Tout bien considéré…

Par Maria Ferrari

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Les personnages et l'univers de Harry Potter appartiennent à J..

Base : Tomes 1 à 4 de Harry Potter

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—Chapitre 2 – Première victoire—

Hermione et Harry n'avaient assisté qu'au premier cours de Culture Moldue. La jeune fille avait trouvé que Miss Johnson était un excellent professeur, elle savait comment s'y prendre avec les élèves. Ils avaient tous deux choisi de ne pas assister à d'autres cours car ils étaient vraiment destinés aux personnes qui n'avaient pas été élevées dans le monde Moldu. Par conséquent, même s'ils reconnaissaient que le professeur était compétent et se débrouillait bien, le cours qu'elle donnait n'en avait pas moins pour eux un côté irréaliste et comique. Hermione soutenait que c'était comme si des hommes venaient de débarquer du Moyen-âge et qu'il fallait leur faire l'inventaire de tout ce qui avait été inventé depuis leur époque, Harry trouvait cette comparaison très bien choisie.

Ils profitaient donc de ces cours pour avoir un peu plus de temps libre en toute bonne conscience. Hermione allait à la bibliothèque ou faisait ses devoirs. Harry réfléchissait à des tactiques de Quidditch.

Ron revenait toujours des cours de Culture Moldue particulièrement enthousiaste : son père n'avait pas tort quand il assurait que les Moldus étaient des gens très ingénieux. Harry et Hermione l'écoutaient gentiment déballer tout ce qu'il avait appris en cours en échangeant des sourires connivents.

Manifestement, Ron n'était pas le seul à être enthousiasmé, tous les élèves en parlaient et en bien, y compris parmi les Serpentard, ce qui ne lassait pas d'étonner Harry.

~oOo~

« Alors, dites-moi comment ça se passe », demanda Dumbledore, l'air affable comme à son habitude. Il était assis derrière son bureau dans un profond fauteuil. Geena Johnson se tenait de l'autre côté, elle aussi confortablement installée.

« Honnêtement, on ne peut mieux.

— J'ai eu effectivement de bons échos à votre sujet. J'avais senti les élèves dubitatifs quand je leur ai annoncé la création de ce cours. Il semblerait que vous ayez dissipé tous leurs doutes à votre encontre. Je dirais même que vous les avez conquis. »

Geena eut un léger rougissement. Les compliments lui faisaient toujours cet effet-là. Elle baissait les yeux, faisait un petit sourire accompagné d'un haussement d'épaules et rougissait. Elle avait cru qu'en grandissant, en mûrissant, ces petites manières partiraient et qu'elle réussirait à regarder les personnes qui la complimentaient en face. Hélas, elle avait gardé certaines de ses manières de gamine, dont celles-ci faisaient partie.

« Et pour ce qui est de votre obsession ?

— Mon obsession ?

— Drago Malefoy… j'ai entendu dire que vous aviez mené une véritable enquête sur lui. J'ai même eu vent que vous aviez fait un pari avec lui. »

La bouche de Geena se tordit en une moue comique. Dumbledore était au courant de la majorité des choses qui se passait dans ce satané château.

« Son cas m'intéresse, avoua-t-elle. J'ai juré de le faire changer.

— Vous pensez y parvenir ? demanda Dumbledore que cette perspective intéressait.

— Je suis sur la bonne voie », répondit-elle avec un sourire satisfait.

Elle avait repris le contrôle sur elle-même. C'était avec assurance qu'elle avait dit sa dernière réplique. Oui, elle allait y parvenir. D'ailleurs, Drago avait déjà changé. Il se montrait déjà beaucoup moins distant envers elle.

~oOo~

Rusard se promenait dans les couloirs de Poudlard à la recherche de quelque élève "égaré" à des heures non autorisées. Miss Teigne, sa fidèle et féline compagne, le précédait de quelques mètres. Il restait souvent éveillé la nuit, c'était là qu'il avait le plus de chances de coincer les graines de voyou qui pirataient le règlement. C'était aussi à ces heures-là que Peeves, l'esprit frappeur – plutôt un esprit frappé aux dires de plusieurs personnes –, s'agitait le plus.

Rusard dormait quelques heures durant le jour ; la nuit, le manoir était son domaine réservé.

Il vit un rai de lumière se profiler sous une porte. Un sourire naquit sur ses lèvres. Il commença d'abord par se demander de quelle pièce il s'agissait. C'était une salle de cours. C'était LA salle réservée aux cours de Culture Moldue. Une espèce de bulle protégée de tous les sortilèges. Qu'est-ce que quelqu'un faisait dans cette pièce à une heure pareille ? Préparer un mauvais coup à n'en pas douter. Sûrement un ou plusieurs chenapans qui avaient prévu de jouer un sale tour à leur professeur. C'était sans compter sur lui, Rusard, qui veillait.

Il s'approcha en douce de la porte, actionna la poignée en silence – il tenait à surprendre le "malfaiteur" en flagrant délit, il ne fallait surtout pas l'avertir de sa présence – et ouvrit la porte d'un geste brusque et théâtral. La porte alla taper contre le mur et les trois personnes qui étaient dans la pièce sursautèrent. Rusard resta interdit en constatant qui étaient ces trois personnes : Johnson, McGonagall et Rogue.

« A-t-on idée de faire des entrées pareilles ? A cause de vous, je viens de perdre une vie ! protesta Rogue, agacé.

— Perdre une vie ? fit Rusard, interloqué.

— Severus a raison. Vous nous avez fait peur », approuva McGonagall.

Geena Johnson, elle, était hilare.

« Regardez-les, mon pauvre Rusard. Quand je pense qu'ils trouvaient mes petits jeux stupides il y a peu de temps. A présent, les voilà complètement accros !

— De quoi parlez-vous ? » interrogea Rusard, à la fois intrigué et vaguement inquiet. Il remarqua alors une espèce de gros cube où défilaient des images colorées. Il regarda McGonagall, la vit tripatouiller un objet noir que Rogue venait tout juste de lui tendre. Elle fixait intensément le gros cube, les yeux grands ouverts et le visage tendu. « Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-il en montrant du doigt le gros cube.

— C'est une télévision. Vous n'en avez pas encore entendu parler ?

— Ah, c'est donc ça ? »

Si, il en avait entendu parler, les élèves en parlaient beaucoup et il écoutait les élèves (discrètement mais attentivement, ainsi, il glanait ici et là des informations sur d'éventuels forfaits).

« Le temps ! Il est là ! à gauche ! à gauche ! » s'exclama Rogue soudainement et en pointant un doigt frénétique en direction de l'écran. Rusard trouvait que décidément ses propos n'avaient aucun sens, c'était sans doute dû à l'heure tardive et sans doute avait-il bu autre chose que de l'eau ou du café durant la nuit.

« J'ai vu, j'ai vu. C'est bon, je l'ai eu ! » s'exclama triomphalement sa collègue.

Et le pire, c'est que le professeur McGonagall paraissait trouver ce qu'il racontait parfaitement cohérent puisqu'elle le comprenait.

-

Le professeur de métamorphose s'escrimait sur un jeu de plateformes relativement ancien. Elle avait établi une règle tacite avec Rogue, à chaque fois que l'un d'eux perdait une vie, il passait la manette à l'autre. La console qui supportait le jeu avait déjà quelques années mais Geena Johnson avait estimé que ce n'était absolument pas grave, ses élèves ne connaissaient pas les Playstation 2 et les jeux au graphisme réaliste, ils se contenteraient donc aisément d'une Mégadrive. Il valait d'ailleurs mieux car sa culture en jeux vidéo aurait elle aussi eu besoin d'être actualisée. Elle préférait leur montrer des jeux qu'elle connaissait et avec lesquels elle pouvait leur en montrer – de quoi aurait-elle l'air si des gens qui ne connaissent rien aux jeux vidéos se débrouillaient immédiatement mieux qu'elle ?

Geena était particulièrement satisfaite du résultat obtenu avec Rogue et McGonagall, si cela fonctionnait pareillement sur les élèves – et il n'y avait aucune raison qu'il n'en soit pas ainsi, après tout, n'avait-elle pas choisi exprès ses deux professeurs en se disant que si ça marchait avec eux, ça marcherait forcément avec tout le monde ? –, Drago serait obligé d'admettre qu'il était vaincu. En effet, avait senti dans les cours précédents que le mur qu'il y avait entre eux était au bord de s'effondrer, il ne suffisait plus que d'une pichenette et sa vieille console ferait parfaitement l'affaire.

La proximité de sa victoire la grisait. Elle n'avait jamais douté qu'elle parviendrait à ses fins, elle ne s'était cependant pas douté que ce serait aussi rapide… et elle n'imaginait pas une seconde que Drago ne puisse pas succomber aux attraits des consoles de jeux.

Rusard regarda les deux professeurs d'un air un peu inquiet. Il estimait sans doute qu'ils n'étaient pas dans leur état normal, ce qui était vrai. Geena se glissa près de lui afin de lui éviter de penser qu'elle les avait drogués.

« J'étrenne mes prochains cours sur ces deux là. Ils me font rire. Il fallait les voir au départ se moquer gentiment de mes jeux puérils et c'est à peine s'ils arrivent à détacher les yeux de ce fichu téléviseur à présent. Rassurez-vous : ça leur passera. » Elle poussa un profond bâillement. « Je suis fatiguée, moi ! Quelle heure est-il ? demanda-t-elle à voix haute.

— Quatre heures du matin, répondit Rusard.

— QUOI ! crièrent les trois professeurs à l'unisson.

— Oh ! Je fais cours dès huit heures, moi ! s'exclama McGonagall.

— Comment peut-il être déjà quatre heures ? C'est impossible. Cela ne peut pas faire sept heures que nous jouons, fit Rogue.

— Sept heures ! » s'exclama Rusard, médusé. Ils avaient passé sept heures entières à fixer ce gros machin et à manipuler cet objet étrange ?

« Le temps passe vite avec les jeux vidéos », rétorqua Johnson. Elle soupira en songeant qu'elle allait avoir un teint de poubelle pour ses cours du lendemain – pardon – pour ses cours du jour.

~oOo~

Geena Johnson fit une courte démonstration et tendit la manette à Drago. Il joua quelques minutes. Il s'avéra qu'il apprenait vite et que ce total néophyte se révélait meilleur qu'elle, ce qui l'aurait sans doute vexée si elle n'avait pas senti sa victoire si proche. Il tendit ensuite la manette à Pansy qui avait hâte d'essayer… et profitait qu'elle soit la suivante pour se coller à Drago en faisant mine de mieux voir l'écran dans cette position-là.

Drago rejoignit sa place au fond de la salle, s'assit et sortit un parchemin de sa sacoche. Il fallait qu'il écrive à son père pour lui donner une réponse satisfaisante à la lettre qu'il avait reçue ce matin : il lui demandait de lui confirmer s'il y avait effectivement un professeur Moldu à Poudlard. Drago y avait beaucoup pensé depuis qu'il avait lu cette missive et avait finalement trouvé une réponse adaptée. Il déroula son morceau de parchemin, trempa sa plume dans l'encrier et écrivit juste : "C'est exact, il y a bien une professeur Moldue à Poudlard. Ne te dérange pas pour ça, je me charge d'elle", ce n'était qu'un demi-mensonge et ainsi son père n'interviendrait pas.

Tous les élèves avaient les yeux fixés sur l'écran sauf Drago. Lui regardait Geena assise à son bureau en train de lire – elle avait raison de profiter que les élèves soient occupés, il en ferait autant à sa place –, elle dut sentir son regard peser sur elle car elle releva la tête et lui adressa un sourire et un clin d'œil ; Drago lui sourit en retour.

« Pour un peu, il y aurait presque de la complicité entre nous. Si mon père savait ça… » pensa-t-il.

Le problème était qu'il la trouvait très sympathique. Elle avait un visage avenant, souriant, elle était aussi l'un des rares professeurs – la seule ? – qui se préoccupaient réellement de lui. De plus, à part Rogue, il avait la légère impression que tous les professeurs le détestaient à cause de ce qu'il était : un Malefoy… et aussi parce qu'il se comportait par moment – quasiment tout le temps ? comme un véritable petit con.

Il avait toujours agi comme ça. A force de s'y appliquer, cela lui semblait être sa nature profonde. Presque. Il savait très bien au fond de lui qu'il n'était pas celui qu'il montrait aux autres et, quelque part, il sentait que Geena Johnson avait percé sa carapace, qu'elle avait su voir au-delà de l'image qu'il voulait laisser paraître. Elle était la première à le faire. Il avait confusément attendu le moment où quelqu'un dirait enfin : tu vaux mieux que ce tu montres et Geena Johnson avait débarqué dans sa vie. Quand elle avait décrit son cas à toute la classe à leur première entrevue, cela l'avait profondément énervé. Par la suite, il avait repensé à ce qu'elle avait dit et avait dû admettre que cela ne l'avait pas seulement énervé, ça l'avait troublé. Elle l'avait sans doute mieux cerné qu'il ne l'aurait fait lui-même.

La nuit qui avait suivi ce premier cours, il avait très peu dormi et beaucoup remué, son voisin de lit lui avait même intimé l'ordre d'arrêter de bouger et l'avait menacé de le virer du dortoir s'il n'obtempérait pas. Cette injonction l'avait d'autant plus surpris qu'il n'y avait pas beaucoup de Serpentard qui se permettaient de lui parler sur ce ton, son nom de famille lui valait un certain respect, lui conférant même de l'autorité. Cependant, cette nuit-là, les autres Serpentard en avaient vraiment assez de l'entendre se tourner et se retourner dans son lit (c'était déjà suffisant de devoir supporter les ronflements de Crabbe et le fait que Madison parle en dormant). Après en avoir entendu plusieurs râler, la menace de son voisin l'avait définitivement calmé, il avait arrêté de bouger.

Il était resté couché sur le dos, les yeux grands ouverts fixés sur le plafond, à réfléchir. Il avait senti des larmes couler sur ses joues. Il s'était trouvé stupide et s'était promis de ne plus repenser à ce qui le tracassait : son père et l'affection qu'il ne lui donnait pas. Oui, il imitait son père dans sa haine pour lui plaire. Oui, il voulait juste sentir qu'il l'aimait.

à présent, assis sur sa chaise, après avoir écrit ces quelques mots pour son père et reçu l'œillade de Geena, son esprit vagabonda de nouveau sur ce qu'il était, ce qu'il faisait et pourquoi il le faisait. Ce qu'il faisait, au départ, avait pour unique but de plaire à son père. Pourtant, cela n'avait jamais changé son attitude envers lui. Depuis toutes ces années, il aurait dû le comprendre et changer de tactique.

Cela faisait tellement longtemps qu'il jouait ce rôle. Il était sans doute temps de changer. En avait-il la volonté ? Il n'en était pas sûr. Il s'était habitué à ce rôle. Il s'était habitué à cette personnalité, même si elle ne lui convenait pas tout à fait. Il s'était habitué à l'image qu'il renvoyait au monde. Changer entraîne souvent des complications, les gens ne vous reconnaissent plus, les amis s'éloignent. Est-ce que cela n'aggraverait pas sa relation avec son père ? Déjà qu'il le trouvait distant, cela risquait d'être dix fois pire ! D'un autre côté, ça le ferait peut-être réagir. Pourquoi serait-il le seul à se poser des questions ? Il pouvait s'en poser lui aussi !

Une main se posa sur son épaule. Il se retourna pour voir le visage radieux de Pansy. Elle était plutôt jolie fille quand elle n'arborait pas son air de sale petite pimbêche.

Les autres devaient se dire la même chose à son sujet : "Il est mignon quand il n'a pas son air de sale petit con arrogant."

Petit con, enfant gâté, fils à papa, gosse de riche, etc… Autant d'expressions pour le définir. La palette était bien plus large que pour Hermione Granger. Elle ne connaissait pas sa chance.

« C'est chouette, non ? »

La voix de Pansy le ramena à l'instant présent.

« De quoi ?

— Les jeux vidéo, tiens ! Moi, j'adore. Et toi ?

— Hum… sans plus. »

C'était la vérité, contrairement aux prévisions de Geena Johnson, Drago n'était pas emballé par les jeux vidéo. Il aimait bien, mais ils ne l'emballaient pas vraiment. Cela importait peu, Il était vaincu et cette idée commençait à prendre le pas dans son esprit. D'ailleurs, si son professeur ne s'était pas rendu compte de la gentillesse non feinte dont il avait fait preuve aujourd'hui, c'était qu'elle était sourde et aveugle. Il avait été charmant, ce sans se forcer, elle s'en était forcément aperçue. Elle avait brisé toutes les barrières avec une facilité et une rapidité sans égales.

Ce n'était pas son cours, ce n'était pas les objets Moldus qu'elle avait montrés, non, c'était tout simplement ce qui se dégageait d'elle, c'était la façon dont elle le regardait, c'était l'attention qu'elle lui portait. Comme en de rares occasions dans sa vie, Drago avait l'impression d'exister par lui-même et non pas pour ce qu'il représentait, c'était agréable comme sensation. Les seules autres fois où il existait, c'était quand sa mère pouvait lui accorder quelques minutes – ce qu'elle avait rarement le temps de faire –, qu'elle l'écoutait religieusement et avec tant d'amour dans les yeux. Le reste du temps, il n'était qu'un Malefoy. Il était un Malefoy pour les Serpentard – surtout Crabbe et Goyle –, il était un Malefoy pour Potter et ses amis, il était un Malefoy pour tous les élèves, il était un Malefoy pour les professeurs, il était un Malefoy pour Dumbledore, il était un Malefoy pour l'infirmière, il était un Malefoy pour les elfes et – évidemment – il était un Malefoy pour son père. Bref, il n'était Drago que pour sa mère et pour Geena Johnson. Il bénit le jour où cette dernière s'était permis de l'appeler par son prénom.

Drago se décida à revenir une nouvelle fois sur terre. Il était souvent perdu dans ses pensées dernièrement. Il se rendit compte qu'il regardait Pansy sans la voir depuis peut-être quelques minutes.

Celle-ci soutenait son regard, elle attendait qu'il lui parle. S'il la regardait comme ça, c'était qu'il avait quelque chose à lui dire, quelque chose d'agréable.

Drago se trouva gêné, il savait ce que Pansy attendait de lui et ne pouvait lui donner satisfaction. Aller à un bal avec elle était dans ses capacités, mais il refusait d'aller plus loin. Il ne savait pas ce qui l'en empêchait d'ailleurs. Pansy était jolie – sans être exigeant évidemment –, plutôt intelligente, beaucoup trop pipelette certes, néanmoins c'était relativement acceptable. A bien y réfléchir, il y avait plein de garçons qui, à sa place, auraient répondu à ses avances. Surtout que sa compagnie était plus agréable depuis que Johnson était arrivée dans leur vie. Sur elle aussi, ce professeur avait un effet bénéfique. Drago se mit à divaguer : s'il présentait Geena Johnson à son père ? Peut-être que lui aussi changerait d'avis sur les Moldus. Non, il ne fallait pas croire au Père Noël. Son père, changer d'avis ? ça tiendrait du miracle, soyons un peu raisonnables.

Pansy toussota pour rappeler sa présence. Dieu que Drago était bizarre depuis quelques temps… Souvent les yeux dans le vague, paumé dans ses pensées – autant dire au milieu de nulle part, ajoutait Pansy quand elle en parlait à ses amies, afin de leur faire croire qu'il ne l'intéressait pas plus que ça.

Drago la regarda de nouveau et se dit qu'il l'aimait bien, mais seulement comme une amie, que ça en resterait là. Pas la peine de lui dire, ça la blesserait inutilement. Elle finirait par s'en rendre compte par elle-même et c'était mieux ainsi. Ça ne changerait pas grand-chose à sa vie, pour elle aussi il n'était qu'un Malefoy, même si elle avait le béguin pour lui.

Il fallait qu'il arrête avec cette idée, il allait finir par déprimer. Comme dans son lit la dernière fois, il déprimerait, des larmes silencieuses rouleraient sur ses joues et il s'en rendrait à peine compte.

« Et c'est reparti ! » songea Pansy en voyant que les yeux de Drago se perdaient de nouveau. Elle allait finir par craindre pour sa santé mentale s'il continuait ainsi. Ce n'était pas normal de ne pas pouvoir garder les deux pieds sur terre dix secondes d'affilée. De plus, c'était vexant pour elle : voilà donc toute l'attention qu'elle méritait ? Merci, vraiment.

Elle se leva pour aller rejoindre une de ses grandes amies, sa confidente numéro un : Cassandra Target, histoire de se plaindre de l'attitude de Drago. C'était une chose très agréable dans ce cours : Miss Johnson laissait des objets à leur disposition, leur racontait à quoi ils servaient, comment les faire marcher, et dans la dernière partie du cours – qui, souvent, en représentait les trois quarts –, elle les laissait découvrir les objets par eux-mêmes, se balader librement dans la salle de classe, discuter du cours ou d'autre chose. Un véritable espace de liberté. Tout ce qu'elle demandait en échange, c'était de bien écouter ses explications, de s'intéresser un minimum à ce qu'elle montrait et que la salle reste calme et le volume des conversations relativement bas. C'était ainsi que se passaient les cours de Culture Moldue : détente était le mot clé, absolument rien à voir avec les autres matières.

Une vraie récréation.

Bien que les élèves l'ignoraient, c'était exactement ce qu'avait souhaité Dumbledore. S'il voulait ouvrir les jeunes sorciers au monde Moldu, il ne fallait pas que ce monde leur semble rébarbatif, il fallait au contraire le rendre très attractif. Geena Johnson était parfaite. Cela n'avait pas été simple de créer une salle de cours de ce type dans Poudlard – il avait dû faire face à de nombreux obstacles et avait songé plusieurs fois à abandonner, tout grand sorcier qu'il était –, mais le jeu en valait la chandelle : il y avait encore trop de mentalités arriérées, il était plus que temps de prendre le taureau par les cornes.

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A la fin du cours, Drago rangea ses affaires très lentement afin d'être le dernier à partir. Une fois que tous les Serpentard furent sortis, il alla trouver son professeur.

« Je ne pense pas que ça soit la peine d'attendre la fin du délai, lui dit-il.

— Quel délai ? » demanda Geena. Elle se réprimanda intérieurement immédiatement après avoir dit ça. Quel délai ? Mais tu sais bien de quel délai il s'agit, pauvre idiote ! La durée du pari. « Ah oui, le délai !

— Vous avez gagné. »

Elle resta sans voix durant quelques secondes. Elle n'avait jamais douté de sa victoire, mais n'avait jamais cru non plus que Drago le reconnaîtrait si clairement et si vite. C'était le signe que son triomphe était d'autant plus écrasant.

« Vrai ? demanda-t-elle, histoire de se voir confirmer ce qu'elle venait d'entendre.

— Oui, vous êtes quelqu'un de fantastique. Je vois mal qui pourrait ne pas vous aimer. »

En fait, si, il le voyait très bien. Il y avait plein de gens qui ne pourraient jamais l'aimer, à commencer par son cher paternel, mais c'était inutile de le préciser.

Geena contempla Drago. Il avait changé spectaculairement. Ceci rien qu'en l'espace d'un mois.

« Toi aussi tu as gagné, pas le pari, mais tu as gagné.

— Je sais. C'est grâce à vous, merci.

— Tu te rappelles l'enjeu de notre pari ?

— Mon respect vous est entièrement acquis.

— Et ?

— Je ne dirai plus jamais de mal sur les Moldus.

— Très bien. Merci Drago. »

Drago sortit de la salle pour se rendre en cours de potions. En chemin, il songea que si cette Moldue était sympathique, ça ne signifiait pas que tous les Moldus l'étaient. Il se dit aussi que ce raisonnement s'appliquait aussi dans l'autre sens et que ce n'est pas parce qu'un Moldu était antipathique que tous l'étaient.

Son esprit vagabonda sur son père et sa haine des Moldus. Il repensa à ce qu'avait dit son professeur lors du premier cours : il y avait une raison pour laquelle il les détestait. Cette raison, Drago ne la connaissait pas, son père ne lui avait jamais expliqué son aversion. Ce qui était compréhensible étant donné que Drago ne lui avait jamais rien demandé à ce sujet, il avait toujours vécu là-dedans, pour lui, il était normal de mépriser les Moldus, c'était ainsi et c'est tout. Pourtant, il y avait bien une raison.

Le professeur Rogue en avait parlé à Miss Johnson. Il était donc au courant.

Il était maintenant devant la porte du cachot de Rogue, il l'ouvrit et entra. Il était en retard, mais son professeur, le responsable de la maison Serpentard, ne lui en ferait pas grief puisqu'il n'était pas un Gryffondor.

Sacré Rogue !

Pour la cinquième année consécutive, ils avaient cours de potion commun avec les Gryffondor. Ce qui différait par rapport aux années précédentes, c'était l'ambiance qui y régnait : les Serpentard – notamment lui-même – étaient moins agressifs envers les Gryffondor. D'ailleurs, même Rogue était moins teigneux envers eux. Johnson aurait-elle agi sur lui aussi ?

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Dans sa salle stérile de tous sortilèges, Geena Johnson expliquait à ses élèves – les premières années Serdaigle – le principe des jeux vidéo tout en songeant à Drago et à la première bataille qu'elle avait gagnée. Oui, première bataille… car ce ne serait pas la seule.

Pour sa prochaine bataille, il fallait que Drago soit son allié. Elle allait attendre avant de lui en parler.

Il ne fallait pas précipiter les choses.