Assise à son bureau, Candice réfléchissait sur l'affaire en cours. Les lèvres pincées, les yeux plissés, elle se tapotait le front, visiblement perplexe.

« On a quoi sur le mari ? cria-t-elle pour qu'on l'entende.

- Il arrive tout à l'heure… annonça Antoine en entrant dans la pièce

- Ok mais qu'est-ce qu'on sait sur lui, sur eux ? Qu'on sache à qui on a affaire…

- Bah pas grand-chose… Enfin d'après les parents que j'ai eu au téléphone tout à l'heure, continua Mehdi, ils sont ensemble depuis longtemps et vivent à distance…

- Ouais… Et apparemment c'était tendu ces derniers temps…

- On sait pourquoi ?

- Bah la distance quoi…

- Bah quoi la distance ? répondit Antoine.

- D'après ses collègues, elle le trouvait moins impliqué dans leur relation… Ils avaient du mal à trouver du temps l'un pour l'autre…

- Pourtant elle rentrait le week-end non ?

- Bah oui mais deux jours par semaine… C'est pas beaucoup…

- Puis j'ai lu des échanges qu'ils ont eu… et c'était pas la joie… Il lui reprochait de faire aucun effort…

- Ils se sentaient délaissés tous les deux quoi…

- Bon on verra avec lui tout à l'heure alors.

- Ouais… lâcha Candice, perturbée par leur discussion.

- Moi en attendant, j'aimerais bien revoir madame Berdot… avoua Antoine. Je sens qu'elle voulait nous dire quelque chose hier…

- Ah bon ? Comme par hasard tiens… répliqua Candice les bras croisés depuis son bureau.

En réponse, Antoine secoua la tête de gauche à droite sous les rires discrets de Marquez.

- Besoin de cours particuliers commissaire ? lâcha malicieusement Ismaël.

- Attends ? T'as flashé sur une prof du bahut ? demanda Mehdi à côté de la plaque.

- Je dirais même, sur un avion de chasse ! Hein, c'est ça le terme Antoine non ? continua Candice pour le taquiner.

- Pfff… se contenta-t-il de souffler avant de quitter la pièce.

- Tu dis rien toi ? demanda Val à Marquez resté en retrait.

- Bah non… répondit-il simplement en s'éclipsant à son tour. »

Une heure plus tard, le capitaine remonta les escaliers d'accueil de la BSU et croisa son commissaire dans le couloir.

« Antoine ! Tu peux me signer ça s'il-te-plaît ?

- Ah ! Tiens !

- Oh putain… Me dis pas que ton vœu a été exaucé quand même… déclara Marquez bouché bée en fixant le couloir.

- Pourquoi tu ? Oh putain…

- Tu vas y aller ?

- Bah… Candice est en train d'interroger le mari… J'ai pas le choix…

- Ouais fin y a Ismaël aussi qui…

- Madame Berdot ? l'interpella Antoine en se dirigeant vers elle.

- … peut s'en charger. Termina Marquez avant de rentrer dans l'openspace.

- Venez… On sera plus tranquille… l'invita-t-il dans son bureau. Qu'est-ce qui se passe ?

- Je… J'ai pas réussi à vous parler hier mais… Justine et moi étions très proches. Elle se confiait beaucoup à moi et… elle avait des problèmes avec la direction. J'ai… J'ai même ses codes pronote, tenez.

- Ses codes quoi ?

- Pronote. C'est le logiciel sur lequel on a tout, nos emploi du temps, les cahiers de texte, les discussions avec les élèves et les autres membres du collège. On peut y lire des échanges tendus avec le principal.

- Tendu comment ça ?

- Elle voulait pas me dire précisément mais c'était limite du harcèlement, au collège, chez elle, à distance… Mais… Moi je pouvais rien dire, j'avais trop peur des représailles.

- Ça dure depuis longtemps ?

- Quelques mois…

- Qui d'autre était au courant ?

- Manuel… L'autre collègue d'espagnol. Justine et lui s'étaient beaucoup rapprochés.

- Rapprochés comment ?

- J'en sais rien… Manuel est marié, il a trois enfants… Justine à son copain…

- Ok… De toute façon son compagnon est dans nos locaux. On en saura rapidement plus. »

Antoine la remercia et la congédia avant de remette les codes pronote à Ismaël qu'il chargea d'enquêter sur ces fameux messages.

Du côté de la salle d'interrogatoire, Candice venait de recevoir un message de son compagnon. Elle le lut et fronça les yeux d'incompréhension. Elle reposa son téléphone et continua l'interrogatoire.

« Vous connaissez un certain Manuel Garcia ?

- Oui c'était le collègue de Justine. Elle l'aimait beaucoup. Pourquoi ? C'est lui qui l'a ?

- Non. C'était une simple question. Vous m'excusez une minute ?

Candice sortit de la salle d'interrogatoire et rejoignit Val et Mehdi assis dans la salle de contrôle.

- C'est quoi cette histoire de Manuel machin là ?

- Je sais pas… Antoine est venu nous dire qu'elle s'était beaucoup rapprochée de lui.

- Comment il a su ça ? demanda la commandante perplexe.

- J'sais pas… répondit Mehdi. Mais là… le mec a pas d'alibi, et maintenant un bon mobile.

- Crime passionnel ? C'est bizarre quand même… Ce serait lui qu'il aurait tué, pas elle. Il l'aimait.

- Ouais mais… Ce serait pas la première dispute conjugale qui dérape… rétorqua Val.

- Bon de toute façon c'est notre seule piste… Il a pas l'air très solide. Donc on le met en garde-à-vue et on avise. »

La commandante rentra à nouveau dans la salle d'interrogatoire, elle énonça les droits au suspect et ordonna à un officier de le conduire en cellule. Elle ressortit, et se rendit dans l'openspace où elle trouva Ismaël plongé dans ses recherches.

« Qu'est-ce que vous faites ?

- Je suis sur le compte pronote de Justine !

- Ah bon ? s'étonna-t-elle. Et comment vous les avez eus ses codes ?

- Bah c'est Madame Berdot… Elle les a filés à Antoine tout à l'heure quand il l'a reçu.

- J'y crois pas… ANTOINE ! entendit crier le commissaire depuis le couloir où il était avec Marquez.

- Ah! Je crois que c'est pour toi !

- Putain… Je crois que faut que je cours… tu m'as pas vu hein ? Lâcha-t-il à son collègue avant de courir au rez-de-chaussée.

- Il est où ? Demanda-t-elle avec autorité à son capitaine.

- Parti vers les archives je crois !

- ANTOINE ! Cria-t-elle à nouveau.

- Ah Candice ! Tu… tu me cherchais peut-être ? demanda-t-il innocemment la tête entre deux dossiers.

- C'est ça oui… Fais ton innocent… Je peux savoir ce que tu fais là ?

- Euh je… je cherchais un vieux dossier là…

- Oui bien sûr… et il ne s'appellerait pas Charline Berdot ton dossier par exemple ?

- Non ! Il s'appelle Candice Renoir ! Rectifia-t-il en l'attrapant par la taille.

- Ah non ! Ça marche pas comme ça ! Protesta-t-elle en essayant de se défaire de son emprise.

- Si ça marche comme ça ! Rétorqua-t-il en embrassant son cou.

Candice éclata de rire.

- Tu m'énerves !

Antoine se mit à rire à son tour.

- Ah bon ? Marmonna-t-il avec amusement en l'embrassant.

- Huuuuum… répliqua-t-elle dans un soupir de satisfaction tout en s'accaparant d'un dossier posé sur l'étagère à sa gauche.

- J'suis pardonné ? Demanda-t-il d'une voix enfantine.

- Non ! Ordonna-t-elle en lui mettant un coup de dossier sur son bras.

- Eh ! J'suis à deux doigts de porter plainte là… murmura-t-il contre ses lèvres.

- Heureusement pour toi qu'elle nous a apporté des infos…

- Hum…

- J'ai… J'ai placé… le… le compagnon en garde-à-vue… articula-t-elle difficilement entre quelques baisers.

- Pourquoi ?

- Bah… elle s'était rapprochée d'un autre homme, il avait pas d'alibi… expliqua-t-elle en passant ses mains sous sa chemise qu'elle venait de retirer de son pantalon.

- Huuuum… répliqua-t-il en l'embrassant à nouveau. Et Justine avait des problèmes avec la direction…

- Ah bon ? s'étonna-t-elle en stoppant tout contact avec son compagnon. Mais pourquoi tu me l'as pas dit plutôt ? bouda-t-elle en faisant demi-tour.

- Candice ! l'interpella-t-il avec déception alors qu'elle remontait déjà les escaliers.

- Boss ! cria Ismaël en débarquant dans le couloir. J'ai imprimé les discussions… En effet, c'était pas l'amour fou entre la direction et la professeure…

- Faites voir… Oh putain en effet…

- Antoine est pas là ? demanda Mehdi.

- J'suis là… Qu'est-ce qu'il y a ?

- Regarde ! annonça Candice en tendant les feuilles à son compagnon.

- Ok… Demain, première heure : descente au collège. Ordonna-t-il. »