Tout bien considéré…
Par Maria Ferrari
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Les personnages et l'univers de Harry Potter appartiennent à J..
Base : Tomes 1 à 4 de Harry Potter
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—Chapitre 6 – Empoisonnement—
Trois jours s'étaient écoulés. Le couple Malefoy s'était installé à Pré-au-Lard pour rester près de Drago. Les employés du ministère de la magie eurent fort à faire durant ces trois jours : les Mangemorts menèrent plusieurs actions simultanées contre les Moldus à des endroits différents.
L'une de ses actions fut déjouée par le ministère grâce à un espion. Ce dernier, sans doute démasqué par ses compagnons, fut retrouvé sans vie le lendemain. Après examen, la personne chargée de déterminer la cause exacte du décès annonça qu'on lui avait fait subir le sortilège endoloris jusqu'à ce que mort s'en suive.
Ce genre de nouvelles inquiétait beaucoup Dumbledore : il craignait pour la vie de Rogue. Il s'inquiétait d'autant plus qu'il était responsable de son rôle délicat auprès de Voldemort et que c'était encore lui qui lui avait demandé de recommencer lors du retour de ce dernier. Severus était adulte et consentant, cela n'empêchait que s'il lui arrivait la moindre chose, il se sentirait entièrement et définitivement coupable et s'en voudrait jusqu'à la fin de ses jours.
Cependant, la lutte contre Voldemort prévalait.
Et puis, ce n'était pas comme s'il n'avait pas déjà d'autres raisons de culpabiliser.
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Une autre des actions menées par les Mangemorts durant les trois jours précédents avait échoué et le ministère avait capturé trois des attentistes. Il y avait de quoi être heureux, et même soulagé : c'était l'action la plus importante – la plus meurtrière – de prévue. Elle n'avait pas échoué grâce aux gens du ministère, mais bien parce qu'il y avait eu une faille dans l'organisation de Voldemort : l'une des trois personnes capturées s'était empressée de tout avouer ; il manquait un élément indispensable à la réussite de cette action, la personne qui avait été chargée de diriger toute l'opération : Lucius Malefoy. Les autres Mangemorts s'étaient rendus compte trop tard qu'il manquait à l'appel.
Cette nouvelle avait laissé Dumbledore songeur. Ainsi, Lucius Malefoy avait préféré rester à Pré-au-Lard auprès de son enfant malade plutôt que rejoindre les Mangemorts. Voldemort n'avait certainement pas dû apprécier ce faux bond, et les Mangemorts non plus. Malefoy aurait à craindre des représailles.
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Non seulement le père de Drago était resté avec sa femme juste à côté de Poudlard, mais il avait fait appel à tous ceux qui pouvaient être d'un quelconque secours dans la guérison de son fils unique. C'est ainsi que durant les trois derniers jours, les plus grands sorciers s'étaient succédé au chevet du jeune malade dont l'état allait de mal en pis. Malefoy avait certainement dû offrir une bonne tournée de galions à chacun de ses sorciers pour les amener en si grand nombre à son chevet. Une rumeur disait même que celui qui parviendrait à guérir son fils recevrait en récompense une prime de cinq cent mille galions. Une somme considérable et qui avait de quoi faire tourner la tête à plus d'un. Dumbledore ignorait si ce bruit était avéré, mais il était vraisemblable.
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Oui, Dumbledore était songeur. Malefoy prenait de gros risques en négligeant le seigneur des ténèbres et les Mangemorts, il n'y avait aucun doute là-dessus. De plus, il apparaissait que la seule chose qui l'intéressait en ce moment était la santé de fils. Tout ceci rendait Lucius beaucoup plus sympathique aux yeux du directeur de Poudlard.
Il était malheureux qu'il faille des circonstances pareilles pour que certaines personnes montrent un meilleur visage.
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Les autres actions menées par les Mangemorts avaient malheureusement pleinement réussies. Rien ne put être fait pour les empêcher ou les amoindrir. Tous ceux qui y avaient participées s'en tirèrent sans dommage et dans l'anonymat le plus complet.
On ne comptait pas moins de deux cent douze morts, dont cent quatre vingt dix sept parmi les Moldus. Le ministère ne put réussir à cacher ce qui s'était passé et le soir même, au vingt heures de toutes les chaînes de télé, chaque présentateur parlait des nombreuses morts inexpliquées qui avaient eu lieu durant la journée. Des enquêtes avaient été lancées chez les Moldus et ce carnage mystérieux et incompréhensible n'allait pas passé à la trappe facilement.
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Un membre éminent de l'académie de sorcellerie russe, grand ami de Dumbledore, lui rapporta dans un courrier qu'on avait retrouvé le corps d'un ancien Mangemort au fond des eaux glaciales de la Volga. Cet homme avait retourné prestement sa veste lors de la perte de puissance de Voldemort et avait trahi nombre de ses complices pour sauver sa peau. Albus songea immédiatement à Igor Karkaroff et fut bizarrement soulagé en lisant le nom de la victime : Nikita Slov. Il se surprit lui-même de sa réaction : Karkaroff était un homme froid, méprisant et lâche, il n'avait rien pour lui être sympathique. Pourtant, la nouvelle de sa mort l'aurait rendu triste. C'était sans doute tout simplement parce qu'il le connaissait… et sans doute aussi parce que ce cher Igor n'avait pas toujours été tel qu'il l'avait vu lors du tournoi des trois sorciers, pas qu'il est jamais été véritablement quelqu'un de bien ou de vraiment sympathique, mais il fut une époque où il ne manquait pas de qualités – même s'il avait déjà ses nombreux défauts.
Albus se massa les tempes. Les Mangemorts n'avaient jamais été aussi actifs, même au temps de la toute puissance de Voldemort. Tout cela ne lui disait rien qui vaille, et mis à part que Lucius Malefoy avait apparemment décidé que guérir son fils était plus important que servir Voldemort, il ne voyait aucune raison de se réjouir : bien qu'il ait envoyé Hagrid et Madame Maxime convaincre les géants de se mettre de leur côté, la majeure partie d'entre eux avait choisi de rallier le camp de Voldemort, quant aux autres, si on exceptait ceux qui avaient rejoint leurs rangs – une dizaine tout au plus –, ils ne s'étaient pas encore décidés et cette hésitation ne semblait pas en faveur de l'Ordre.
Il fallait ajouter à cela que les Détraqueurs – qu'il avait toujours honnis et dont il s'était toujours méfié – commençaient à montrer des signes évidents de leur rapprochement de Voldemort.
Néanmoins, cela, c'était logique et prévisible. Il avait d'ailleurs prévenu Cornélius Fudge à ce sujet, mais n'avait pas été écouté.
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Le président du ministère de la magie avait été forcé de reconnaître que l'influence de Voldemort avait retrouvé toute sa superbe, même si, pour le moment, il n'avait pas encore réellement montré au monde des sorciers qu'il avait recouvré toute sa puissance. Il se tenait dans l'ombre, préparant sans doute un plan de grande envergure, guettant l'heure de sa prise de pouvoir.
Dans une interview à la Gazette du Sorcier, la journaliste demanda confirmation à Fudge de la rumeur qui disait que Lucius Malefoy aurait dû participer à une des actions et donc qu'il s'avérerait être un Mangemort comme certains le soupçonnaient depuis longtemps. Fudge rétorqua en disant que cette rumeur prenait source dans les dires d'un Mangemort capturé et en se demandant comment on pouvait donner foi au témoignage d'un tel homme, sans doute cherchait-il à compromettre des citoyens éminents. La journaliste demanda ensuite ce que comptait faire le ministère pour enrayer cette vague d'attentats contre les Moldus et contre certains sorciers. Fudge parla beaucoup suite à cette question sans y apporter aucune réponse, se contentant de noyer le poisson.
Albus décida de laisser de côté ces tristes nouvelles. Il n'y avait pas que Voldemort dans la vie et, c'était triste à dire mais… il ne pouvait pas faire grand-chose pour le moment.
~oOo~
« Vous croyez que ça lui fait du bien qu'un vampire vienne le vider de son sang ?… comme s'il n'était pas déjà assez malade ! protesta Pomfresh comme un homme austère plantait une seringue dans le bras de Drago.
— Che fais un brélèfement zanguin afin de boufoir déterminer l'origine de zon mal… che n'en enlèfe pas beaucoup.
— On a déjà analysé son sang ! »
Drago gémit mollement en regardant l'aiguille piquée dans son bras. Le seizième éminent sorcier à venir dans cette infirmerie avait eu la chance de le trouver totalement amorphe ce qui lui avait permis de planter sa seringue sans aucune difficulté.
« Il y a des choses que fous n'afez zans doute pas détecté.
— Prenez-moi pour une idiote ! Je connais mon métier… et je n'ai pas été la seule à le faire en plus ! Au moins, vous auriez pu faire vos analyses avec le sang déjà prélevé !
— Le mal éfolue… le zang brélefé il y a trois chours n'est blus tout à fait le même que zelui que che brélèfe à brésent.
— Admettons », dit Pomfresh en roulant des yeux, résignée.
Mais cet homme ne détecta rien de plus que les autres à la grande misère de Lucius Malefoy qui ne savait plus vers qui se tourner. Narcissa et lui regardaient leur enfant se remuer mollement dans son lit, le front en sueur, la couverture jetée sur le sol – il ne la supportait pas et elle revenait invariablement par terre. Narcissa était au bord du lit et Lucius en retrait, non qu'il ne voulait pas se rapprocher mais il avait peur d'entendre une nouvelle fois "Papa est méchant" si son fils le voyait.
Il voyait son fils mourir sous ses yeux et il était totalement impuissant face à ça. Au moins, Narcissa pouvait-elle le rassurer en lui tenant la main et en lui parlant doucement. Lucius ne pouvait pas faire ce genre de choses, d'abord parce qu'il en était incapable – ce n'était pas dans sa nature –, ensuite parce que, même s'il avait su faire ces choses-là – qui semblaient d'ailleurs extrêmement simples quand sa femme les faisait –, son fils l'aurait repoussé. Il se sentait parfaitement inutile. Apparemment, personne ne pouvait rien pour son fils et toute sa fortune ne lui était d'aucun secours face à ce drame.
Son fils allait mourir et la seule image paternelle qu'il garderait serait celle d'un père indigne, incapable d'aimer son fils et encore moins de s'occuper de lui. Il eut soudainement envie de pleurer. Il inspira bruyamment pour ravaler ses larmes.
~oOo~
Dumbledore se rendit comme tous les jours à l'infirmerie pour voir où en était Drago. De ce côté-ci non plus, les nouvelles n'étaient pas réjouissantes, et hier, lorsqu'il avait croisé Narcissa Malefoy, son cœur s'était serré tellement le désespoir de cette femme était palpable. Ce jour-là, il croisa Rogue qui sortait de l'infirmerie pour se rendre dans son cachot afin de dispenser ses cours. Dumbledore jeta un coup d'œil à l'intérieur et vit que le couple Malefoy était là, Lucius en retrait, il avait l'air triste et soucieux.
« Il tient à son fils. Et je crois qu'il a besoin de se prouver à lui-même qu'il n'est pas un si mauvais père que ça, fit Severus à voix basse à Dumbledore.
— Pourquoi est-il si loin de lui alors ?
— Vous n'étiez pas là quand Drago l'a rejeté. Cela a été très douloureux pour lui. Je peux d'ailleurs vous assurer que ça a fait un drôle d'effet à tous ceux qui étaient présents, je ne crois pas qu'il ait envie de renouveler l'expérience. J'y vais, les troisièmes années Gryffondor doivent m'attendre. » Severus fit une moue, puis corrigea ses propos. « En fait, je ne pense pas qu'ils m'attendent vraiment, mais je dois leur donner un cours qu'ils le veuillent ou non. »
~oOo~
« Papa est méchant. »
Il s'en souvenait comme si c'était hier. Sa femme était absente, il était seul avec son fils. Le petit était tombé de sa hauteur, il n'avait pas mal à proprement parler, mais estimait sans doute qu'après une chute, on devait s'occuper de lui, on devait le consoler, que c'était un droit qu'il avait même s'il ne s'était pas fait mal. Alors il s'était mis à pleurer doucement, puis plus fort comme il ne voyait personne venir à son secours.
Il l'avait vu tomber. Il savait qu'il ne s'était rien fait, donc il n'avait pas bougé. L'enfant avait hurlé de plus belle, sa voix était stridente, elle vrillait les oreilles. Cela l'avait énervé. Au bout d'un moment, n'y tenant plus, il s'était levé et lui avait crié dessus pour qu'il se taise. Crier… ce n'était pas le terme exact, il lui avait dit de se taire d'un ton fort et sec, un ton mauvais, agressif, sans appel. Quand il y repensait, il avait sûrement dû être très effrayant à cet instant. Cela avait marché, l'enfant s'était tu instantanément et l'avait regardé avec ses grands yeux gris, d'abord apeurés, puis, lourds de reproches, et il avait dit :
« Papa est méchant. »
Ce n'était pas la petite phrase que sortent un jour ou l'autre la plupart des jeunes enfants à leurs parents, oncles, tantes, frères, sœurs et grands-parents "T'es méchant, j't'aime plus !" quand ils n'ont pas eu gain de cause sur un de leurs caprices. Non, c'était une accusation, pire : une constatation. Il ne l'avait pas dit en criant, il ne l'avait pas dit avec une moue boudeuse, il ne l'avait dit qu'une fois, il l'avait dit avec un regard sévère et sérieux.
« Papa est méchant. »
C'était inattendu de la part d'un enfant de cet âge. Quel âge avait-il déjà ? Un peu plus de trois ans si ses souvenirs étaient bons. Oui, il avait juste un peu plus de trois ans et il lui avait dit ça avec un ton, un regard et une expression on ne peut plus matures.
Cela faisait mal, tellement mal. Il en avait eu l'estomac retourné. Ce n'était pas tant la phrase en elle-même qui l'avait blessé, c'était que son fils pensait réellement ce qu'il avait dit, c'était gravé sur son visage. A cet instant, il avait été dégoûté de lui-même. Il avait changé de pièce, puis, après s'être remis d'aplomb, il était revenu près de l'enfant. Il était assis par terre, le visage quasiment sec, le regard toujours aussi accusateur, un regard qui signifiait clairement "mauvais père", il n'avait même pas besoin de le dire pour qu'on le comprenne. Il voulut se rattraper, il vint près de lui et essaya de le prendre dans ses bras, mais s'interrompit en voyant le mouvement de recul de son fils et en entendant :
« Méchant papa. »
Son fils l'avait repoussé. Et sans doute était-ce mérité.
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Il ferma les yeux, tentant de chasser cette pensée. Son fils ne se souvenait plus de sa chute, il ne se souvenait plus que son père n'était pas venu à son secours comme tout père digne de ce nom l'aurait fait, il ne se souvenait plus qu'au lieu de le consoler, il lui avait crié dessus, il ne se souvenait plus de ce qu'il avait dit et pensé si fort. Pourtant, des années plus tard, cette phrase lui était revenue en pleine face.
« Papa est méchant. »
Il se prit la tête dans les mains. Il fallait qu'il oublie ça. Cela ne servait à rien de rabâcher ce genre de pensées. Il fallait qu'il se concentre sur ce qu'avait son fils. Il ne pouvait pas se résoudre à le voir mourir. Il aviserait ensuite pour les autres problèmes.
~oOo~
Hermione consultait un livre sur les plantes rares. Madame Chourave avait prévu de faire un cours sur l'anastyse et elle tenait à prendre de l'avance, elle avait horreur d'arriver en cours sans rien connaître sur le sujet. En fait, elle aimait tout connaître sur les sujets que ses professeurs abordaient avant même qu'ils aient eu le temps de les aborder.
Ce livre indiquait le nom des plantes, les endroits où elles poussaient, leur description, leurs effets sur le corps humain et leurs utilisations dans le domaine de la médecine et de la sorcellerie. Il comportait aussi des images et des schémas détaillés. Elle était venue uniquement pour consulter le chapitre sur l'anastyse, mais, comme à son habitude, elle lisait tout le livre consciencieusement, gravant dans sa vaste mémoire toutes les informations qu'elle pouvait emmagasiner.
Elle fronça les sourcils soudainement, rapprocha les yeux du livre, entrouvrit la bouche et les mots qu'elle lisait se dessinèrent silencieusement sur ses lèvres. Elle relut le même passage plusieurs fois, le suivant d'un doigt. Au bout de plusieurs lectures, elle se laissa aller sur sa chaise et s'attarda à contempler le plafond.
Elle sembla prendre une décision, se leva brusquement, ferma le livre d'un claquement sec après avoir retenu le numéro de la page et sortit de la bibliothèque après avoir lancé à Madame Pince :
« J'emprunte ce livre ! »
~oOo~
Rogue était assis derrière son bureau à préparer son cours du lendemain. Il méditait sur la potion que Neville raterait le plus spectaculairement et souriait en spéculant sur les résultats que pourraient donner certaines potions dans les mains de cet élève maladroit. Les distractions n'étaient pas si nombreuses dans sa vie triste et dangereuse, il n'allait donc pas les bouder. Il entendit frapper à la porte, poussa un profond soupir et dit :
« Entrez. »
Hermione Granger entra et referma la porte derrière elle. Remettre Miss Je-sais-tout à sa place figurait sur la liste de ces rares distractions, mais il n'y avait aucun public pour en profiter et donc peu d'intérêt à le faire. Il décida de la congédier le plus rapidement possible.
« Miss Granger, que voulez-vous ? demanda-t-il d'un ton qui invitait à ressortir aussitôt de la pièce.
— J'aimerais vous parler de Drago Malefoy, répondit-elle sans s'attarder sur la mine renfrognée de son professeur.
— Tiens donc, fit ce dernier en fronçant les sourcils.
— Oui, car j'ai lu quelque chose. Cela ressemble à ses symptômes.
— Pousseriez-vous l'arrogance jusqu'à vous croire plus apte à découvrir ce qu'il a que Madame Pomfresh et tous les éminents spécialistes qui se sont penchés sur son cas ? »
Le ton du maître de potion était redoutable et Hermione sentit qu'il valait mieux ne pas plaisanter sur ce sujet. Elle prit son courage à deux mains pour défendre son point de vue.
« Ce n'est pas ça. C'est juste par précaution. Car si ce que je pense se révèle exact, Drago Malefoy est en danger de mort.
— Cela, nous le savions déjà. Aussi étrange que cela puisse paraître, nous n'avons pas eu besoin de votre secours pour le découvrir. »
Hermione ignora le sarcasme de Rogue et posa son livre devant lui.
« Voilà, c'est ici. C'est une maladie mortelle provoquée par une plante venimeuse : la mandriçon »
Rogue jeta un coup d'œil dédaigneux au livre.
« La mandriçon est une plante extrêmement rare. C'est par voix orale qu'elle empoisonne. Comment Monsieur Malefoy se serait-il retrouvé à manger ceci ? C'est un poison extrêmement dangereux. Il est totalement interdit. Où Drago Malefoy l'aurait-il… »
Rogue s'interrompit en pensant à Lucius, le père de Drago. Il était de notoriété publique que celui-ci avait en sa possession de nombreux poisons illicites, y compris les plus rares. Rogue reprit, la voix adoucie.
« La mandriçon provoque la mort sous peu de jours. Les plus résistants survivent deux semaines maximum… sauf s'ils ont l'antidote. Cela fait trois jours que Drago est fiévreux. Et il est plutôt maigre. Je ne crois pas qu'il soit très résistant. La mandriçon… c'est un poison très vicieux, savez-vous Miss Granger ?
— Ah ? se contenta de dire Hermione, circonspecte.
— Oui, il est totalement indétectable. »
Rogue se figea en songeant aux analyses de sang qu'il avait aidé Pomfresh à faire. Ils n'avaient rien trouvé… absolument rien. Lucius Malefoy avait les moyens et le goût pour ce genre de poison, les symptômes étaient les mêmes, rien n'avait été détecté dans le sang. Tout correspondait. De plus, il n'était pas étonnant que personne n'ait songé à ce poison, il était tellement rare. Cette plante était impossible à cultiver, elle ne poussait qu'à l'état sauvage et s'éteignait peu à peu. Rogue la connaissait uniquement parce qu'il avait été un élève du type "Hermione Granger", le genre à tout lire sur tout, à avoir une mémoire infernale et l'habitude de recaler ses professeurs sur tous les sujets.
« Je prépare l'antidote tout de suite », décida-t-il à haute voix.
~oOo~
Le lendemain, lorsqu'Hermione arriva dans la grande salle pour prendre son petit déjeuner, elle trouva le murmure des élèves beaucoup plus important que d'habitude. D'ailleurs, les élèves paraissaient beaucoup plus excités. Hermione s'assit et tout de suite, Ron attaqua.
« Hermione, t'es au courant ?
— De quoi ?
— Il paraît que Malefoy va mieux ! Il paraît que c'est son père qui l'aurait empoisonné !
— Les nouvelles vont vite, constata Hermione.
— T'as pas l'air surprise ? » remarqua Ron, visiblement déçu que cette nouvelle ait si peu d'impact sur son amie. Il s'attendait à une réaction plus vive de sa part.
« C'est moi qui ai informé Rogue de la nature du mal de Malefoy », l'informa-t-elle d'un ton neutre.
Harry et Ron en restèrent comme deux ronds de flan.
« Pardon ? » finit par éructer Ron, le nez froncé. Il avait un peu de mal à avaler ce qu'elle venait de dire. Celle que Malefoy se plaisait à appeler "Sang-de-Bourbe" – oui, bon, d'accord, il ne l'avait plus dit depuis la rentrée, mais il l'avait tellement répété avant – lui aurait sauvé la vie ?
« Je ne pense pas que son père l'ait empoisonné. Enfin, pas directement », jugea Hermione. Elle n'avait pas encore réfléchi à ça. C'était quasiment un fait avéré que Lucius Malefoy nourrissait une passion pour les poisons. D'ailleurs, comment Drago aurait-il pu se retrouver dans cet état sinon ? Mais il n'aurait pas empoisonné son propre fils… pas sciemment.
« Oui, c'est clair qu'il n'a pas fait exprès de l'empoisonner, mais il y a plein de poisons qui traînent chez lui. Tout le monde le sait ! Et moi le premier, rappelle-toi, je vous ai raconté ce que j'avais vu quand j'étais arrivé dans la mauvaise cheminée et que je suis tombé sur…
— Regardez qui voilà », intervint Ron, interrompant Harry.
Hermione et Harry regardèrent dans la même direction que leur ami. Lucius Malefoy se tenait près de la porte de la grande salle et discutait avec animation avec Dumbledore et Rogue. Narcissa, la mère de Drago, se tenait en retrait. Elle paraissait étrangement excitée et tripotait le tissu de sa robe nerveusement. Harry se surprit à lui trouver du charme.
Les trois hommes parurent se mettre d'accord sur au moins un point et partirent tous les trois. Narcissa suivit le mouvement. Les trois amis retournèrent à leurs assiettes. Ron poussa un long soupir.
« Tout de même, qu'est-ce qu'on aurait été peinards s'il en était mort.
— Ron ! » gronda Hermione.
~oOo~
Rogue, le directeur et le couple Malefoy arrivèrent à l'infirmerie. L'infirmière attendait leur venue. Elle savait à quelle heure ils venaient tous les jours et Dumbledore l'avait prévenu que lui et Rogue allaient les intercepter avant leur arrivée.
« Est-ce que Drago est réveillé ? » demanda Dumbledore à Pomfresh. Celle-ci jeta un regard hautement désapprobateur sur Lucius Malefoy qui lui rendit un regard méprisant. Pomfresh regarda ensuite la mère et eut une moue compréhensive en lisant le désir de voir son enfant en bonne santé sur son visage.
« Oui, j'ai été le voir tout à l'heure, répondit-elle. Il y a encore eu de grandes améliorations dans son état. La fièvre a baissé de deux degrés cette nuit.
— Nous pouvons le voir, oui ou non ? interrogea sèchement Malefoy.
— Oui, vous pouvez le voir, mais ne le fatiguez pas, il est encore très fragile, répondit Pomfresh avec le plus grand mépris qu'elle pouvait.
— Je sais ce qui est bon pour mon fils, lui répondit Malefoy.
— Ah oui, c'est pour ça que vous laissez des poisons traîner à sa portée ? » rétorqua Pomfresh. Avant que Malefoy ait eu le temps de répondre, Rogue s'interposa entre eux pour calmer le jeu.
« Allez voir votre fils. »
Malefoy poussa la porte de l'infirmerie et entra. Narcissa murmura à l'oreille de Pomfresh en passant à côté d'elle :
« Combien a-t-il de fièvre ?
— Moins de quarante et un, c'est plus raisonnable que ça l'a été. »
Elle entra à son tour. Drago était étendu sur le lit, la bouche entrouverte, les yeux dans le vague. La couverture ne le recouvrait qu'à moitié. Narcissa s'avança pour repositionner la couverture. Elle passa une main dans les cheveux de son fils, celui-ci tourna la tête et s'aperçut de la présence de sa mère.
« Maman. »
Narcissa s'accroupit et embrassa son fils sur le front. Lucius regardait la scène d'un œil sévère.
« Drago, Rogue nous a dit que tu avais fabriqué une potion contre les crises de foie chez nous », attaqua-t-il sans aucun préambule. Rogue avait parlé avec Drago après lui avoir fait ingurgiter l'antidote afin de savoir s'il avait vraiment ingéré de la mandriçon et pourquoi. Il lui avait demandé s'il avait ingéré un produit différent de ce qu'il pouvait avaler habituellement, Drago lui avait alors parlé d'une potion contre les crises de foie, il était retourné ensuite à un état semi comateux, il n'avait même plus la force de se remuer dans son lit comme il le faisait auparavant. Severus l'avait regardé quelques instants avant de sortir en souhaitant de toutes ses forces que l'antidote fasse son effet.
Narcissa soupira.
« Tu pourrais au moins dire bonjour à ton fils avant de l'agresser », ne put-elle s'empêcher de remarquer.
Lucius écarquilla les yeux. Il n'était pas habitué à ce que sa femme prenne ce ton pour lui parler.
« Drago, qu'as-tu mis dans cette potion ? » continua-t-il sans plus se soucier de la remarque de sa femme.
Drago mit un temps avant de répondre, le temps que l'information parvienne à son cerveau embrumé par la température et qu'il la comprenne.
« J'ai suivi ce qu'il y avait de marqué sur mon livre, répondit-il d'une voix pâteuse.
— Vraiment ?
— Oui… même que j'avais pas assez de feuilles de chrysmose », ajouta-t-il. Aux mots de son fils, Narcissa tressaillit. Lucius resta de marbre.
« Drago, as-tu été chercher des feuilles de "chrysmose" dans mon armoire ? demanda-t-il sur un ton doucereux. Tu sais que tu n'as pas le droit de toucher à ce qu'il y a dans cette armoire.
— J'avais plus de feuilles de chrysmose et y en avait », plaida Drago.
La colère que contenait Lucius et qui avait succédé au soulagement d'apprendre que son fils allait s'en sortir éclata :
« ça N'EN ETAIT PAS ! Drago, je t'ai interdit de t'approcher de cette armoire ! Sais-tu ce que signifie le terme "obéissance" ?
— NE LUI CRIE PAS DESSUS ! » hurla Narcissa, puis, elle se rendit compte qu'elle venait elle-même de crier, elle baissa d'un ton. « Ce n'est pas sa faute si son père entrepose toutes sortes de produits dangereux. Ce n'est pas sa faute non plus si les feuilles de chrysmose ressemblent comme deux gouttes d'eau à la mandriçon. Rien ne serait arrivé si TU n'en avais pas eu dans CE placard. On n'a pas idée d'avoir des choses pareilles chez soi ! »
Dans le couloir, Dumbledore se tourna vers Rogue.
« J'en connais plus d'un au ministère qui serait ravi de faire une petite perquisition dans ce placard », dit-il. Il n'avait pas perdu un mot de ce qui se disait de l'autre côté.
« Comme Arthur Weasley par exemple ?
— Oui, Severus. Surtout qu'après ce qui s'est produit, Lucius ne pourra pas s'opposer à une inspection du ministère de la magie, malgré toutes ses relations très haut placées.
— Tout de même, vous vous rendez compte, son propre fils… En plus, il lui crie dessus ! » s'indigna Pomfresh, outragée par l'attitude du père de Drago. Il avait un peu remonté dans son estime avec les derniers évènements, mais replongeait de nouveau au bas de son échelle des valeurs depuis qu'elle avait compris qu'il était responsable de son état et devant son attitude actuelle.
« Il est en colère contre lui-même. Il sait que c'est de sa faute, affirma Rogue en haussant les épaules.
— Vous êtes sûr de ça ? s'assura Dumbledore.
— Oui. »
Dumbledore se pinça la barbe d'un air pensif.
« Oui, je pense que vous avez raison.
— Vous croyez vraiment qu'il va laisser faire une inspection du ministère ? Il va cacher tous ses produits illicites avant qu'ils arrivent, non ? Il n'est pas idiot, fit Pomfresh.
— Vous qui pensez bien le connaître : comment croyez-vous qu'il va réagir ? demanda Albus à Rogue.
— Il ne va pas se précipiter chez lui. Il va rester à Pré-au-lard et continuer à venir voir son fils jusqu'à ce qu'il se rétablisse entièrement. Pour ce qui est de la perquisition, je crois qu'il ne pense absolument pas à ce genre de choses en ce moment. De plus, s'il se débarrasse de ses poisons, cela sera pour une tout autre raison que la peur de voir les inspecteurs du ministère arriver chez lui. D'ailleurs, s'il ne le fait pas lui-même, je crois que Narcissa s'en chargera pour lui. Si vous tenez à l'attraper, dépêchez-vous de prévenir le ministère, mais faites-le en cachette de Fudge.
— J'ai l'impression de le prendre en traître », remarqua Dumbledore en fronçant les sourcils. Lucius Malefoy paraissait s'être amélioré depuis quelques temps, cela l'embêtait de lui faire ce coup-là maintenant en sachant qu'il y avait de grandes chances pour qu'il se débarrasse lui-même de ses poisons.
« Dites-vous que vous lui rendez service », lui proposa Rogue.
~oOo~
Narcissa et Lucius sortirent de l'infirmerie.
« Je suppose que j'ai des remerciements à faire ? » s'enquit Lucius d'un ton réticent.
Narcissa leva les yeux au ciel, poussant un profond soupir, sûrement à cause du "je suppose" de son mari.
« Qui dois-je remercier ?
— Hermione Granger », répondit Severus Rogue, sautant sur l'occasion.
Granger ?… ce nom… son fils avait déjà mentionné ce nom… c'était la Sang-de-Bourbe ! Il devait la vie de son fils à une… c'était impossible !
Lucius Malefoy avait de la peine à assimiler cette information, un blocage qui venait de presque vingt ans en arrière, à un moment crucial de sa vie où il avait décidé que les sorciers d'ascendance Moldue n'étaient pas des sorciers dignes de ce nom et que les Moldus ne valaient rien, un instant de sa vie où tout avait basculé dans son esprit, lui qui n'avait jamais pensé grand-chose des Moldus jusqu'ici, pas plus en mal qu'en bien. Il s'était habitué durant ces vingt dernières années à cette idée que les Moldus étaient une espèce nuisible, et voilà qu'on lui annonçait qu'une Sang-de-Bourbe, une descendante de ces Moldus qu'il haïssait tant, avait sauvé la vie de son fils.
« C'est elle qui a découvert que votre fils avait été empoisonné et avec quoi. Elle est venue me trouver et m'a expliqué. J'ai ensuite fabriqué l'antidote. »
Lucius hocha la tête.
« Où peut-on la trouver ? Il faut que je la remercie. D'ailleurs, je ne la remercierai jamais assez », fit Narcissa.
Les bras de Lucius en tombèrent. Son épouse avait-elle perdu l'esprit ? Comment pouvait-elle émettre le souhait de remercier une Sang-de-Bourbe ? Il avait déjà du mal à réaliser qu'il devait la vie de son fils à une descendantes de ces moins que rien de moldus et voilà que sa femme voulait la remercier, peut-être même la récompenser, qui savait ?
« Rengaine donc ton orgueil mal placé, pauvre imbécile, tu lui dois la vie de ton fils », se sermonna-t-il. Cependant, il avait beau se répéter cela, il ne parvenait pas à se sentir redevable du moindre élan de gratitude envers une Sang-de-Bourbe.
Un seul regard de Narcissa à son mari lui suffit pour comprendre le fond de sa pensée.
« Je ne crois pas qu'elle soit encore dans la grande salle. Elle doit être partie en cours. Tiens, d'ailleurs, je suis en retard pour donner le mien, s'aperçut Rogue.
— Ce n'est pas grave, ce sera pour une prochaine fois », répondit Narcissa en pensant que ça ne serait peut-être jamais étant donné ce que son mari pensait de l'adolescente. Peut-être changerait-il d'avis, il fallait lui laisser le temps de s'habituer à cette idée, il ne fallait pas être pessimiste. Cependant, elle le connaissait trop bien pour être optimiste, Lucius était bien trop fier pour s'abaisser à remercier quelqu'un dont il avait toujours jugé la race inférieure, il était vain de nourrir cet espoir.
Avant de partir, elle murmura à Rogue de remercier Miss Granger de sa part et aussi de celle de son époux, car même s'il risquait de ne jamais vraiment se l'avouer, elle savait qu'au fond de lui, il lui serait toujours infiniment reconnaissant de ce qu'elle avait fait.
Elle ne mentait pas.
~oOo~
Trois jours plus tard, Hermione, Harry et Ron s'installèrent dans la grande salle à la table des Gryffondor. L'ambiance était redevenue normale à présent – autant qu'elle pouvait l'être dans cette école –, du moins jusqu'à ce qu'un des élèves fasse une entrée remarquée – bien qu'elle ne soit pas remarquable, car il n'avait rien fait pour attirer l'attention –, c'était Drago Malefoy qui, à peu près remis, était prêt à reprendre le cours de sa vie d'étudiant.
Un murmure se propagea dans la salle quand il arriva : une élève de Serdaigle le remarqua qui fit passer l'information à sa voisine et ainsi de suite. Bientôt toute la salle fut quasiment silencieuse et pratiquement tous les élèves le regardaient. Jusqu'à ce jour, Drago n'aurait rien eu contre de faire une entrée pareille, en d'autres circonstances il s'en serait même enorgueilli. Dans le cas présent, il était convalescent. Sa maladie l'avait fragilisé, aussi bien physiquement que moralement et les regards inquisiteurs posés sur lui le gênaient considérablement. Il savait qu'ils épiaient tous son visage d'une pâleur mortelle. Il savait qu'ils étaient tous au courant que c'était à cause d'un poison de son père qu'il était tombé gravement malade. Il s'empressa de rejoindre la table des Serpentard et s'assit aux côtés des éternels Crabbe et Goyle. Il n'avait jamais été aussi content qu'ils soient de chaque côté de lui : ils le dissimulaient.
Harry, Ron et Hermione n'avaient pas échappé à la règle, ils avaient eux aussi regardé attentivement Drago. Même Ron n'avait pu s'empêcher d'avoir pitié pour Malefoy en voyant son teint livide et ses yeux fuyants. Peu à peu, et au grand soulagement de Drago, les élèves l'oublièrent et reportèrent leur attention sur leur petit déjeuner et leurs voisins proches.
Les rapaces firent à leur tour une entrée remarquée. Hedwige vint se poser sur l'épaule d'Harry, il lui donna un peu de son petit déjeuner et ouvrit le courrier qu'elle lui avait apporté. C'était une lettre d'Hagrid qui leur annonçait – Harry pouvait lire son enthousiasme dans sa lettre – qu'il avait récupéré de toutes nouvelles créatures. Harry fit une moue angoissée et répéta l'information à ses deux amis.
« Aïe ! Pour qu'il n'ait même pas la patience d'attendre le prochain cours pour nous l'annoncer, c'est qu'elles doivent être particulièrement horribles ces bêtes, remarqua judicieusement Hermione.
— Oh ! J'ai une lettre de ma mère, s'exclama Ron.
— Que raconte-t-elle de beau ? »
Ron parcourut le courrier rapidement.
« ça alors ! Mon père a fait une inspection chez les Malefoy ! »
Hermione et Harry le regardèrent avec des yeux écarquillés.
« Il a enfin pu la faire ? Depuis le temps qu'il en rêvait.
— C'est ce qui s'est passé avec son fils qui a dû permettre une inspection. Malefoy pouvait difficilement la rejeter devant la gravité de l'événement, expliqua Hermione posément.
— Tu as raison. Ils ont organisé cette inspection en secret et sont venus à cinq. Ils ont trouvé tout un tas de poisons illicites. Parmi les plus dangereux et les plus rares. Hum… apparemment, Malefoy va en être quitte pour la perte de ses poisons, une grosse amende et une surveillance accrue. C'est peu si on regarde ce qu'il y avait chez lui à ce que dit ma mère. Mon père a trouvé Malefoy très perturbé, ma mère suppose que c'est sans doute parce que son fils a failli mourir à cause de lui. »
La lettre se terminait en ces termes : "A propos, comment va Drago Malefoy ?". Ron se tourna vers la table des Serpentard, Drago était à peine visible, il s'était calé entre ses deux acolytes, ratatiné sur sa chaise, jetant des regards inquiets partout autour de lui. Sa maladie l'avait fragilisé en profondeur. Ron eut une moue dubitative en songeant que Drago était tout à fait le genre à vouloir se faire plaindre, ceci étant, il était vrai que les circonstances s'y prêtaient mal.
Ron se mit à réfléchir à ce qu'il allait à répondre à sa mère, il pensa à quelque chose du style "Hélas, il est vivant", se dit que ça pourrait choquer sa génitrice et jugea préférable d'opter pour un sobre "Il se porte mieux". Il écrirait à sa mère dès qu'il le pourrait.
Ils changèrent de sujet. Hermione leur parla d'un devoir qu'ils avaient à faire en songeant à haute voix qu'il allait falloir s'y mettre rapidement.
« Hermione, décompresse de temps en temps. C'est pour dans deux semaines, on a le temps. En plus, on vient à peine de nous le donner, fit Harry.
— D'ici là, on aura eu d'autres devoirs et… »
Elle s'interrompit en voyant Drago s'approcher d'eux. Il avait l'air considérablement mal à l'aise, il fallait dire qu'il n'était pas habitué à l'exercice auquel il allait se livrer : remercier Hermione Granger.
« Hum, bonjour, salua-t-il, hésitant.
— Bonjour, répondirent en chœur les trois amis, très étonnés de sa présence soudaine et empreinte d'humilité à leurs côtés.
— Hermione, le professeur Rogue m'a dit que c'était toi qui avais trouvé la cause de ma maladie, murmura-t-il.
— C'est exact, confirma la jeune fille, notant au passage que Drago l'avait appelé par son prénom pour la première fois en cinq ans.
— Il m'a dit que ça avait permis de me guérir… et de me sauver la vie car je serais mort à brève échéance sinon.
— Il paraît, dit sobrement Hermione.
— Donc, bon, voilà, je voulais juste te… remercier. »
Hermione hocha lentement la tête en tentant d'assimiler ce qu'elle venait d'entendre : Drago qui la remerciait, voilà qui était inespéré ! Elle contint son enthousiasme.
« De rien, c'est normal.
— Non, pas tellement, l'inverse se serait produit, je t'aurais laissé crever », avoua Drago en toute franchise. Assister des Sangs-de-Bourbe en danger ne rentrait pas dans le cadre de son pari avec Geena Johnson, surtout quand il s'agissait d'Hermione Granger, grande amie du Grand Harry Potter, le chouchou de Dumbledore. Ceci étant, lui était le chouchou de Geena Johnson et personne ne l'ignorait. Sans compter que Rogue avait une nette tendance à le favoriser – mais ça, c'est parce qu'il était de la maison Serpentard. Disons que l'équilibre était respecté.
« J'admire ta franchise, Drago », articula Hermione difficilement. C'était franc, mais c'était brutal. Peut-être allait-ce de paire. Peut-être était-il difficile d'être véritablement franc tout en faisant preuve de tact.
Drago s'était rendu compte aussi de la crudité de son aveu car il s'empressa d'ajouter : « Maintenant, c'est différent. J'aurais sûrement une réaction différente si… enfin bref, merci. »
-
Drago retournait à la table des Serpentard quand Ron l'interpella.
« Malefoy ! Attends, je veux te montrer quelque chose. »
Drago se tourna et fronça les sourcils. Il eut peur un instant que Weasley veuille profiter de sa faiblesse pour se moquer de lui.
« Ma mère m'a envoyé une lettre. Elle te concerne directement », fit Ron en tendant le parchemin à Drago. Ce dernier revint vers lui pour saisir la feuille. « Elle n'écrit rien d'intime. Je peux donc te laisser lire », crut bon d'ajouter Ron. Drago parcourut la lettre qu'avait écrite Madame Weasley, eut l'air en colère et balança le papier à la figure de Ron.
« Mon père serait perturbé à cause de ce qui m'est arrivé ? La seule chose qui le perturbe, c'est la perte de ses poisons adorés ! Il s'en fiche pas mal de ce qui m'arrive tant que ça ne dérange pas le cours de sa précieuse vie et ses mauvais desseins ! »
Il tourna les talons et sortit de la grande salle d'un pas vif. Toutes les personnes présentes avaient de nouveau tourné la tête en direction de Drago, cette fois à raison : alors qu'il avait quasiment murmuré pour formuler ses remerciements à Hermione, il avait largement haussé le ton pour dire ce qu'il pensait de son père. Hermione, Harry et Ron étaient quelque peu désarçonnés. Aucun des trois ne s'attendait à ça.
Rogue et Johnson avaient tous deux observés le départ de Drago. Ils se levèrent de table.
~oOo~
Drago était revenu dans la salle commune des Serpentard, il était seul et s'excitait sur un fauteuil, genoux sur l'assise, frappant le dossier de ses poings pour sortir la rage de son cœur. Il en avait quelquefois voulu à son père, parce qu'il ne le trouvait pas assez présent, parce qu'il trouvait qu'il ne faisait pas attention à lui. C'était la première fois qu'il le détestait autant.
« Que vous a donc fait ce fauteuil ? » demanda la voix de Severus Rogue derrière lui. Drago se tourna vers lui.
« Je le déteste !
— Ce fauteuil ? Il m'a pourtant l'air très confortable, s'étonna Rogue.
— Je déteste mon père ! précisa rageusement l'adolescent.
— Pourquoi ? » demanda une voix féminine.
Drago remarqua alors que Geena Johnson accompagnait le maître des potions.
« Pourquoi le détestes-tu ? Je veux dire : pourquoi maintenant ? Pourquoi maintenant plus qu'avant ? C'est à cause du poison ? Parce que c'était le sien ?
— La seule fois où il est venu me voir, c'est parce qu'il avait appris que j'avais touché à ses précieux poisons. Il était furieux parce qu'il savait que ça risquait de lui attirer des ennuis. Il n'en a rien à faire de moi !
— Monsieur Malefoy, mesurez donc vos paroles, vous dites n'importe quoi. Votre père est venu vous voir tous les jours dès qu'il a connu votre état. Simplement la seule fois où il s'est montré, vous étiez en plein délire et vous l'avez rejeté. Il a alors préféré ne pas se montrer les fois suivantes. Comme c'est paradoxal, pour une fois que votre père s'inquiète pour vous, vous vous mettez à le détester.
— Drago, tes parents sont restés à Pré-au-lard tout le temps de ta maladie. Ils étaient très inquiets. Tous les deux. Pour ton information, Celui-que-tu-sais a été très actif durant cette période. Nous avons la preuve formelle que ton père n'a participé à aucune de ses actions puisqu'il était à ton chevet ou à Pré-au-Lard en train de discuter avec des sorciers de renommée mondiale pour te trouver un antidote. Il a été réellement bouleversé en apprenant que tu avais failli mourir. Encore plus en apprenant que c'était par sa faute. Il tient vraiment à toi. Il ne te ferait aucun mal sciemment. Je suis sûre et certaine qu'il culpabilise pour cette histoire. Ton père a déjà beaucoup de choses à se reprocher, n'en rajoute pas à tort. »
Drago baissa les yeux vers le sol. Si elle disait la vérité, cela signifiait que son père l'avait préféré au Seigneur des Ténèbres, cela paraissait invraisemblable : son père éprouvait une sorte de terreur mêlée d'intéressement malsain pour son maître. Malgré cela, Drago décida qu'elle disait la vérité, car cette vérité, même si elle lui paraissait improbable, lui plaisait. Il avait envie d'y croire.
« Il va être temps d'aller en cours », constata Rogue.
Geena et Drago hochèrent tous deux la tête et suivirent Rogue vers la sortie de la maison Serpentard. Rogue se sépara d'eux pour aller vers son cachot. Johnson et son élève firent encore quelques pas ensemble.
« Vous rappelez-vous de ce que vous m'avez proposé il y a quelques temps de cela ? demanda Drago.
— Tu… tu parles de m'emmener aller rencontrer ton père… chez lui ? précisa Geena qui n'osait croire en sa chance.
— Oui. Je suis d'accord. Si vous m'avez dit la vérité, c'est le moment ou jamais. »
