Tout bien considéré…
Par Maria Ferrari
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Les personnages et l'univers de Harry Potter appartiennent à J..
Base : Tomes 1 à 4 de Harry Potter
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—Chapitre 4 – Autres combats—
Deux mois avaient passés depuis la reddition de Drago et la réconciliation entre Rogue et Black.
Voldemort avait refait parler de lui dans le nord de l'Ecosse, les gens murmuraient que Lucius Malefoy avait été vu en sa compagnie. Comme rien de bien tangible ne le prouvait, Cornélius Fudge s'était empressé de démentir cette information qui n'était, selon ses propres termes, que "délation menée par des gens jaloux de cet homme irréprochable".
Drago Malefoy savait pour sa part que cette information était on ne peut plus exacte. Il était aussi convaincu que son père s'était personnellement chargé de l'exécution d'un ou plusieurs Moldus, même s'il n'y avait aucun indice qui le prouvait. Cela lui ressemblait, c'est tout. C'est au moment précis où Drago pensait à cela que Geena Johnson vint le trouver pour lui dire :
« Je veux que tu m'emmènes voir ton père.
— Pardon ? souffla-t-il.
— Il faut que je le voie, que je lui parle.
— Mais pourquoi ? »
Elle ne répondit pas, se contenta d'un haussement de sourcils.
« Je vois : vous voulez le faire changer d'avis comme vous l'avez fait pour moi. Miss Johnson, vous l'avez dit vous-même, la haine qu'a mon père pour les Moldus est beaucoup plus forte que la mienne. Vous ne le changerez pas comme ça. Je refuse de vous permettre de le voir. Il ne ferait qu'une bouchée de vous.
— Pas si je suis avec toi. » Elle ménagea une pause, Drago détourna les yeux. « Tu as peur qu'il t'en veuille d'avoir amené une Moldue chez lui ?
— Non ! Je pense que l'ogre est plutôt content quand on lui livre de la nourriture gratis directement à domicile. Qu'en pensez-vous ?
— Tu es dur avec ton père, tu ne trouves pas ?
— Non, juste réaliste.
— Les circonstances dans lesquelles ton père est devenu ce qu'il est – en l'occurrence Mangemort, ne nous voilons pas la face, même si Fudge persiste et signe à dire qu'il est au dessus de tout soupçon, nous savons tous les deux à quoi nous en tenir à ce sujet. Je disais donc : les circonstances dans lesquelles il est devenu Mangemort sont… particulières. C'est ça qui me fait croire que ce n'est pas irrévocable.
— Je ne connais même pas les circonstances en question. »
Il y avait du regret dans la voix de Drago… et peut-être un peu de jalousie à constater qu'une inconnue connaissait mieux son père que lui.
« Ce n'est pas à moi de te les enseigner. Je vais juste te dire ceci : Severus Rogue est devenu Mangemort pour la même raison que ton père.
— Ah oui ? »
Son père n'était pas très bavard au sujet de son professeur de potions, pourtant, Drago savait que Rogue avait été Mangemort au moins à un moment dans sa vie. Il n'ignorait pas non plus que son père et lui avaient été tous les deux à Poudlard dans la même maison et dans les mêmes années. Ils se connaissaient forcément, mais son père n'en parlait jamais, pas plus que sa mère d'ailleurs qui était elle aussi de la même classe.
« Oui. Mais sans doute que Severus a un caractère plus conscient, plus réfléchi, car il s'est rendu compte de son erreur. Ton père, par contre, a l'air de quelqu'un à qui on ouvre les yeux à l'aide d'un pied de biche. Entre nous : j'ai la ferme intention de faire office de pied de biche !
— Vous êtes au courant de ce qui s'est passé la semaine dernière en Ecosse ?
— Evidemment, je suis peut-être une Moldue, mais je vis parmi les sorciers depuis quelques mois. De plus, je suis abonnée à votre gazette.
— Il ne fait aucun doute que mon père était parmi eux.
— Je le sais.
— Il a déjà "tué du Moldu", vous en êtes consciente ?
— Oui.
— Malgré tout cela, vous continuez à croire que vous pouvez le changer ? Vous croyez que vous pouvez aller dans son antre et en sortir indemne ?
— Oui. »
Drago montra ses paumes, les mains levées à hauteur de son visage.
« Je ne vous aiderai pas dans ce projet stupide !
— Parce que tu tiens à moi, Drago ?
— Oui, un peu. Et je n'ai surtout pas envie d'avoir votre mort sur la conscience.
— Tu crois vraiment qu'il prendrait le risque de me tuer chez lui ?
— Non, non, il ne fera pas ça. Il n'est pas fou.
— Tu aimes ton père, n'est-ce pas ? Malgré ce qu'il est.
— C'est mon père.
— Tu n'as pas envie qu'il finisse à Azkaban ?
— Bien sûr que non.
— Tu n'as pas non plus envie qu'il continue cette vie ? Qu'il continue à persécuter des gens, à mener cette croisade stupide, inutile et injuste.
— J'aimerais que mon père cesse cette absurdité. Quand je pense que je trouvais cela parfaitement normal à une époque…
— Alors, aide-moi. Et j'aiderai ton père. Et lui nous aidera.
— Vous croyez au Père Noël, je refuse. »
Drago s'éloigna à grands pas. Il avait déjà remarqué son côté quelque peu... original. Néanmoins, à cet instant, cela dépassait tout. Vouloir affronter son père, une pauvre petite moldue, cela frôlait la démence. Peut-être voulait-elle à battre un record de témérité. Si elle cherchait le grand frisson, il préférait qu'elle aille voir ailleurs.
Il ne voulait pas y être mêlé.
~oOo~
Il tenait fermement ses livres contre lui et fixait le sol comme il marchait, une attitude qui ne lui ressemblait guère. Hélas pour elle, Hermione arrivait en sens inverse et ne regardait pas non plus devant elle, plongée dans ses pensées, comportement qui lui était très familier. Le choc était inévitable et fut retentissant. Une fois leur étourdissement respectif passé – leurs têtes avaient cogné l'une contre l'autre –, Drago fut le premier à réagir :
« Tu ne peux pas regarder devant toi quand tu marches, Granger ?
— Et toi, alors ? Tu fonces droit devant et tu te fiches pas mal de ce qui vient sur ton chemin, c'est les autres qui doivent s'écarter, c'est ça ? » rétorqua Hermione, furieuse que Malefoy considère qu'elle était seule responsable de l'incident, bien que cela n'ait rien d'étonnant venant de lui.
« ça suffit ! les interrompit la voix de Rogue. Je ne suis pas d'humeur à supporter vos petites querelles. Ramassez tous les deux vos affaires et poursuivez votre chemin, vous encombrez le couloir. »
Il s'éloigna sans rien ajouter. C'était étrange : au moment où elle avait entendu le son de sa voix, Hermione avait été persuadée qu'elle était bonne pour faire perdre une vingtaine de points à sa maison. Les deux élèves ramassèrent leurs affaires – Hermione en silence, Drago en maugréant – et partirent chacun de leur côté.
~oOo~
Hermione entra dans la bibliothèque. Elle commença à disposer ses affaires selon son organisation habituelle afin de pouvoir prendre des notes efficacement. Elle sortit trois feuilles de parchemin, la première comportait déjà une fine écriture qui lui était inconnue. Elle fronça les sourcils, commença à lire et se rendit vite compte qu'elle appartenait à Malefoy. Elle roula le parchemin précipitamment : cela ne se faisait pas de lire quelque chose sans l'autorisation de son propriétaire. Elle hésita quelques instants, puis – laissant sa curiosité l'emporter – rouvrit le parchemin et le parcourut.
Ce qu'elle lut n'avait rien de personnel, du moins, pas grand-chose, ce n'était ni un courrier, ni une page d'un journal intime, ni quoi que ce soit de ce genre, juste un devoir. Un devoir de Culture Moldue, analysa-t-elle. Geena Johnson donnait très peu de devoirs à faire – quasiment aucun en fait, Ron ne se lassait pas de le répéter, cela le ravissait au plus haut point –, mais dernièrement, elle avait donné un exposé à faire aux Gryffondor de cinquième année – cela aussi elle le savait par Ron et elle n'ignorait pas non plus que son paresseux d'ami n'avait toujours rien fait. C'était une habitude détestable chez lui, il fallait toujours qu'il s'y prenne au dernier moment –, un exposé sur le sujet Moldu qu'ils préféraient, apparemment, les Serpentard avaient "écopé" du même devoir. Drago avait choisi l'informatique comme sujet. Il en parlait avec forces détails et un enthousiasme non feint. Qui aurait pu soupçonner qu'une invention Moldue puisse susciter tant d'intérêt chez un Malefoy ?
Hermione admira l'écriture souple et élégante de Drago. Elle aimait les jolies écritures. Il avait un bon style aussi… et une orthographe irréprochable. Drago lui semblait soudainement plus intéressant… à défaut de lui être sympathique.
Elle avait cru remarquer qu'il avait mûri dernièrement. Il avait changé de comportement envers tout le monde… sauf bien évidemment envers elle et ses deux amis. Il eut sans doute été trop beau qu'il arrête d'être désagréable avec eux. Cela étant, il fallait admettre tout de même qu'il ne venait plus les trouver exprès pour leur envoyer des piques, il se contentait d'en faire seulement quand ils se trouvaient sur son chemin. Bref, il ne créait plus lui-même les situations pour leur faire subir ses remarques acerbes, c'était un mieux indéniable.
~oOo~
Johnson avait vu l'accident comme elle vit Rogue arriver de loin. Elle comprit à sa tête qu'il était préoccupé.
« Que se passe-t-il ? demanda-t-elle.
— Rien qui vous concerne », répondit-il sur un ton peu amène. Il avait parfaitement conscience qu'elle ne parlait pas des élèves et de l'incident qui venait de se produire mais bien de lui et de la tête qu'il faisait.
« Oh… donc, si ça ne me concerne pas, je n'ai pas le droit d'être au courant, c'est cela ?
— La curiosité est une chose dangereuse. Vous seriez bien inspirée de l'être moins.
— Ne vous en faites pas pour moi, je prends mes responsabilités. Alors, qu'en est-il ? Un de vos élèves vous a joué un sale tour ?
— Les élèves ne me font aucun mauvais tour. En tous cas, jamais sciemment ; je les terrifie bien trop pour cela. Par contre, Londubat a manqué de faire exploser mon cachot cet après-midi. »
Geena se retint de rire. Maître de potions semblait être un métier où l'action ne manquait pas.
« C'est tout ? ça ne doit pas être la première fois. Je suis sûre que vous êtes habitué à ce genre d'incident.
— Certes. J'ai d'ailleurs acquis d'excellents réflexes en la matière, ce qui m'a permis d'éviter nombre d'accidents. Avec des élèves comme Londubat, on se doit d'être vif.
— Allez, ce n'est pas ça qui vous a mis de mauvaise humeur, avouez-le. Surtout que vous avez dû profiter de l'incident pour ôter cinquante points aux Gryffondor, lui dit-elle avec un sourire malicieux.
— J'en ai enlevé cent, répondit-il avec le même sourire.
— On est donc d'accord : ce n'est pas ça qui vous perturbe.
— Je ne suis aucunement perturbé.
— Mais bien sûr ! Je vous ai vu au bout du couloir. Vous n'avez même pas profité de la collision entre Drago et – comment s'appelle-t-elle déjà ? Zut ! Enfin peu importe – pour enlever des points à cette jeune fille. Pourtant c'est une Gryffondor. »
Elle commençait à bien connaître Rogue et savait que son "péché mignon" consistait à retirer des points à la maison Gryffondor au moindre prétexte. Ce n'était d'ailleurs un secret pour personne, sans l'avouer, Severus ne se cachait pas vraiment non plus.
Rogue parut touché par cet argument. Tiens oui, il n'en avait pas profité. Cela étant, il fallait dire que les derniers évènements et sa mission le rendaient soucieux et distrait… pour en pas dire angoissé. La terreur lui serrait le ventre. Il n'en laissait rien paraître et dès qu'il serait dans l'action, sa peur disparaîtrait comme par enchantement. Il le savait, cela se passait toujours ainsi.
Dire qu'il avait cru il y a quelques années que c'était fini, qu'il ne ferait plus jamais ça, et il recommençait. Il avait peur, pas peur pour lui, il avait peur pour tout le monde, il avait peur pour ses élèves – même s'il était un professeur particulièrement hargneux, il aurait menti s'il avait prétendu que ses élèves ne comptaient pas pour lui. Il avait aussi l'impression de compter pour eux, de compter dans leur vie : c'était important l'instruction –, il avait peur aussi pour ceux des Mangemorts qui avaient compté parmi ses amis, il y a longtemps.
Très longtemps.
A commencer par Lucius Malefoy.
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Celui-ci avait des côtés méprisables. Pour toute personne qui ne l'avait pas connu avant, il devait sûrement inspirer du dégoût, mais Severus ne pouvait que lui pardonner car il avait fait les mêmes erreurs et pour les mêmes raisons. Il comprenait donc. La seule différence, c'était que Lucius avait persisté dans son erreur. Severus avait tâché de lui ouvrir les yeux, mais n'y était pas parvenu, son ami s'était fermé comme une huître.
Cependant, Lucius était un homme très paradoxal. Il était capable du pire, mais aussi du meilleur. Il savait que Severus était un espion, il l'avait su dès le départ. Rien d'étonnant à cela puisque Rogue était venu le trouver et lui avait tout raconté, en espérant que Lucius le suivrait, ce qu'il n'avait pas fait hélas.
Donc, Lucius savait et n'avait rien dit. Il l'avait même protégé.
Sans doute en souvenir d'une vieille amitié.
Oui, sans doute.
Ou alors, peut-être qu'au fin fond de lui, sa conscience lui criait d'arrêter tout ça, lui hurlait qu'il avait tort, et Lucius entendait sans vraiment écouter. C'est dans ce genre de moments que sa conscience s'exprimait : en épargnant un ancien ami et en étant son complice sans s'en rendre véritablement compte. Rogue tiendrait lieu d'exutoire à la bonne conscience de Lucius Malefoy.
C'était possible.
Severus Rogue menait un double jeu cohérent, un double jeu normal. L'espionnage nécessitait de l'infiltration, qu'on se fasse passer pour ce qu'on n'est pas, c'était ce que faisait Severus. Lucius, lui, menait un double jeu étrange, il ne se faisait pas passer pour ce qu'il n'était pas, il jouait contre lui-même, il s'en rendait forcément compte. Il gagnait et il perdait tout à la fois.
A quoi cela rimait-il ?
Lucius Malefoy était ce qu'il appelait un schizophrène conscient.
Severus n'avait jamais parlé de cette affaire à qui que ce soit. Trop difficile à expliquer, à comprendre, à croire… et à qui le raconter de toute façon ?
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« HEM ! » Geena, commençant à s'impatienter et par cet éclaircissement de voix bruyant, espérait que Severus reprendrait ses esprits, cela faisait bien cinq minutes qu'il avait le regard dans le vague.
« Hermione Granger, dit Rogue.
— Hein ?
— La fille qui a percuté Malefoy – ou que Malefoy a percuté peu importe – s'appelle Hermione Granger.
— Ah oui ! Je ne l'ai pas en cours, c'est pour ça que je ne m'en rappelais pas. C'est parce qu'elle est d'origine Moldue : mes cours ne lui sont d'absolument aucune utilité. En tout cas, on peut dire que vous ne perdez pas le fil de la conversation malgré votre immersion dans vos pensées. Hermione Granger, il faudrait que je m'en souvienne, elle m'a l'air d'une fille intéressante, non ?
— Très bonne élève, très compétente, répondit Severus d'un ton neutre.
— Cependant, elle est aussi l'amie d'Harry Potter, donc, vous ne l'aimez pas, c'est ça ? Accessoirement, son appartenance à la maison Gryffondor ne doit pas l'aider à entrer dans vos bons papiers, cependant, ceci doit être secondaire dans son cas.
— Vous aimez percer les gens à jour. »
Le ton de Rogue était mielleux et il lui adressa un semblant de sourire.
« C'est ma marotte. Alors, j'ai bon ?
— Chacun son péché mignon, comme vous l'avez si bien fait remarquer, moi, c'est de traumatiser les Gryffondor. Je vais être franc avec vous. Oui, je ne l'aime pas parce qu'elle est l'amie de Potter. Oui, c'est une réaction stupide, surtout que c'est une excellente élève, qu'elle est très compétente, très studieuse, que tous les professeurs sont heureux d'avoir une élève comme elle dans leur classe car ils sont sûrs qu'il y aura au moins une personne à comprendre ce qu'ils racontent. Oui, je ne l'aime pas, c'est viscéral. J'ai beau essayé de me raisonner, je n'arrive pas à l'apprécier à sa juste valeur. »
Geena se mordillait l'intérieur des lèvres, la franchise de Severus avait refroidi son envie de se moquer de lui et de ses penchants Gryffondoricides.
« Qu'est-ce que vous avez contre Potter ?
— En dehors du fait qu'il soit Gryffondor : absolument rien. Vous voyez : je suis franc avec vous. Je n'ai rien contre Harry Potter, car à bien y réfléchir je dois admettre que c'est son père que je haïssais.
— Son père étant mort, vous avez reporté votre ressentiment sur son fils.
— Je sais ce que vous pensez : c'est stupide… minable même. »
C'est ce que tout le monde pensait. Ce qu'il n'était pas loin de penser lui-même quand il se penchait sur la question.
« Je ne dirais pas ça. Je dirais que c'est humain. Qu'est-ce que vous a fait son père pour que vous le détestiez autant ? »
Le regard de Severus s'était fait fuyant.
« C'est compliqué, je n'ai pas envie d'en parler.
— Il y a une histoire de femme là-dessous ?
— Non.
— Un homme alors ?
— Encore moins », répondit Rogue en souriant. Elle avait de ces idées !
« Vous aurait-il fait une vacherie quelconque ?
— Une ? » Severus secoua la tête pour lui montrer à quel point elle était loin de la vérité. « James Potter fait partie de ces gens qui ne se rendent pas compte du mal qu'ils peuvent faire. Quoi qu'ils fassent, ils sont sûrs de faire bien. Quand je pense qu'il est considéré comme une sorte de héros. » Severus leva les yeux au ciel, il s'apprêtait à dire ce qu'il n'aurait jamais cru qu'il dirait. « Son fils est différent, souffla-t-il. Il est meilleur. Mais c'est plus fort que moi, il m'exaspère, sa seule vue m'insupporte. »
Ils s'étaient tous les deux assis en parlant. Il n'y avait plus aucune trace de mauvaise humeur chez Severus, juste une grande tristesse et de la rancœur. Geena n'était pas sorcière, elle avait cependant un pouvoir : elle sentait les gens. Elle voyait à travers eux mieux que Dumbledore en personne. Elle était capable de se faire une idée fidèle des personnes en entendant parler d'eux, lisant entre les lignes, analysant. Quand elle se trouvait en leur présence, elle pouvait dire ce qu'il y avait au fond d'eux, quelquefois, elle pouvait leur apprendre des choses qu'ils ignoraient sur eux-mêmes. C'était un pouvoir pratique, quelquefois dérangeant, cela lui avait causé beaucoup de soucis par le passé, il existe de nombreuses personnes qui n'aiment pas qu'on en sache trop sur eux.
C'était parce qu'elle avait ce pouvoir qu'elle voulait rencontrer Lucius Malefoy : elle voulait le sentir, elle voulait savoir s'il était "récupérable", elle pensait que oui. Néanmoins, elle était sans doute influencée : elle aimait beaucoup Drago, elle avait donc envie que son père puisse changer pour que l'élève qu'elle appréciait se sente mieux dans sa peau. De toute façon, il fallait qu'elle le rencontre, d'abord pour se faire une véritable idée de qui il était vraiment, ensuite pour faire tout ce qu'elle pouvait pour lui faire reconsidérer sa façon de penser si elle voyait que c'était possible.
Elle voulait l'accord de Drago et souhaitait qu'il l'accompagne. Elle était courageuse, mais pas assez pour affronter un Mangemort seule. Sans compter que, selon ce qu'elle en savait, Lucius Malefoy était une "grosse pointure", non seulement il avait de l'argent et des relations, mais il avait aussi de l'intelligence et du charisme, Geena risquait de se sentir toute petite face à lui. Elle ne pouvait se permettre de se rendre devant lui sans un allié. Drago serait parfait dans ce rôle-là, malheureusement, elle n'avait pas su trouver les mots pour le convaincre. Il fallait qu'elle laisse s'écouler encore un peu de temps, qu'elle réfléchisse à une tactique et à des arguments pour rallier le jeune garçon.
Elle avait pensé en parler à Dumbledore ou à Rogue, mais après réflexion, elle s'était rendu compte qu'ils risquaient tous les deux de vouloir la faire renoncer à son projet. Et ça, c'était hors de question.
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Elle sentait aussi Rogue. Il y avait de la tristesse en lui en permanence – de temps en temps de l'amertume et de la rancœur. Ce n'était pas quelqu'un qui vivait dans le bonheur, loin de là. Elle savait aussi que c'était quelqu'un sur qui on pouvait s'appuyer si on comptait parmi ses amis, et dans certains cas sans même compter parmi eux. Un homme rare.
« Quel mal vous a fait James Potter ?
— Aucun en particulier », éluda Severus, peu enclin à raconter les détails de sa scolarité. « Disons que c'était insidieux. Un mélange de supériorité cachée sous une couche de fausse modestie, des petites moqueries de gamins. James Potter n'a rien d'un héros et est considéré en tant que tel. Voilà ce que je lui reproche !
— Vous ne trouvez pas que c'est un peu puéril de donner tant d'importance à une petite rancœur comme celle-ci ? Sans compter que le père d'Harry a du mûrir en vieillissant. Il n'y aurait pas autre chose ?
— Il m'a sauvé la vie.
— Ah bon ?
— Oui. » Severus braqua ses yeux droit dans ceux de Geena. « A cet instant, vous devez me prendre pour un ingrat. Si c'est effectivement le cas, vous avez tort. Il n'a fait que réparer la faute d'un de ses grands amis qui a poussé la "plaisanterie" un peu loin et m'a jeté dans la gueule du loup – au propre comme au figuré. Il m'a sauvé la vie, certes, mais au vu des circonstances, cela ne compte pas. » Ce qu'il ajouta ensuite dans un murmure était teinté d'amertume : « En tout cas, pas à mes yeux. »
Ce soir, il partirait un peu au nord, il rejoindrait Voldemort et les Mangemorts. Il continuerait à jouer les fidèles serviteurs du Seigneur Ténébreux pour mieux l'espionner et le vaincre… un jour… peut-être. Malefoy le regarderait faire sans rien dire. Voldemort le surveillerait de temps en temps du coin de l'œil.
Rogue avait réussi à faire croire qu'il menait son double jeu en sa faveur. Il avait réussi à lui faire croire que s'il n'avait pas toujours été présent à l'appel, s'il avait fait certaines choses contre lui, c'était pour ne pas éveiller les soupçons de Dumbledore, pour pouvoir garder sa confiance, que cela pourrait s'avérer très utile, qu'il ne fallait surtout pas gâcher ça, ainsi, il était un infiltré permanent à Poudlard. Voldemort l'avait cru, se montrant cependant méfiant. Severus sentait qu'on lui cachait certaines choses à dessein. De plus, il n'avait évidemment pas participé aux dernières actions. Et il était là en train de déballer ses rancœurs mesquines d'adolescent…
… à bientôt quarante ans et dans de telles circonstances !
~oOo~
Les vacances de Noël approchaient à grands pas. Hermione avait décidé de rejoindre sa famille. Elle n'avait pas souvent l'occasion de les voir avec ses études, avait-elle précisé à Harry, ressentant le besoin de s'expliquer.
Le matin du départ, elle mit son sac sur ses épaules et prit Pattenrond dans ses bras. Harry et Ron – ce dernier avait décidé de tenir compagnie à son meilleur ami pour les vacances et donc de rester à Poudlard – l'accompagnèrent jusqu'au train. Elle les embrassa tous les deux et monta à bord. Une fois assise, son chat sur les genoux, elle fit un dernier signe de la main à ses deux amis avant que Ron tapote l'épaule d'Harry et qu'ils s'éloignent.
Elle sortit un livre de son sac qu'elle ouvrit à la page marquée et parcourut d'un œil habitué à une lecture régulière. Quelqu'un s'assit à côté d'elle.
« J'ai bien failli manquer le train, soupira la voix de Ginny Weasley. Hermione leva les yeux de son livre. Le train partait.
— Oui, c'était tout juste, confirma-t-elle.
— Tu lis quoi ?
— Un dico qu'elle apprend par cœur afin d'augmenter encore son savoir infini », répondit une voix narquoise.
Les deux jeunes filles regardèrent dans l'allée. Drago Malefoy passait à côté de leur compartiment – seul, pour une fois –, la porte était restée ouverte, il les avait vues, s'était arrêté.
« Notre Dame de Paris… de Victor Hugo », rectifia Hermione avec le petit air supérieur qui lui était familier dès qu'il s'agissait de culture… ou de Drago. « Tu ne connais évidemment pas. C'est Moldu.
— Détrompe-toi Granger. Je connais. Je l'ai lu quand j'avais onze ou douze ans », renseigna Drago avec un air tout aussi supérieur qui lui était encore plus familier que celui de la née-moldue.
L'adolescent poursuivit son chemin sans plus d'explications.
« Une minute, Malefoy ! s'exclama Hermione en se levant brusquement, passant dans l'allée. Pattenrond, s'étant trouvé éjecté, protesta en miaulant le plus fort qu'il pouvait.
— Quoi ? » fit Drago sans la regarder et tout en jetant un œil à l'intérieur d'un compartiment. Soit il cherchait quelqu'un en particulier, soit il cherchait à être seul, quoi qu'il en soit ce compartiment ne paraissait pas correspondre à ses attentes car il poursuivit son chemin.
« Comment t'es-tu retrouvé avec un livre Moldu entre les mains ? C'est Johnson ? » demanda Hermione, ne trouvant pas d'autre explication et omettant que Drago ne connaissait pas encore Geena lorsqu'il avait douze ans.
Drago se retourna.
« Il se trouvait dans la bibliothèque de mes parents. Une bibliothèque très vaste et très fournie.
— Tes parents détestent les Moldus. Que feraient-ils d'un livre qui a été écrit par l'un d'eux ? Je ne te crois pas.
— Esmeralda et Quasimodo ont été échangés lorsqu'ils étaient bébés. La mère d'Esmeralda, découvrant cet enfant monstrueux à la place de son adorable petite fille, l'a abandonné. Quasimodo a été recueilli par l'archidiacre Frollo. Ce dernier est le personnage le plus fascinant du roman. C'est intéressant comme livre. L'histoire en elle-même est assez passionnante. Par contre, j'ai trouvé les descriptions particulièrement longues et ennuyeuses… surtout quand il décrit en détail l'architecture de la cathédrale. Il faut que je continue ou cela suffit pour te prouver que je l'ai lu ? »
Sur ces mots, Drago ouvrit la porte du fond et changea de wagon.
« Tu le crois ça, Ginny ? fit Hermione en rentrant dans le compartiment et en retournant s'asseoir. C'est méprisant envers les Moldus et ça apprécie ce qu'ils écrivent.
— C'est plutôt une bonne chose, non ?
— C'est salement hypocrite, oui !
— De toute façon, on ne peut pas dire que Drago Malefoy soit méprisant envers les Moldus à présent. Tu sais que c'est le chouchou de Miss Johnson ? »
Hermione se remémora le devoir de Drago. Elle l'avait lu entièrement avant de lui rendre.
« Oui. Tu as raison. Néanmoins, cela ne change rien au fait que c'est franchement étrange qu'un livre Moldu se soit retrouvé dans la bibliothèque de gens comme les Malefoy.
— C'est vrai… Tu ne trouves pas que Drago est craquant ? » interrogea Ginny, changeant soudainement de sujet.
Hermione regarda Ginny avec des yeux exorbités.
« Pardon ?
— Oui, il est mignon. Tu ne trouves pas ? » répéta Ginny, le rouge aux joues, braquant son regard vers le sol.
Hermione préféra éclater de rire.
Son béguin pour Harry lui est apparemment passé. Elle a dû trouver qu'il ne la regardait pas assez, pensa-t-elle.
