Note de l'auteur : ceci est une histoire se déroulant dans un autre contexte que celui du manga. On pourrait la situer sur la ligne de temps peu après le volume 14 mais elle n'est ni une suite, ni un préambule. Elle raconte principalement un dénouement de la relation entre Lucifer et Alexiel après que tout deux aient retourvés leurs corps respectifs.

Disclaimer : Vous savez déjà.... les personnages et le manga ne m'appartiennent pas, si c'était le cas, je serais déjà en enfer à essayer d'attaper Lucifer... ^_^

Merci à l'auteur de Meeting Again, qui ne semble pas déterminé à terminer sa fanfic mais qui m'a un peu inspiré cette histoire.
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Astral Romance :: Chapitre 19 :: Présage de fin


Une lumière pale la toucha et l'éveilla de sa chaleur légère. Elle ouvrit les yeux et vit que l'aube se levait. Elle n'était en fait rien d'autre qu'un éclaircissement du ciel sans soleil levant, seulement un changement d'une couleur terne à une autre couleur terne, plus claire. Dehors elle pouvait voir les toits de la cité se dresser vers le ciel et découper l'horizon. Elle porta son regard autour d'elle, rien n'avait changé. Les autres jeunes filles dormaient paisiblement. Elles étaient toutes très belles, leurs corps nus parfaitement dessinés, leurs lèvres pleines aux centaines de tons de rouge et de rose.

La salle qui leur servait de dortoir était immense et confortable. Partout s'étalaient des coussins moelleux et des draps des tissus les plus fins. Les grandes fenêtres laissaient passer beaucoup de lumière et des fruits divers étaient presque toujours disponibles sur de petites tables basses dans des paniers. Plus loin, elles avaient accès à une salle de bain luxueuse où elles pouvaient se baigner et se rafraîchir.

Une seule porte. Close. Verrouillée. Une seule personne pouvait y entrer.

Elle se leva et marcha jusqu'à la fenêtre, cachant sa propre nudité avec ses cheveux. Malgré les jours passés, elle n'avait pas pu s'habituer à être ainsi découverte. Les autres semblaient à l'aise avec ce fait mais elle doutait qu'elles aient connu autre chose.

Aucune de ces filles n'étaient vraiment ses amies. Aucune non plus n'était une ennemie. Chacune d'elle possédait un corps gracieux, des gestes délicats, un pouvoir de séduction très développé mais un esprit limité. Elles pouvaient avec clarté parler d'une voix douces aux hommes, les attirer vers elle par des pièges de tentation variés, physique et psychologique, mais elles ne pouvaient raisonner d'avantage que par rapport à ce domaine qu'est le corps. Comme si une partie de leur esprit leur avait été enlevé.

Des succubes, comme le maître les avait appelé. Elle avait, il y a longtemps, entendu parler de cette légende qui disait que ces démons avaient une capacité de tentation à la chair très élevée et faisaient tomber tous les hommes dans les filets de la luxure. Elle n'aurait pas cru à cette légende si elle n'avait pas eu devant elle toutes ces jeunes filles magnifiques, si elles ne les avaient pas vu à l'œuvre. Mais c'était bien vrai, elles étaient crées uniquement dans ce but et étaient en demande partout ici. Traitées comme de petites princesses, entourées de maquillages, de bains parfumés et de voiles diaphanes.

Peu à peu, elles s'éveillèrent toutes une à une, chacune s'étiraient avec des gestes gracieux, ouvrant leurs petites bouches vermeilles dans de doux bâillements. Un murmure général s'éleva dans la salle alors que chacune semblaient s'activer pour vaquer à leurs occupations matinales. Certaines se rendirent à la salle de bain avec de doux fous rires, d'autres s'approchaient des paniers disposés sur les tables.
Ann observa ce tableau, silencieuse, appuyée contre la fenêtre.

Soudainement, elle entendit quelqu'un déverrouiller la porte. Comme elle savait que seul le maître avait la clé, elle ne détourna pas les yeux de la scène animée alors que, au contraire, toutes les jeunes filles tournèrent la tête vers la grande porte, muettes.

La porte s'ouvrit et le maître entra, vêtu d'un habit noir qui lui rappelaient celui des barons anglais du 19e siècle. Un cigare entre les lèvres, sa canne dans la main gauche, il souriait.

Tout autour d'elle, les autres filles s'agenouillèrent en laissant leurs occupations. De la porte de la salle de bain, d'autres avaient tendu le cou et, ayant reconnu le visiteur, avaient fait pareil. Ann resta immobile.

Le maître Asmodeus entra dans la pièce et marcha jusqu'à une large chaise dans le coin de la pièce qui lui était destinée. Aucune autre personne ne devait s'y asseoir. Il s'y cala confortablement et tira un peu sur son cigare dont l'odeur commençait à envahir la pièce, au-delà des effluves de parfum féminin.

Les succubes s'étaient tournées vers lui, toutes avaient un regard empli de désir farouche. Mais elles demeuraient immobiles. Le maître, après une rapide inspection, fit un signe de la main, signifiant qu'elles pouvaient continuer ce qu'elles avaient commencé. Les jeunes filles retournèrent à leurs activités et la pièce s'empli à nouveau de rires légers et de murmures.

- Justine, prononça alors le maître, viens ici.

À l'appel de son nom, une jeune fille au teint bronzé ce retourna et marcha jusqu'à l'imposante chaise où le maître était assis. Les longs cheveux noirs remontés en une coiffure élaborée sur sa tête, elle lui faisait penser à un mannequin de Paris qu'elle avait déjà vu, mais un peu plus jeune.

La jolie succube s'agenouilla aux pieds du maître Asmodeus et défit l'attache du pantalon de celui-ci. Elle la vit pencher la tête vers sa taille, le maître souriait doucement en tirant sur son cigare.

Une jeune fille qu'elle connaissait sous le nom de Gylna vint près d'elle et l'incita à s'asseoir pour qu'elle lui coiffe ses cheveux roux. Depuis quelques temps, Ann s'était découvert un talent en coiffure et beaucoup de ses compagnes demandaient son aide pour leur chevelure. Cela faisait passer le temps et elle se sentait un peu utile dans cet endroit.

Elle prit une brosse argentée et commença à démêler les mèches de sa compagne. Elle s'exécuta avec précision, prenant tout son temps pour élaborer une coiffure intéressante, comme si elle sculptait une œuvre d'art. Puis, quand elle eut terminé, elle tendit une glace à Gylna et celle-ci admira son travail avec un large sourire. Ann lui rendit son sourire amical.

- Gylna, dit Asmodeus qui avait observé la scène, remercie Ann plus promptement.

Le sourire de Gylna se changea et devint plus mesquin. Mais Ann savait qu'il n'y avait aucune arrière pensée derrière cela. Le maître avait seulement demandé à ce qu'elle fasse ce pourquoi elle était destinée. Ann recula un peu, un sourire compatissant mais quelque peu timide aux lèvres et jeta un coup d'œil au maître.

- Ce n'est pas nécessaire, fit-elle remarquer, sachant toutefois que comme à chaque fois que ce genre de situation arrivait, ce n'était pas elle qui avait le dernier mot.

- Viens ici avec Gylva, ordonna Asmodeus en écrasant son cigare dans le cendrier près de lui, je ne me sens pas très patient aujourd'hui pour entendre ce genre de remarque.

Ann se leva avec l'autre jeune fille et s'approcha de la grande chaise tandis que Justine terminait son travail.

- Allonge-toi maintenant, dit le maître à Ann, et laisse Gylva te faire ses remerciements sagement.

Ann baissa les yeux et s'exécuta. Gylva se glissa entre ses jambes avec un rire doux. Son regard était tendre. Ann ferma les yeux. Ce genre de relation l'intimidait toujours, même si c'était devenu un élément de la vie de tous les jours. Elle sentait sur elle le regard du maître et la bouche de Gylva lui faisait cambrer involontairement les hanches.

Quelque minutes plus tard, elle entendit la porte s'ouvrir à nouveau, en tournant la tête, elle vit les jeunes succubes se jeter mutuellement des regard ébahis puis se jeter à genoux mais dans l'angle où elle était, elle ne pouvait pas voir le nouvel arrivant. Comme le maître n'avait pas donné aucun ordre, Gylva continua ses « remerciements ».

- Je savais que je te trouverais ici, dit une voix calme et froide

- Te voilà donc sur pied ! s'exclama Asmosdeus en intimant à Justine de la main à rester où elle était. Je commençais à croire que tu ne t'en remettrais jamais !

De l'endroit où elle était Ann ne voyait que l'ombre d'une silhouette imposante et remarquer le regard suppliant des jeunes filles autour, comme de petites bêtes devant un appétissant morceau de viande. Elle étouffa un cri quand Gylva fit exploser son plaisir en elle avec sa langue habile. Celle-ci eu un petit rire moqueur, Ann retint ses gémissements, consciente que tous les regards devaient être maintenant sur elle.

- Tiens, dit la voix derrière elle, je venais justement prendre des nouvelles de ta captive.

- Succube, corrigea le maître en allumant un autre cigare, elle est en voie de le devenir.

Gylva se poussa un peu vers le mur, toujours agenouillée, la tête basse, laissant à Ann un peu de liberté. Ann ouvrit les yeux, le corps encore emplit de pulsions de plaisir. Elle allait se relever quand une botte se posa sur son ventre. Elle sursauta et leva les yeux vers l'homme à haute stature qui avait appuyé fermement son pied sur elle.

- Vous ! s'écria-t-elle, ébahie

Elle cilla mais elle ne put que constater qu'elle ne rêvait pas et que l'homme devant elle était bien Lucifer, celui qu'elle avait cru mort, quelques mois auparavant. Il portait un pantalon de cuir noir et un court haut de tissu de même couleur qui laissait paraître le bas de son ventre ainsi qu'une redingote de cuir sans manches, qui tombait jusqu'à ses mollets. Une cape avait été jetée sur ses épaules et s'étendait majestueusement autour de lui. Elle jeta un coup d'œil à ses mains mais ne perçut aucune cicatrice notable. Son visage était de marbre, aussi beau que dans son souvenir, elle ne décelait aucune émotion dans ses yeux.

- C'est impossible, dit Ann, les lèvres tremblantes, soudainement fort gênée qu'il la voit dans cet état. Vous devriez être mort à l'heure qu'il est. Le Tout-puissant vous a puni.

- Ne devrais-tu pas être heureuse de voir qu'il est miséricordieux au point de me pardonner à moi aussi ? dit Lucifer en esquissant un sourire froid

- Non c'est impossible ! cria Ann

- Réjouis toi de ce fait, commenta Lucifer en appuyant d'avantage sur elle, car tu vas avoir besoin de beaucoup de sa miséricorde pour qu'il t'offre son pardon maintenant, aussi souillée que tu es.

Les larmes emplirent les yeux de Ann. Elle lui envoya malgré tout un regard colérique.

- Allons ! dit Asmosdeus en caressant les cheveux de la jolie succube entre ses jambes, n'abîme pas cette jeune élève, je te prie. Je l'apprécie beaucoup. Elle a beaucoup de talent.

- Elle ne t'appartient pas, je te le rappelle, dit Lucifer.

- Bien sûr que non mais il fallait bien que quelqu'un en prenne soin pendant ton absence. Elle a bien été traitée ici. Elle a beaucoup appris. Veux-tu constater par toi-même ?

Lucifer regarda Ann, visiblement méprisant.

- Non.

Quelque chose en Ann fut déçu d'entendre une telle réponse.

Lucifer retira son pied et se tourna vers Asmodeus. Ann s'assit et recula plus loin pour échapper à Lucifer.

- Je l'amène, Belial va la préparer pour les feux de Beltane.

Asmodeus sourit.

- Alors les feux seront organisés cette année ?

Lucifer hocha la tête.

- Et la petite Ann sera l'invitée d'honneur, dit-il

Le Satan se leva et poussa la succube, s'approchant de Ann. Il s'empara de son menton et le caressa tendrement.

- Je vais m'en ennuyer quand même. Mais puisque c'est pour ma patrie, je vais m'en délaisser, dit-il avec un sourire moqueur. Allez Ann, suis Monseigneur sagement.

Il aida Ann à se lever. Elle regarda autour d'elle, les autres jeunes filles semblaient déçues qu'elle parte, elle leur adressa un doux sourire d'adieu. La main de Lucifer se serra sur son bras et la força à marcher. Elle s'avança vers la sortie.

En dehors du palais du maître Asmosdeus les attendaient un imposant cheval au poil noir. Il était beaucoup plus grand et large que les chevaux qu'elle avait vu chez elle, ses yeux étaient rouges, ses jambes beaucoup plus musclées et le mors dévoilait une bouches aux crocs acérés. Elle toussota, l'air vicié de l'extérieur lui faisait mal aux poumons, pour cette raison, le maître Asmodeus l'avait gardée à l'intérieur de sa résidence depuis son arrivée. Près de la grande porte du manoir, deux sentinelles la regardaient d'un air amusé. Lucifer monta avec aisance sur sa monture puis se pencha pour s'emparer de sa taille et la soulever sans effort. Elle passa son pied de l'autre côté du destrier. Il la fit asseoir devant lui, le contact de la selle de cuir sur son entrejambe nue lui donna un étrange frisson. Lucifer passa ses bras devant elle et lia ses mains au pommeau à l'extrémité de la selle à l'aide d'une lanière de cuir noir. Puis, il enleva la longue cape de ses épaules et l'attacha sur celles d'Ann pour la couvrir.

Ann tenta de trouver une position confortable sur le petit bout de selle mais tout effort se solda en un échec.

- Appuie-toi sur moi sinon tu vas chuter, ordonna Lucifer

Elle obéit et recula jusqu'à ce qu'elle sente le contact de son corps contre son dos. Timidement, elle tourna la tête vers lui, elle se sentait comme une petite fille. Dans les histoires que sa mère lui lisait parfois quand elle était jeune, les princes venaient chercher leur princesse et les amenaient sur leur cheval jusqu'à leur palais. Elle aurait tellement voulu croire en ces contes en cet instant. Mais quand elle rencontra le regard de Lucifer, elle retomba vite dans la réalité. Il n'était pas question de contes de fées avec un homme comme lui. Elle se refusa de repenser à de telles choses.

Il passa un bras devant elle et prit la bride noire entre ses doigts. De l'autre il attrapa la cravache qui avait été accrochée à la selle et l'abattit sur sa monture qui hennit bruyamment et d'un cri beaucoup plus grave que ce qu'elle s'était attendu pour un cheval. Puis ils partirent au galop. Elle s'accrocha fermement au pommeau auquel elle était liée. L'air chaud et sec de l'atmosphère enfumée des enfers la faisait plisser des yeux. C'était la première fois qu'elle montait à cheval, aussi, elle dû s'appuyer fermement contre le cavalier pour ne pas perdre son équilibre précaire. Les bras de Lucifer l'entouraient, tenant fermement la bride. Il était incliné pour fendre plus facilement l'air et tout deux filaient à une vitesse impressionnante. Bientôt, elle perdit la ville de vue. Ils traversèrent des collines de pierres, partout elle ne voyait que des terres sèches et des étendues de lave bouillante. Parfois, des colonnes de souffre s'élevaient au loin dégageant une odeur pestilentielle.

La monture ne semblait pas essoufflée par la course. Lucifer le contrôlait à l'aide de ses genoux d'avantage qu'avec la bride qu'il tenait. Un seul coup avait suffit à le faire avancer à vive allure. Ils gravirent une haute colline, peu à peu, Ann découvrait un paysage tout à fait différent de ce qu'elle avait vu des enfers. Du haut de la montagne, elle vit une grande vallée d'où se dressaient de longs bâtiments. Des champs s'étendaient sur des kilomètres, séparés par de hautes clôtures de métal. Rien de verdoyait pourtant dans les champs, il n'y avait que de grandes taches noires. Personne ne semblait y travailler non plus. Ann en comprenait la cause et esquissa un sourire mesquin.

Lucifer arrêta sa monture au sommet de la colline. Ann pouvait remarquer que les fermes étaient bien gardées par des soldats armés. Le territoire était encerclé par de hauts remparts de pierres où des sentinelles faisaient leur tour de garde.

- Quel beau spectacle, dit Ann d'un ton moqueur.

- Je t'ai amené ici pour que tu me dises quelle est la cause de cette plaie, dit Lucifer

- Trouvez vous-même, n'êtes-vous pas seigneur et Dieu ici ? demanda Ann, hautaine

- Si tu ne parle pas de ton plein gré je vais te soutirer cette information de moi-même.

- Je n'ai plus rien à perdre, déclara Ann

Lucifer remit en marche son cheval d'un coup de bride et se descendit la colline jusqu'à une crevasse entre deux rochers. Là semblait s'ouvrir une sorte de caverne d'où sortait un air chaud et sec. Il s'arrêta et descendit de sa monture. Puis, il délia les mains de Ann et la fit descendre. Ann frotta ses poignets et serra la grande cape noire autour d'elle.

- Entre, dit-il en pointant l'entrée sombre

Elle le regarda un instant mais il ne semblait pas enclin à discuter, elle fit donc quelques pas sur la roche froide et pénétra dans l'alcôve.
L'entrée menait à un couloir obscur d'où une pulsation constante, telle un battement de cœur, parvenait de très loin devant eux. Elle marcha, suivie de près de Lucifer. Le couloir entamait une descente toujours plus apique vers le bas. Elle s'accrochait aux parois pour ne pas perdre pied.

Le bruit devenait plus sinistre, plus présent autour d'eux. Elle hésita à continuer quand devant elle, au prochain tournant, elle vit une lueur rouge palpiter, coordonnée par le pouls incessant. Doucement, elle avança et déboucha dans une énorme caverne.

Là les murs n'étaient plus fait de roche, mais d'un substance organique, comme de la chair à vif, partout, elle voyait le sang passer dans les veines qui parcouraient les murs de cette chair sombre. Il y avait au centre un lac de sang immense entouré de stalagmites qui se dressaient parfois jusqu'au plafond. Des ruisseaux parvenant de divers directions irriguaient cette entendue macabre. Elle déglutit et recula un peu, se cognant contre Lucifer qui s'était arrêtée derrière elle.

La caverne était si immense qu'elle aurait pu contenir des milliers de personnes. Mais elle était déserte. À l'autre extrémité se dressait une sorte d'hôtel monté sur un promontoire de roc. Il était trop loin pour qu'elle puisse deviner sa nature.

Si ses calculs étaient exacts, ils devaient se trouver sous les champs qu'elle avait vu plus tôt. Mais elle ne comprenait pas la raison pourquoi Lucifer l'avait amenée ici.

- C'est ici que tu seras sacrifiée, dans trois jours, lors de la cérémonie des feux de Beltane.

Elle se tourna brusquement vers lui, son cœur s'arrêta quelques secondes, la peur emplit ses veines. Elle pâlit et recula comme pour échapper à Lucifer.

- Quoi ? demanda-t-elle d'un voix tremblante

- Les démons ont pour habitude de célébrer ces fêtes en l'honneur de la fertilité. Quand les terres sont moins productives, cette cérémonie est organisée pour contrer la fatalité de la famine. Une vierge est sacrifiée ici, son sang mêlé à celui du Scheol pour représenter le terre fertilisée qui produit les fruits qui nourriront le peuple.

Ann secoua la tête et recula d'avantage.

- Ce ne peut donc pas être moi, vous le savez bien puisque c'est vous qui m'avez …

- Cela n'importe, tu mourras sur cette place, unie à jamais au Scheol. Pour payer de ton crime et satisfaire le peuple que tu as fais mourir de faim par ton acte. Mais avant cela, je te conseille de me dire comment tu as fait, et je t'offrirai une mort plus expéditive.

- Non ! hurla Ann, sous le choc

Elle tomba à genoux et se mit à pleurer. Son cœur battait très fort en elle. Elle ne voulait pas mourir. Jamais elle n'avait désiré en arriver là. Pourtant, elle avait toujours cru pouvoir donner sa vie à Dieu, comme le Christ l'avait fait auparavant. Elle n'avait jamais eu peur de la douleur, du sacrifice.

Mais maintenant qu'elle était mise face à ce fait inéluctable qu'était sa mort, que l'heure et le jour était déjà décidé, elle n'avait envie que de reculer.

- Seigneur, ayez pitié, dit-elle, venez à mon secours.

Lucifer s'approcha d'elle lentement et se pencha. Sa main se tendit et attrapa la gorge de la jeune fille.

- Croyais-tu vraiment pouvoir vaincre ? dit-il, un éclair de haine brillant un instant dans son regard vide. Tu n'es qu'une humaine, seule face aux puissances de ce monde. Que croyais-tu pouvoir détruire de tes mains ? Vois-tu, même Dieu ne veut plus de toi. Il ne vient pas te chercher, il est insensible à tes appels. Tu es seule, Ann. Tu as commis un crime impardonnable envers l'Empire des Ténèbres et bientôt, tous se savoureront de voir ta mort enfin réalisée. Tu mourras seule, sans personne pour t'accompagner dans ton dernier périple.

Ann leva les yeux sur lui, sachant qu'il était sincère. Elle n'avait jamais entendu de mensonges entre ses lèvres. Oui, Dieu l'avait bel et bien abandonnée en enfer. Jamais il ne lui avait tendu la main pour la secourir. Elle sanglota et chercha la pitié un moment sur le visage du Prince. Mais il n'y avait rien.

- Si tu parles, ta mort sera moins douloureuse.

- Mais je vais mourir ! protesta Ann

- C'est inéluctable.

- Ma vie contre l'antidote pour ramener la vie sur cette terre ! proposa-t-elle, désespérée.

- Non, ce n'est pas toi qui établis les règles.

Ann recula d'avantage et voulut s'enfuir mais Lucifer la retint, la planquant sur le mur le plus proche. Elle gémit quand son corps rencontra le roc humide brusquement. Puis, entendant un claquement dans l'air, elle ouvrit les yeux et vit avec horreur que Lucifer avait amené avec lui la cravache noire qu'il s'était servi avec sa monture plus tôt.

Il mit un genou entre ses jambes pour les écarter et recula, la cravache à la main. Ann lui jeta un regard suppliant. Il lui retira la cape qu'elle portait jusqu'alors, dévoilant de nouveau son corps nu.

Puis, levant la main il lui administra un coup sur l'intérieur de la cuisse, assez fort pour la marquer d'une mince ligne rouge là où il l'avait frappée. Ann cria, mais Lucifer resta sourd à ses suppliques et frappa de nouveau la chair fragile, laissant derrière lui une série de petites empreintes.

Ann resta immobile au mur, la douleur la clouait sur place. À chaque fois que le vilain petit morceau de cuir s'abattait sur elle, il lui semblait que ses jambes allaient s'écrouler. Lucifer semblait à peine dérangé par ses cris incessants et les rayures qui se dessinaient peu à peu sur ses cuisses, son ventre, sa poitrine.

Elle ne comptait plus les coups qu'il lui donnait. Sans relâche, la cravache s'abattait sur elle. Ann versait des larmes douloureuses. Le maître Asmosdeus avait été plus clément avec elle que ne l'était Lucifer. Il avait même été plus que doux, malgré la perversion flagrante qu'il éprouvait pour elle. Elle avait été bien traitée, baignée et entourée d'amies agréables. Bien sûr, elle avait aussi connu la luxure mais elle n'avait pas pu croire que cela était désagréable. Il ne lui avait montré que les délices du corps et patiemment appris à être efficace dans son travail.

Elle tenta de se remémorer ces moment délicats mais la présence de Lucifer écrasait chaque tentative.

Elle finit par tomber d'elle-même sur les genoux, sanglotante. Lucifer arrêta ses coups et la scruta, dédaigneux.

- Je te laisse une dernière chance de parler sinon tu seras écorchée vive sur cet autel dans trois jours, dit-il

Ann releva la tête et considéra ses paroles, saisie de nouveau par la peur. Non, elle ne supporterait pas la douleur d'une martyre, elle n'en avait plus la force. Jadis elle avait eu la foi nécessaire pour affronter tout le mal dont le monde était capable. Mais maintenant, prisonnière de ce monde de feu et de noirceur, loin de la lumière de Dieu, elle ne croyait plus en cette foi qui l'avait guidée jusqu'alors dans toutes les actions de sa vie.

- Je comprends, dit Ann doucement, je comprends pourquoi vous avez perdu foi en Lui. Comment peut-on continuer à croire dans ce monde privé de sa Lumière ? Je sais pourquoi vous êtes si froid, si insensible. Vous cachez une si grande peine d'être loin de Lui, tombé au plus profond des ténèbres dans un monde où aucune de vos prières ne sont entendues.

Lucifer ne fit pas l'effort de réponde à sa naïve victime.

- L'infertilité du sol est due à une intrusion extérieure. On m'a conduite au premier niveau des enfers pour rencontrer un homme qui était un contact avec l'armée céleste. J'ai remis à celui-ci une des saintes reliques et il s'est lui-même rendu ici pour la planter dans le sol. Je savais que la relique aurait un effet dévastateur puisque le sol réagit de la même façon que votre propre corps.

- À ce moment, corrigea Lucifer, tu ne l'avais pas testé sur moi. Comment as-tu pu savoir que cela aurait l'effet escompté ?

- Nous n'en étions pas certains. Mais de nombreuses légendes le disaient et certaines venaient des mondes célestes même alors nous avons couru le risque que cela ne fonctionne pas.

- Nous ?

- Le Tout-puissant et moi, dit Ann avec un sourire mesquin

Lucifer fronça les sourcils et prit le bras de Ann pour la relever brusquement. Puis il la fit avancer un peu vers l'immense lac de sang et l'appuya contre un stalagmite qui allait presque toucher le plafond. Il sembla murmurer quelque chose qu'elle ne comprit pas, puisqu'il l'avait dit dans une langue étrangère. Puis, elle se sentit tirée par l'arrière, le roc la retenait, comme un aimant. Dans un crissement sourd, des appendices rougeâtres fait sans doute avec du sang sortirent de la pierre pour s'enrouler fermement autour de ses bras. Elle tenta de tirer dessus en balançant le poids de son corps vers l'avant pour se libérer mais ne réussit pas.

Lucifer, pendant ce temps, avait retiré son manteau et ses bottes et les avait posé sur le rivage de sable sombre et fixait le lac de sang, silencieux, les yeux clos. Ann observa la scène, muette. Il ouvrit ensuite les yeux, ne lui porta pas un regard et, faisant quelques pas dans le lac, plongea dans l'étendue de liquide rouge. Pendant un moment, Ann ne le vit pas puis, il remonta à la surface beaucoup plus loin, le sang ruisselait sur son visage et ses cheveux. Autour d'eux, le battement devenait plus fort et il lui semblait que le lac était plus agité que tout à l'heure depuis l'arrivée de baigneur.

Il nagea jusqu'au centre puis se laissa flotter sur le dos, fixant le sommet de la caverne. Graduellement, des vagues circulaires se formèrent à la surface, de la rive jusqu'au centre, harmonisées par le pouls continuel de la terre. Le corps immobile de Lucifer fut bercé quelques instants puis Ann le vit couler et disparaître dans l'eau rouge, comme absorbé par le centre.

Aussitôt, le mouvement des vagues s'inversa et alla du centre à la rive. La pulsation ambiante devenait assourdissante. Ann regarda autour d'elle, quelque peu apeurée de se retrouver seule dans cet endroit morbide. Puis elle tenta de nouveau de se libérer, profitant du fait qu'elle n'était pas surveillée. Mais les liens qui la retenaient étaient solides et elle du se résigner à laisser tomber et attendre le retour de Lucifer.

Bien qu'elle fut patiente, attendre fut long. Elle ne croyait pas à l'idée qu'il s'était noyé, il ne s'était pas débattu lorsqu'il avait été emporté au fond.

Des bruits de pas derrière elle la firent sortir de ses pensées. Une ombre s'approcha de la rive. Une silhouette se dessina. De dos, Ann ne put deviner s'il s'agissait d'un femme où d'un homme mais cette personne ne semblait pas avoir remarqué sa présence. Elle était vêtue d'une longue cape de velours noir à capuchon. Elle rougit à l'idée qu'elle était nue et serait bientôt découverte.

- Sa majesté est-il entré dans le lac il y a longtemps ? demanda une voix androgyne sans que la personne devant Ann ne se retourne

Ainsi, elle savait qu'elle n'était pas seule.

- Oui, dit Ann hésitante

- Alors il ne devrait plus tarder à présent, répondit-elle en se retournant.

Dans l'ombre de sa cape, Ann put discerner des cheveux roux et des yeux bleu vif briller, une peau très blanche, également. Elle resta immobile, sentant ses joues brûler tellement elle rougissait d'être trouvée ainsi, prisonnière et déshonorée.

- Il m'a demandé de vous mener à votre cellule en attendant que la cérémonie soit prête, dit l'inconnu

Ann déglutit encore à l'idée de sa mort proche. Elle sentit les larmes monter à ses yeux.

Derrière eux, un clapotis se fit entendre. L'inconnu se retourna et tous deux virent le corps de Lucifer de nouveau à la surface quelque chose flottait au dessus de lui. Ann retint un cri de surprise voyant l'objet. C'était bel et bien la relique.

Lucifer ouvrit les yeux puis nagea dans leur direction, visiblement épuisé. Il se releva ensuite et marcha jusqu'à la rive, son corps empli de petites gouttes écarlates.

- Alors c'était donc cela, dit l'inconnu en pointant la relique flottant à quelques mètres au dessus du centre du lac.

- Elle n'a pas été facile à trouver, remarqua Lucifer en enfilant le gilet sans manche de tissus souple qu'il ramassa par terre, même le Scheol ne pouvait pas la replacer précisément. Elle était dans les collines, un peu plus loin que les fermes, plantée dans la terre. Il m'étonne que nous n'ayons pas ressentit de choc quand l'acte a été fait.

- L'important c'est que nous ayons libéré les terres de ce sort. Il ne reste plus maintenant qu'à les fertiliser de nouveau, dit l'inconnu en se tournant vers Ann.

Ann, incapable de soutenir deux regards, baissa la tête, réprimant ses sanglots. À chaque minute lui revenait l'idée de sa mort toute proche. Elle avait envie de vomir tellement cette idée lui était insupportable.

Lucifer prit son manteau et le passa sur son bras.

- Amenez-la avec vous et veillez à ce qu'elle ne voie personne d'ici la cérémonie, ordonna-t-il

Il fit quelques pas vers le tunnel qui menait à la sortie.

- Attendez, cria Ann en tournant la tête du mieux qu'elle pouvait vers lui, que faites-vous de notre accord ?

- Il sera considéré, répondit Lucifer en partant.

Ann ne se consola pas de ce fait désagréable et soupira.

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Eh bien voilà, ca a quand même pris un moment de le mettre en ligne ce chapitre là, mais il était incomplet - et l'est toujours, mais je l'ai coupé en deux, car il était long.
Merci pour les reviews que j'ai recu dernièrement, cela m'a donné de la motivation ^_^
A bientôt !