Quel crédibilité aurait eu un seigneur incapable de lire correctement ? »
Cersei déposa deux baisers aussi légers qu'un papillon sur ses paupières.
« Si tu étais mon roi, tu n'aurais pas besoin de lire correctement. Tu serais parfait comme tu es. »
Emu, il sentit ses joues prendre la teinte du soleil couchant.
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« Je donnerais tout pour de nouveau lui faire la lecture, ne serait-ce qu'une dernière fois... »
Le vent emporta son murmure vers le ciel, comme une dernière prière désespérée.
Tyrion glissa sa main dans la sienne, comme pour l'empêcher de s'effondrer.
« Ce sera le cas, » promit-il.
Cersei mentionnait dans sa lettre un petit salon non loin de son ancienne chambre, et Jaime et Tyrion se mirent en route vers cette prochaine douleur en silence.
