Tout bien considéré…

Par Maria Ferrari

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Les personnages et l'univers de Harry Potter appartiennent à J..

Base : Tomes 1 à 4 de Harry Potter

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—Chapitre 14 – Asile—

Les rapaces envahirent la grande salle, un grand duc se posa majestueusement devant Drago, la Gazette du Sorcier entre ses pattes. Drago lui donna comme récompense un morceau de viande et une caresse et se saisit du journal le sourire aux lèvres après une plaisanterie de Luciano, sourire qui disparut instantanément quand il déplia le journal. Une photo s'allongeait en première page, représentant des ruines fumantes, et un titre en caractères gras la surmontait : "CELUI-DONT-ON-NE-DOIT-PAS-ECRIRE-LE-NOM INCENDIE LE MANOIR MALEFOY". Le visage de Drago se décomposa. Ses poings se serrèrent, froissant le papier. Il sentit vaguement quelqu'un lui serrer le bras. C'était Pansy qui, après avoir lu la une, avait instinctivement saisi le bras de Drago, espérant inconsciemment que ce simple contact physique suffirait à le soutenir. Une main se posa sur son épaule de l'autre côté, Luciano se pencha et lut l'article.

« Ils ne disent rien sur ton père… à part qu'il est absent et qu'ils ne savent pas où il se trouve. Il doit être en vie.

— Ils ont détruit ma… » commença Drago, puis, il s'arrêta net, le regard figé sur la table, incapable de finir sa phrase. Les sanglots montaient dans sa gorge et l'empêchaient de parler.

« Drago, a priori, ton père est vivant, sinon, ils en parleraient », assura Pansy en écho de Luciano. Après ce qui s'était passé cet été, Lucius Malefoy avait tout intérêt à rester en vie pour la santé mentale de son fils, pensait-elle. Elle connaissait Drago depuis la maternelle et savait qu'il pouvait être très fragile malgré les efforts qu'il déployait pour le cacher. Elle avait d'ailleurs été positivement étonnée de l'attitude de Drago face à la perte de sa mère, il avait su encaisser ce coup dignement et l'avait surmonté. Cependant, elle le soupçonnait de dissimuler le chagrin qu'il devait toujours ressentir.

Drago s'accrocha à ce que disaient Pansy et Luciano, son père n'avait certainement pas péri dans cet incendie. Il parvint ainsi à ravaler la boule qui bloquait ses tentatives pour parler.

« Ma maison, mes souvenirs, la bibliothèque de mon père, les livres de ma mère, les photos de ma mère. » Ses yeux s'agrandirent alors qu'il prenait conscience qu'il n'y avait pas que son père à vivre au manoir, et que si l'autre occupant avait péri dans le feu, le journal ne le mentionnerait certainement pas. « Filou, souffla-t-il. Filou !

— Filou ? » répéta Luciano, intrigué.

— Mon chat ! C'est mon chat. C'est ma mère qui me l'avait rapporté Elle me l'a donné pendant les vacances de Noël. C'était la chatte de la voisine qui…

— Il n'était probablement pas dans la maison, les chats, c'est toujours à se balader dehors… » remarqua Luciano.

Drago plaqua le journal contre la table et lut tout l'article avidement, ce qu'il y lut le fit frémir.

« Vous dites que mon père est vivant, mais tout ce que dit l'article, c'est qu'on ignore où il est. Personne ne sait où il se trouve ! Il a sûrement été capturé par le Seigneur des Ténèbres ! Il est entre ses mains ! » Les genoux de Drago tremblaient, l'air commençait à lui manquer, il ne pouvait pas le perdre, il ne pouvait pas se le permettre, pas lui aussi, pas ses deux parents ! « Il est peut-être en train de se faire torturer actuellement ! »

Les sanglots remontaient.

« Ecoute : ton père est loin d'être un idiot, il ne se ferait pas avoir si facilement ! raisonna Pansy, bien qu'elle commençât elle aussi à craindre pou la vie de Lucius Malefoy.

— ça va Drago ? » demanda la voix anxieuse de Francesco derrière lui.

En reconnaissant cette voix, Drago pivota instinctivement sur lui-même et s'appuya contre le torse de son ami, noyant sa tête dans la robe du Gryffondor. Francesco, dès qu'il avait vu la une de la Gazette, s'était précipité vers Drago pour lui apporter son soutien.

L'italien parût très soucieux : pour que Drago fasse ce genre de geste en public, c'était que ça n'allait vraiment pas.

« Drago, ton père ! Il… il est là ! » fit soudainement Pansy en désignant de son index le fond de la salle.

Le jeune Malefoy émergea de l'uniforme de son ami.

« Où ça ? dit-il d'une voix blanche.

— Là-bas ! Là-bas ! à côté de Rogue ! insista Pansy en agitant frénétiquement son doigt.

— Celui avec les cheveux blonds et l'oiseau, je suppose ? » demanda Francesco. Personne ne lui répondit car Drago se leva précipitamment de table et le bouscula sans ménagement et sans s'excuser.

~oOo~

Severus mangeait son petit déjeuner en écoutant ses collègues parler de la destruction du manoir Malefoy. C'était un coup dur pour Lucius, cependant c'était à prévoir. Un peu inquiet, il se demandait où était Lucius actuellement et espérait qu'il ne s'était pas fait prendre par les Mangemorts. Il eut immédiatement la réponse à sa question.

« Bonjour », dit la voix de Lucius.

Severus leva le nez de son assiette. La plupart des murmures s'étaient stoppés à l'arrivée de Lucius Malefoy.

« Lucius ! Heureux de te voir en vie et en un seul morceau ! »

Lucius fronça les sourcils, ne comprenant visiblement pas ce que Severus sous-entendait. Rogue détailla Malefoy. Un faucon sur une épaule, un sac sur l'autre, un chat dans les bras et la canne à la main, mis à part qu'il était plus chargé qu'à son habitude, Lucius Malefoy restait fidèle à lui-même, habits bien coupés, noirs et propres, cheveux soignés et bien mis, air digne voire supérieur.

« Alors, mon cher Severus, comment me trouves-tu ? Ai-je l'air d'un vagabond ?

— Si c'était le but recherché, il te faudra encore faire un effort. »

Drago arriva en courant. Il s'arrêta net quand il fut devant son père.

« Oh ! Tu as mon chat ! Viens par là Filou. »

Il prit le chat dans ses bras, se mit à le caresser et se désintéressa royalement de son père. L'angoisse s'était envolée dès qu'il l'avait aperçu et de découvrir son chat indemne – le seul être dont il s'inquiétât encore pour l'intégrité physique à présent qu'il avait vu son père – avait effacé le premier réflexe de se précipiter dans les bras du seul parent qui lui restait.

Et sans doute aussi la dignité familiale avait-elle repris le dessus. Sauter au cou de son père, ce devant une telle assemblée, cela ne se faisait pas.

« Drago, ne prend surtout pas la peine de me saluer ou de t'enquérir de mon état de fatigue, ironisa Lucius d'un ton plus amer qu'il ne l'aurait souhaité.

— Lucius ! Justement, je pensais à vous… et je ne dois pas être le seul à l'heure actuelle », s'exclama Dumbledore en se dirigeant vers le Mangemort repenti et en lui tendant la Gazette du Sorcier. Lucius se saisit du quotidien. Ses yeux s'écarquillèrent et il marmonna quelques mots en voyant la photo. Albus crut comprendre "Les enflures", ce qui était un écart de langage auquel Lucius ne l'avait pas habitué. L'ancien Mangemort ne se départit pas pour autant de sa maîtrise de soi.

« Par bonheur, j'avais pris les devants. Un ami m'a prévenu que ça se gâtait pour moi, qu'il valait mieux que je me mette à l'abri. J'ai donc réuni quelques affaires, des choses qui me semblaient utiles ou importantes, et me voici.

— Donc, ce journal vient de vous apprendre ce qui est arrivé à votre domicile.

— Oui… Ce n'est pas vraiment une surprise. Celui qui m'a prévenu m'avait dit qu'il y avait des risques pour ma demeure.

— Cet ami est un Mangemort.

— Oui.

— Néanmoins, et bien que vous soyez un traître à leur cause, il vous prévient, constata Dumbledore dans un sourire.

— Tu as emmené quoi ? intervint Drago.

— Ton sac à puces déjà !

— Filou n'est pas… commença Drago avant de pousser un profond soupir et de revenir au précédent sujet. Tu as sauvé quoi d'autre ?

— Des photos, quelques petites choses… J'ai fait rétrécir mon coffre et quelques meubles pour pouvoir les emmener. Ce qui m'a amené à méditer sur le sujet suivant : comment font les Moldus quand ils déménagent ? »

Il avait pensé aux photos. Son père était plus sentimental qu'il ne l'aurait cru. Tant mieux.

« Tu as sauvé la bibliothèque ?

— Une partie seulement, le rétrécissement a ses limites, tout ne serait pas entré dans mon sac.

— Lucius, je dois te remercier, je te dois une fière chandelle ! »

La voix de Black. Ainsi il était là. Sans doute hébergé au château depuis que son innocence avait été reconnue, et peut-être avant il y avait tant de cachettes ici. Dumbledore resserrait ses troupes autour de lui.

« Ah bon ? » fit Lucius, intrigué. Il n'aimait pas trop Black. Il lui aurait rendu service ?

« Oui, ton témoignage, il m'a tiré d'affaire.

— Ah oui, ça ! Ce n'est pas moi qu'il faut remercier, c'est Severus. C'est lui qui m'a demandé de le faire. J'ignore pourquoi mais il avait l'air d'y tenir », répondit Lucius. Dans un moment d'abandon, il avait promis à Severus qu'il ferait ce témoignage. Il n'avait pas bien compris – et ne comprenait toujours pas – pourquoi Severus voulait que Black soit innocenté. Un caprice sans doute. Ou alors Dumbledore était à l'origine de cette demande, cet homme avait beaucoup trop d'influence sur Severus.

Black se tourna vers Rogue, toujours assis devant son petit déjeuner et tentant d'avaler son thé d'un air dégagé.

« Tu lui as demandé de témoigner en ma faveur ?

— Oui, répondit sobrement Severus.

— Je ne te connaîtrais pas comme je te connais, je crois que je t'embrasserais !

— Heureux que tu me connaisses comme tu me connais alors, rétorqua Severus, grimaçant.

— Severus, vous êtes un homme formidable ! » s'exclama Albus, fier et enthousiaste.

Dumbledore ne semblait pas au courant, il n'était donc pas à l'origine de cette demande. Alors, ce devait être un caprice de Severus alors. Lucius secoua mollement la tête et fit une moue discrète.

« Je sais », répondit Severus d'une façon qui laissait supposer qu'il était inutile de le faire remarquer, que tout le monde le savait déjà et que personne n'oserait contester cela sous peine de passer pour des originaux ou pour des gens d'une rare mauvaise foi.

~oOo~

Son petit déjeuner pris, Severus avait pris le chemin de son cachot afin d'aller assurer le premier cours de sa journée. Il faisait d'ordinaire ce cheminement seul, ce qui lui convenait d'ailleurs très bien. Malheureusement, ce matin-là n'était pas ordinaire et Black semblait avoir décidé qu'il ne le lâcherait pas d'une semelle.

« Pourquoi as-tu fait ça ?

— à la niche sale cabot ! » aboya Severus. Black allait-il finir par le lâcher ?

« Réponds à ma question et je te laisserai tranquille, ça fait trois fois que je te la pose. Dès que tu réponds, je m'en vais. Alors, pourquoi as-tu fait ça ? Pourquoi m'as-tu aidé ? Je sais que nous sommes supposés nous entendre car Albus nous l'a demandé, je sais aussi que depuis mon humble soumission à genoux, tu ne m'en veux plus – en tout cas, c'est ce que tu avais prétendu –, mais de là à me faire un cadeau pareil et alors que personne ne t'a rien demandé, je dois dire que je suis soufflé. Note bien que ce n'est pas que je t'estimais incapable d'un bon geste… mais envers moi, j'avoue que cela me surprend. Pourquoi as-tu fait ça ? Pourquoi as-tu demandé à Malefoy de faire ce témoignage ?

— Si je réponds "par goût pour la justice", me croiras-tu ?

— Certainement pas, répondit Sirius en émettant un ricanement.

— Et "par amitié pour toi", ça te conviendrait ?

— C'est encore moins crédible ! »

Severus s'arrêta soudainement et affronta Sirius du regard.

« Pour une fois dans ta vie, Black, prends deux secondes pour réfléchir. Pourquoi crois-tu que j'ai demandé ce service à Lucius ? Analyse ta situation et tu ne pourras que constater que tu m'es redevable, ce qui est toujours bon à prendre. Et surtout, as-tu entendu Albus quand il s'est exclamé que j'étais un homme formidable ? Cela résume bien l'effet recherché. Oui, Black, grâce à ce petit service que je te rends et qui ne m'a pas coûté énormément, j'ai pu afficher ma supériorité devant tous ceux qui ont pu entendre ce que Lucius disait… et bientôt devant le reste du monde car cette nouvelle ne tardera pas à se répandre, tu peux compter sur Albus pour cela, car, je ne sais pas pourquoi mais j'ai l'impression qu'il va se faire un malin plaisir de répandre cette information.

— Il ne ferait pas ça. Il te grillerait auprès de Tu-sais-qui.

— Tu n'es pas au courant ? Je suis déjà grillé auprès du Seigneur des Ténèbres.

— Que s'est-il passé ? demanda Sirius en fronçant les sourcils.

— Lucius n'est plus Mangemort. Voilà ce qui s'est passé.

— Je ne vois pas le rapport.

— Moi si, et le Seigneur des Ténèbres aussi, il est furieux. Tu as vu ce qui est arrivé à la maison de Lucius. Qu'est-ce qui lui serait arrivé s'il avait été à l'intérieur de sa maison ? J'ai tout intérêt à rester sous la protection des murs de Poudlard si je veux rester en vie.

— Je ne comprends pas. Quel rapport avec Malefoy ? Je ne vois pas ce que ça change au point de vue de ton espionnage.

— J'ai commencé mon double jeu très peu de temps après être devenu Mangemort… et j'ai mis Lucius au courant.

— Quoi ? Et il ne t'a jamais dénoncé ? s'étonna Black.

— Contrairement à ce qu'on pourrait croire, Lucius a certains principes… qui se contredisent quelquefois entre eux. Non, il ne m'a pas dénoncé. Plus étonnant, il m'a protégé. Le Seigneur des Ténèbres le plaçait en haute estime. Par conséquent, lorsque je ne participais pas à l'une ou l'autre opération, Lucius était là pour me défendre. Quelquefois, il me couvrait. D'autres fois, il m'excusait. Il argumentait auprès du Seigneur des Ténèbres pour expliquer mes absences. Le Seigneur des Ténèbres croyait dur comme fer en sa fidélité, pas une seconde il n'aurait songé que Lucius pouvait me protéger. Cependant, notre système a été quelque peu bousculé par les derniers évènements, car, vois-tu, depuis sa "résurrection", la seule personne qui assurait ma position était Lucius. Le Seigneur des Ténèbres avait des gros doutes sur ma fiabilité, il se posait des questions à mon sujet, j'ai réussi à trouver des réponses raisonnables à ces questions, mais si Lucius n'avait pas été là pour conforter ce que je disais, autant dire que j'étais fichu.

— Et donc, Lucius n'étant plus Mangemort… commença Sirius.

— Le Seigneur des Ténèbres n'a plus aucune confiance en moi, termina Severus. De toute façon, mon espionnage ne servait plus à grand-chose, même avec l'appui de Lucius. Le Seigneur des Ténèbres préférait prendre des précautions et s'arrangeait toujours pour que je ne connaisse qu'une partie des informations jusqu'au dernier moment, ceci afin d'être sûr que je ne puisse pas retourner ses plans contre lui. Il était très prudent. »

Sirius secoua lentement la tête.

« Ainsi, l'espionnage, c'est terminé.

— Oui.

— Tu dois être plutôt content.

— Je mentirais si je prétendais que ça me manque. A présent que tu as ta réponse, tu vas pouvoir me laisser. »

Rogue reprit sa marche, Sirius le regarda s'éloigner. C'était une vue de son esprit où Rogue était plus bavard qu'avant ? En plus, avec lui, Sirius Black, son ennemi préféré.

~oOo~

« Vous savez ce que je veux vous demander ? »

Lucius se tenait en face du directeur de Poudlard dans la grande salle qui s'était vidée de presque tous ses occupants. Il avait parlé d'une voix claire, le front haut, il tenait à conserver sa dignité, surtout en ces circonstances où elle était l'une des rares choses qu'il possédait encore.

« L'asile ? C'est accordé, répondit Albus.

— Merci.

— à la condition que vous vous battiez de mon côté dorénavant, ajouta Dumbledore d'un ton affable.

— Bien évidemment. »

Le directeur n'avait pas douté un instant de cette réponse, il l'avait par contre attendue pendant tout l'été. Il jeta un coup d'œil derrière Lucius.

« Je crois qu'il y a deux jeunes gens qui veulent vous parler. »

Lucius se tourna. Francesco et Drago s'étaient approchés en douceur. Puisque son père était à Poudlard pour une durée indéterminée, autant lui présenter immédiatement son "gendre" car il finirait de toute façon par les surprendre ensemble. Le choc serait évidemment moins grand que si Lucius ne savait pas du tout qu'il était homosexuel et qu'il avait un ami, mais il préférait lui montrer à quoi ressemblait cet ami avant qu'il le découvre tout seul.

Question de respect.

Lucius comprit avant même que Drago le présente qui était celui qui l'accompagnait.

« Francesco ? » dit Lucius en guise de salut. Qui cela pouvait-il être d'autre d'ailleurs ?

« Oui, Francesco Datena, compléta l'italien en tendant la main vers Lucius qui la serra. Je suis enchanté de faire votre connaissance Monsieur Malefoy. »

Moi pas, pensa Lucius. « Moi aussi », répondit-il.

Francesco et Drago échangèrent un regard complice et Lucius vit dans ce regard la profondeur et la réciprocité de leurs sentiments. Il y avait quelque chose de fort entre eux, ils resteraient ensemble qu'il soit d'accord ou non. Cela lui fit mal. Il avait vraiment perdu tout contrôle sur la vie de son fils. De plus, entre Francesco et Filou, le satané chat, il se demandait bien quelle place il occupait encore dans le cœur et la vie de Drago. Pourvoyeur de fonds ?

Il fronça les sourcils en remarquant le blason sur l'uniforme de Francesco. Un Gryffondor. Merlin, c'était le bouquet ! Son fils avait décidément bien changé.

« Vous allez être en retard en cours tous les deux », intervint Dumbledore.

Mis à part le directeur, les Malefoy et Francesco, la grande salle était à présent totalement vide. Leur petit déjeuner terminé, les élèves et les professeurs étaient tous partis.

Drago s'en alla après avoir offert un sourire chaleureux à son père. Francesco avait été plutôt bien reçu, c'était satisfaisant. Bien sûr, il n'avait pas fait mention des origines de son ami, car il valait mieux procéder par étapes.

Ce que Drago ignorait, c'était qu'une flamme de haine s'était d'ores et déjà allumée dans le cœur de Lucius à l'encontre de Francesco. Il ne supportait pas l'idée d'avoir à partager la seule famille qui lui restait… et surtout de passer au second plan. Bientôt, Drago s'en irait avec Francesco… et il aurait perdu son fils à jamais.

~oOo~

Debout sur le balcon de l'appartement qui lui avait été alloué, Lucius contemplait le reflet du soleil sur le lac en cette fin de journée – sa première à Poudlard depuis qu'il avait achevé ses études. Les lumières et couleurs du coucher étaient magnifiques, mais Lucius ne s'en apercevait pas, il ne s'en apercevait plus ; le temps où il s'extasiait devant les couchers de soleil et la beauté de certains paysages était révolu depuis longtemps. Il ne regardait pas pour admirer le dégradé des couleurs de l'horizon et les ombres du paysage, mais uniquement pour avoir un endroit où fixer les yeux.

Des bruits de pas se firent entendre derrière lui. Il se retint de se retourner. Il saurait bien assez tôt qui arrivait. L'intrus à sa solitude reposante arriva à sa hauteur et il s'autorisa un coup d'œil discret sur le côté pour connaître son identité.

« Tu admires le paysage ? » demanda Severus.

Non, Lucius n'admirait pas le paysage, et il détestait l'idée qu'on puisse penser cela. Les hommes comme lui avaient des choses plus importantes à faire que d'admirer le paysage. Ils n'avaient pas le temps et ils avaient déjà vu tout ce qu'il y avait à voir. C'était une occupation beaucoup trop futile et inutile pour lui. D'un autre côté, il ne pouvait avouer à Severus qu'il méditait sur sa vie et l'échec complet qu'elle avait été, malgré tout l'argent qu'il possédait et le poste haut placé qu'il occupait, donc…

« Oui, répondit laconiquement Lucius.

— J'imagine que les derniers évènements ont dû changer ta vision du monde moldu, non ?

— Pourquoi ? » demanda Lucius, sincèrement étonné.

Severus s'appuya à la balustrade et regarda le soleil embraser la forêt interdite.

« Geena qui est venu te voir, la mort de Narcissa… commença-t-il à énumérer.

— Narcissa a été tuée par le Seigneur des Ténèbres. » Lucius ne voyait pas en quoi cet évènement lui ferait voir les moldus d'un œil nouveau.

« Je le sais.

— Pourquoi sa mort devrait-elle changer ma vision des moldus ? demanda-t-il sèchement puisque Severus ne semblait pas vouloir s'expliquer.

— Elle a été tuée par le Seigneur des Ténèbres, pas par un moldu, ce qui prouve que des sorciers peuvent te faire autant de mal que des moldus et que ça n'a donc rien à voir avec le fait d'être moldu ou non, mais avec les personnes elles-mêmes.

— C'est là que tu te trompes, Severus : le père du Seigneur des Ténèbres était moldu.

— ça ne t'avait pas vraiment gêné jusque-là ! s'exclama Severus.

— Je l'ignorais, je l'ai appris seulement récemment. Cependant, il est vrai que lorsque je l'ai appris, j'aurais dû me méfier.

— Juste parce qu'il avait du sang moldu ? Alors, cet homme – cette créature – a fait souffrir et tuer des centaines de gens, y compris parmi les Mangemorts et leurs familles et c'est lorsque tu as appris qu'il avait du sang moldu que tu aurais dû te méfier ? » Severus ne revenait pas de la remarque de Lucius, jusqu'où pouvait bien aller son entêtement ?

« Disons que ça le rend potentiellement encore plus dangereux. Je suis sûr de mon fait. Tiens, te rends-tu compte à quel point cet homme déteste les moldus ?

— Au moins autant que toi. »

Lucius ne tient aucun compte de la réponse de Severus qui n'était qu'une interruption dans son argumentation, sa question étant purement rhétorique.

« Sa haine des moldus est proverbiale. Pourtant, il est lui-même à moitié moldu ! Cela revient à dire que cet homme se déteste. Or, un être qui se déteste lui-même est particulièrement féroce, dangereux pour tout le monde, y compris pour lui-même. J'ai été idiot de ne pas m'éloigner plus tôt, j'aurais dû le faire quand j'ai appris cette particularité du Seigneur des Ténèbres. » Les épaules de Lucius s'affaissèrent, son regard se perdit. « J'aurais dû le faire quand j'ai appris que mon fils avait de la sympathie pour une moldue. Ou quand cette moldue est venue chez moi et que ma femme l'a si bien accueillie. Je suis le dernier des derniers, j'avais pourtant bien senti que cette sympathie affichée pour des moldus nous conduirait tout droit au désastre. J'aurais dû mettre ma famille à l'abri du Seigneur des Ténèbres.

— Mais tu ne l'as pas fait.

— Non, j'ai été stupide… et lâche aussi. J'ai senti que ma femme et mon fils étaient en danger, mais j'avais tellement peur du Seigneur des Ténèbres que je n'ai pas osé le trahir. Sous le coup de la peur, j'ai bêtement cru que tant que je lui serais fidèle, ma femme et mon fils seraient en sécurité. En tout cas, plus en sécurité que si je trahissais. »

Une brise fraîche vint soulever les cheveux de Lucius. Severus pensa à Cypria, elle avait les mêmes cheveux trop blonds.

« Tu m'aidais Lucius. Tu trahissais déjà le Seigneur des Ténèbres en le faisant. Cela ne te faisait pas peur ?

— Le Seigneur des Ténèbres avait une confiance inébranlable en moi à ce moment-là. »

Severus haussa les sourcils. Ce qu'il disait n'était pas faux, mais cela n'ôtait pas tout danger pour autant. Et surtout, quel intérêt avait Lucius à l'aider alors qu'il détestait Dumbledore, l'Ordre, les moldus et leurs descendants ?

« Pourquoi faisais-tu ça ?

— Pourquoi voulais-tu que Sirius soit innocenté ? rétorqua Lucius. Pourquoi agissons-nous parfois de façon tellement incohérente avec ce que nous sommes ?

— N'élude pas ma question, insista Severus.

— Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça… sans doute tout simplement en souvenir de ce qui nous a liés.

— Ce qui nous a liés ? Cela ne nous lie plus maintenant ?

— Si, cela nous lie toujours, mais Cypria n'est plus là pour le matérialiser. Et elle me manque.

— A moi aussi.

— J'espère bien ! Cependant, pour moi, c'est tout à fait différent ! s'exclama soudainement Lucius d'un ton agressif. Elle me manque bien plus qu'à toi car j'ai été vidé d'une partie de moi quand elle est morte. Nous avons toujours été ensemble, nous avons toujours tout fait ensemble. Même les rares fois où nous nous séparions, il y avait toujours un fil invisible qui nous reliait, nous savions toujours ce que l'autre ressentait.

— Une sorte de lien télépathique.

— Oui… quand elle est morte, ce lien s'est brisé et elle a emporté une partie de moi avec elle. »

~oOo~

Leur septième année d'études était presque terminée. Les sorties n'étaient pas aussi réglementées à l'époque. Ils avaient décidé tous les quatre pour fêter la fin prochaine de leurs études et l'obtention de leurs ASPICS – ils ne se faisaient aucun doute là-dessus – de faire une sortie dans le monde Moldu afin de visiter un monde qu'aucun d'entre eux ne connaissait – l'attrait de l'inconnu.

Dans la soirée, ils étaient entrés dans un bar et avaient bu plus que de raison, surtout Cypria qui ne tenait apparemment pas l'alcool. Elle s'était donc retrouvée très vite éméchée. Des hommes s'approchèrent d'eux et se mirent à faire du gringue aux deux filles en ignorant totalement les deux garçons. N'étant pas violent – à cette époque-là – et n'ayant aucune envie qu'une bagarre éclate, Lucius leur fit poliment remarquer qu'ils accompagnaient les deux demoiselles. Cela aurait pu s'arrêter là – cela aurait s'arrêter là –, mais les hommes étaient ivres, ils insistèrent lourdement et pour les calmer, Cypria, énervée et trop saoule pour se rendre compte de la portée de ses actes, sortit sa baguette magique, prononça une formule qui déversa quelques litres d'eau sur leurs têtes. Cypria rit beaucoup de sa petite plaisanterie. Severus, Lucius et Narcissa, étant plus lucides, étaient par contre assez embêtés de ce qui venait de se produire et inquiets des réactions que les gens allaient avoir. Craignant de se faire taper sur les doigts, ils méditaient tous les trois sur ce qu'ils allaient raconter à Dumbledore pour justifier le fait que Cypria avaient usé de ses pouvoirs magiques dans le monde Moldu.

Ils décidèrent tous de s'en aller. Cela valait mieux car les clients du café les regardaient bizarrement, surtout ceux qui venaient de se faire arroser. L'incident ne s'en tint pas là, les hommes les suivirent : toute une bande. Les quatre étudiants ne s'en aperçurent pas, ils se retrouvèrent coincés dans une ruelle. Peu enclins à utiliser de nouveau la magie pour se sortir de cette situation – une gaffe suffisait pour la soirée – les jeunes sorciers hésitèrent à sortir leurs baguettes magiques, mais cette hésitation fut fatale à Cypria. Pendant qu'une partie de leurs agresseurs ceinturaient Severus, Lucius et Narcissa, les autres commencèrent à frapper Cypria qui, trop saoule et trop seule, ne put rien faire pour se défendre. Ils la laissèrent quasiment pour morte, l'arrosèrent d'essence et mirent le feu. Ses amis furent mis hors d'état de lui venir en aide et la bande prit la fuite.

~oOo~

« Tout est de la faute des moldus. »

Le ton qu'avait employé Lucius était au delà de la haine et du mépris.

« Ils ne sont pas responsables de tout ce qui t'arrive de mauvais.

— Ils détestent les sorciers, c'est pour ça qu'ils ont tué Cypria ! Te rends-tu compte qu'ils ont voulu la brûler ? Ce n'est pas ça qui l'a tuée bien sûr. » Lucius eut un rire nerveux et méprisant en songeant à ses simples d'esprit qui avaient pensé qu'un simple feu pouvait suffire à tuer sa jumelle. « Elle a succombé à ses blessures. Cependant, ils ont tenu à la brûler de la même façon que leurs ancêtres mettaient les sorcières au bûcher. Ils l'ont tuée parce qu'elle était une sorcière !

— Mais tu es comme eux, Lucius… tu es devenu comme eux ! »

Lucius fit volte-face, Severus eut un mouvement de recul instinctif devant l'expression du visage de son ami.

« Comment oses-tu dire ça ? Je ne suis pas comme eux ! Je leur suis bien supérieur !

— Tu te fourvoies, Lucius, tu es comme eux, tu te comportes de la même façon ! Quelle différence y a-t-il entre un moldu qui tue un sorcier parce qu'il est sorcier et un sorcier qui tue un moldu parce qu'il est moldu ? Absolument aucune, c'est toujours un homme qui en tue un autre par haine de la différence.

— Je ne suis pas comme eux. Moi, j'ai une raison d'agir ainsi : ils ont tué ma sœur !

— Je le sais, j'étais là, c'était ma petite amie, je l'aimais, nous avions des tas de projets. Le monde s'est écroulé quand elle est morte. Moi aussi je suis devenu Mangemort, Lucius, moi aussi, en même temps que toi… mais j'ai arrêté. Tu sais pourquoi ? »

Le regard morne, Lucius s'adossa à la balustrade, délaissant le coucher de soleil qui touchait à sa fin.

« J'ai arrêté car, comme toi, je m'estime meilleur qu'eux. Cependant, contrairement à toi, je le suis vraiment. Quand nous avons retrouvé ceux qui avaient massacré Cypria types et que nous les avons mis définitivement hors d'état de nuire, je me suis soudainement rendu compte que nous étions tombés à leur niveau, que j'étais tombé à leur niveau, j'ai pris conscience que j'ôtais la vie d'un homme, que je m'octroyais ce droit comme eux se l'étaient octroyés pour Cypria. Je me suis dégoûté. Je voulais venger Cypria, mais à quoi m'avançait cette vengeance ? La haine engendre la haine. Des salauds ont tué Cypria, et donc, nous nous sommes nous même transformés en salauds pour les tuer à leur tour. Nous avons eu tort, la vengeance n'est pas la justice. De plus, dans ton cas, la vengeance a pris des proportions inquiétantes, et surtout totalement hors de propos. Les autres moldus que tu as tués, que t'avaient-ils fait, Lucius ? » L'obscurité s'était faite sur le parc et aucune lumière n'était allumée sur le balcon ou dans l'appartement, il voyait Lucius mais ne distinguait plus ses traits. Lucius ne répondit rien. « Tu es comme eux Lucius, conclut-il.

— Non », murmura le susnommé avant de se laisser tomber sur le sol.

Tu es comme eux.

Tu es comme ton père.

Tu es comme toutes les personnes à qui tu n'aurais voulu ressembler pour rien au monde.

« Des Moldus ont tué Cypria et le Seigneur des Ténèbres a tué Narcissa, résuma Rogue.

— Qu'est-ce qui me reste ? demanda Lucius, le visage caché entre les mains.

— La réponse me semble évidente : il te reste ton fils. A toi de faire en sorte de ne pas le perdre.

— On me l'a sans doute déjà volé, rétorqua amèrement Lucius en songeant à un épisode de sa journée, juste après le petit déjeuner, et à ce regard de Drago pour Francesco, regard plein d'amour, de tendresse et de toutes ces choses.

— De quoi tu parles ?

— Francesco, ça te dit quelque chose ?

— Francesco Datena, Gryffondor de septième année, petit ami de ton fils, récita Severus.

— Depuis combien de temps es-tu au courant ?

— Depuis le premier jour où ton fils et Datena se sont rencontrés l'année dernière. Le coup de foudre, tu connais ?

— Parfait, je suis donc le dernier à avoir été mis au courant, c'est bien ça ?

— Sans doute… mais tu as l'air de le prendre beaucoup mieux que je ne l'avais cru. C'est bien. Ton fils est avec un garçon, et ce garçon est un Gryffondor, de souche moldue qui plus est, et ça ne te…

— Quoi ? » La respiration de Lucius s'était bloquée dans sa gorge. Qu'avait dit Severus ? Cela ne pouvait être vrai !

« Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Severus, les sourcils froncés.

— Qu'as-tu dit ? Il est de souche moldue, c'est bien ce que tu as dit ? »

Severus fit une grimace invisible dans le noir. Avait-il commis une terrible bourde ?

« Dois-je en conclure que tu n'étais pas au courant de ce… détail ?

— Détail ? Mon fils avec un Sang de bourbe, tu appelles ça un détail ?

— Tu prends ces choses-là trop à cœur.

— C'est le bouquet ! Evidemment Drago s'est bien gardé de me mentionner ce "détail" ! s'exclama Lucius d'un ton rageur.

— Lucius, Dumbledore a su me faire comprendre une chose – en fait, Geena me l'a mieux fait comprendre que Dumbledore –, il n'y a pas de différence humaine entre les sorciers de sang pur, les moldus et les sorciers de souche moldue. Nous sommes tous fabriqués selon le même modèle, nous avons tous des défauts et des qualités… et nous avons tous des problèmes, là où les choses commencent à différer, c'est par la façon que nous avons de créer ces problèmes ou de les affronter. Néanmoins, humainement, nous sommes identiques.

— C'est faux.

— Je parle de la généralité bien sûr. Il y a des gens plus intelligents que d'autres, des gens plus doués que d'autres, des gens plus sensibles que d'autres. Nous avons tous nos points forts et nos points faibles. Ce dont je suis sûr, c'est que notre personnalité et nos talents ne dépendent pas de la pureté du sang.

— Les moldus ne sont pas comme nous, tu le sais très bien. Et cela n'a rien à voir avec du racisme ! Cela a juste à voir avec le fait que les moldus ne peuvent pas comprendre comment nous fonctionnons. De même que nous n'arrivons pas à comprendre comment eux ils fonctionnent.

— Il suffirait d'un peu de bonne volonté pour se comprendre.

— Et ils feront preuve de bonne volonté ?

— Si tu ne commences pas, toi, par faire preuve de bonne volonté, pourquoi le feraient-ils eux ?

— Ils ne le feront pas non plus. Severus, les moldus ne croient pas en notre existence. Ils croient que nous sommes un mythe et ça les amuse beaucoup. Ils inventent toutes sortes de légendes sur notre dos, quelques uns sympathiques, et d'autres totalement sordides. Ils inventent des histoires où ils nous attribuent des actes d'une cruauté plus grande encore que celle du Seigneur des Ténèbres ou du pire des mages noirs s'il y a eu pire que lui. Tu les connais aussi bien que moi : le fait que nous mangerions des bébés, des choses dans ce goût-là. Tu me diras, ce sont juste des légendes qu'ils se racontent pour se faire peur, étant donné que la majorité des moldus ne croient pas en notre existence. Cependant, admettons un instant qu'ils soient sûrs de notre existence, je veux dire, vraiment sûrs, comme il y a quelques centaines d'années quand ils nous attachaient sur des bûchers, est-ce que tu ne crois pas que l'histoire se répéterait ? Les gens ont peur de ce qu'ils ne comprennent pas, et aussi de ceux qui ont plus de pouvoirs qu'eux. Et les gens qui ont peur sont des gens dangereux. Et même s'ils n'ont pas peur – car il y en aura dont ce sera le cas – ne risque-t-il pas d'y avoir parmi ceux-là quelques envieux ? Des gens qui jalouseront nos pouvoirs… et comme ils ne seront pas en mesure de les acquérir – car ça ne s'achète pas ! –, ils nous chasseront eux aussi au même titre que ceux qui ont peur en estimant que si eux ne peuvent pas avoir ces pouvoirs, alors, ceux qui les ont doivent périr.

— Tu vois tout en noir.

— C'est toi qui me dis ça ? Le pessimiste du lot, ça a toujours été toi, Severus. Rappelle-toi : moi, je voyais plutôt le verre à moitié plein. Aurions-nous inversé les rôles sans que je m'en rende compte ?

— Avec un peu de bonne volonté de la part de tous…

— Dans ta phrase, ce n'est pas le "bonne volonté" qui me gêne, c'est plutôt le "tous". Cela fait trop d'années que tu fréquentes Dumbledore, tu vas finir utopiste comme lui. Ah ! Tu sais quoi ? Il a raison : avec un peu de bonne volonté de la part de tout le monde, on peut tous vivre en parfaite harmonie… sans guerre… sans famine… sans pauvreté… sans détruire la nature… sans exploiter qui que ce soit… sans conflit d'aucune sorte. Le lézard, c'est qu'il y a des personnes qui ne peuvent être heureuses qu'en rendant les autres malheureux, qu'en les écrasant. Et puis, il y a ceux qui n'estiment n'avoir jamais assez, je suis bien placé pour en parler, je suis un peu comme ça.

— Laisse tomber ce que j'ai dit, tu as raison, les êtres humains sont voués au désastre, rétorqua Severus sans savoir trop s'il était ironique ou sérieux en disant ces mots.

— Heureux de te voir redevenu fidèle à toi-même.

— Lucius, sans vouloir faire ami avec les moldus, tu pourrais au moins essayer de supporter les rares que tu côtoies, ne pas les agresser, te contenter de leur être indifférent…

— C'est ce que je fais depuis un moment déjà. Par contre, je vais avoir du mal à continuer si l'un d'eux intègre ma famille.

— Avant de le critiquer, commence par le connaître. Il est étonnant tu sais. Je crois que c'est le premier Gryffondor à m'être presque sympathique. »

Lucius fit entendre un sifflement admiratif.

« Effectivement, là, il faut peut-être que je connaisse cette perle rare. Cela dit, je me méfie encore car il y a deux minutes, tu me faisais un discours typiquement Dumbledorien, par conséquent, c'est peut-être toi qui as changé.

— Il est avec ton fils, argumenta Severus pour prouver à Lucius que Francesco était différent de la plupart des Gryffondor.

— Ne retourne pas le couteau dans la plaie, veux-tu ?

— Et ton fils est Serpentard, continua Severus, imperturbable, et il y a son frère aussi.

— Son frère ? Son frère est un sorcier aussi ? Ils doivent avoir un de leurs parents sorcier alors.

— Non, ils sont tous les deux moldus, c'est une rareté. Ce qui est rare aussi – d'ailleurs, je me demande si ce n'est pas la première fois que ça arrive –, c'est que l'un des deux frères soit à Gryffondor, alors que l'autre est à Serpentard.

— Son frère est à Serpentard ?

— Oui.

— ça alors…

— Et c'est l'un des meilleurs amis de ton fils, sans doute le meilleur. Je suppose que ça ne changera rien à ton aversion pour les moldus mais il faudra te faire à ces deux-là car tu n'as pas fini d'en entendre parler. »

Severus regarda Lucius et détourna immédiatement les yeux. Décidément, la blondeur de ses cheveux était par trop marquante, il les remarquait peut-être particulièrement parce qu'il les distinguait toujours malgré l'obscurité grandissante. Cela étant, les cheveux de Drago ne lui faisaient pas le même effet – même quand il pouvait lui arriver de l'apercevoir dans un endroit sombre –, il faut dire aussi que ce dernier avait la décence de les porter courts, ajouté à cela qu'il avait hérité de beaucoup de traits maternels, sa ressemblance potentielle avec sa défunte tante en était d'autant plus atténuée. Par contre, la ressemblance entre Lucius et sa sœur jumelle était indéniable et, si jamais il pensait un peu trop à elle, c'était douloureux de regarder son ancien condisciple pour Severus.

« Si tu crois que c'est facile…

— Drago a beaucoup évolué ces derniers temps. J'ai l'impression que tu ne possèdes plus beaucoup d'emprise sur lui. Bref, si tu n'acceptes pas Francesco, tu perds Drago, c'est aussi simple que ça. Cependant, ne va pas prétendre qu'il te le vole car ça sera uniquement de ta faute.

— Tu crois que c'est si facile que ça de changer du tout au tout du jour au lendemain ? Tu ne crois pas que j'en ai supporté assez ?

— C'est juste deux sorciers de souche moldue, ça ne va pas te tuer.

— C'est deux de trop !

— Mais tu n'apprends donc rien ! Tu refuses de changer !

— Ah, parce que, toi, tu changes facilement ?

— Je…

— Tiens, par exemple, si je te demandais pour le bien de tout le monde de réussir à supporter les Gryffondor ? Le ferais-tu ?

— Mais je les supporte… et il y a même ce Francesco que je trouve…

— Je me suis mal exprimé : si je te demandais d'apprécier tous les Gryffondor, y réussirais-tu ? Si j'en juge par le fait que tu passes ton temps à leur ôter des points à la moindre occasion et quitte à être d'une injustice flagrante…

— Je ne pense pas que ça te dérange, interrompit Severus.

— Non, ça ne me dérange pas. Simplement, je remarque que tu n'as pas le même comportement envers les Serdaigle et les Poufsouffle. Pourtant, eux aussi sont des non-Serpentard, ce qui prouve que ce n'est pas pour une simple partialité envers ta maison que tu agis ainsi.

— De toute façon, je ne vois pas le rapport avec ton fils et son petit ami !

— Moi, j'en vois un : tu me demandes d'apprécier un descendant de ces moldus que je déteste tant, comment le prendrais-tu si on t'imposait d'apprécier un de ces maudits Gryffondor ? Ce cher Potter par exemple ? Réussirais-tu facilement à te montrer aimable et juste envers lui ? Si tu y arrives, je pense être capable d'arriver à adorer Francesco. Tu dis qu'il faut que je change, mais toi aussi tu as peut-être besoin de changer… en es-tu capable ? »

Severus fixa Lucius droit dans les yeux. Il y arrivait de nouveau maintenant que l'image de Cypria avait disparu de son esprit. Son visage était légèrement grimaçant. Ce qu'il allait dire lui faisait mal au cœur.

Mais il était meilleur que Lucius.

Et il lui prouverait.

« Tu es prêt à prendre un pari, Lucius ?

— Pourquoi pas ?

— Le défi pour moi sera de me comporter avec les Gryffondor exactement comme avec les élèves des trois autres maisons, tous les Gryffondor, y compris Harry Potter. Pour toi, le défi consistera à apprécier Francesco et Luciano Datena. Celui qui réussira le mieux son défi aura gagné.

— Quel est l'enjeu du pari ?

— Il n'y pas d'enjeu à part gagner.

— Il s'agit donc plus d'une compétition que d'un pari.

— Oui.

— Très bien, j'accepte. Bon courage, Severus, je ne crois pas que j'aurai besoin de beaucoup apprécier les deux Sangs de bourbe pour gagner.

— Tu démarres mal en les appelant ainsi.

— Exact, cependant je t'estime totalement incapable d'être juste envers les Gryffondor – avoue que tu vas devoir forcer ta nature plus que de raison –, par conséquent, je n'aurai pas besoin de faire beaucoup d'efforts. Cela dit, tu as raison, il vaut mieux que j'arrête de les appeler ainsi, que je leur confère un minimum de respect, je ne voudrais pas gagner cette compétition sur un simple forfait de ta part, ce serait tellement médiocre, et j'ai toujours eu horreur de la médiocrité, cela me fait penser aux Weasley. »

Sur ces mots, Lucius retourna à Poudlard laissant Severus en proie à une colère dirigée contre lui-même. Il regrettait déjà.

Pourquoi avait-il proposé ce défi à Lucius ?

Pourquoi ?