Tout bien considéré…
Par Maria Ferrari
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Les personnages et l'univers de Harry Potter appartiennent à J..
Base : Tomes 1 à 4 de Harry Potter
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—Chapitre 8 – Entrevue—
Ils arrivèrent au manoir Malefoy après deux heures de route (pas très loin, tu parles !). Geena paya le taxi pendant que Drago poussait le portail, puis, après une marche d'un bon kilomètre dans une grande allée coupant un bois en deux, Geena commença à entrevoir le manoir des Malefoy qui se découvrait peu à peu à mesure de leur marche. C'était une imposante bâtisse dont les pierres apparentes trahissaient l'ancienneté, elle était magnifique… et bien trop immense pour une famille qui ne comptait que trois personnes. Geena se prit à songer que Lucius pourrait un jour reconvertir son manoir en chambres d'hôtes, elle sourit à cette idée.
Ils se postèrent devant la porte d'entrée dont Geena admira la facture et le marteau en forme de serpent – cela avait tellement plus de charme que les sonnettes ! Drago souffla et inspira longuement avant de sortir sa baguette de sa poche et de la pointer vers la porte. Geena interrompit son geste.
« Je pense qu'il vaut mieux qu'on frappe, qu'on s'annonce, qu'ils viennent ouvrir. »
Avant qu'ils aient eu le temps de mettre ce que disait Geena à exécution, la porte s'ouvrit pour laisser place à Lucius Malefoy qui resta quelques secondes paralysé en découvrant une Moldue sur le pas de sa porte.
« Surprise ! s'exclama Drago en forçant un sourire devant l'expression figée de son père.
— Mais… j'ai entendu Drago ! » fit la voix de Narcissa. Elle apparut derrière son mari. « Drago ! Que fais-tu donc là ? Oh, c'est ton professeur. Mais entrez donc. Lucius, ne vois-tu donc pas que tu bouches l'entrée ? »
Lucius s'effaça sans rien dire et la Moldue s'introduisit dans sa maison à son nez et à sa barbe.
« Bonjour Madame Malefoy.
— Appelez-moi Narcissa », l'invita-t-elle dans un sourire charmant. Elle se tourna vers son mari « Lucius, tu trouves le chat de Drago ?
— Pardon ?
— C'est ce que tu étais parti faire.
— Ah oui… le sac à puces, marmonna Lucius en tentant de rassembler ses esprits.
— Filou n'est pas un sac à puces ! » protesta le propriétaire du félidé. Geena fut ravi d'entendre le ton qu'il avait employé, il retrouvait ses marques. « Je savais que j'aurais dû l'emmener ! Qu'est-ce qu'il fait dehors ? Il est trop petit pour sortir tout seul !
— Le règlement de Poudlard ne t'autorise pas à avoir deux animaux, c'était soit ton Grand Duc, soit Filou, Trésor… et ton chat n'aime pas rester enfermé, c'est pour ça qu'il profite de la moindre occasion pour se faufiler à l'extérieur », lui dit doucement sa mère.
Narcissa avait décidément l'air d'être une femme adorable. Albus Dumbledore lui avait dit qu'elle pouvait être froide, distante et méprisante envers les gens, Geena n'avait rien vu de ça pour le moment, que ce soit à Poudlard ou chez eux. Ce qu'elle ignorait, c'est combien le comportement de Narcissa pouvait changer du tout au tout suivant la personne qui se tenait en face d'elle. Et l'intérêt que le professeur portait à son fils était rien moins que suffisant pour trouver grâce à ses yeux.
« Allons dans le salon, vous allez nous raconter le pourquoi de votre visite impromptue… enfin, dès que Lucius sera revenu avec le chaton. »
Il revint deux minutes plus tard avec une boule de poils noire dans les bras. Cette image avait quelque chose de touchant et d'étrange, le peu que Geena avait vu de Lucius Malefoy, même au moment où il l'avait le plus émue quand son fils avait été malade, ne l'avait jamais amenée à envisager cet homme portant un chaton dans ses bras ou faisant quelque chose dans ce goût-là. Un grand sourire illumina le visage de Drago à la vision de son chat.
« Mon Filou ! Il a l'air en forme. »
Il se leva de son siège pour cueillir son chat dans les bras de son père. Geena observa la scène avec un mélange d'attendrissement et d'étonnement. Elle avait su dès le début que Drago n'était pas celui qu'il voulait faire croire, mais elle croyait qu'il jouait son rôle aussi chez lui, pour son père, ce n'était manifestement pas le cas. Son rôle était réservé aux personnes extérieures, en y repensant, c'était logique. Drago n'avait-il pas dit que l'important pour son père était l'image qu'il renvoyait au monde ? Donc, Drago pouvait se permettre d'être lui-même, dans une certaine mesure tout au moins, quand il était juste avec ses parents… ou avec des personnes qui savaient à quoi s'en tenir à son sujet.
« ça, pour être en forme… il n'arrête pas de courir dans tous les sens et on le retrouve à des endroits impossibles, marmonna Lucius.
— Tant qu'on le retrouve, tout va bien », répliqua Drago.
Cela ne se passait pas comme Geena l'avait imaginé. C'était beaucoup mieux en fait. Drago se laissa tomber dans le canapé à côté de sa mère, son chat sur les genoux. Filou ronronnait énergiquement en réponse aux caresses de son maître.
« Alors, quel est donc l'objet de votre intrusion ici ? fit Lucius d'une voix inamicale en toisant la professeur de son fils, retrouvant ainsi son attitude coutumière envers les gens qu'il considérait comme appartenant à une sous-espèce.
— Hé bien », bafouilla Geena. Le fait que ça se passe mieux qu'elle ne l'avait imaginé lui avait fait perdre tous ses moyens et maintenant que Lucius prenait le ton qu'elle avait escompté qu'il prendrait dès qu'il la verrait, elle avait oublié comment entamer le débat. Elle avait concocté des petits plans dans sa tête, prévoyant la façon dont ça se passerait dans les moindres détails, elle avait échafaudé pas mal d'hypothèses et la façon dont l'avait accueillie la mère de Drago avait tout fichu par terre.
« Je suis très contente de ce que vous avez fait pour Drago… je le trouve plus épanoui depuis qu'il vous a comme professeur, intervint Narcissa au grand bonheur de Geena, faisant fi de la question de son mari et de la réponse que Geena aurait pu lui apporter.
— Ils sont très bien ses cours… très intéressants », ajouta Drago, souhaitant affermir la position de son professeur.
Béni sois-tu Drago, voilà une parfaite entrée en matière. Les cours de culture moldue sont intéressants ! songea Geena
Lucius avait tressailli à la remarque de son fils. De quoi lui retourner son cœur de Mangemort.
« J'essaye de leur montrer comment les Moldus se débrouillent sans magie, expliqua Geena.
— Ils s'en sortent très bien », ajouta Drago avec une petite moue admirative. Il n'osait pas regarder son père et se demandait où il puisait le courage de parler en bien des Moldus devant lui.
« Tu vois ce que je te disais Lucius… et est-ce qu'il a l'air d'avoir subi un lavage de cerveau ? » fit Narcissa, la voix un peu moqueuse et le sourire à l'identique.
Drago réussit à lever les yeux vers son père et vit qu'il avait les siens grands ouverts tournés vers Geena et qu'il se mordait la lèvre inférieure jusqu'au sang.
« Lucius, Miss – Geena Johnson, c'est ça ? – est une personne très bien toute moldue qu'elle est… alors, arrête de faire cette tête-là, s'il te plait, tu es effrayant », implora Narcissa.
Il parut se détendre et cessa de se torturer la lèvre. Une ligne plus rouge que le reste de sa bouche indiquait l'endroit où ses dents s'étaient enfoncées.
« Je ne sais quel bobard vous avez été raconter à mon fils, mais sachez que ça ne change rien pour moi : vous n'êtes qu'une Moldue. Sachez aussi que ce que vous enseignez n'a pas sa place dans une école de sorcellerie contrairement à ce que ce vieux fou de Dumbledore peut penser, fit-il d'une voix aussi douce que méprisante.
— Vous vous trompez. Il est utile de connaître les gens qui sont différents… afin de mieux vivre ensemble !
— Je n'ai pas envie de vivre avec des Moldus… et je refuse que mon fils en fréquente ! Vous êtes déjà de trop ! » cracha Lucius. Son ton n'appelait pas de réplique et le "vous êtes déjà de trop" n'indiquait pas seulement qu'elle devait quitter Poudlard, mais qu'elle devait commencer par quitter cette maison où elle n'était pas plus à sa place que son cours à Poudlard selon le propriétaire des lieux.
« Le problème avec vous, c'est que vous refusez de comprendre, vous refusez d'entendre raison, fit Geena en tâchant de rester calme et polie.
— Oui, tu es vraiment stupide et borné ! » résuma Drago, faisant preuve de beaucoup moins de tact que son professeur. Il reçut une gifle immédiate et retentissante. Il posa sa main gauche sur sa joue cuisante et regarda son père, une larme de douleur perlant à son œil luisant de colère et d'étonnement. Narcissa regarda son fils bouche bée, à sa connaissance, c'était la première fois que son mari le frappait.
« Partez. Je raccompagnerai Drago à Poudlard. Allez-vous en avant que je fasse quelque chose que vous regretteriez de m'avoir obligé à faire, enchaîna Lucius immédiatement après son geste.
— Lucius ! gronda Narcissa en bondissant de son canapé et en fixant son mari d'un regard sévère.
— Je suis venu avec Drago et je le ramène, fit Geena sans trembler et sans quitter Lucius Malefoy du regard.
— Oui, je rentre avec elle, et tu n'as pas intérêt à lui faire de mal. Et ne t'avises plus jamais de la menacer !
— Drago, comment oses-tu me parler sur ce ton ? Dois-je te rappeler que je suis ton père ? fit doucement Lucius.
— Un père comme ça, je peux m'en passer facilement. J'aurais autant aimé ne pas en avoir », rétorqua Drago.
Lucius parut affecté par la dernière réplique de son fils. Il tourna les talons et sortit de la pièce sans un mot de plus.
Le premier à prendre la parole après le départ de Malefoy senior fut Filou. Sentant qu'il était passé complètement au second plan, et même – fait encore plus grave – que certains semblaient l'avoir oublié, il rappela à tout le monde sa présence par un miaulement bien senti. Drago regarda son chat, l'amena à ses lèvres pour l'embrasser, puis, contre sa joue douloureuse. Le chat se laissa faire en ronronnant.
Geena ne se sentait pas vraiment à son aise, elle voulait résoudre les problèmes, elle aimait résoudre les problèmes, et là, elle avait plutôt l'impression d'en avoir créé un supplémentaire. Est-ce qu'elle ne venait pas de semer la zizanie dans une famille ?
Narcissa revient s'asseoir près de son fils, elle lui embrassa les cheveux et resta quelques secondes silencieuse avant de formuler sa demande.
« Drago, je sais combien il est difficile de faire comprendre quelque chose à ton père. Il est rempli de certitudes et d'idées reçues. Mais quelque part au fond de lui, c'est quelqu'un de bien, quelqu'un qui t'aime et qui t'aimera quoi qu'il arrive, quoique tu fasses, quoique tu dises, quoique tu choisisses. Va le voir s'il te plait… et parle-lui. Dis-lui ce que tu ressens et ce que tu penses, mais essaye d'être diplomate : fais preuve de tact… et garde ton calme.
— A quoi ça servirait ? Il est plus têtu qu'une mule.
— Il n'a pas apprécié non plus que tu l'insultes.
— C'était mérité, rétorqua Drago d'un ton sec.
— Tu le trouves stupide et borné ?
— Stupide non – j'ai dit ça sur le coup –, mais borné, c'est une certitude.
— Je suis d'accord avec toi. Mais toute vérité n'est pas bonne à dire… ou alors, il faut choisir ses mots… et tu les as mal choisis. Va voir ton père et explique-lui ton point de vue… gentiment.
— Très bien, soupira Drago en se levant. Vous aimez les chats, Miss Johnson ?
— Je les adore.
— Alors, je vous présente Filou, dit-il en lui déposant son chat sur les genoux. N'oubliez pas de le caresser, il miaule méchamment quand on arrête. »
Drago sortit par la porte où l'avait précédé son père. Narcissa regarda Geena, l'air profondément triste.
« Lucius a tort et il le sait. Néanmoins, il préfère persister dans son erreur plutôt que reconnaître ses torts. Et sa haine pour les Moldus est trop bien ancrée. Je n'ai pas réussi à le faire changer d'avis. Jusque-là, comme Drago disait amen à tout ce que son père disait, ça ne me rendait pas la tâche facile. Avec Drago de mon côté, il y a déjà un peu plus d'espoir.
— Vous aimez votre mari ?
— Oui, vous croyez que je suis le genre de femme à rester avec un homme si je ne l'aime pas ?
— Je ne sais pas, je ne vous connais pas vraiment.
— Hé bien, je vous le dis : je ne suis pas de ce genre-là.
— Très bien. » Geena roula nerveusement des épaules. « Severus Rogue m'a dit ce qui avait rendu votre mari comme ça. »
Narcissa resta silencieuse.
« Il est certain que des gens sont devenus mauvais pour moins que ça, reprit Geena. Il y a juste un point que j'aimerais éclaircir : on m'a dit qu'il était particulièrement cruel avec son elfe de maison.
— Dobby ?... il n'est plus là depuis… hum… deux ou trois ans.
— Oui, Dobby… est-ce qu'il était véritablement cruel avec lui ?
— Oh oui… je ne peux le nier… d'ailleurs, moi non plus, on ne pouvait pas dire que j'étais gentille avec lui… mais, je n'ai jamais été cruelle… Lucius, si... mais vous savez : il a été élevé comme ça… comme bon nombre de sorciers.
— Oui, j'ai cru comprendre que les elfes de maison étaient des larbins et il y en a même qui m'ont dit qu'ils aimaient être des esclaves.
— C'est ce que la plupart des sorciers pensent… et ce que les elfes de maison pensent aussi puisqu'ils ont été habitués à vivre ainsi et qu'on les éduque ainsi, ils n'ont pas de moyen de comparaison avec une autre vie.
— Je vois… il n'empêche qu'on m'a dit que la cruauté de votre… commença Geena avant d'être interrompue.
— Je sais. Cela dit, vous auriez vu comment son père traitait ses elfes de maison, vous auriez trouvé mon mari adorable envers le sien. J'ai rarement vu quelqu'un d'aussi ignoble, ça m'a même fait peur le jour où je l'ai vu. J'ai surtout crains que Lucius devienne comme lui. D'ailleurs, sur certains points, il est devenu comme lui. Ça m'attriste. Le pire, c'est qu'il détestait son père et qu'il n'aurait voulu pour rien au monde lui ressembler. Quelquefois, je lui dis : "On dirait ton père !" Il a horreur de ça. » Narcissa s'interrompit, songeuse. « Si vous saviez la peur qu'il avait envers lui.
— Mais… il ne se comporte pas de la même façon envers Drago ?
— Oh non, je ne le permettrais pas. Cependant, comme pour le reste, on retrouve des ressemblances… et il ne s'en rend pas vraiment compte.
— Si je vous demandais pour l'elfe, c'est que… je voulais être sûr qu'il n'était pas intrinsèquement méchant.
— Je comprends. Non, il n'est pas méchant par nature, il l'est devenu par les circonstances. Et peut-être qu'une marche arrière est encore possible, quoique j'en doute. Par contre, éviter de croiser le chemin de Macnair.
— Qui est Macnair ?
— Le bourreau du ministère. Mangemort, même s'il a été acquitté. Il y a des gens qui sont devenus Mangemorts parce qu'ils n'aimaient pas les Moldus, d'autres par instinct de survie, parce qu'ils pensaient qu'il valait mieux être du côté de Voldemort que contre lui, Macnair, c'est parce qu'il aime tuer, il aime ça, il se fiche de ce qu'il tue, animaux ou êtres humains, moldus ou sorciers, jeunes ou vieux, hommes ou femmes, enfants ou adultes, ce qu'il aime, c'est tuer, peu importe la victime. Ça peut même être des "amis".
— Un homme charmant.
— Je vous en parle car je ne sais pas si, quand vous êtes venu ici, vous vous doutiez que vous ne risquiez pas grand-chose. Je ne sais pas si vous êtes simplement audacieuse – tout en pesant les risques –, ou terriblement téméraire. Dans le doute, j'aime autant vous prévenir : ne vous approchez jamais de Macnair. »
Un silence s'écoula. Geena le brisa en repartant sur une autre piste.
« Vous savez que beaucoup de gens pensent que vous êtes vous-même une Mangemort.
— Je le sais, ça fonctionne par association, mon mari en est un, donc, j'en suis forcément une. Mais je me fiche de ce que les autres pensent, je sais ce que je suis et c'est tout ce qui m'importe.
— Et dites-moi : que pensez-vous, vous, des moldus ?
— Pas grand-chose. Je ne les connais pas vraiment. Je n'en ai jamais fréquenté. Vous êtes la première à laquelle je parle. Je peux vous dire d'expérience qu'il y a d'immondes salauds parmi eux, mais je sais aussi qu'on a les mêmes chez les sorciers et que certains feraient mieux de balayer devant leur porte avant d'aller accuser les moldus d'être responsables de ce qui ne va pas chez eux. Et sinon, je sais désormais que parmi les moldus il y a vous, mais là, je ne dirai pas que nous avons la même chez les sorciers. Vous, vous êtes unique. »
Le rouge monta aux joues de Geena.
« Je suis vraiment heureuse que vous soyez devenue professeur à Poudlard. Vous avez positivement changé Drago. Il suivait tout droit le chemin de son père. Sans votre intervention, il aurait franchement mal tourné. Il était très mal parti. Merci. »
La chaleur dans la voix de Narcissa émut beaucoup plus Geena que ses mots.
« De rien, je n'ai pas l'impression d'avoir fait quelque chose d'extraordinaire. Votre fils n'a jamais été vraiment méchant, il essayait de faire croire que si, c'est tout. Il fallait juste le révéler tel qu'il était.
— Vous avez fait quelque chose d'extraordinaire, je vous assure. Vous avez bouleversé la vie de beaucoup d'élèves. J'ignore ce que ça donne au niveau de l'ensemble de l'école, néanmoins je peux tout de même vous parler de mon fils et de sa classe. Pansy Parkinson est devenue vivable. Vincent Crabbe et Gregory Goyle sont plus gentils et paraissent même plus intelligents. »
C'était agréable de se voir confirmer ce qu'elle avait observé, surtout pas une personne extérieure au projet et qui ne lui était pas forcément favorable au départ.
« Leurs parents sont des Mangemorts, n'est-ce pas ?
— Les pères de Crabbe et Goyle ? Oui.
— Je n'ai pas vraiment d'informations à leur sujet. Comment sont-ils devenus Mangemorts ? »
Le froncement de nez qu'elle fit ne laissait pas place au doute quant à ce qu'elle pensait d'eux.
« Ce sont des primates. Ils n'aiment pas les différences, ils aiment ce qui leur ressemble, ce qu'ils reconnaissent, ils n'ont pas envie d'aller chercher plus loin. Et puis, comme tout primate qui se respecte, leur instinct de survie prime avant tout.
— Ils sont récupérables ? » Geena se mordit la lèvre, le terme n'était sans doute pas très bien choisi.
« Non, je ne crois pas. Leurs enfants, si. Comme pour Drago, d'ailleurs car je ne pense pas que Lucius soit récupérable – comme vous dites – il a trop souffert de la perte de sa sœur. C'était sa jumelle, vous savez ? Les gens disent qu'il existe des liens étranges entre les jumeaux, et si j'en juge par la relation de Lucius avec sa sœur, je dirai qu'ils auraient fait un excellent sujet d'étude sur ce thème. »
Narcissa se leva de son fauteuil et marcha un peu.
« Après la mort de Cypria, plus rien n'a été comme avant… à commencer par sa relation avec son père, il avait toujours été distant avec lui, et croyez-moi : c'était préférable. Après ce qui s'est passé, il s'est rapproché un peu de lui – seulement un peu, il en avait toujours peur –, et puis, il a commencé à trouver qu'il avait raison : sur les Moldus, le sang pur, le fait qu'il existait des êtres supérieurs et qu'ils en faisaient partie.
— Vous vous êtes quand même marié avec lui.
— Oui, on s'aimait tous les deux… et on s'aime toujours. Au moins une chose qui n'aura pas été bouleversé par la mort de Cypria. Et puis, de temps en temps, quand on est seuls tous les deux, je retrouve le Lucius que je connaissais, cela n'arrive pas si souvent mais je m'y accorche. »
~oOo~
Après être resté statique quelques instants devant la porte, Drago se décida à pénétrer dans la bibliothèque de son domicile, là où se côtoyaient grimoires, livres de magie noire, encyclopédies et autres bouquins, parmi eux : quelques romans moldus… se trouvant là bien à l'insu de Lucius Malefoy.
Ce dernier était debout, pensif, près de l'échelle qui permettait d'accéder aux étagères les plus hautes – et qui servait très rarement vu, les Malefoy étant des sorciers, ils préféraient faire léviter les livres jusqu'à eux plutôt que de grimper pour aller les chercher. Lucius méditait sur ce que lui avait dit son fils et regrettait amèrement de s'être donné en spectacle devant une Moldue.
Drago avança dans la pièce, mais ne dépassa pas le sofa qui trônait au milieu, préférant inconsciemment laisser un obstacle entre lui et son père, trahissant ainsi la sourde peur ressentie en sa présence. Cela lui arrivait parfois, il le craignait, c'était le cas en ce moment, et après la gifle qu'il avait reçu, il craignait surtout de s'en prendre une deuxième, sa joue en était encore brûlante. Il prit une profonde inspiration et choisit soigneusement ses mots avant de parler.
« Papa, je suis grand. Le temps où tu me disais quoi penser, où tu pensais littéralement à ma place, ce temps-là est bien révolu. Je suis désolé si ça te fait de la peine, mais tu devais bien te douter que ça arriverait un jour. Ça n'empêche pas que tu restes mon père et que je t'aime en tant que tel, mais je ne partage plus tes idées. » Drago chercha quelque chose à ajouter et ne trouva rien.
Son père s'assit sur le canapé, impassible à l'extérieur mais agité par une tempête intérieure. Son fils avait donc acquis récemment une autonomie de pensée. Il resta silencieux. Drago ne suivait-il pas le chemin inverse de celui qu'il avait suivi, lui ? Et n'était-ce pas mieux ?
« J'espère juste que ça ne remettra pas en question le peu d'affection que tu me portes », ajouta Drago.
Lucius Malefoy resta de marbre. C'était le moment pour dire quelque chose, il le savait. Quelque chose du genre "je t'aime mon fils", en moins mièvre. Il aimait son fils, et il continuerait à l'aimer quoiqu'il arrive, sur ce point au moins Narcissa avait raison. Mais quelque chose le bloquait. Peut-être les mots que Drago avait employés : "le peu d'affection", Drago se sentait mal aimé et ça n'allait pas s'arranger s'il ne disait pas quelque chose de réconfortant dans les secondes qui venaient. Cependant, les paroles réconfortantes, ce n'était pas sa tasse de thé, pas plus que les "je t'aime mon fils", cela lui aurait été pourtant d'un grand secours dans ces circonstances. Il se détesta brusquement : pourquoi était-il incapable de simplement dire à son fils qu'il l'aimait ?
Drago regardait le visage de son père, masque impassible. Il avait secrètement espéré que son père le détromperait violemment "Comment ça le peu d'affection ? Mais je t'aime, je t'ai toujours aimé et rien ne pourra changer ça", ça se passait ainsi dans les films que Miss Johnson leur avait montrés, à la fin, le père et le fils se réconcilient, à la fin, les deux adversaires se serrent la main, à la fin, l'homme et la femme qui se détestaient au début se marient. Bien sûr, il savait pertinemment que tout ça, c'était de la blague, des jeux d'acteurs, un script, des décors en carton, rien de réel. Mais il s'était fait son propre cinéma miniature dans sa petite tête, il avait espéré que sa prof serait une sorte de déclencheur, que son père aurait peur de le perdre, qu'il le serrerait dans ses bras en lui jurant corps et âme qu'il était ce qu'il avait de plus cher au monde.
Drago baissa les yeux, il s'était imaginé ces choses-là, les avait espérées bien des fois auparavant et ne les avaient jamais obtenus, même partiellement, pas le même le début du commencement d'un de ses souhaits. Geena Johnson l'avait percé à jour avant même de le voir en personne : « Tu penses ainsi parce que ton père pense la même chose, tu penses ainsi car tu as été élevé là-dedans, tu penses ainsi pour ne pas contrarier ton père, tu penses ainsi parce que ton père le pense et que tu veux qu'il t'aime. »
Oui, je veux qu'il m'aime, je ne demande que ça, songea amèrement Drago. Et c'était le moins qu'on puisse attendre d'un de ses parents, non ?
« Dis quelque chose au moins », murmura-t-il.
Quelque chose à dire… il savait qu'il devait dire quelque chose, on n'avait pas besoin de l'en informer. C'était juste qu'il n'arrivait pas à formuler ce qu'il voulait dire d'une façon cohérente et qui lui ressemblerait. Mais peut-être qu'un simple geste…
Lucius Malefoy tendit une main hésitante vers son fils et la posa sur son bras. Ce n'était pas si difficile. Et il y avait eu une époque où il faisait ce type de gestes naturellement, sans avoir besoin de se forcer, une époque où quelque chose à l'intérieur de lui n'était pas encore cassé, une époque qui avait vingt ans. Il se sentit soudainement vieux.
Drago regarda la main de son père. C'était un signe d'affection, non ? On pouvait décemment appeler ça comme ça… si on ne se montrait pas trop difficile bien sûr. Mais c'était un bon début. C'était encourageant. Cependant, il en voulait plus. Peut-être fallait-il qu'il aide son père. Il s'assit à côté de lui. Ils se regardèrent l'un l'autre pendant une minute ou deux.
« Je t'ai pas fait souffrir au moins ? demanda Lucius.
— Non… enfin… pas vraiment, répondit son fils.
— J'ai peur d'aimer. C'est plus facile d'être indifférent, encore plus simple de haïr… en tout cas pour moi. Mais je t'aime, sans doute pas comme tu voudrais être aimé, mais je fais ce que je peux. »
ça y est. Il y était parvenu. Il lui avait dit. Il avait extirpé les mots de sa bouche à l'aide d'un pied de biche mental, mais il y était parvenu.
Drago regarda son père et eut un mince sourire. Non, son père n'était pas un super papa. Non, la déclaration d'affection n'était pas idyllique. Néanmoins, il l'aimait et c'était l'essentiel. Drago se blottit contre lui, Lucius fut surpris et gêné, ce n'était pas le genre de choses auquel il avait été accoutumé, il se laissa faire en songeant que s'il avait fait ça envers son propre père, celui-ci l'aurait repoussé immédiatement et l'aurait regardé avec un air méchant qui aurait clairement signifié "Ne t'avises plus jamais de faire quelque chose de pareil si tu ne veux pas te prendre mon poing dans la figure". Mais il n'était pas comme son père, par pitié non, il ne pouvait pas être comme son père, il ne voulait pas être comme son père.
En y repensant, il s'était sans doute comporté envers son fils à peu de choses près exactement comme son père s'était comporté avec lui.
Non, non, il s'était mieux comporté que lui, la preuve, son fils l'aimait malgré tout, lui, Lucius, détestait son père. C'était un signe qu'il était meilleur, non ? Ou alors, ça voulait simplement dire que Drago et lui avaient des caractères différents et qu'ils ne réagissaient pas de la même façon. Hélas, c'était sans doute la seconde solution, Drago avait le caractère de sa mère.
« Si tu m'aimes, tu peux faire quelque chose pour moi ? » murmura Drago. Son père ne répondit pas, attendant de connaître le souhait de son fils. « Sois gentil avec Miss Johnson. C'est vraiment quelqu'un de bien, tu sais. Grâce à elle, je me sens mieux. »
Lucius eut mal au ventre quand Drago prononça ses mots à cause de tout ce qu'ils impliquaient "grâce à elle, je me sens mieux", "grâce à une Moldue, je me sens mieux", "mon père est un con qui ne sait pas m'aimer mais une simple Moldue a su tout arranger", ceci forçait Malefoy à admettre deux choses : d'abord que les Moldus pouvaient parfois être des gens précieux, ensuite et surtout qu'il était un père indigne et incapable, tout comme son père l'avait été.
Triste constat.
« D'accord », articula-t-il. Il s'était forcé à faire cette réponse pour prouver qu'il l'aimait et qu'il était prêt à tout pour lui, y compris d'être gentil avec une Moldue ce qui lui semblait plus difficile à faire que d'escalader le Mont Everest en maillot de corps. Mais il n'allait pas laisser cette femme lui voler son fils unique sans réagir et il était prêt à quelques sacrifices pour l'en empêcher.
Drago se redressa et s'éloigna. Le dos tourné, il avala sa salive.
« Je veux aussi une autre chose : je veux que tu arrêtes tes… activités. » Un autre mot lui était venu à l'esprit pour qualifier ce que son père faisait, il l'avait tu. « Je ne supporte plus de te savoir Mangemort. Et ce n'est même pas parce que Miss Johnson est Moldue, non, c'est parce que j'ai peur pour toi. Papa, je ne veux pas que tu meures et je ne veux pas non plus que tu finisses à Azkaban. Ça fait longtemps que j'ai peur de ça. Tu comprends ? »
Son père ne répondit pas.
« Qu'est-ce que ça t'apporte de faire ça ? Rien du tout. Ça ne peux t'apporter que des choses mauvaises. Alors, s'il te plait…
— Tu ne peux pas me demander ça.
— Papa, qu'est-ce qui t'est arrivé pour que tu deviennes ainsi ? » murmura Drago.
Lucius, qui jusque-là fixait le parquet, releva les yeux vers le dos de son fils. Sa question sous-entendait qu'il n'avait pas toujours été comme ça, mais Drago était né après qu'il devienne Mangemort… quelqu'un lui aurait-il raconté quoi que ce soit sur… sur ça ? Depuis que ça s'était passé, il n'en avait parlé à personne, bien sûr, il n'était pas le seul à l'avoir vécu, mais lui n'en avait jamais parlé, il s'était enfermé dans un silence de tombe. Quand il avait été voir sa mère – que son père avait renié quelques années avant ces évènements, ce qui était plutôt une bonne chose pour elle –, elle lui avait dit que c'était mauvais de tout garder pour lui, il lui avait dit qu'il ne savait pas de quoi elle voulait parler et lui avait souri, un sourire parfaitement naturel, absolument pas forcé, effrayant dans ces circonstances.
« Tu as perdu ta sœur…
— Quelle sœur ?
— Lucius ! »
Le pire, c'est qu'il était sincère. Quelle sœur ? La fille qui était remplie de vie et était une poursuiveuse extraordinaire au Quidditch ou le morceau de viande à moitié brûlé qu'il avait ramené à Poudlard à bout de bras ? Ce ne pouvait pas être la même personne. A chaque fois qu'il pensait à sa sœur, l'image de ce corps calciné se posait en surimpression dans son esprit. Un cadavre noirci qui jouait au Quidditch, un corps mort qui riait, une chose sans vie qui dansait, avec ce regard vide, ces cheveux brûlés, ces hématomes, ce sang séché. Mieux valait faire comme s'il n'avait jamais eu de sœur, l'oublier totalement, tout en sachant qu'il ne pourrait jamais réellement l'oublier.
« Que sais-tu là-dessus ? demanda-t-il d'un ton neutre
— On m'a dit qu'il t'était arrivé quelque chose de dramatique. Pourquoi ne m'en as-tu jamais parlé ?
— Il ne m'est rien arrivé du tout.
— Il t'est forcément arrivé quelque chose pour que tu deviennes Mangemort.
— Il… ne… m'est… rien… arrivé. Je n'ai pas toujours été Mangemort, mais j'ai toujours pensé ce que je pense des Moldus et autres Sangs de Bourbe.
— Je sais que tu mens, je sais que Rogue dit la vérité. »
Rogue ! Ainsi c'était Severus qui avait été lui raconter ça. Pourtant, il avait été lui-aussi totalement traumatisé par cette histoire et n'en parlait jamais lui non plus.
« Tu m'as demandé d'être gentil avec ton professeur et je le serai. Mais ne m'en demande pas plus. »
Lucius Malefoy détestait les Moldus et les Sangs de bourbe depuis trop longtemps pour effacer sa haine sur un simple coup de tête, parce qu'une Sang de bourbe a sauvé son fils, parce qu'une Moldue fait en sorte que son fils se sente mieux ou parce que son fils lui-même a décidé de le faire changer. Il allait être aimable avec cette femme comme Drago lui avait demandé et il s'en tiendrait là, et c'était déjà beaucoup, presque trop. Il allait faire ça uniquement pour donner le change à son fils, pour ne pas le perdre. Point, l'affaire était classée.
~oOo~
Narcissa invita Geena à dîner et à dormir chez eux. Geena accepta la première invitation et déclina la seconde. Un portoloin les attendait et certains allaient se demander ce qui avait bien pu leur arriver s'ils ne rentraient pas dès ce soir. Et puis, accepter l'hospitalité des Malefoy serait sans doute aller un peu vite en besogne, Lucius n'avait été guère amicale envers elle et même si Drago était intervenu favorablement auprès de lui, il n'en restait pas moins que Narcissa ne l'avait pas consulté avant de lui faire cette proposition.
Le dîner fut très agréable, notamment Lucius. Geena en fut extrêmement surprise, mais elle se doutait qu'il faisait ça uniquement pour Drago et à contrecœur, mais le fait qu'il tienne à son fils et le démontre en faisant l'effort de la supporter et de lui témoigner un semblant de respect, toute moldue qu'elle était, était un pas en avant, et tous les progrès étaient bons à prendre.
Geena et Drago arrivèrent après vingt deux heures à Poudlard et trouvèrent à la porte tous les professeurs au grand complet, ainsi que Rusard. Geena ne put retenir un sifflement admiratif devant un tel comité d'accueil.
« Vous voilà enfin ! » s'exclama Albus Dumbledore en les voyant, il paraissait au comble du soulagement. « Comment… comment ça s'est passé ?
— Plutôt bien.
— Heureusement que vous avez refusé de dormir là-bas, sinon, ils auraient fait le piquet toute la nuit, intervint Drago, goguenard, avec son petit sourire narquois habituel.
— à l'heure qu'il est, vous devriez être couché Monsieur Malefoy, gagnez vite votre dortoir sinon vous allez encore déranger vos condisciples, fit Rogue.
— Ils ne sont quand même pas venus se plaindre auprès de vous ? s'étonna Drago, repensant au fait qu'il avait fait "juste un tout petit peu de bruit" le matin en se levant.
— Non, mais je les ai entendus grogner à propos de, je cite, "cet emmerdeur de Malefoy qui réveille les gens à l'aube". »
Drago eut une moue plus amusée que désabusée et partit vers son dortoir après avoir souhaité "bonne nuit" à ses professeurs.
« Si ça ne dérange personne, je vais faire comme Drago. Je vous raconterai en détail mon entrevue avec le terrible Lucius Malefoy demain matin. »
Elle avait dit "terrible" en roulant exagérément les "r" tout en regardant Rogue d'un air très moqueur et vaguement orgueilleux. Il préféra ne pas relever. Elle s'en était apparemment sortie beaucoup mieux qu'il ne l'aurait jamais cru, et après tout, tant mieux.
