Tout bien considéré…
Par Maria Ferrari
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Les personnages et l'univers de Harry Potter appartiennent à J..
Base : Tomes 1 à 4 de Harry Potter
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—Chapitre 7 – Avant la rencontre—
D'accord… Drago était d'accord… il allait l'emmener voir son père… la deuxième étape de son plan était en route… enfin, pas encore tout à fait, il ne fallait pas qu'il change d'avis, il ne fallait pas lui laisser le temps de changer d'avis.
« On ira ce week-end, je vais demander une permission de sortie pour toi à Dumbledore. On fera la surprise à tes parents, qu'en dis-tu ?
— J'en dis que c'est une mauvaise idée. Ceci étant, c'est vous qui l'avez eue.
— Tu crois que ce serait préférable d'annoncer ma venue ? »
Drago fit la moue. De toute façon, de quelque façon qu'ils s'y prennent, il y avait peu de chance pour que son père le prenne bien.
« A la réflexion, non. Vous avez raison, il vaut mieux leur faire la surprise. »
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Les cours passèrent très lentement pour Geena ce jour-là. Elle n'avait jamais trouvé une journée aussi longue. Elle avait été tentée d'aller voir le directeur dès la première pause, mais elle ignorait quelle allait être la réaction du vieil homme. Il risquait de faire les mêmes objections que Drago lorsqu'elle lui avait demandé la première fois : Drago et Lucius, ce n'était pas le même calibre, ils n'avaient pas le même âge, pas le même vécu, pas le même caractère, pas la même envergure. Et puis, il lui avait demandé de faire évoluer les mentalités de certains élèves, pas de s'occuper de celles de leurs parents (bien que pour Geena, les deux étaient souvent étroitement liées). Il valait donc mieux qu'elle ait un peu de temps devant elle au cas où il faudrait le convaincre que cette opération ne comportait pas vraiment de risques et ne pouvait être que bénéfique.
Son dernier cours de la journée achevé, elle partit vers la salle des professeurs. Elle avait consulté l'emploi du temps des cinquièmes années Serpentard, Drago avait encore une heure de cours de métamorphoses devant lui. Elle voulait qu'il vienne avec lui pour prouver à Dumbledore qu'il était consentant tout en étant conscient de ce qu'elle lui demandait.
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Un peu avant la fin des cours de cette journée, Geena partit vers la salle de classe de Minerva McGonagall afin d'être sûre de ne pas manquer Drago. La porte s'ouvrit, les élèves sortirent les uns après les autres. Pansy confiait à Cassandra qu'elle aimerait bien changer de coupe de cheveux et lui demandait si elle pensait qu'une coupe à la garçonne lui irait bien, à moins qu'elle se fasse faire un carré, qu'est-ce qu'elle en pensait ?
Derrière Pansy, Cassandra et Millicent vinrent Drago, Vincent et Gregory. Vincent assurait qu'il avait réussi sa métamorphose le premier, ce que ses deux compagnons semblaient mettre en doute.
« Forcément, vous ne l'avez pas vu, vous fixiez vos plumes ! N'empêche que c'est moi qui, le premier, a transformé la mienne en édredon.
— On te croit Vincent », assura Drago d'un ton qui infirmait ses dires. Vincent avait toujours été très moyen en métamorphoses, tandis que Drago excellait dans cet exercice. Il ne voyait donc pas comment Vincent aurait pu être plus rapide que lui. D'ailleurs, Gregory ne le voyait pas non plus.
Drago avait commencé à appeler Crabbe et Goyle par leurs prénoms quand ils avaient commencé à mieux se connaître, les cours de Geena n'avait pas seulement ouvert Drago au monde Moldu mais aussi aux gens qui l'entouraient. Ses deux compagnons Serpentard n'étaient plus des espèces de gardes du corps, mais bien des amis dorénavant.
Geena posa une main sur l'épaule de Drago qui ne l'avait absolument pas vue.
« Je vais parler à Dumbledore de la sortie. Tu viens avec moi ? »
Elle se mit en chemin aussitôt ses quelques mots prononcés sans lui laisser le temps de répondre. Il lui emboîta le pas après avoir dit à Crabbe et Goyle qu'il les retrouverait à la salle commune des Serpentard. Gregory se tourna vers Vincent en ayant l'air de se demander quelle était donc cette sortie dont Miss Johnson avait parlée, Vincent lui répondit par un mouvement d'épaules et une moue car il en savait autant que son ami sur ce sujet.
Après avoir longé deux couloirs et emprunté un escalier, Geena et Drago arrivèrent devant la gargouille qui gardait l'entrée du bureau et des appartements de Dumbledore.
« Pain au chocolat », énonça Geena. La porte s'ouvrit, ils montèrent tous les deux l'escalier en colimaçon. Geena frappa à la porte et la voix de Dumbledore les invita à entrer, ce qu'ils firent sur le champ. C'était la première fois que Drago entrait dans le bureau du directeur, il n'en avait jamais eu l'occasion durant les cinq années qu'il avait passées à Poudlard. Il était malgré lui un peu intimidé et heureux de pénétrer dans ce sanctuaire dans lequel Potter avait eu tant de fois le droit d'entrer.
La première chose qu'il vit en entrant fut Fumseck le phœnix en train de se mordiller les pattes – elles le démangeaient peut-être –, l'oiseau délaissa sa besogne le temps de jeter un coup d'œil dédaigneux et rapide aux nouveaux arrivants et retourna à sa tâche. Drago vit ensuite le maître des lieux, Albus Dumbledore, directeur de la prestigieuse école Poudlard, un des plus grands sorciers de tous les temps, en train d'arroser une plante avec un petit arrosoir en métal décoré d'une fleur peinte. Cette scène était en tel décalage avec ce que représentait Dumbledore qu'elle avait quelque chose de ridicule, à la limite de l'absurde. Le côté positif c'était que Drago n'était pour le coup plus du tout impressionné de se trouver là.
Le jardinier posa son arrosoir sur son bureau et se tourna vers Geena avec un sourire contrit.
« Je n'ai pas la main très verte, confia-t-il. J'ai déjà failli la faire mourir deux fois. Monsieur Malefoy, je suis content de vous voir debout, comment vous sentez-vous ? ajouta-t-il dans un sourire plus prononcé en s'adressant au jeune homme.
— ça va.
— Vous êtes encore un peu pâle. Enfin, je veux dire, un peu trop pâle.
— Je vais reprendre le peu de couleurs que j'avais avant ma maladie au fur et à mesure.
— ça vous fait plaisir de reprendre les cours ?
— Oui, j'ai pris un peu de retard mais je devrais le rattraper rapidement.
— Vous vous débrouillez bien en général, vous ne devriez y avoir aucun mal. L'arithmancie va peut-être vous poser un peu plus de problèmes, mais il faut dire que cela n'a rien d'une matière facile en temps normal, alors quand en sus on manque des cours… »
Ces paroles réchauffèrent le cœur de Drago. Dumbledore pensait qu'il se débrouillait bien ? Il avait l'air au courant de ses capacités et de ses faiblesses. Il était exact qu'il peinait un peu en arithmancie par moment et dès qu'il ne tendait plus une oreille attentive au professeur – ne serait-ce que quelques secondes – il ne comprenait plus rien et était obligé de tout se faire expliquer par Pansy le soir même. Il avait d'ailleurs l'impression qu'elle aimait bien sentir qu'il avait besoin d'elle, elle lui avait même déjà proposé de lui faire réviser tout ce qu'ils avaient vu pendant son absence. Voilà qui lui promettait de belles soirées réjouissantes en compagnie de Pansy la collante à tenter de faire rentrer dans sa tête des connaissances qui refusaient obstinément d'y séjourner plus d'un quart d'heure. Mais bref, le fait que Dumbledore sache qu'il était plutôt bon dans toutes les matières sauf en arithmancie signifiait qu'il s'intéressait un minimum à lui. Drago avait toujours cru qu'il n'y avait que les sacro-saints Gryffondor qui comptaient à ses yeux, notamment ce bon vieux Harry Potter. Finalement, Dumbledore n'était peut-être pas aussi exclusif qu'il l'avait cru.
Quelqu'un frappa à la porte.
« Encore de la visite ! Quelle chance j'ai aujourd'hui. Entrez, entrez. »
Rogue ne se fit pas prier et pénétra dans le bureau.
« Pardon, vous êtes déjà occupé, je repasserai plus tard.
— Mais non ! Restez donc, plus on est de fous… » Dumbledore parcourut ses visiteurs du regard. « Nous n'allons pas rester tous debout comme des idiots, prenez donc des sièges et installez-vous. »
Avant de s'asseoir, Rogue regarda Drago et une question silencieuse se dessina sur ses lèvres. "ça va ?" crut comprendre Drago, il lui adressa un sourire et un hochement de tête en réponse.
« Je vous offre une bièraubeurre histoire de fêter le retour de Drago Malefoy parmi les gens en bonne santé ? demanda joyeusement Dumbledore.
— Attendez donc que je sois complètement remis pour fêter quoi que ce soit. Par contre, j'aimerais bien un verre d'eau.
— Allez-vous servir à la fontaine. Son eau est un vrai délice. »
Albus désignait du doigt une vasque qui trônait de l'autre côté de la pièce. Drago se leva et alla se servir.
« Bon, que me vaut votre venue à tous ?
— J'ai décidé de me rendre chez Lucius Malefoy. Drago va m'accompagner », dit Geena aussitôt. C'était les premiers mots qu'elle prononçait depuis son arrivée dans le bureau.
Rogue sursauta et la regarda comme si elle était quelque bête curieuse.
« Vous êtes folle ! s'exclama-t-il.
— Non, tout ce qu'il y a de lucide.
— Vous allez vous précipiter dans la gueule du loup !
— Laissez tomber, professeur, je lui ai déjà dit tout ça la première fois qu'elle m'a proposé cela, intervint Drago en revenant près d'eux un verre à la main.
— Pourquoi voulez-vous vous rendre chez lui ? demanda Dumbledore, le visage soucieux.
— Pour le convaincre de changer de cap.
— C'est stupide ! Vous croyez que vous allez le faire changer comme ça ? fit Rogue.
— ça aussi, je lui ai déjà dit, fit Drago.
— Tout le monde peut changer.
— Pas lui. Pas après ce qui s'est passé.
— Severus, vous avez bien changé, vous !
— C'est différent. Lucius Malefoy et moi sommes deux personnes tout à fait différentes. Nous ne réagissons pas de la même façon. La seule chose qui pourrait faire changer Lucius Malefoy, c'est qu'un autre événement aussi tragique se produise dans sa vie, mais que, cette fois, la responsabilité en incombe au Seigneur des Ténèbres. Cela, ça contrebalancerait complètement les choses. Mais nous ne pouvons souhaiter un tel événement. »
Drago fit une grimace et roula des yeux. Cela l'agaçait de les entendre parler à mots couverts. Quel était au juste cet événement tragique ? Qu'est-ce qui était arrivé à son père pour qu'il devienne Mangemort ? Quel était le rapport avec Rogue ?
« Pourquoi mon père est-il devenu ce qu'il est aujourd'hui ? »
Geena s'apprêtait à répondre à Rogue au moment de l'intervention de Drago. Elle s'interrompit, Rogue détourna les yeux et Drago comprit qu'il ne voulait pas en parler, pourtant, il en avait parlé à Johnson… mais elle avait une sorte de don pour ce genre de choses.
« Après tout, si vous avez des tendances masochistes ou suicidaires, ça vous regarde. Faites donc ce que vous voulez », déclara Rogue juste avant de se lever et de sortir.
Johnson regarda la porte se fermer puis se tourna vers Dumbledore.
« Faites ce qui vous semble le plus approprié, décida celui-ci. Mais surtout : prenez garde à vous.
— Je sais ce que je fais. Et je le fais en toute connaissance de cause.
— Veillez sur votre professeur, Monsieur Malefoy. Votre père ne lui fera rien s'il sent que vous l'appréciez.
— Comment pouvez-vous être sûr de ça ?
— Votre père a énormément de défauts et la haine et le mépris sont sans doute les sentiments majeurs qu'il ressent. Cependant, il tient à vous et je ne pense pas qu'il ferait quelque chose en connaissance du mal que ça pourrait vous occasionner.
— Si vous le dites…
— Vous n'avez pas l'air de me croire. »
Drago haussa les épaules. L'épisode de son empoisonnement l'avait fait sérieusement douter de l'affection que son père lui portait – même si Rogue et Johnson lui avaient garanti qu'il avait été très inquiet durant sa maladie et qu'il avait fait tout ce qui était en son possible pour le guérir.
Drago n'avait pas constaté de visu l'intérêt qu'avait démontré son père pour lui, il voulait y croire, il essayait d'y croire et savait que Rogue et Johnson ne lui mentiraient pas, mais il y avait quelque chose de cassé entre eux maintenant : son père allait devoir réparer. Et il ne fallait pas oublier que Lucius Malefoy avait toujours été bon comédien, il en avait abusé plus d'un, il jouait peut-être très bien le rôle du père effondré.
Son opinion sur son père était en dents de scie depuis ce matin. Un instant, il se disait qu'il l'aimait mais qu'il était simplement maladroit avec cette sorte de choses, incapable de démontrer ses sentiments, l'instant d'après, il se disait que tout ce qu'il aimait, c'était ce qui servait ses intérêts, ou tout au moins, ce qui ne les desservait pas.
« J'aimerai vous croire. Cependant, mon père n'a jamais fait grand-chose pour me montrer qu'il tenait à moi.
— Tu ne t'en es sans doute pas rendu compte. Comme pendant ta maladie : tu ne l'as pas vu, pourtant il était là. » Geena le regarda pensivement, elle cherchait sans doute ce qui pourrait le convaincre que son père l'aimait. « Je suis certaine qu'il a des petites attentions pour toi, assura-t-elle.
— Il me couvre de galions, c'est tout ce qu'il sait faire.
— Il y a des gens qui ne savent pas montrer autrement leur affection. » Une pause. « Tu n'apprécies pas les cadeaux qu'il t'offre ?
— Il y a encore peu de temps, j'aimais ça et j'en profitais au mieux. Mais j'ai changé. Et contrairement à vous, je ne pense pas que ça soit sa façon de m'aimer. Non, c'est juste une façon comme une autre montrer au monde sorcier combien il est riche "Regardez : mon fils a tout ce dont il a besoin, tout ce dont il rêve et même plus."
— Vous paraissez complètement désenchanté », constata tristement Dumbledore.
Drago haussa les épaules à nouveau. Désenchanté, oui, c'était le mot. Récemment, il était tombé de son petit nuage, son petit bonheur factice créé à coups de galions paternels. Si personne ne semble vous aimer véritablement, réfugiez-vous dans le matérialisme, les objets ne vous rendront pas l'amour que vous leur porterez, mais comme cela sera parfaitement normal, vous n'en serez pas plus malheureux. Et puis, lorsque de temps en temps vous descendrez de votre petite planète matérialiste, votre manque d'amour vous submergera. Jusqu'ici, dans ces moments-là, Drago était bon pour une petite déprime – réparée à coups de friandises – et s'empressait de remonter sur sa petite planète, mais sa maladie avait tout bouleversé, un séisme qui avait creusé des lézardes profondes dans son abri psychologique, sa planète n'était plus habitable, tout était à reconstruire, et pour l'instant, il était physiquement et mentalement trop fragile pour se lancer dans cette tâche monumentale.
« Ne laissez pas ce genre de pensées assombrir votre esprit. Je peux vous jurer que votre père tient à vous. J'en ai été témoin. »
Qui aurait cru qu'un jour il défendrait Lucius Malefoy ? Un Mangemort, un disciple de Voldemort, quelqu'un qui avait certainement tué, celui qui avait osé donner le journal de Tom Jedusor à une élève…
Drago regarda Dumbledore. Même s'il donnait l'impression d'avoir la confiance facile, il n'avait pas la réputation d'un homme qu'on abusait facilement. S'il lui affirmait que son père s'inquiétait pour lui, il y avait toutes les chances pour que ça soit vrai. Il eut un sourire reconnaissant et sut qu'il dormirait le cœur plus léger cette nuit.
~oOo~
Vendredi, vingt deux heures, Drago décida de s'arracher à la contemplation du feu dans l'âtre. Il était temps car Pansy commençait à s'inquiéter et elle prévoyait de lui mettre une gifle pour le sortir de sa torpeur. Surtout que c'était vexant, elle lui expliquait gentiment les principes d'arithmancie – elle donnait d'elle-même bon sang – et lui, il ne se donnait même pas la peine de l'écouter, ni même de faire semblant.
« On va peut-être aller se coucher non ? »
Pansy eut l'impression pendant une demi-seconde qu'il s'agissait de se coucher dans le même lit. « Dortoirs séparés, ma fille, où est-ce que tu te crois ? » rectifia-t-elle intérieurement.
Drago joignit le geste à la parole en ramassant ses affaires. Cela faisait maintenant deux heures que Pansy le bassinait avec cette fichue matière. Il n'en pouvait plus et de toute façon, ça ne servait à rien : comprendre l'arithmancie était un exercice délicat pour lui, comprendre l'arithmancie expliquée par Pansy était une corvée, mais comprendre l'arithmancie expliquée par Pansy alors que la seule chose qui lui occupait le cerveau était la rencontre Geena Johnson vs Lucius Malefoy, là, c'était une gageure, autant lui demander de traverser l'Atlantique à la nage, et encore, même ça, il avait plus de chances de réussir.
Autant aller dormir. Surtout qu'il faudrait se lever tôt demain.
~oOo~
Les Serpentard mâles eurent des raisons de se plaindre ce samedi matin-là. Drago Malefoy se leva à sept heures, alluma sa lumière et alla prendre une douche. Une bonne partie du dortoir fut réveillée malgré ses tentatives pour être discret et ne gêner personne. Ses va-et-vient incessants – pour prendre savon, son peigne, changer d'habits – eurent raison du sommeil de quelques Serpentard qui n'auraient rien demandé de mieux que de pouvoir faire un semblant de grasse matinée, le petit déjeuner étant servi jusqu'à dix heures le weekend.
Le départ du Poudlard Express était prévu à huit heures. Drago passa la bandoulière de sa besace par-dessus sa tête et sortit du dortoir au grand soulagement de ses camarades. Geena Johnson l'attendait à la grande porte du château. Ils partirent tous les deux en direction de la gare.
Il n'y avait pas que les étudiants qui prenaient le Poudlard Express. Ce train acheminait aussi les sorciers et sorcières qui voulaient venir à Pré-au-lard ou en partir et ne pouvaient ou ne voulaient utiliser le transplanage pour diverses raisons, ce qui évitait au train de rouiller dans quelque gare pendant le reste du temps où les étudiants ne s'en servaient pas. Drago s'installa et posa son sac à côté de lui, Geena Johnson s'assit en face de lui.
« Qu'est-ce que tu as emmené ? Tu sais, on repart ce soir par portoloin. C'est ce qu'a prévu Dumbledore.
— Pourquoi n'y sommes-nous pas allés en portoloin aussi ? »
Geena haussa les épaules avec l'air de dire "Que veux-tu que j'en sache ? Je suis une Moldue !".
« Quoi qu'il en soit – et si vous voulez tout savoir –, j'ai juste emmené une babiole acquise à Pré-au-lard que j'avais oublié de ramener aux vacances de Noël. C'est pour ma mère, j'en profite pour le ramener. Je suis en retard pour les cadeaux de Noël. Sinon, j'ai deux livres pour m'occuper dans le train… à moins que vous ne souhaitiez me faire la causette durant les quelques heures que durent le trajet ?
— Je peux jouer les indiscrètes ?
— Vous avez déjà commencé il y a deux minutes.
— Qu'as-tu donc acheté à ta mère ?
— Pas grand-chose – ils ont déjà tout – j'ai juste acheté un cadre – très élégant – où j'ai mis une photo de moi… une photo immobile. »
De surprise, Geena écarquilla les yeux et décerna un sourire ravi à Drago.
« Une photo comme je les aime », approuva-t-elle. Elle ne comprenait pas cette manie qu'avait les sorciers de traiter toutes leurs photos, c'était amusant un instant de voir les sujets bouger, mais ça devenait vite lassant.
« C'est ce que ma mère préfère aussi. Elle n'aime pas les photos dont l'image change sans arrêt. Elle dit que cela ne garde pas l'instant intact.
— Je suis entièrement d'accord avec elle, approuva Geena en appuyant ces propos d'un hochement de tête convaincu.
— Ma mère a une passion pour la photo. Au manoir, il y a des photos de moi partout sur les murs.
— Et tu en rajoutes.
— Non. C'est pour poser sur un meuble. Et les photos, c'est ce qui lui plait. Je ne vois pas ce que je pourrais lui offrir d'autre.
— Elle est photographe amateur ?
— Quasiment professionnelle. Elle fait vraiment des photos superbes. De vraies œuvres d'art quelquefois.
— Et ton père, qu'est-ce qui le passionne ? »
Drago tourna la tête vers la fenêtre. Geena crut un instant qu'il ne souhaitait pas répondre, mais elle entendit :
« La magie noire et terroriser les Moldus. »
Elle se mordit la lèvre inférieure et pesa ses mots avant de parler.
« La magie noire… est-ce que c'est… si grave ? »
Drago eut une moue légère.
« C'est pas interdit… sauf certains sortilèges très précis. De toute façon, les gens n'aiment pas trop ce genre de magie. Les mages noirs ont mauvaise réputation.
— Cela ne veut pas dire que ce ne soit pas des gens biens. Je connais par exemple un certain professeur de potions qui m'est extrêmement sympathique et qui – si c'est ce que j'ai entendu dire est vrai – est fasciné par la magie noire.
— Il paraît.
— Donc, il n'y a pas que ton père !
— Oui, sauf que le professeur Rogue ne terrorise pas les Moldus. » Il tourna de grands yeux faussement interrogateurs vers Geena. « Il le fait ?
— Si oui, il vaudrait mieux qu'il arrête parce qu'il est vraiment nul : je n'ai absolument pas peur. »
Ils se mirent à rire tous les deux. Drago regarda les paysages courir à travers la vitre, les lèvres figées en un sourire léger, avant de reprendre :
« La magie noire ne me gène pas en soi. J'ai été élevé dedans. Mes parents la pratiquent tous les deux. Oui, oui, pas seulement mon père, ma mère aussi. Et c'est une femme fantastique, je ne permets à personne de dire le contraire. Néanmoins, blanche ou noire, la magie est nocive pour les Moldus dès l'instant où elle est maniée par mon père. L'important, ce n'est pas ce que sont les choses au départ, c'est l'utilisation qu'en font les gens, la magie comme le reste… même les sortilèges interdits. Je veux dire… l'Imperium par exemple sert à contrôler la volonté des gens, on pourrait très bien empêcher les gens de faire des bêtises grâce à ce sort, on peut les empêcher de se suicider, les obliger à déposer les armes, les forcer à faire des choses biens… contre leur gré, d'accord, mais vous voyez ce que je veux dire. L'Avada Kedavra sert à tuer, mais si on tue quelqu'un qui s'apprête à torturer et tuer un enfant – pour le sauver cet enfant ! Quand c'est la seule solution ! – Est-ce qu'on peut nous le reprocher ? Non ! Bon, pour ce qui est de l'endoloris, je ne vois pas trop de bonnes utilisations. » Drago s'interrompit, se mordilla la lèvre. « Je sens que je ne m'explique pas très bien, je ne trouve pas forcément les bons exemples, mais je pense que vous comprenez ce que je veux dire. Il n'y a rien de mal à être fasciné par la magie noire et à vouloir la connaître et la pratiquer. C'est quand on l'utilise mal qu'elle devient mauvaise… comme pour n'importe quoi.
— Je comprends parfaitement… et je suis entièrement d'accord avec toi. Mais tu ne peux nier qu'à la base la magie noire n'a pas été vraiment créée pour faire le bien. Elle a été créée pour servir des intérêts personnels et des mauvaises causes. Cela n'empêche pas qu'il y a sûrement des bonnes choses dedans et qu'on peut détourner même les pires sortilèges dans un but humanitaire. Cependant, le fait est là, elle a été créée pour des mauvaises raisons. Mais tu as raison : l'important, c'est l'utilisation qui en est faite à présent… qu'elle soit utilisée de bonne façon et à bon escient.
— Hélas, je crois qu'elle est rarement bien utilisée… très rarement. »
Geena fit une petite moue.
« C'est une magie destructrice, c'est logique », finit-elle par remarquer.
~oOo~
Ils arrivèrent à destination en fin d'après-midi.
« On va prendre un taxi. C'est loin chez toi ?
— Non, pas très. » Drago fit une grimace, puis avoua son ignorance : « En fait, je n'ai aucune idée de la distance que ça peut représenter : on prend toujours le véhicule de mon père.
— Et c'est quoi le véhicule de ton père ?
— Un drakkar. »
Geena en resta bouche bée.
« Pardon ?
— Il l'a acheté un jour où il est allé voir Karkaroff. On émerge sur la tamise, dans un coin à l'écart et sous couvert d'invisibilité.
— Mais… heu… c'est un drakkar viking ?
— Vous connaissez des drakkars non vikings ?
— Je n'y connais rien en drakkars.
— Moi non plus.
— Je veux dire : c'est un vrai drakkar ?
— Oui. Il est super vieux ! Il l'a trouvé intéressant, alors, il l'a pris et il l'a un peu ensorcelé.
— Je croyais que les sorciers n'étaient pas censés ensorceler les objets Moldus.
— Cette loi ne concerne que les objets courants. Vous voyez beaucoup de gens utiliser des drakkars de nos jours ? Et puis, entre nous, vous pensez vraiment que mon père se préoccupe des règlements ? Comment me suis-je retrouvé empoisonné à votre avis ? Vous croyez que ça serait arrivé s'il s'était un peu plus soucié du respect de certaines règles basiques ? »
Sa voix s'était faite plus agressive, mais Geena savait pertinemment que cette agressivité était tournée vers son père et non vers elle.
« Tu es encore fâché contre lui ?
— Pas vraiment, mais… »
Drago haussa les épaules pour toute fin de phrase, Geena lui sourit tristement et il lui sut gré de ne pas insister. Ça n'était d'ailleurs pas utile, Geena comprenait, d'une certaine manière, Drago avait pardonné à son père et était conscient que celui-ci l'aimait, d'un autre côté, certaines choses étaient difficiles à digérer et il faudrait du temps à Drago pour regarder son père différemment.
Ils se turent tous les deux durant tout le trajet en taxi.
