Tout bien considéré…
Par Maria Ferrari
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Les personnages et l'univers de Harry Potter appartiennent à J..
Base : Tomes 1 à 4 de Harry Potter
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—Chapitre 16 – Un samedi bien chargé—
Luciano, prenant à cœur le bonheur de son frère et de son ami, sentant aussi qu'une réconciliation était possible entre le père et le fils, avait joué les conciliateurs entre les intéressés. Ils se retrouvèrent donc tous les quatre attablés dans une auberge de Pré-au-lard le samedi suivant.
Cette réunion promettait d'être délicate. Si Lucius, selon Luciano, se montrait plus enclin à tenter d'apprécier le petit ami de son fils suite à sa rencontre avec l'italien, Drago, lui, en voulait toujours à son père et le pensait totalement incapable de mettre de côté le sang "impur" de Francesco. Quant à Francesco lui-même, il ne savait plus sur quel pied danser. Il regrettait surtout de ne pas être Serpentard comme son frère car, manifestement, cela aidait Lucius Malefoy à avaler les pilules.
Francesco s'assit donc, rempli d'appréhensions – cette entrevue promettait d'être décisive –, à côté de Drago. Lucius et Luciano – les deux "Lulu", les appela Francesco en son for intérieur afin de dédramatiser et ainsi calmer son angoisse – leur faisaient face.
Il regarda Lucius. Celui-ci fixait son fils d'un air vaguement triste. Francesco se sentit un peu mieux : il tenait à son fils et n'aimait pas l'idée que celui-ci lui en veuille, cela l'aiderait sûrement à minimiser le fait que son petit ami n'était pas de son monde. D'ailleurs, selon ce que lui avait dit son frère, Lucius avait parfaitement réussi à oublier ce détail chez Luciano, « aucune raison qu'il n'en fasse pas de même avec toi », et Luciano de conclure en riant : « La seule chose gênante à présent, c'est que tu restes un imbécile de Gryffondor ! »
A la pensée de cette conversation avec son frère, Francesco esquissa une moue amusée qui disparut dès qu'il recommença à songer au sérieux de la situation. Il jeta un coup d'œil anxieux à Drago. Le visage de ce dernier était fermé, tendu. Si les problèmes étaient venus de Lucius la dernière fois, Drago pourrait bien être cette fois-ci le responsable de l'échec du rapprochement entre son petit ami et son père.
Dans cette histoire, Francesco ne se sentait pas menacé. Il savait que, quoi qu'il arrive, Drago resterait avec lui. Il était cependant ennuyé pour son ami car il savait combien celui-ci aimait son père. S'il lui en voulait à présent, ce n'était que provisoire, Francesco le sentait bien. Si cette entrevue se soldait par un échec, Drago le vivrait mal, même s'il en était responsable, surtout s'il en était responsable.
« Bièrraubeurre ? » demanda Luciano. Tout le monde hocha la tête. L'italien appela la serveuse.
Une fois les consommations servies, Lucius décida d'entamer la conversation… d'une façon neutre.
« Vous venez de quelle région d'Italie ? s'enquit-il d'un ton amène. Drago grimaça : son père était toujours aussi bon acteur, il avait même encore amélioré son jeu… comme il le craignait.
— De Toscane.
— Qu'est-ce qui vous a pris de quitter une aussi belle région pour venir vous enterrer dans un pays comme le nôtre ? demanda Lucius d'un ton entre l'étonnement et l'amusement.
— On a proposé une mutation à mon père. Mes parents ont pesé le pour et le contre et ont finalement jugé la proposition intéressante. Ma mère a démissionné de son travail et on a tous suivi le mouvement.
— On nous a pas vraiment demandé notre avis, ajouta Luciano.
— Cela a été rapide comme départ ?
— Oui, très rapide, nous sommes partis quinze jours après qu'il ait accepté son nouveau poste.
— Vu la soudaineté, cela n'a pas dû être facile.
— Luciano et moi, on parlait déjà parfaitement l'anglais… et ce n'était pas la première fois qu'on déménageait. C'était la première fois qu'on changeait de pays mais on était déjà habitué à bouger règulièrement.
— C'est pas désagréable, on change de paysage, on rencontre des gens intéressants », compléta Luciano en regardant Drago.
C'était maintenant au tour de Drago de ne plus savoir sur quel pied danser. Son père était un très bon acteur, d'accord. Mais il paraissait très à l'aise, tellement naturel. Drago avait cru au départ que Luciano s'était fait manipulé par son père – il n'aurait pas été le premier –, que sa présence à cette table n'était due qu'à l'entêtement dont avait fait preuve son ami et qu'il n'avait accepté que pour le faire taire.
Pourtant… si Luciano avait raison ? Il avait juré sur les têtes de toute sa famille que son père était sincère, qu'il lui avait vraiment témoigné de la sympathie. Drago lui avait rétorqué de faire attention, que son père savait comment s'y prendre pour arriver à ses fins. Luciano avait répondu qu'il savait instinctivement quand les gens jouaient et lui avait demandé de faire confiance à son instinct.
« Que fait votre père au juste ?
— Il s'occupe de tout ce qui est relationnel et communication au sein d'une grosse boîte internationale.
— Un poste à hautes responsabilités ?
— Plutôt oui. En fait, si on a très souvent déménagé, c'est car son entreprise l'a envoyé faire un certain nombre de missions pour aplanir les difficultés de communication et autres. Il a résolu un ou deux conflits, il a trouvé des solutions pour que la communication passe mieux et plus vite. Son patron a donc décidé d'en profiter au mieux et de l'envoyer dans sa succursale londonienne où il règne, à ce que j'ai compris, un beau bazar.
— Finalement, vous pourriez très bien vous retrouvez en Espagne ou au Canada, ou encore revenir dans votre pays d'ici un mois ?
— Et ça t'arrangerait bien, hein ? » s'exclama Drago.
Son intervention soudaine et agressive prit de court toute la tablée qui devint silencieuse. Lucius reprit la parole.
« Je faisais une simple remarque, Drago.
— Ouais, c'est ça ! ironisa Drago dans une grimace.
— Drago, il faisait une remarque, c'est tout. D'ailleurs, il a raison ; mon père pourrait très bien, du jour au lendemain, avoir une autre mission sur les bras et être obligé de repartir.
— Et tu repartirais avec ? demanda anxieusement Drago qui n'avait jamais envisagé cette possibilité.
— Je crois que je finirais mon année d'étude ici d'abord.
— Et tu partirais ? insista Drago, oubliant totalement la présence de son père et de Luciano.
— Pas forcément… de toute façon, à la fin de l'année, mes études à Poudlard sont finies, ça revient donc au même. Pour être honnête, j'ai l'intention de revenir en Italie. Mon pays me manque.
— Tu vas m'abandonner, alors ? » Drago s'était levé brusquement, la mine défaite.
« Non, je vais juste… »
Drago sortit de l'auberge sans lui laisser finir sa phrase.
« Merde », murmura Francesco. Il se leva pour suivre son ami, Lucius l'en empêcha, lui fit signe de se rassoir et partit sur les traces de son fils. Francesco le regarda partir en se demandant s'il allait essayer d'arranger les choses ou au contraire tenter d'en tirer profit, il se tourna vers son frère, guettant son avis.
« Laisse-le faire », lui dit un Luciano confiant.
~oOo~
L'adolescent n'avait pas été bien loin. Il s'était assis, la tête entre les genoux, sur une marche juste devant l'auberge.
« Il ne t'en avait pas parlé ? fit la voix de son père.
— Tu es ravi, n'est-ce pas ? lui répondit Drago.
— Non… je devrais ?
— Il va me quitter à la fin de l'année, je ne le reverrai plus, je n'aurai plus un sang de bourbe comme petit ami.
— Dommage, il est sympathique. Et je dois t'avouer que je trouve son frère particulièrement intéressant. D'ailleurs, j'aurais préféré que tu te mettes avec lui, il est Serpentard et je sens qu'il ira loin. Cela étant, tout Gryffondor qu'il soit, Francesco m'est sympathique tout de même. Et surtout, tu as l'air très attaché à lui. Tout bien considéré, j'aime autant que tu te mettes avec un sang de bourbe intelligent et sympathique qu'avec un sang pur stupide et antipathique. Bref, évite de te mettre avec quelqu'un qui ressemble à ton père. »
Drago releva légèrement la tête, peinant à croire ce qu'il venait d'entendre. Ça ne ressemblait absolument pas à son père ce qu'il venait de dire.
« Tu te rends compte que tu viens de dire que tu étais stupide ? »
Lucius haussa les épaules.
« Drago, ton ami à dix sept ans. Il ne va pas tarder à apprendre à transplaner et pourra venir te voir quand bon lui semblera. Si votre relation est solide, la distance ne suffira pas à vous séparer.
— Qu'est-ce qui t'es arrivé pour me dire un truc pareil ? »
Lucius n'était pas mécontent du ton médusé de son fils. Il eut une pensée émue pour Severus et aux efforts inutiles qu'il devait fournir pour faire semblant d'apprécier les Gryffondor alors qu'il ne pourrait évidemment pas rivaliser avec ses progrès flagrants envers les descendants de moldus.
« Ton condisciple m'a fait réfléchir sur le fait de savoir à quoi je tenais le plus : mon fils ou mes idées ? Et par sa double condition de Serpentard et de fils de moldus, il m'a aussi amené à méditer sur le bien fondé de ce que je pensais de leurs descendants. Disons que je me suis aperçu que j'avais fait fausse route. La mort de ta mère m'a fait comprendre que j'avais fait une erreur monumentale en me mettant aux ordres du Seigneur des Ténèbres : ton ami m'a fait accomplir le reste du chemin : il n'y a pas que le Seigneur des Ténèbres à être mauvais, ses idées ne valent pas mieux que lui. »
Drago était suspendu aux lèvres de son père et se sentait revivre. Pourtant, une part de lui-même restait réticente.
« Je me suis trompé de bout en bout, c'est difficile à admettre, mais c'est ainsi. J'en ai conscience à présent. Si nous allions retrouver Datena frères à présent ? Cela doit te paraître incroyable, mais… leur compagnie ne me déplait pas. »
Drago ne se leva pas, observant son père. Il n'avait pas pu changer comme ça du tout au tout, c'était impossible.
« Papa, tu ne joues pas là n'est-ce pas ? » demanda-t-il, soupçonneux.
Lucius prit son temps avant de répondre, méditant sur le ton qu'avait pris Drago pour lui poser cette question. Il pouvait au moins s'enorgueillir du fait que son fils n'était pas naïf, il ne se laissait pas berner facilement. Pourtant, il était sûr d'avoir joué sa partition sans fausse note cette fois… mais c'était peut-être ça que Drago trouvait bizarre.
« Je ne crois pas. Je force sans doute un peu ma nature pour te plaire. Je m'efforce d'oublier que ton ami et son frère ne sont pas des sangs purs pour réussir à les apprécier à leur juste valeur, répondit à peu près sincèrement Lucius.
— Papa, que penses-tu des descendants de moldus et des moldus eux-mêmes en général ? »
Lucius resta silencieux.
« Aurais-tu menti quand tu as dit que Luciano t'avait fait changer d'avis ?
— Peut-être que j'ai légèrement optimisé la réalité, concéda Lucius.
— Papa, aurais-tu menti quand tu as dit que tu avais compris que tu t'étais trompé de bout en bout ? »
Silence douloureux.
« Tu n'as pas arrêté de jouer durant la conversation entre Francesco et toi, n'est-ce pas ?
— C'est faux ! Je n'ai pas vaincu mon problème avec les moldus et leurs descendants, d'accord ! Mais je suis sur la bonne voie. Luciano m'est réellement sympathique, c'est un garçon qui ira loin, il passe pour le clown de service dans ton école, mais il est bien plus que ça. Il est ambitieux, intelligent et volontaire, il ne se laissera jamais marcher sur les pieds, il ira très loin.
— Que penses-tu de Francesco ? demanda Drago avec un semblant d'espoir dans la voix.
— Pour l'instant, pas grand-chose. Mais si je me fie à toi et à son frère, ça m'a l'air d'être quelqu'un de bien qui ne te fera jamais de mal sciemment. Et il m'a fait plutôt une bonne impression.
— Papa, comment peux-tu apprécier un descendant des moldus et continuer à mépriser le reste de ses semblables pour ce qu'ils sont ?
— Ce n'est pas parce qu'un élément est bon que tout le lot est bon, expliqua Lucius.
— Certes, mais alors pourquoi as-tu l'air de considérer que lorsqu'un élément est mauvais, tout le lot est mauvais. Cela devrait marcher dans les deux sens ! »
Lucius se mordit la lèvre inférieure.
« Si ça ne t'ennuie pas, j'aimerais passer le reste de l'après-midi uniquement avec Francesco, voire Luciano. Ne crois pas que je te chasse mais… je crois que tu as encore besoin de réfléchir à tout ça. Tu me donnes de faux espoirs et j'y crois un peu avant de m'apercevoir que ce n'est que du vent. Ça fait mal de retomber à chaque fois. J'en ai vraiment assez de ton hypocrisie, je n'en peux plus. Ne reviens pas me voir tant que tu n'auras pas révisé tes jugements… vraiment révisé. Si ça n'arrive jamais, hé bien… il vaut mieux que tu oublies purement et simplement que tu as un fils. »
Sur ces mots, Drago se leva et retourna dans l'auberge, laissant son père dans le désarroi le plus total.
~oOo~
Dumbledore frappa doucement à la porte de la salle de cours de Rogue. Personne ne lui avait répondu dans ses appartements. Il tentait donc sa chance ici.
« Entrez ! » invita la voix de Severus.
Après s'être exécuté et avoir constaté que son professeur de potions avait sorti la grosse artillerie – un assemblage de tubes de verres, d'alambics et de tuyaux trônait au centre de la pièce, Severus avait regroupé les tables des élèves afin de disposer de la place nécessaire –, Albus se dirigea vers celui qu'il cherchait.
« Severus, je n'avais pas encore eu l'occasion de vous parler de quelque chose qui tracasse Minerva depuis deux ou trois jours…
— Mmh ? invita sobrement à poursuivre son interlocuteur, plongé dans sa tuyauterie.
— Il semblerait que vous fassiez de grands efforts pour être impartial – ce dont je vous félicite ! –, Minerva m'a confié aussi que vous aviez apparemment décidé de rendre Neville Londubat meilleur en potions.
— Exact », confirma Severus en prélevant un liquide verdâtre avec un compte-gouttes. Il en lâcha ensuite trois dans un des alambics.
« Minerva se demandait si vous… n'étiez pas souffrant.
— Pourquoi ? demanda Severus en fronçant les sourcils tout en restant concentré sur son ouvrage apparemment délicat.
— Votre attitude actuelle ne correspond pas à ce que vous nous aviez habitués.
— Je ne suis pas souffrant, Albus.
— Très bien… et… pourriez-vous me dire ce qui vous a poussé à prendre de si bonnes résolutions ? C'est juste pour savoir si je dois m'inquiéter ou non. » Albus s'interrompit, hésitant à poursuivre. « Vous ne pensez pas à la mort en ce moment ? Au fait que Voldemort…
— Rien à voir avec ça, Albus. La raison qui m'a poussée à prendre ces bonnes résolutions m'est personnelle et ne doit vous inquiéter en aucune manière, il ne pourra en ressortir que des choses positives.
— Bien… j'ai encore une question : que faites-vous au juste en ce moment ?
— Je mets en pratique une formule théorique.
— Oh… une formule théorique sur quoi ?
— La lutte contre la migraine.
— Projet ambitieux, personne n'a réussi à mettre au point une médecine véritablement efficace contre ce mal.
— Ces deux derniers jours, j'ai étudié les travaux des chercheurs qui m'ont précédé ; à l'aide de ces études et de mon savoir, j'ai établi la formule d'une potion censée soulager les personnes souffrant de migraines, néanmoins cette formule est uniquement de l'ordre de la théorie pour l'instant, il reste des zones d'ombres, la migraine est une chose à la fois tellement courante et tellement mal connue.
— Qu'est-ce qui vous a poussé à entreprendre ces travaux ?
— Avez-vous la moindre idée de la difficulté, la patience et la persévérance dont il faut faire preuve pour inculquer à un élève comme Londubat des notions élémentaires de potions ?
— Je vois, c'est donc un intérêt purement privé. Dites-moi : est-ce que vous comptez faire de même avec d'autres élèves ?
— Pardon ? souffla Severus en détournant les yeux de son travail pour la première fois dans cet entretien.
— Oui, ce serait dommage de ne faire profiter de votre idée qu'à Neville. Certes, c'est sans aucune doute l'élève qui peine le plus actuellement dans cette école, mais il n'est pas le seul dans ce cas dans votre matière, alors qu'elle est essentielle dans le programme. J'y ai songé depuis que Minerva m'en a parlé, et je pense que l'on devrait mettre en place des cours de soutien qui aurait lieu, par exemple, après la dernière heure de cours juste avant le dîner… et aussi le week-end. Qu'est-ce que vous en pensez ? Si cela fonctionne, nous en ferons de même avec les autres matières… vous êtes d'accord ? », demanda Albus, tout joyeux et ne doutant pas une seconde d'une réponse positive de la part de Severus.
Des heures de cours supplémentaires.
Avec les élèves les plus difficiles.
Merlin !
« Albus, je ne suis pas sûr de…
— Vous serez évidemment largement rémunéré pour vos heures supplémentaires, ajouta le directeur, avec un petit sourire en coin.
— Largement ?
— Très largement. »
Un livre de plus par semaine, une paire de chaussures et un costume neufs, il y aurait peut-être même moyen de mettre quelques mornilles de côté… et à terme de quitter cette école.
« D'accord », accepta Severus du bout des lèvres en espérant ne pas le regretter.
~oOo~
La neige tombait depuis le matin. En soirée, une silhouette sombre apparut au milieu des flocons. Elle pénétra dans le domaine de Poudlard et marcha lentement jusqu'au château, écrasant la neige sous ses pas. Elle entra en poussant la lourde porte.
Deux personnes se trouvaient dans le hall : Rusard et Goldine Sanary.
Goldine Sanary était celle qu'Harry et ses deux amis avaient prise pour le nouveau professeur de culture moldue à la rentrée. Ils avaient été très surpris – agréablement pour Hermione – quand Dumbledore avait annoncé qu'elle était le nouveau professeur de défense contre les forces du mal. La jeune Gryffondor avait jubilé en entendant ça et avait adressé un sourire triomphant à Ron, faisant directement référence aux propos que le rouquin avait tenus exactement un an auparavant selon lesquels on ne pouvait pas confié l'enseignement de cette matière à une femme.
Ron s'était renfrogné, supportant mal de se faire moucher – une fois de plus – par Hermione. Déjà, elle paraissait s'être totalement entichée du Serpentard italien ; en plus, elle le rabaissait : ça n'était pas fair-play.
Goldine avait tout de suite mis les choses au point. A chaque premier cours des différentes classes, elle avait expliqué aux élèves qu'elle était une mangemort repentie. Les élèves avaient été bien plus sidérés par la façon dont elle leur avait annoncé ça – calme et franche – que par l'information elle-même. En fait, le contenu de la première heure de cours avec cette professeur avait été le même pour tous les élèves, peu importe leur année. Elle avait raconté comment et pourquoi elle était devenue mangemort, comment et pourquoi elle avait quitté leurs rangs.
Les raisons de son appartenance à la "secte" de Voldemort étaient simples et courantes parmi les adeptes du seigneur des ténèbres. Elle avait été éduquée dans la haine des moldus – dans son cas précis, avoir eu continuellement à subir les moqueries d'un jeune sorcier ayant du sang moldu l'avait confortée dans les idées inculquées par sa famille. De plus, elle était Serpentard, c'est-à-dire de la maison de Tom Jedusor « car, avait-elle dit, ne nous y trompons pas, si beaucoup de Serpentard sont devenus mangemorts, c'est avant tout car le Seigneur des Ténèbres privilégiait cette maison. S'il avait été Gryffondor, quelle aurait été à votre avis la maison majoritaire parmi les mangemorts ? Il s'est appliqué à recruter des Serpentard car c'était eux qu'il voulait le plus auprès de lui, ils ont donc été la principale cible de sa propagande… et elle était convaincante cette propagande, croyez-moi ! ». Elle avait donc été une recrue logique pour Voldemort.
Les raisons de son départ étaient plus obscures. En fait, c'était l'accumulation de ses raisons qui avaient dégoûté Goldine. Les assassinats de moldus, puis de sorciers d'ascendance moldue, puis de sangs purs qui n'étaient pas d'accord ou qui avaient tout simplement refusé de se joindre à l'organisation. « C'est d'ailleurs là que se tient la troisième raison, après la propagande et les idées déjà ancrées dans les têtes, de l'appartenance de tant de Serpentard aux mangemorts. Contrairement aux autres maisons, les Serpentard ont tous été sollicités, et bien mal leur en prenait de refuser car ils signaient leur arrêt de mort. Après un ou deux exemples, peu se sont risqués à défier le Seigneur des Ténèbres en déclinant son offre. Après tout, les Serpentard ne sont pas réputés pour leur courage, leur témérité, leur goût pour l'héroïsme – surtout vain – ou l'envie de devenir des martyrs. »
Outre son dégoût pour l'accumulation des cadavres – notamment ceux des personnes qui montraient simplement leur désaccord ou même seulement leur indifférence –, il y avait eu les "punitions" données aux mangemorts qui avaient raté leur missions, des Endoloris plus ou moins longs selon les cas. Pour finir, Goldine avait écouté attentivement les discours des anti-mangemorts. Certains n'étaient pas très convaincants, mais d'autres l'avaient amenée à se remettre en question, à se demander ce que les moldus lui avaient fait exactement.
Elle était néanmoins restée mangemort jusqu'à la fin – « la peur des conséquences de sa trahison » –, puis, il y avait eu la mort des Potter, la disparition provisoire de Lord Voldemort. Elle avait fait comme nombre de mangemorts, avait plaidé l'imperium : elle n'était pas responsable de ses actes, on l'avait forcée. C'était faux, bien sûr, « mais qu'auriez-vous fait à ma place ? ».
Elle avait ensuite mené une vie paisible, ravie que Voldemort soit disparu et craignant de le voir revenir, ce qui était malheureusement arrivé. Goldine avait hésité et était finalement redevenue mangemort, par peur. Durant l'année écoulée, elle en avait été malade, pas d'être une mangemort, non, d'être une lâche. L'évènement qui s'était passé durant l'été, l'assassinat de Narcissa Malefoy, avait précipité sa décision : elle avait renié Voldemort… sans s'en vanter auprès de lui évidemment. Elle était ensuite allée directement trouver Dumbledore qui lui avait offert sa confiance et ce poste, et donc la protection des murs de Poudlard.
Après ce discours, elle avait demandé aux élèves s'ils étaient eux prêts à lui accorder leur confiance à leur tour malgré son passé. Sur le coup, la plupart des élèves n'avaient pas répondu. Par la suite, une bonne moitié d'entre eux était venue la trouver pour lui faire part de ses qualités d'enseignante et de l'intérêt de son cours.
Ce que les élèves ignoraient, c'est qu'elle était toujours mangemort. En fait, elle avait repris le rôle que ne pouvait plus tenir Severus. Elle faisait croire à Voldemort qu'elle était devenue professeur dans cet établissement uniquement pour espionner Dumbledore et Harry Potter, qu'elle avait fait tout ce speech aux élèves afin d'endormir leur méfiance en jouant, soi disant, cartes sur table.
Voldemort avait trouvé la manœuvre formidable. D'autant plus que les traîtres à sa cause semblaient se donner rendez-vous à Poudlard : Rogue, Malefoy et bientôt – il l'avait appris de source sûre – ce lâche de Karkaroff. Il était donc plus important que jamais d'avoir quelqu'un à l'intérieur des murs qui pourrait l'informer sur les points faibles de Poudlard et sur ce qui s'y passait… qui pourrait, surtout, placer ses pions pour la bataille qui finirait certainement par venir contre Potter et Dumbledore.
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La personne encapuchonnée et couverte de neige s'avança vers Rusard et Goldine. Avant d'arriver près d'eux, elle rejeta son capuchon en arrière.
« Geena Johnson ! s'exclama Rusard. Quelle bonne surprise !
— Bonjour Rusard ! » Elle se tourna vers la femme qu'elle ne connaissait pas. « Bonjour, Madame ?
— Goldine Savary, j'enseigne les forces du mal… enfin, la défense contre les forces du mal. Vous êtes celle qui enseigniez la culture moldue l'année dernière, j'ai beaucoup entendu parler de vous, vous n'êtes pas quelqu'un de commun.
— Merci.
— Vous revenez à Poudlard ? Vous allez enseigner à nouveau ?
— Je ne sais pas Rusard. En fait, je suis venue avant tout pour voir Severus. J'ai à lui parler.
— Il doit encore être dans sa salle de cours… à moins qu'il ait laissé tomber, ça n'avait pas l'air de marcher comme il le souhaitait.
— Dans sa salle de cours un samedi ?
— Oui.
— Remarquez : pourquoi pas après tout ? », fit Geena en haussant les épaules, Severus ne semblait pas avoir beaucoup de loisirs et il était tellement sérieux.
~oOo~
Geena calqua sans le savoir ses pas sur ceux qu'Albus avait faits durant l'après-midi et frappa à la porte du cachot.
« Entrez ! »
Geena s'exécuta. Elle fut émerveillée en voyant les instruments dont se servait Severus. Cela lui rappelait l'attirail que ne manquait jamais d'utiliser les savants fous et autres alchimistes dans certaines histoires qu'elle avait lues.
Le savant fou en question paraissait très absorbé par sa tâche, mais aussi très énervé.
« ça ne va pas comme tu veux ? » demanda Geena en matière d'introduction.
Severus, qui avait déjà oublié qu'on avait frappé à la porte et qu'il avait invité la personne à entrer, sursauta.
« Hou ! Tu es bien nerveux. Tu devrais te reposer un peu si c'est possible, ça te ferait pas de mal, tu m'as l'air à bout de nerfs.
— Geena. » Ce n'était rien qu'un souffle qui s'était échappé des lèvres de Severus.
« Severus.
— J'ai cru que tu m'avais rayé de ta vie.
— Non, désolé si je t'ai renvoyé tes hiboux sans y répondre, mais pour être franche – avec un peu de retard d'ailleurs –, je t'ai menti lors du banquet, je suis effectivement partie à cause de notre relation. J'avais besoin d'y réfléchir.
— Pourquoi ? » Qu'avait-il fait de mal ? Pourquoi l'avait-elle fui ?
« Parce que j'avais peur.
— Mais de quoi ?
— Quand j'avais sept ans, je… quand j'avais… lorsque j'avais sept ans, je me suis réveillée et… finalement, je ne suis peut-être pas encore tout à fait prête.
— Prête à quoi ? » Et à quoi rimaient ses bafouillages ? Qu'est-ce qui était si difficile à dire ?
« à te raconter quelque chose. Il faut que je m'entraîne encore un peu, je croyais que c'était bon, mais ce n'est pas le cas. Excuse-moi de t'avoir dérangé Severus, dit-elle avant de tourner les talons et de ressortir.
— Geena ? appela-t-il.
— Oui ?
— Que devient notre… relation ?
— Tant que ce que j'ai à te dire n'est pas sorti, elle reste au point mort. »
Geena sortit de la pièce en fermant derrière elle, déçue de ne pas être parvenue à se décharger du poids qu'elle portait sur les épaules.
Severus resta tout seul, les yeux rivés sur la porte. Pourquoi jouait-elle ainsi avec lui ?
~oOo~
Mitigé.
Voilà le seul mot qui convenait pour qualifier le bilan de la réunion à l'auberge.
Plus que mitigé en fait.
Il y avait pourtant eu du positif dans cette entrevue. Il avait même été au bord de convaincre Drago de sa sincérité. Aurait-il pensé un jour que la perspicacité de son fils lui ferait du tort ?
Drago avait été très clair : il fallait qu'il abandonne totalement ses vieilles idées ou qu'il fasse une croix sur lui.
C'était étrange comme situation. Il y a peu de temps de ça, Drago était convaincu qu'il fallait qu'il ait les mêmes idées que son père ou celui-ci ne l'aimerait plus. Quel renversement !
Pas question de faire une croix sur son fils. Oh non, il ne se le laisserait pas subtilisé. Même si pour cela, il fallait qu'il change en profondeur. Pourquoi cette tâche lui paraissait-elle si difficile ? Après tout, son fils avait raison : s'il parvenait à mettre de côté l'ascendance moldue de Luciano, pourquoi ne pouvait-il pas en faire autant avec les autres Sangs de bourbe ?
Il connaissait la réponse : il faisait un blocage. Luciano était parvenu à contourner ce mur en se comportant comme un Malefoy, mais ça ne valait que pour lui, ça ne valait même pas pour son frère.
Lucius ne voyait pas comment y remédier. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était forcer sa nature et faire croire aux autres qu'il n'avait plus rien contre les moldus. Néanmoins, ça ne marchait pas avec Drago. Il ne voyait pas comment il pourrait régler son problème avec son fils dans ces conditions.
La colère l'envahit. Contre lui, contre Drago, contre Francesco…
« Monsieur Malefoy », l'interpella une voix qu'il connaissait. Il était presque arrivé à la chambre qu'il avait tenue à louer à Dumbledore – il allait déjà assez lui devoir comme ça, pas la peine d'ajouter la nourriture et le logis gratis à la liste. Il se tourna pour voir la moldue qui était venue s'immiscer dans sa vie et son manoir en janvier dernier. N'était-ce pas là que tout avait commencé ? N'était-ce pas à cause d'elle que son fils s'était ouvert aux moldus ? Au point de se mettre en couple avec un de leurs descendants ? N'était-ce pas par sa faute qu'il se retrouvait aujourd'hui avec un problème insoluble dans sa relation avec son fils ?
« Comment va Drago ?
— Bien, répondit sobrement Lucius.
— Et comment se porte votre femme ? »
Un silence pesant s'installa.
« Narcissa est morte » dit finalement Lucius d'une voix morte alors que sa colère allait crescendo.
Geena pâlit légèrement à cette annonce. Elle ne s'y attendait pas. Elle n'avait pas appris la nouvelle car elle s'était coupée volontairement et totalement du monde des sorciers afin de pouvoir réfléchir l'esprit plus léger. Elle n'avait pas non plus lu les quelques lettres que lui avaient envoyées Severus – par peur de souffrir –, sans ça, elle aurait appris cette nouvelle par cette voie.
« Je… je suis désolée, je ne savais pas.
— Vous ne saviez pas, fit Lucius comme une sorte d'écho. Vous ne saviez pas et pourtant… est-ce que vous n'êtes pas la cause de tous mes malheurs ? D'ailleurs, les moldus ont toujours été à l'origine de ce qui m'arrivait de mauvais », murmura-t-il d'une voix dangereuse. Oublié le défi de Severus. Oubliées les bonnes résolutions qu'il avait prises pour faire plaisir à Drago. Il ne restait que la colère.
« Non ! Qu'est-ce que vous racontez ? Vous n'allez pas recommencer ? » s'exclama Geena. La terreur l'envahissait, Lucius n'était plus lui-même, ce n'était plus celui qu'elle avait rencontré quelques plus tôt avec Drago, ce n'était même plus celui à qui elle avait demandé des nouvelles de son fils deux minutes auparavant, il était comme déconnecté et elle comprit qu'elle était en danger.
Inondé de fureur, Lucius l'empoigna par le col et s'apprêta à la frapper.
« LUCIUS, ARRETE ! »
Il s'arrêta net, plus par effroi que pour obéir à l'injonction. C'était Geena Johnson qui venait de crier ces mots, mais ce n'était pas sa voix, c'était la voix de… non, c'était impossible. Il lâcha Geena et s'éloigna d'elle à reculons, comme effrayé, avant de s'engouffrer dans ses appartements.
« Lucius, pourquoi es-tu comme ça ? » souffla Geena de la même voix qui l'avait supplié de ne pas la frapper. Elle porta ensuite la main à son front et fronça les sourcils. « Que s'est-il passé ? » demanda-t-elle avec sa véritable voix.
Mais personne n'était là pour lui répondre. Le couloir était vide. Lucius était parti.
