Tout bien considéré…
Par Maria Ferrari
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Les personnages et l'univers de Harry Potter appartiennent à J..
Base : Tomes 1 à 4 de Harry Potter
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—Chapitre 12 – Début de la sixième année—
« Drago, il faut aller dormir, murmura Rogue d'un ton apaisant et las. Tu es exténué.
— Je ne veux pas dormir. »
Il était vingt deux heures. La nuit était tombée sur Poudlard. Drago était assis à la table des Serpentard dans la grande salle. Il n'y avait que lui et Rogue dans la pièce. Rogue s'était mis à le tutoyer et à l'appeler par son prénom depuis son arrivée dans l'enceinte de l'école en plein mois de juillet, il lui semblait qu'un peu plus de familiarité ne pouvait lui être que profitable dans de telles circonstances.
« Tu n'as pas dormi depuis deux heures du matin. Il faut que tu ailles te coucher.
— Où ? Je ne veux pas aller dans le dortoir des Serpentard. Je ne veux pas être tout seul. »
Rogue fronça les sourcils. Il n'avait pas pensé à ça. Se retrouver dans un dortoir vide après ce qui lui était arrivé n'était effectivement pas ce qu'il y avait de plus adéquat.
« Professeur, qu'est-ce que vous croyez qu'il y ait après la mort ? Je veux dire, à part pour nos Baron Sanglant et autres Mimi Geignarde.
— Je l'ignore. Mais ta mère pense sans doute à toi en ce moment. » Ces mots étaient sortis malgré lui. Les mots qu'on dit toujours pour rassurer les proches. Des mots qui accentuèrent au contraire le ressentiment de Drago.
« Et qu'est-ce que ça peut me faire ? Je ne la verrai plus, je ne l'entendrai plus, je ne sentirai plus son odeur, elle ne me tiendra plus jamais dans ses bras. » Il s'interrompit, son regard se perdit dans le vide, il reprit d'un ton plus calme : « Pas qu'elle le faisait souvent, mais c'était parce que je ne voulais plus.
— Drago, tu es fatigué.
— Je le tuerai… de mes mains. » Ses poings étaient crispés sous la table.
« Bien sûr, mais pour ça, il faut prendre des forces, et donc dormir. J'ai trois pièces dans mon appartement, tu dormiras dans mon lit et moi sur le canapé. Ainsi, tu ne seras pas vraiment seul. Cela te convient ?
— Oui, mais je vous dérange.
— Penses-tu ! J'ai un canapé très confortable. Allez, viens. »
Drago se leva et suivit Rogue, satisfait d'avoir au moins réussi à convaincre l'adolescent de prendre du repos à défaut d'avoir pu le soulager. Ils entrèrent dans ses appartements, Drago parcourut la pièce du regard. C'était une pièce de quatre mètres sur cinq avec un canapé, une table, deux chaises, une armoire et des étagères. Les espaces entre les meubles étaient réduits au minimum et Drago se faufila entre la table et l'armoire.
« Désolé, ce n'est pas très grand. »
Il y avait une porte en face de lui et une porte sur le coté. Des dizaines de livres étaient alignés le long des étagères, Drago y jeta un coup d'œil et parcourut les titres d'un doigt. Il aperçut trois ou quatre livres traitant de magie noire, ça lui rappela son père et Voldemort : il détourna les yeux. Rogue parut remarquer son attitude et voir sur quel livre son doigt était pointé.
« J'ai ces livres depuis longtemps. J'étais fasciné par la magie noire étant plus jeune. Sans doute le suis-je toujours un peu aujourd'hui. De toute façon, il en est de la magie de noire comme du reste, tout dépend l'usage qu'on en fait. »
Drago hocha la tête, il était d'accord. Et c'était exactement ce qu'il avait dit à Geena Johnson quand ils en avaient parlé.
« Vous en étiez un avant.
— Un quoi ? demanda Rogue, bien qu'il ait parfaitement compris de quoi Drago voulait parler.
— Un Mangemort. »
Rogue prit son temps avant de répondre.
« Oui, j'en étais un… mais cela n'a pas duré.
— Pourquoi l'êtes-vous devenu ? demanda Drago.
— Tout ça, c'est du passé, éluda son professeur. La salle de bains est ici, dit-il en ouvrant une des deux portes. Comme tu le vois, il y a tout le confort. Et là-bas, c'est la chambre, ajouta-t-il en désignant l'autre porte. Tu n'as rien pour dormir, bien sûr. Je vais te donner une chemise. Je te laisse aller dans la salle de bains, je vais m'absenter quelques minutes. Tu veux bien rester seul ? Je reviens tout de suite. »
Rogue partit en refermant la porte derrière lui. Drago regarda la porte en essayant de freiner l'angoisse qui l'étreignait. La moindre seconde de solitude lui pesait. Il secoua la tête et entra dans la salle de bains ; de l'eau chaude lui ferait le plus grand bien.
~oOo~
Rogue tenait à informer Dumbledore qu'il hébergeait Drago dans ses appartements. Ce n'était pas vraiment réglementaire, il préférait avoir son assentiment. Il donna le mot de passe à la gargouille qui ronflait, celle-ci se réveilla et lui demanda de répéter. Il monta l'escalier en colimaçon et frappa à la porte du bureau de Dumbledore.
« Qui peut bien me déranger à une heure pareille ? » fit la voix ensommeillée du directeur de l'autre côté du panneau. Cela lui arrivait donc d'être de mauvaise humeur ?
Une fois la porte ouverte, Rogue commença par s'excuser.
« Pardon de vous déranger. Je voulais juste vous signaler que Drago dormait dans ma chambre.
— Dans votre chambre ?
— Oui, je vais dormir sur le canapé. J'ai préféré lui proposer cet arrangement car il ne voulait pas être seul. »
Dumbledore hocha la tête, compréhensif.
« Je dirai même qu'il vaut mieux éviter de le laisser seul pour le moment. Il pourrait lui venir l'envie de faire… une bêtise. »
Les yeux de Rogue s'écarquillèrent. Il n'avait pas songé à cette possibilité. Et il avait laissé Drago seul.
« Il vaut mieux que j'y retourne », dit-il précipitamment.
Sur le chemin du retour, il se dit que, de toute façon, il ne pourrait pas le surveiller vingt quatre heures sur vingt quatre. Arrivé chez lui, il entendit l'eau couler dans la salle de bains.
« ça va, Drago ? » demanda-t-il à haute voix, afin de couvrir le bruit de l'eau.
De l'autre côté du mur, la voix de Drago lui répondit.
« Oui, très bien. »
Rogue, un peu soulagé, entra dans la chambre et entreprit de changer les draps après avoir sorti une chemise pour son jeune invité.
Dans la baignoire, Drago s'était mis sous le jet du robinet, laissant l'eau noyer ses pensées. Il se sentait mieux, beaucoup, beaucoup mieux. L'eau qui dégoulinait le long de son visage l'aidait à se vider la tête. Il en avait tellement besoin. Cette journée avait été la plus dure de toute sa vie, il pensait avoir mangé son pain noir pendant sa maladie, mais il s'était trompé. Au bout de quelques minutes, la voix de Rogue résonna à nouveau.
« Tout va bien, Drago ? »
Sa voix respirait l'inquiétude. Drago le sentit.
« Oui, oui », répondit-il à intelligible voix en songeant que son professeur semblait craindre qu'il fasse quelque chose de définitif.
Il se décida à sortir de la baignoire, se couvrit d'une serviette et se sécha. Quand il sortit de la salle de bains, Rogue était assis sur le canapé. Il y avait un verre posé sur la table. Drago comprit instantanément que son contenu lui était destiné. Rogue capta son regard et lui dit d'un ton bienveillant.
« C'est pour que tu passes une bonne nuit. »
Drago hocha la tête. Il en avait bien besoin. Rogue prit le verre et entra dans la chambre en lui faisant signe de le suivre. Il attendit que Drago ait bu tout le contenu du verre avant de se retirer. Drago s'assit sur le lit et regarda la porte, les yeux vides.
~oOo~
Harry écrivit aux Weasley dès le lendemain pour leur demander s'il pouvait venir passer le reste de l'été chez eux. Cette question était de pure forme, il connaissait déjà la réponse, les Weasley étaient toujours ravis de l'accueillir, l'antithèse des Dursley.
Harry n'attendait qu'une chose, c'était de pouvoir partir de chez son oncle, et puisque Dumbledore l'y autorisait en vertu de sa sécurité. Non pas d'ailleurs qu'il se sente plus en sûreté chez les Weasley, il s'y sentait tout simplement mieux.
La réponse ne tarda guère. Coquecigrue, le vaillant messager de Ron, apporta un message de son maître lui disant que son père viendrait le chercher dans la journée – il préférait venir seul, les Dursley n'aimant pas vraiment la compagnie des sorciers. Ron ne précisait pas dans son message comment son père allait arriver, ni à quelle heure.
Harry attendit donc patiemment l'arrivée du père de son ami, priant pour qu'il débarque le plus tôt possible. Un hurlement – qu'Harry analysa comme issu de la bouche de la Tante Pétunia – retentit dans toute la maisonnée. Un sourire courba la bouche d'Harry, ce cri était certainement synonyme de l'arrivée d'Arthur Weasley.
De fait, la tante Pétunia arriva d'un pas vif et se posta devant lui.
« Il y a quelqu'un pour toi », dit-elle avec le plus grand mépris qu'elle pouvait, puis, elle s'éloigna dignement, la tête haute.
Arthur Weasley apparut.
« Bonjour Harry, dit-il dans un grand sourire. Je crois que j'ai un peu effrayé ta tante, mais j'ai préféré transplaner directement à l'intérieur de la maison. La dernière fois, la poudre de cheminette n'avait pas été une bonne idée.
— Bonjour Monsieur Weasley, vous allez bien ?
— Très bien, j'irai encore mieux si ta tante ne m'avait pas déchiré les tympans à hurler comme elle l'a fait.
— Désolé. Dites-moi : si vous êtes venu en transplanant : comment va-t-on faire pour le retour ? Je ne sais pas transplaner… et même si je savais, je n'ai pas le droit de le faire, je suis trop jeune pour ça.
— Oh mais, on va prendre le bus, répondit Monsieur Weasley avec une lueur joyeuse dans les yeux. Le bus Moldu ! Je me suis renseigné pour savoir comment il marchait. Tu savais qu'il y avait des horaires et des arrêts préétablis, toi ? J'ai un ami qui habite à quelques kilomètres d'ici, avec le bus, on rejoindra sa maison et on lui empruntera sa cheminée pour se rendre au Terrier.
— Très bien », dit Harry d'une voix réticente. La perspective d'un voyage en bus en compagnie d'Arthur Weasley ne l'enthousiasmait guère. Pourvu qu'il ne se fasse pas trop remarquer, pensait-il.
Le voyage se passa sans encombre. A l'heure où ils l'avaient pris, il y avait peu de monde dans l'autocar, ils pouvaient donc parler librement sans passer pour des originaux, ni s'attirer des regards en biais. C'était heureux car Arthur ne manquait pas une occasion de faire une réflexion sur l'ingéniosité dont faisait preuve les Moldus et au bout d'un moment, Harry finit par lui promettre qu'il lui ferait visiter un supermarché, aux conditions qu'il s'habille véritablement comme un Moldu et qu'il soit discret.
Harry en profita pour lui demander les dernières nouvelles du monde des sorciers. Il s'était abonné à la Gazette du Sorcier dernièrement mais il ne recevait plus qu'un journal tronqué depuis un certain temps. Les journalistes s'étaient mis en grève depuis un mois pour protester contre le ministère de la magie qui les empêchait de faire leur travail correctement. Des mesures coercitives avaient en effet été prises pour interdire certains moyens qu'utilisaient les journalistes pour s'informer afin d'éviter les fuites qui se multipliaient depuis quelques temps – les reporters se montraient de plus en plus ingénieux et insistants depuis le retour de Voldemort.
En lieu et place du journal, Harry recevait donc quotidiennement une lettre racontant les différentes actions et les progrès réalisés. Dans la première de ces lettres, le rédacteur expliquait le pourquoi de cette grève, cela se résumait ainsi : "Plutôt ne pas donner d'informations que de répéter les mensonges du ministère".
Harry ne pouvait leur donner tort.
Il y avait eu une manifestation organisée devant le ministère de la magie. Les journalistes avaient défilé bâillonnés avant de s'asseoir sur les marches du ministère.
Au final, le monde sorcier n'était pas si différent du monde moldu.
Arthur Weasley lui donna les dernières informations. A la surprise d'Harry, il ne parla absolument pas des Malefoy, ni de Voldemort. Harry aiguilla la conversation dans cette direction, mais il s'aperçut très vite qu'Arthur Weasley n'était absolument pas au courant de la mort de Narcissa Malefoy. La nouvelle n'était pas encore connue, il était encore trop tôt sans doute. Harry décida de ne pas en parler, inutile d'inquiéter les Weasley, ils l'apprendraient toujours assez tôt.
~oOo~
Le lendemain, quand Harry descendit de la chambre de Ron pour aller prendre son petit déjeuner, il trouva Arthur Weasley au pied des escaliers les yeux fixés sur la Gazette du Sorcier qui, apparemment, avait recommencé à paraître le jour même. Harry jeta un coup d'œil à la manchette et lut "Qui-vous-savez sort de l'ombre", son sang ne fit qu'un tour et il fut tenté d'arracher le journal des mains de son hôte pour lire l'article, Arthur Weasley vit Harry et lui montra l'article du doigt.
« Tu-sais-qui a tué la femme de Lucius Malefoy.
— Et… c'est tout ? demanda Harry qui était déjà au courant de cette nouvelle et qui pensait que l'article contenait d'autres informations.
— Comment ça "C'est tout" ? s'exclama Weasley, intrigué qu'Harry prenne cette information à la légère. Tu-sais-qui vient de tuer la femme d'un de ses Mangemorts, tu te rends compte ? Remarque, ça n'est pas si étonnant, il ne traite pas mieux ses amis que ses ennemis.
— Narcissa Malefoy n'était pas son amie. Elle le détestait.
— Comment peux-tu prétendre ça ? demanda Ron qui, à son tour, descendait l'escalier.
— Il est vrai que j'ai moi aussi entendu dire qu'elle n'était pas une Mangemort et qu'elle détestait Tu-sais-qui. Cela étant, ce ne sont que des bruits, e il faut se méfier des rumeurs, faire croire cela aurait très bien pu être une stratégie de Tu-sais-qui. Cela dit, ce qui vient de se passer accorderait plutôt raison à ces "on dit", déclara Arthur.
— Je suis sûr de moi. Voldemort l'a tuée parce qu'elle l'avait insultée. »
Arthur Weasley se pencha sur son article.
« Comment pourrais-tu savoir ça ? Ils ne disent rien sur les circonstances dans l'article. »
Harry se mordilla la lèvre.
« J'ai vu ce qui s'est passé… dans un rêve.
— Tu as encore rêvé de Tu-sais-qui.
— Arrêtez de l'appeler comme ça. Il a un nom. Ce n'est pas en supprimant son nom que vous le supprimerez lui », reprocha Harry, avant de se demander pourquoi il s'énervait ainsi.
Cette réplique mit fin à la discussion.
En fin d'après-midi, Arthur Weasley vint trouver Harry pour lui demander de plus amples informations sur son rêve, Harry lui dit tout ce qu'il avait vu, la lettre qu'il avait envoyée à Dumbledore et ce qu'il avait répondu. Arthur conclut par ses mots : « On saura bientôt si Dumbledore a raison d'espérer que Malefoy se rebellera », puis, il s'éloigna.
Les jours qui suivirent, plus personne ne parla de Voldemort et des Malefoy suite à un accord tacite. Une semaine passa sans nouvelles du Seigneur des Ténèbres. La mort de Narcissa Malefoy était sur toutes les lèvres et tout le monde attendait la réaction de son veuf, mais Lucius semblait amorphe. Depuis la mort de sa femme, il restait cloîtré chez lui.
~oOo~
La fin de l'été arriva et les Weasley, Harry et Hermione prirent ensemble le Poudlard Express. Pour la première fois depuis qu'il prenait ce train pour la rentrée, Harry ne croisa pas Drago Malefoy, c'était logique car celui-ci était déjà à Poudlard, il le remarqua quand même, comme si cela lui manquait, ce qui était peut-être vrai, même si c'était idiot car leurs rencontres dans le train n'avaient jamais été plaisantes, cela étant, justement, c'était peut-être pour ça que cela lui manquait, car, pour la première fois, cette rencontre-là aurait pu être agréable, et elle n'avait pas eu lieu.
Ils débarquèrent du train et entendirent une voix familière demander aux premières années de le suivre. Ils firent un signe de main à Hagrid. Hermione décocha un coup de coude à Harry.
« Aïe ! s'exclama ce dernier avant de frotter son avant-bras douloureux.
— Tu as vu celui qui est à côté des barques ? On dirait… on dirait Malefoy !
— Oui… oui, c'est lui ! Mince alors, qui l'eut cru ? Il est en train d'aider Hagrid. » Ron était éberlué.
Les premières années, qui ne connaissaient pas Drago, n'étaient, eux, absolument pas étonnés et montaient dans les barques sous les directives de l'adolescent. Hagrid profita que son jeune assistant s'occupait à sa place de surveiller le nombre d'élèves qui montaient dans chaque barque pour aller voir rapidement Harry, Ron et Hermione.
« Alors, comment allez-vous ? Vous êtes prêts pour votre avant-dernière année.
— Oui, oui… Hagrid, j'ai pas la berlue, c'est bien Malefoy que je vois là-bas ? demanda Ron.
— Oui, c'est lui. Il a beaucoup participé aux préparatifs de cette nouvelle année. Ça lui fait du bien de s'occuper les mains et la tête…
— Certainement… mais ça a un côté nettement surréaliste de le voir t'aider, remarqua Harry.
— C'est vrai que ça peut sembler bizarre. Mais finalement, Drago, c'est pas le mauvais bougre. Je vais vous dire une bonne chose les enfants : on est ce que la vie fait de nous… et la vie de Drago a pris un sacré virage dernièrement ! Il faut que j'y retourne, je ne suis pas censé le laisser tout faire tout seul, on se reverra plus tard. »
Les premières années étaient tous montés dans les barques et Drago n'attendait qu'Hagrid pour traverser le lac. Ron, Harry et Hermione partirent d'un bon pas vers le château. Ils entrèrent dans la grande salle et allèrent s'installer à la table des Gryffondor. Tous les élèves autres que les premières années étaient assis dans la grande salle, sauf Drago Malefoy.
Harry observa attentivement la table des professeurs pour voir quel serait leur nouveau professeur de défense contre les forces du mal. Il ne trouva qu'une nouvelle personne, c'était une femme brune qui devait avoir la quarantaine, elle n'était ni belle, ni laide, mais elle avait un regard franc et pénétrant. Un regard qui lit à travers vous, songea Harry. Il supposa que c'était le nouveau professeur de culture moldue. Harry songea que Miss Johnson devrait être difficile à remplacer et souhaita mentalement bon courage à celle qui lui succédait.
Il n'y avait aucune autre nouvelle tête parmi les professeurs et aucune chaise inoccupée, Harry supposa que Dumbledore avait décidé de supprimer ce cours par manque de professeur. Une autre idée lui traversa l'esprit : et si Dumbledore avait décidé de prendre en main lui-même les cours de défense contre les forces du mal ? Cette pensée finit par s'imposer et Harry se dit que ça ne pouvait être que ça et il se réjouissait à l'avance des prochains cours.
Les premières années entrèrent, ainsi qu'Hagrid et Drago. Drago se dirigea vers la table des professeurs et se mit à parler à voix basse avec le professeur Rogue, pendant que le professeur McGonagall installait la chaise et le choixpeau devant la table des professeurs.
« Qu'est-ce qu'il faut que je fasse ? demandait Drago à l'oreille de Rogue.
— Tu en as déjà fait beaucoup. Que veux-tu faire de plus ? Va donc t'asseoir à ta table.
— ça signifie que je suis toujours élève ?
— Pourquoi ne le serais-tu plus ? fit Rogue, interloqué.
— Je n'ai pas de quoi payer mon année.
— ça n'est pas grave, Drago. Tu as tellement aidé que tu mérites bien d'avoir une année gratuite, intervint Dumbledore.
— Je n'ai pas tellement aidé que ça. Et puis, j'ai dû coûter de l'argent pendant les deux mois que j'ai passé ici… et je n'ai pas mes livres scolaires.
— Va t'asseoir à la table des Serpentard et ne te préoccupe pas de ça », ordonna Dumbledore d'un ton aimable. Il se tourna vers Bibine. « Personne n'a pensé à lui acheter ses livres ?
— Ah, je n'y ai pas pensé, répondit Bibine en se tournant vers Hagrid.
— Moi non plus, dit Hagrid en se tournant vers Flitwick.
— C'est Severus qui aura le plus de chances de l'avoir fait, non ? proposa Flitwick en se tournant vers la chaise du professeur des potions. Il fronça les sourcils en constatant qu'elle était vide.
— Je ne veux pas être un poids, murmura Drago en regardant Dumbledore, mais il prit tout de même le chemin de sa table.
— Où est passé Severus ? Il était là y a deux secondes, s'exclama Flitwick.
— Je ne sais pas, je n'ai pas fait attention, je regardais Drago », fit Bibine.
Pendant le temps de cette conversation, la cérémonie du chapeau avait débuté et le Choixpeau avait chanté sa chanson. McGonagall aurait dû commencer à appeler les élèves mais elle paraissait absorbée par autre chose.
« Hé bien, Minerva », lui dit gentiment Dumbledore, les yeux rieurs. McGonagall sortit de sa torpeur. Elle lut le premier nom sur la liste et s'approcha du directeur pour lui murmurer à l'oreille.
« Il est là.
— Voldemort ?
— Mais non ! Malefoy ! Lucius Malefoy ! Il était là à l'instant, vous ne l'avez pas vu, vous parliez avec Drago, il a fait un signe à Severus qui s'est levé et l'a rejoint. » Elle fit une pause, rejeta un œil pour voir si elle les apercevait à nouveau, puis haussa les épaules et regarda à nouveau le directeur. « Il n'a pas bonne mine.
— Severus ? s'amusa Dumbledore.
— Non, Malefoy ! » Elle n'était pas d'humeur à jouer à ces petits jeux, et ce n'était guère le moment. « Il a le teint… grisâtre.
— Il est ici et il est en train de discuter avec Severus. Voilà qui est intéressant. » Dumbledore parcourut l'assemblée sans la voir – tourné vers d'autres perspectives –, il remarqua tout de même les regards des jeunes gens braqués sur eux. « Minerva, je crois qu'ils attendent le prochain nom », ajouta-t-il en montrant d'un signe discret les premières années.
~oOo~
Severus Rogue et Lucius Malefoy se connaissaient depuis l'époque où ils étaient tous les deux élèves à Poudlard. Ils n'avaient jamais été réellement amis, mais s'étaient toujours très bien entendus. Il y avait eu surtout une personne qui les avait liés, mais cette personne n'était plus, et beaucoup de choses s'étaient cassées le jour où elle avait quitté ce monde.
Ils se connaissaient donc avant que Lucius ne commence à fréquenter la très jolie étudiante prénommée Narcissa que tous les élèves de sexe mâle convoitaient plus ou moins. Severus savait à quel point Lucius aimait sa femme, il avait été fou de Narcissa à la seconde où elle était entrée dans son champ de vision.
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Dire que Lucius Malefoy avait mauvaise mine était un euphémisme. Severus Rogue ne se rappelait pas avoir vu un jour une personne avoir l'air plus malade que ça. Sa grand-mère sur son lit de mort avait un teint moins blafard que celui de Lucius.
« Tiens, tu donneras ça à Dumbledore, lui dit Lucius en lui tendant une bourse bien pleine. C'est l'argent pour les études de Drago. J'en ai mis plus qu'il ne fallait pour payer les deux mois qu'il a passé ici. » Il sortit une autre bourse de cuir de sa poche. « Et ça, c'est pour Drago, tu lui donneras, et aussi… »
— Pourquoi ne lui donnes-tu pas en personne ? l'interrompit Rogue.
— Je ne crois pas qu'il ait très envie de voir l'assassin de sa mère. »
Rogue fronça les sourcils. Il n'avait jamais entendu cette version-là de l'histoire et s'empressa de la rectifier.
« Ce n'est pas toi qui a tué Narcissa, c'est le Seigneur des Ténèbres.
— ça revient au même, c'est à cause de ma stupidité qu'elle est morte. »
Il s'appuya contre un mur, il semblait vaincu par la lassitude ou le poids du remord.
« Drago avait raison : je suis stupide et borné… et ça a coûté la vie de Cissy. »
Le professeur détourna le regard. A le voir dans cet état, il aurait été heureux de pouvoir le détromper et minorer sa responsabilité, mais Lucius avait raison et il sentirait le mensonge. Il préféra changer de sujet.
« Donc, tu ne vas pas aller voir ton fils si je comprends bien.
— Il ne vaut mieux pas.
— Et que vas-tu faire vis-à-vis du Seigneur des Tènèbres.
— Je ne sais pas.
— ça serait bien de savoir… ne me dis pas que tu es encore à son service ?
— Oh non ! » Un rire lugubre lui découvrit les dents et retroussa le coin gauche de sa bouche, brève ébauche d'un sourire grimaçant. « Cependant… il l'ignore. »
Severus secoua mollement la tête de haut en bas, en proie à la réflexion, puis il braqua ses yeux dans ceux de Lucius.
« Je vais te dire ce que tu vas faire : tu vas te promettre à toi-même de tout faire pour combattre le Seigneur des Ténèbres et tu vas aller voir ton fils et lui faire part de ta décision… et ensuite, tu respecteras cette promesse.
— Tu me donnes des ordres ? » s'étonna Lucius. Il baissa les yeux vers le sol, son regard jusque-là vide devint dur et il releva la tête. « Très bien, Severus, je vais faire ce que tu viens de dire. Néanmoins, j'aime autant te dire que je connais bien le Seigneur des Ténèbres et que je ne vois guère comment je peux le combattre.
— Il n'est pas question de le battre tout seul, il est question de faire partie d'un ensemble qui le combattra. Lucius, nous avons attendu que tu te bouges pendant tout l'été –vraiment, nous n'attendions que ça ! –, tu es une pièce importante, tu es un personnage influent de la scène sorcière. Il faut que tu ailles trouver Fudge et que tu lui parles. Cet idiot refuse de voir les choses en face. Aide-le à ouvrir les yeux. » Severus hésita un instant. « Par la même occasion, j'aimerais aussi que tu fasses quelque chose pour moi.
— Quoi ? » demanda Lucius intrigué.
~oOo~
Drago s'installa à la table des Serpentard. Il s'assit entre Luciano et Pansy, à la grande satisfaction de cette dernière – ce n'était pas parce que Drago n'était plus un cœur à prendre, et encore moins par une fille, qu'elle ne prenait pas plaisir à être à ses côtés et, d'une manière générale, elle l'aimait bien et appréciait sa compagnie.
Hermione remarqua les regards indécis que lançaient Goyle et Crabbe à Drago, d'ailleurs, celui-ci s'était appliqué à s'asseoir loin d'eux. Drago ne craignait pas Vincent et Gregory, c'était ses amis – de véritables amis depuis l'année passée –, mais il ne voulait pas leur causer du tort. Entre les rumeurs concernant son homosexualité, la rébellion de sa mère et le mutisme de son père, il n'était pas sûr que le nom de Malefoy soit très apprécié des Mangemorts dorénavant. Les pères de Crabbe et Goyle, tous deux Mangemorts et qui jusque-là avaient été très satisfaits de cette amitié de leurs fils avec Drago, pourraient désormais en prendre ombrage.
Drago jeta un œil dans leur direction, Crabbe l'intercepta et lui répondit par un pauvre sourire. Drago comprit. Il avait raison : leurs parents leur avaient défendus de le fréquenter.
Ce n'était apparemment pas le cas de Pansy Parkinson. Cependant, Pansy n'avait apparemment rien à voir avec les Mangemorts. Hermione ne put s'empêcher de sourire, il y avait une chose d'agréable avec Pansy : elle n'était pas du genre à tourner le dos à ses amis. Drago trouverait en elle un bon soutien.
Francesco, comme Hermione, avait lui aussi analysé la situation et paraissait préoccupé. Drago le regarda et lui sourit tendrement, Francesco lui rendit son sourire, agréablement surpris. C'était la première fois qu'il le revoyait depuis la fin de l'année scolaire passée et les courriers qu'il lui avait adressés étaient tous restés sans réponse, même ceux envoyés avant la mort de sa mère. Francesco avait fini par se faire à l'idée qu'il ne tenait pas une place aussi importante qu'il l'avait cru dans le cœur de Drago. Mais le sourire que lui envoya son ami le rassura : il l'aimait toujours.
Quand les plats furent vidés, les élèves se levèrent pour rejoindre leurs dortoirs. Luciano, Pansy et Drago se dirigeaient vers la maison Serpentard quand Luciano dit à Drago :
« C'est pas ton père, là-bas ? »
Drago l'avait vu lui aussi et n'avait pas attendu la remarque de son ami pour stopper net. La dernière fois qu'il avait vu son père, c'était par cette funeste nuit où le Seigneur des Ténèbres avait tué sa mère. Il avala sa salive et s'avança vers lui pendant que les autres élèves entraient dans le dortoir, certains jetant des coups d'œil curieux aux Malefoy.
« Bonsoir Drago, le salua son père. Je suis désolé de ne pas être venu plus tôt, mais… j'ai eu beaucoup de mal à accepter. Je ne me pardonnerai jamais ce qui… » Lucius fit une pause, il éprouvait de la peine à trouver ses mots. « Entre nous, si je suis venu te voir, c'est parce que Rogue me l'a demandé, parce que… j'avais peur de venir te voir… peur que tu me rejettes.
— Je ne te rejette pas. Je suis content de te voir… Ils comptent beaucoup sur toi, tu sais ? »
Drago paraissait mieux accepter la réalité que lui. Il était moins fragile qu'il en avait l'air. Il était même très solide. Plus solide que lui. Il ressenti un peu de fierté pour son fils et dans le même temps, il se sentit d'autant plus honteux.
« Tu parles de Dumbledore et des autres ? Severus me l'a dit. Drago, quand elle est morte, j'ai eu l'impression que tout s'effondrait, mais la vie continue. Il va payer pour ce qu'il a fait. Et après, il faudra continuer à vivre, en tâchant d'être meilleur qu'avant. »
Un silence s'écoula. Drago ne savait pas quoi dire, pas quoi répondre, pas quoi ajouter. Il n'était pas accoutumé à voir son père dans un état comme celui-ci. Si faible, si humble. Il se demandait même comment il avait pu le craindre un jour à le voir ainsi. Son père ne lui faisait plus peur. Mais les autres sentiments qu'il ressentait pour lui restaient inchangés. Les sentiments… Drago repensa à Francesco et à ce qu'il n'avait toujours pas avoué à son père.
« Papa, avant qu'elle meure, j'ai parlé de quelqu'un à Maman, quelqu'un que j'aime beaucoup, il s'appelle Francesco », l'informa Drago.
Lucius le regarda, attendant la suite.
« Je crois que je l'aime », ajouta son fils soudainement.
Lucius Malefoy parut accuser le coup et Drago regretta aussitôt ses paroles. Un silence encore plus long que le précédent s'écoula.
« Allons bon, tu préfères les garçons », finit-il par murmurer, le regard perdu. Il se frotta le visage, la lassitude le reprenait. « Drago, s'il te plait, un problème à la fois, implora-t-il.
— Tu as quelque chose contre ça ? »
Malefoy haussa les épaules.
« Je sais pas. On verra. Laisse-moi un peu de temps, Drago.
— Maman n'avait rien contre ! »
Drago était soulagé d'une certaine manière, il l'avait enfin dit à son père, et il ne prenait pas si mal la chose tout compte fait. Après tout, à chaque fois qu'il avait imaginé le moment où il l'annoncerait à son père, celui-ci avait toujours eu une réaction violente. Là, ça avait l'air de l'embêter, certes, mais pas plus que ça. Il fallait dire qu'il lui annonçait ça à un moment où il avait d'autres choses à se soucier, ça l'aidait certainement à relativiser. Drago s'en voulut d'avoir profiter de ce moment de faiblesse, c'était un peu lâche, c'était même un peu cruel de lui ajouter ce souci supplémentaire.
Il avait sauté sur l'occasion comme un digne Serpentard qu'il était.
Ce que Drago ignorait, c'était que Lucius avait eu vent des rumeurs concernant son fils. Quelques élèves avaient parlé à leur parent de certaines choses, ces parents l'avaient répété à d'autres personnes et de bouche et bouche, c'était parvenu jusqu'à lui. Il n'avait accordé que peu de foi à ces témoignages, vu le nombre d'intermédiaires par lesquels était passée l'information et étant donné que la personne qui avait lancée cette rumeur au départ pouvait très bien l'avoir inventée de toutes pièces. Cependant, dans le doute, il s'était mentalement préparé à cette éventualité, ce qui lui permettait au moins d'avoir une réaction plus posée à défaut d'apprécier cette nouvelle.
« Si Maman n'avait rien contre, alors… » dit-il, la voix chargée de tristesse. Il posa une main sur l'épaule de son fils. « Je t'aime… et ça commence à faire beaucoup pour moi aujourd'hui. Laisse-moi le temps de m'habituer à tout ça. »
Il lui avait dit "je t'aime" naturellement, sans se forcer. C'était venu tout seul, cela avait coulé tout seul. Il repensa à ce soir où Drago avait ramené sa professeur moldue chez lui.
Lucius riva ses yeux vers le sol et Drago le détailla. Il fut sidéré en constatant à quel point son père lui paraissait vieux et ressentit de la pitié. Il n'était pas le seul à avoir souffert de la mort de sa mère. Drago avait toujours su que son père aimait sa mère, aujourd'hui, il pouvait constater à quel point il l'avait adorée. Lucius sortit une bourse de sa poche et la tendit à Drago.
« Tiens, c'est un petit pécule, fais-en ce que tu veux. » Il fronça les sourcils. « Tu as acheté tes livres scolaires ? demanda-t-il soudainement.
— Non.
— Je suis désolé, je viens d'y penser, j'avais totalement oublié. Tu as une liste ? Je vais aller te chercher tout ce dont tu as besoin et je t'apporterai ça demain.
— Je vais te la chercher. Je faisais partie de ceux qui ont envoyé les courriers aux élèves, tu sais. On ne m'en a pas envoyée une à moi, mais c'est logique, j'étais là. Je vais aller te chercher ça, répéta-t-il en commençant à partir.
— Drago, attends, l'interrompit Lucius en le retenant par un bras. J'ai quelque chose à te donner », ajouta-t-il en ramenant vers l'avant une sacoche qu'il portait derrière son dos, il l'ouvrit et en sortit une étoffe brillante. Drago la reconnut du premier coup d'œil. C'était un tissu très prisé, très cher et très rare, et la cape de sa mère, que son père lui avait offert alors qu'ils étaient encore étudiants, était confectionnée en cette matière. Quand son père déploya la cape, Drago sentit les effluves légers du parfum maternel. Durant toute sa vie, Narcissa avait toujours porté le même et l'étoffe était imprégnée de cette odeur persistante évoquant des souvenirs dorénavant douloureux à Drago. Il ressentait un serrement au ventre à chaque fois que quelque chose ou quelqu'un lui faisait songer à sa mère, cependant, il ressentait tout de même le besoin de penser à elle. La douleur finirait par s'estomper avec le temps, il le savait, le temps atténuait tout… sauf l'odeur de sa mère sur cette cape, à croire qu'elle était ensorcelée pour toujours sentir ce parfum… et sans doute l'était-elle.
Lucius tendit la cape à Drago qui effleura d'abord du bout des doigts le tissu léger et satiné. Cette cape était magnifique et il avait vu plus d'une femme verte de jalousie quand elles la voyaient sur les épaules rondes de sa mère. Il fit glisser sa main sur l'étoffe noire et brillante, puis, la prit et la colla sur son visage.
« Je voulais te la donner. Comme ça, tu auras un peu de ta mère près de toi. »
Drago passa la cape sur ses épaules et il se sentit étrangement bien. Avoir ce vêtement sur lui, c'était comme si sa mère l'enveloppait de ses bras. C'était une sensation agréable, rassurante. Lucius lui caressa la joue, un geste auquel il n'avait pas habitué Drago, et son fils lui trouva un air nostalgique.
« Pendant longtemps, c'est à moi que tu ressemblais le plus. Néanmoins, depuis quelques mois, ton visage, en s'affinant, prend les traits maternels. Normal que tu plaises… comment m'as-tu dit qu'il s'appelait ?
— Qui ? Francesco ?
— Voilà, Francesco. Un de ces jours, tu me le présenteras… mais pas tout de suite, d'accord ? »
Tout ceci lui déplaisait foncièrement, mais il n'avait ni la force ni le courage de protester. Il ne voulait pas voir son fils avec un garçon, il allait avoir du mal à s'habituer à cette idée.
Maintenant qu'il y repensait, il n'aimait pas tellement non plus l'idée de le voir avec une fille – en serait-il à jalouser toutes les personnes à qui Drago pourrait offrir son affection ? Pire, son amour ? –, cependant, il aurait quand même préféré, non pas parce que c'était plus "normal", mais simplement parce qu'il avait soudainement l'impression d'avoir un rival dans l'affection de son fils et que son fils était tout ce qui lui restait, si ça avait été une fille, ça ne lui aurait pas fait un tel effet, la rivalité n'aurait pas été aussi directe. En fait, il se demandait si ce garçon ne pouvait tout simplement pas le remplacer et ça lui faisait mal.
Il s'apprêta à s'en aller, se retourna.
« Tu… tu n'as rien fait avec lui, n'est-ce pas ? Rien de… enfin, tu vois. »
Son ton était suppliant et son regard inquiet. Il venait de songer à quelque chose qui visiblement ne l'enchantait guère.
« Non, on n'a rien fait du tout. »
Lucius poussa un petit soupir de soulagement.
« Très bien, très très bien. »
Il s'en alla après avoir embrassé son fils, geste qu'il n'avait pas fait depuis des années, d'ailleurs, Drago avait du mal à se souvenir de la dernière fois où ça lui était arrivé. Ça lui était-il seulement déjà arrivé ?
Il sortit de Poudlard et l'idée qui lui était passée par le crâne revint à son esprit : son fils était avec un garçon…
… et ce garçon était peut-être plus masculin que lui…
… peut-être plus viril…
… peut-être plus grand…
… et peut-être qu'il était "l'homme" dans le couple.
Il s'ordonna mentalement de penser à autre chose. L'intimité de son fils était la dernière chose qui le regardait. Cependant, il ne pensait qu'à ça, et sans qu'il s'en rende compte, c'était une bonne chose, car depuis la mort de sa femme, l'image de son corps sans vie allongé sur le tapis du salon persistait sur ses rétines. Il ne pensait plus qu'à ça depuis ce funeste instant, cette seconde où tout avait basculé, et avoir appris que son fils était homosexuel constituait le meilleur des divertissements pour son esprit, de vraies vacances.
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Chourave regarda partir Lucius Malefoy par un des carreaux de la grande salle et s'éloigna.
Tout aurait pu être tellement différent, se disait-elle.
Elle se souvenaitd'une chaude après-midi d'été, très chaude, surtout pour un pays comme l'Angleterre. Il faisait tellement beau. La fin de l'année était très proche. Et c'est sans doute ces deux facteurs cumulés qui avaient décidé les élèves Serpentard de première année à ne pas travailler. Ils n'arrêtaient pas de lui répéter « il fait trop chaud Madame », le ton, la bouche, les yeux implorants. Et elle aussi, elle mourrait de chaud. Il régnait une ambiance étouffante dans la serre. Finalement, ils avaient vaincu.
« Vous avez raison, allons donc nous promener. »
Ils s'étaient tous précipités à l'extérieur. Leurs tenues n'étaient pas très conventionnelles, avec la température qu'il y avait, ils avaient tous laissé tomber la robe noire de leurs uniformes et se promenaient fièrement en tenues estivales. Elle se souvenait surtout de la tenue de Lucius Malefoy : un bermuda et une belle chemise toute blanche à manche courtes. Elle s'en souvenait très bien car à la fin de la journée, la "belle" chemise n'avaient plus rien de blanc.
Il était quatre heures de l'après-midi et c'était le dernier cours des Serpentard et de Chourave pour la journée. Elle les avait emmenés à l'extérieur de l'enceinte de Poudlard afin d'aller dans un bois où ils seraient plus au frais… et qui avait l'avantage d'être sans danger contrairement à une certaine forêt. Ils s'en étaient donnés à cœur joie tout l'après-midi. Narcissa Arty – qui devint Narcissa Malefoy des années plus tard – avait emmené son appareil photo et avait immortalisé cette journée.
Edwige Lancen s'était assise sur une fourmilière et avait couru partout ensuite en agitant les bras et en hurlant. Et Cypria Malefoy courait à sa suite en l'imitant, ce qui lui valut un mauvais regard de la part d'Edwige dès que celle-ci se fut débarrassée des fourmis.
Lucius, Igor – qui n'avait passé que deux années à Poudlard et était ensuite parti à Durmstrang –, Severus, Michael et Cypria passaient leur temps à grimper aux arbres. Chourave, n'ayant pas renoncé à leur donner un semblant de cours, interpella Lucius et Igor en pleine ascension.
« Dites-moi les garçons : sur quel arbre êtes-vous montés ? »
Réponse d'Igor : « Heu… un chêne ?
— Bien… et à quoi peut servir le chêne ? »
Réponse de Lucius : « à grimper dessus ?
— Je parlais d'une autre utilisation. »
Réponse d'Igor : « Fabriquer des meubles ?
— Une utilisation magique. »
Réponse de Lucius : « Fabriquer des meubles magiques ?
— Laissez tomber. »
Un peu plus tard, Lucius avait voulu faire une démonstration d'acrobaties aériennes d'arbre en arbre, dans le seul but d'impressionner ses camarades. Chourave avait entendu ça de loin, s'était précipitée, mais était arrivée trop tard pour l'empêcher. La séance s'était soldée par une branche qui avait cédé sous son poids et une chute de trois mètres – évidement, il n'aurait pas pu faire ça plus près du sol.
Elle l'avait retrouvé en train de gémir mollement au milieu d'un tas d'épines. Par la suite, Severus avait commenté la scène d'une façon typiquement roguienne : « Heureusement que sa chute a été amortie par le buisson épineux… il aurait pu se faire très mal sinon ! »
Et le pire, c'est que c'était vrai.
Une fois débarrassé de toutes ses épines, il avait recommencé aussitôt à faire le singe. Chat échaudé craint l'eau froide, voyez-vous ça ! A propos d'eau, elle avait retrouvé les filles en train de patauger dans un ruisseau et les garçons s'étaient précipités pour les rejoindre.
Il commençait à se faire tard et Chourave avait commencé à les rappeler, mais ils n'avaient absolument pas envie de rentrer. Ce qui décida tout le monde fut l'état de la cheville de Severus qu'il s'était cassée. Ils rentrèrent donc au château pour y trouver un Dumbledore mort d'inquiétude. Il était plus de vingt et une heures. Personne n'avait vu le temps passer.
« C'est donc pour ça que j'avais faim, alors », avait dit Igor avant de disparaître dans le couloir menant à l'infirmerie. Il portait Severus sur son dos, heureusement qu'il était maigrichon, Chourave avait proposé de le porter, mais il avait absolument tenu à le faire lui-même. Il était toujours prêt à aider à cette époque-là.
La tête de Dumbledore quand il avait aperçu Lucius valait le déplacement. Il faut dire que son visage était tout égratigné, ses cheveux mêlées, son bermuda maculé de terre, sa chemise le matin blanche était déchirée à une manche et teintée marron-vert-rose : marron pour la terre, vert pour l'herbe, et rose pour les framboises qu'il avait entreposées dans sa chemise, Chourave lui avait pourtant dit de ne pas le faire. Bref, il ne restait plus grand-chose du fils de bonne famille propre, soigné et bien vêtu.
Elle entra dans ses appartements et regarda la photo encadrée au mur. Une photo que lui avait donnée Narcissa, une photo sans mouvement, figé dans l'éternité. Narcissa n'aimait pas les photos qui bougeaient, et force était de reconnaître que les photos qui gardaient intact l'instant qu'on avait pris avaient un charme certain. C'était une photo de groupe, elle l'avait prise avec le retardateur, elle avait ensuite couru pour être sur la photo.
S'il y avait bien une chose que Chourave ne regrettait pas dans sa vie, c'était cette après-midi. Ainsi, elle avait eu le loisir de voir ces élèves heureux et innocents.
Mais tout ça, c'était avant. Avant qu'il se passe ce qui avait changé à jamais la destinée de tous les élèves de cette classe. Combien étaient morts sur cette photo ? Combien étaient enfermés à Azkaban ?
Une photo sans mouvement vous garde intact, la vie non.
