Tout bien considéré…

Par Maria Ferrari

———

Les personnages et l'univers de Harry Potter appartiennent à J..

Base : Tomes 1 à 4 de Harry Potter

———

—Chapitre 18 – Transfert—

Severus s'éloigna des bras de Geena/Cypria et sortit de la salle de bains. Il s'assit sur le canapé, les yeux grands ouverts fixés dans le vide, les coudes sur les cuisses, les mains jointes, le corps penché vers l'avant. Geena le suivit au bout de quelques instants. Elle se mit derrière le canapé, posa ses mains sur les épaules.

« Désolée de ne pas te l'avoir dit plutôt. Ce n'était pas facile à assumer devant l'homme qu'on aime, d'autant qu'on se demande s'il vous aime pour vous ou pour la personne qui se cache à l'intérieur. J'ai été tenté de ne rien te dire. Cependant, bâtir une relation sur un non-dit d'une telle importance ne m'a pas semblé viable, c'est pour cette raison que je suis partie. Et me voilà de retour avec cette nouvelle dans mes bagages. Parle-moi, Severus. »

« Es-tu vraiment sûre que c'est toi qui m'aimes et non elle ? Et moi ? Je sais que j'ai aimé Cypria, comment vais-je savoir si je t'aime toi ?

— Je ne sais pas, répondit douloureusement Geena.

Vous serez tous les deux bientôt fixés.

— Pardon ? s'exclama Geena, les sourcils froncés.

— Qu'y a t'il ? demanda Severus, interloqué par l'exclamation de Geena.

Va voir Lucius. Tu sauras.

— Je ne vois pas en quoi Lucius peut m'aider, fit Geena.

— Qu'est-ce que tu racontes ? demanda Severus, ne comprenant pas ce qui se passait.

— Cypria me parle.

— Que dit-elle ? s'exclama Severus, subitement intéressé.

— Elle me dit d'aller voir Lucius, qu'on sera tous les deux fixés. Je crois qu'elle parle des sentiments qu'on ressent l'un pour l'autre. Je ne vois pas en quoi Lucius peut nous aider.

Va le voir.

— D'accord, très bien, je vais y aller.

— Qu'est-ce qui se passe ?

— Je vais aller voir Lucius. J'ignore ce qu'elle veut me faire faire. Mais je suppose que je n'ai pas le choix. »

~oOo~

Lucius était plongé dans "Notre Dame de Paris" de Victor Hugo. Bizarrement – pour un livre moldu –, il trouvait l'histoire intéressante. De plus, ce livre n'était pas à la portée de l'intellect du premier venu ; c'était les lectures qu'il préférait. Il se sentait encore plus supérieur d'apprécier des livres que la majorité des gens trouvaient ennuyeux à mourir.

Ceci dit, les descriptions – longues et nombreuses – étaient barbantes et sans intérêt : il n'avait pas prévu de construire une cathédrale dans les années à venir et s'en serait donc aisément passé.

Il entendit frapper. Peu enclin à se lever pour ouvrir au visiteur, il se saisit de sa baguette et prononça une formule qui déverrouilla la porte.

Drago poussa la porte et passa le nez par l'embrasure. Le sourire qu'il arborait déplut immédiatement à Lucius : Drago était censé lui en vouloir, ce n'était pas normal qu'il lui sourit… surtout de cette façon. Cela ne lui disait rien qui vaille.

« ça va papa ?

Merlin qu'il était gentil ! Cette fois, Lucius était réellement convaincu que ce qu'était venu lui dire Drago allait le faire bondir. Il s'enjoignit de ne pas être paranoïaque en se disant que son fils avait peut-être tout simplement décider d'user de la carte de la gentillesse concernant sa relation avec Francesco, ce qui n'aurait rien de nouveau, et d'ailleurs, il savait d'ores et déjà que d'une manière ou d'une autre il faudrait bien qu'il s'habitue à cet italien. Le bonheur de son fils devait prévaloir.

« Oui, ça va. »

Une inspiration subite poussa Lucius à se vanter de ses lectures moldues, cela ne pourrait que faire bon effet devant son fils, du fait de ses fréquentations récentes.

« J'étais en train de lire un livre que j'ai trouvé dans la bibliothèque. Il semble que ça soit un livre moldu.

— C'est exact, constata Drago en regardant la couverture. C'était un livre de maman, ajouta-t-il, le sourire effacé. ça te plait ? enchaîna-t-il vivement.

— Oui », répondit Lucius sans s'attarder sur l'information que lui avait délivrée son fils et ne voulant pas penser à la tristesse qui s'était peinte sur son visage. « M'aurais-tu pardonné pour hier ?

— N'en parlons plus. Je sais que tu finiras par l'aimer sans avoir besoin de faire semblant. Tout arrive à point à qui sait attendre.

— Voilà un pardon bien rapide, s'étonna Lucius. Aurais-tu une faveur à me demander ? demanda-t-il en posant son livre sur la table.

— Je n'ai pas de faveur à te demander ! se défendit Drago. C'est juste que je n'aie pas envie de perdre mon père. Je vous aime tous les deux, pas de la même façon, mais tous les deux. Sincèrement. Profondément. J'ai déjà… j'ai déjà perdu maman. Je ne veux pas te perdre aussi. Surtout d'une façon aussi stupide. Le problème, c'est qu'il faut que tu fasses des efforts.

— Je suis prêt à en faire », assura Lucius, conciliant.

Drago eut un sourire.

« Papa, à la fin de l'année, Francesco va sans doute rentrer dans son pays. Je ne sais pas si je supporterai bien de passer un temps si long loin de lui.

— Où veux-tu en venir ? demanda Lucius, soudainement inquiet.

— J'ai parlé avec Luciano de l'école dans laquelle ils étaient en Italie. C'est une école qui dispense les mêmes cours que Poudlard.

— Viens-en au fait ! » ordonna sèchement Lucius. Il avait raison, ce qu'était venu lui dire Drago le faisait bondir.

Drago s'humecta les lèvres. Le ton de son père ne lui disait rien qui vaille.

« Je veux aller avec Francesco en Italie.

— Il n'en est absolument pas question !

— Papa ! ça me…

— J'ai dit non ! » Le ton de Lucius était sans appel. Il fut un temps où Drago se serait recroquevillé et aurait abandonné la partie… ou serait revenu à la charge, mais seulement beaucoup plus tard. Ce temps était révolu.

« Tu veux m'éloigner de Francesco ! cria-t-il, sachant pertinemment que ce n'était pas ce qui motivait son père dans son refus mais énervé qu'il réagisse de façon si catégorique sans même avoir écouté ses arguments.

— ça n'a rien à voir ! Et tu ne discutes pas ! Je n'autoriserai pas mon fils à aller s'enterrer dans une école inconnue. Tes diplômes n'auront pas la même valeur ! Tu seras distrait. Tu seras loin de… »

Lucius s'interrompit soudainement, n'achevant pas sa phrase, comme gêné par ce qu'il allait dire.

« Loin de ? Loin de tout ? Loin de l'Angleterre ? proposa Drago, calmé par cette devinette venue de façon impromptue.

— Loin de moi », termina Lucius à contrecœur. Il détestait donner à son fils l'idée qu'il ne pouvait pas se passer de lui.

« Je croyais que c'était réservé à ma mère de penser ce genre de choses », répondit Drago, entre amusement et émotion. Son père dévoilait de plus en plus facilement ses sentiments, c'était un bien. « Papa, je veux bien croire que les diplômes de Poudlard ont plus de valeur aux yeux des gens que ceux des autres écoles. ça ne m'empêchera cependant pas d'occuper une bonne place dans la société. Sans compter que je parlerai parfaitement l'italien, c'est un plus de parler plusieurs langues, non ? Et… je ne vois pas ce que ça changera pour toi. Tu peux venir me voir quand tu veux. ça ne changera rien que je sois à Poudlard ou en Italie à ce niveau-là. Tu sais : ni moi, ni Francesco ne transplanons pour l'instant, toi si.

— J'ai dit : pas question », s'obstina Lucius. Ce n'était pas le fait que son fils serait plus loin géographiquement qui le gênait le plus : son fils avait raison, les distances se retrouvaient toutes égales avec le transplanage. Drago était inscrit dans une prestigieuse école, pas question qu'il aille dans une école indigne de son rang, ce ne serait pas les mêmes opportunités qui s'offriraient à lui.

Lucius regarda son fils. Celui-ci avait les yeux rivés au sol. Il avait l'air si profondément malheureux que Lucius se sentit chanceler sur ses positions. Il n'était pourtant pas homme à ça. Ses décisions étaient catégoriques, intraitables, définitives. Mais là…

« Bien, fit tristement Drago avant de se retourner vers la porte.

— Ce n'est qu'une année, Drago, dit doucement son père en le retenant par l'épaule. Ce n'est pas la mort.

— Je sais », répondit Drago sans enthousiasme avant de sortir. Sur le pas de la porte, Drago eut une inspiration soudaine, son visage s'éclaira d'un sourire alors qu'il se retournait vers son père. « Papa, tu considères que les diplômes de Poudlard sont plus valorisants que ceux de Santa Circea, mais dis-toi bien une chose : un Weasley restera toujours un Weasley même à Poudlard. Un Malefoy sera toujours un Malefoy, même à Santa Circea. Je suis un Malefoy et un Serpentard. Que je sois n'importe où à faire mes études, je réussirai dans la vie, parce que je veux réussir. J'irai loin quelque soit mon point de départ. Quelle importance que mes diplômes viennent de Poudlard ou de Santa Circea dans ces conditions ? »

Lucius regarda longuement son fils. Il était obligé d'admettre que ce dernier argument avait porté. Drago avait raison : il était promis à réussir. De plus, la quasi-majorité des sorciers en Grande-Bretagne sortaient de Poudlard, cela n'empêchait pas bon nombre d'entre eux d'avoir des métiers médiocres, y compris parmi les Serpentard.

De plus, le directeur de Poudlard – bien qu'il s'entende désormais bien avec lui – était un pro-Gryffondor. Lucius était convaincu que ceux-ci étaient avantagés. Drago serait en terrain neutre en Italie, il ne serait plus défavorisé.

Il y avait encore quelque chose qui le gênait.

« Il reste un problème. Tu n'auras plus de comparaison possible avec la seule personne qui te motive dans tes études. »

Drago fronça les sourcils.

« Qui ça ?

— Hermione Granger. Avoue que ce ne serait pas très sympathique de me laisser sur ma faim : tu as été à deux doigts de faire mieux qu'elle ce dernier trimestre. Me priverais-tu de la joie de te voir enfin premier devant elle ? »

Le visage de Drago s'éclaira de nouveau.

« Mais papa, c'est en n'allant pas à Santa Circea que je te priverais de ce plaisir… »

Ce fut au tour de Lucius de froncer les sourcils.

« Comment ça ?

— Hermione sera avec moi à Santa Circea. Elle suit Luciano », asséna Drago, vainqueur.

Lucius resta sans voix.

« Nous en avons parlé ce matin. Elle est enthousiaste à l'idée de partir dans un pays qu'elle ne connaît pas encore. Je suis sûr qu'elle réfléchit déjà à tous les livres sur l'Italie qu'elle va avaler durant les prochaines vacances afin de nous faire ensuite preuve de son savoir abyssal.

— Bien, je suppose que je dois m'avouer vaincu. »

Lucius était souriant. Drago haussa les épaules, l'air joyeux.

« Avant de t'accorder quelque chose que je regretterais, je vais d'abord me renseigner sur cette école. Je te ferai part ensuite de ma décision… et de mes conditions.

— Très bien », fit Drago avant de sortir. Il songea ensuite à Hermione et au fait qu'elle avait intérêt à obtenir l'autorisation de ses parents si elle ne voulait pas qu'il recommence à lui pourrir l'existence.

~oOo~

Lucius, de nouveau le nez dans son livre, entendit frapper à sa porte.

« C'est ma journée, constata-t-il à voix basse avant de reprendre plus haut : C'est ouvert, entrez ! »

La personne qui passa le pas de la porte était la dernière qu'il s'attendait à voir à cet endroit après ce qui s'était passé plus tôt dans la journée.

« Bonjour Monsieur Malefoy.

— Bonjour Miss Johnson, répondit Lucius sans daigner quitter sa lecture des yeux.

— Bonjour Lucius, tu vas bien ?

— Bonjour Cyp… », commença Lucius avant de relever brusquement la tête.

C'était toujours Geena Johnson qui était là, les sourcils froncés, la main posée sur son front et l'air de se demander ce qui s'était passé.

Ça n'allait pas recommencer les hallucinations auditives !

Mais s'agissait-il vraiment d'une simple hallucination ?

Quelle autre explication cependant ?

« J'ai à vous parler de quelque chose d'important, fit Geena, comprenant à la tête que faisait Lucius que l'absence qu'elle avait eue était due à Mademoiselle Cypria intervenant dans l'ébauche de conversation. Cela concerne votre sœur. »

Geena lui fait le même récit qu'à Severus.

« C'est faux ! » nia Lucius un peu trop vite. Il savait pertinemment qu'elle disait la vérité. C'était ça l'explication.

« C'est la vérité. Tu le sais très bien, dit doucement la voix de Cypria sortant de la bouche de Geena. Je sais exactement ce que tu ressens Lucius. Je le sais, car je ressens la même chose depuis que nous ne faisons plus partie de la même dimension. Tu n'as plus l'impression d'être un depuis que je suis morte. Il te manque une partie de toi. Je suis cette partie. Je sais comment nous rendre entier à nouveau. Je ne suis qu'une moitié d'individu vivant dans un corps d'emprunt, tu n'es qu'une moitié d'individu qui a toujours son corps. Si je vais en toi, nous serons de nouveau entiers car chacun aura retrouvé la partie qui lui manquait. Nous serons deux dans un même corps.

— Comment faire ? » demanda Lucius d'une voix blanche. Ce qu'elle disait semblait impossible mais il voulait y croire, il y croyait d'ailleurs, sans se poser de questions, c'était ainsi que cela devait être, il allait retrouver son unité, il allait retrouver Cypria… en lui. Il suffisait juste de le faire et qu'elle lui dise comment procéder.

« Il faut que tu me laisses venir en toi. Pour pouvoir entrer dans quelqu'un, il faut que la personne soit faible, endormie ou consentante. Geena, par exemple, était endormie. Mon âme ne peut se permettre de rester longtemps à l'extérieur, je risquerais de partir pour une dimension où nous ne pourrions plus avoir aucun contact… ou de devenir un fantôme et de perdre mes pouvoirs. J'ai réussi à les sauvegarder en m'accrochant à une enveloppe charnelle qui n'est pas la mienne. Lucius, nous sommes jumeaux, nous sommes un peu la même personne. Il faut que tu me donnes ta main, que tu me laisses entrer.

— Que se passera-t-il pour Johnson ? s'enquit Lucius, songeant soudainement à la propriétaire légitime du corps qui se tenait devant lui.

— Elle saura qui elle est vraiment. Je ne pense pas qu'elle sera très différente, je ne l'influence pas autant qu'elle le pense.

— Si je te laisse venir en moi. Tu vas combler mon vide, murmura Lucius, rêveur.

— Laisse-moi venir en toi. Tu verras, tout ira mieux. »

Lucius eut un sourire triste. Avait-elle raison ? De toute façon, sa décision était déjà prise, non ? Elle était même prise avant qu'elle fasse sa proposition. Son être n'aspirait qu'à cela depuis des années et jamais il n'aurait cru pouvoir combler cette douloureuse lacune un jour. Contre toute attente, ce jour était finalement venu.

« Cypria, tu me feras penser à me renseigner sur l'école Santa Circea quand tu seras en moi ? » demanda-t-il avec chaleur, retrouvant soudain la bonhommie de son adolescence.

Les sourcils de Geena se froncèrent.

« Si tu veux, fit la voix de Cypria ne comprenant pas cette requête mais ne la trouvant pas au dessus de ses possibilités.

— Il suffit que je te tende une main secourable alors ? » dit Lucius en tendant son bras vers elle.

Les lèvres de Geena s'étirèrent en un sourire pendant que sa main prenait celle de son autre. Ce sourire s'effaça au fur et à mesure que Geena se vidait de Cypria et recouvrait ses esprits, confuse, comme à chaque fois qu'elle reprenait possession de son corps.

C'était une sensation angoissante que celle de s'apercevoir qu'elle avait manqué quelque chose, que la vie avait continué sans elle en sa présence. Elle se découvrit serrant la main de Lucius Malefoy. C'était encore plus angoissant, cela signifiait que Cypria avait pris totalement possession d'elle, qu'elle la manipulait comme elle le voulait et qu'elle ne s'en rendait même pas compte. Cypria faisait ce qu'elle voulait d'elle.

Lucius desserra la main de Geena.

« ça y est, c'est fait.

— Quoi ? Qu'est-ce qui est fait ?

— Le transfert. »

Geena fronça les sourcils.

« Cypria est désormais en moi », expliqua plus clairement Lucius dans un sourire éclatant et rafraîchissant. Un sourire tellement inattendu de sa part. « Merci.

— De rien, répondit Geena, prise de court.

— Merci », fit la voix féminine qu'elle avait si longtemps entendue au fond de sa tête mais sortant désormais de la bouche de Lucius qui ne paraissait nullement incommodé par ce qu'avait fait Cypria car il reprit la parole aussitôt : « Je vais reprendre ma lecture à présent. J'espère que ça va te plaire Cypria. Ce qui est bête, c'est que tu ne vas pas connaître le début. Tu veux que je reprenne le livre au départ ? » demanda Lucius. « Oui, je préfère », fit la voix féminine qui paraissait si peu à sa place dans la bouche de Lucius.

Ce dialogue était tout simplement surréaliste.

Quoiqu'il en soit, elle était libérée !

Elle n'avait pas spécialement l'impression que ça faisait une grande différence. Pourtant, le fait était là : Cypria faisait désormais partie de Lucius. Plus fort que ça, il avait l'air de l'avoir totalement assimilée.

« C'est parce qu'ils sont jumeaux », lui souffla une petite voix dans sa tête : sa voix. Il n'y aurait plus que sa voix à elle qui lui soufflerait des remarques intérieures. Geena commença à jubiler. Elle réalisait ce que signifiaient les paroles de Cypria plus tôt : Severus et elle allaient être bientôt fixés. Elle allait savoir si elle l'aimait, il allait savoir s'il l'aimait pour elle.

« Je vais vous laisser », fit Geena, soudainement extrêmement plus pressée que jamais de retrouver Severus.

Elle sortit de la pièce en courant.

« Comme je connais Severus, il risque d'y avoir un problème, fit la voix de Cypria.

— Tu crois qu'il ne l'aime pas ?

— Ce n'est pas ça. Notre histoire s'est terminée par ma mort et non par une rupture. Or, d'une certaine façon, je suis toujours en vie.

— Allons rompre avec lui alors.

— Nous ? demanda la voix amusée de Cypria.

— Nous formons un seul et même être à présent sœurette. »

~oOo~

Geena tapa joyeusement à la porte pour que Severus lui ouvre, ce qu'il fit dans la seconde. Elle entra, sereine, dans la pièce.

« Voilà ! s'exclama-t-elle.

— Vous avez été voir Lucius ? déduit Severus.

— Oui, Cypria a fait ce qu'elle voulait faire.

— Que voulait-elle faire ?

— Tu ne vois rien de changé ? » demanda Geena, paraissant changer de sujet.

Severus fronça les sourcils et inspecta Geena. Que devait-il voir au juste ?

« Non, répondit-il.

— Pourtant, il y a eu un gros changement chez moi.

— Ah ?

— Oui, je devrais même dire en moi.

— Tu… tu veux parler de Cypria ? Qu'est-ce qu'elle a ?

— Hé bien, disons pour résumer que si ce que tu aimais en moi, c'était Cypria, il va falloir me plaquer et tenter de séduire Lucius.

— Cypria est dans… commença Severus, incapable d'achever sa phrase.

— Oui, c'était ce qu'elle voulait faire. Figure-toi que Lucius a tout de suite été plus aimable avec moi. Ce qui est formidable, c'est que Cypria peut parler par sa bouche sans que cela paraisse le déranger, ce qui n'était pas mon cas. »

Severus avait l'air un peu désorienté par cette nouvelle, Geena se surprit à le trouver tout bonnement adorable ainsi. Une vague de tendresse – ou d'amour ? – la submergea à cette vue, elle comprit à cet instant que si ses sentiments envers Severus avaient changé, ils ne pouvait s'être que renforcés. Elle se sentit soudainement fragile, elle était désormais sûre de son amour mais Severus, lui, n'avait l'air sûr de rien.

Elle le prit dans ses bras, il se laissa faire. Elle prit son menton, amena ses lèvres à sa bouche.

« Il n'y a aucune différence, constata Severus en rompant le baiser.

— C'est logique, c'est toujours les mêmes bras, la même bouche. »

Un silence.

« Je t'aime Severus », assura Geena. Juste pour le dire sans attendre un "je t'aime Geena" en retour car elle sentait d'ailleurs qu'elle attendrait en vain, Severus ne paraissait plus savoir où il en était.

« J'aimais Cypria, ce n'était pas une amourette, c'était vraiment sérieux. Je pense que je t'aime mais le fait de la savoir…

— Je comprends », interrompit Geena d'une voix douce. Comment remédier à ce problème ?

Quelqu'un frappa à la porte, Severus ouvrit la porte pour trouver Lucius sur son palier.

« Cypria voudrait te parler. »

Severus ne répondit rien.

« Je suis venu te rendre ta liberté, fit la voix de Cypria s'échappant des lèvres de son frère. Ce que je souhaite, c'est que tu sois heureux, peu importe avec qui. Geena t'aime. Vous formez un très joli couple. Je m'en voudrais d'avoir été un obstacle dans votre relation.

— Tu as de la chance, Severus, fit la voix de Lucius. Deux filles formidables sont tombées amoureuses de toi. Moi, pour l'instant, il n'y en a eu qu'une.

— Narcissa vous manque, intervint Geena d'une voix douce.

— Il paraît qu'il vaut mieux avoir connu l'amour et l'avoir perdu que de ne pas l'avoir connu du tout.

— Tu te retrouveras quelqu'un, dit Severus.

— Je crois que je n'en ai ni l'envie ni le courage. Et il faut aussi que je tienne compte de l'avis de Drago.

— Et du mien. » Cypria ne semblait pas vouloir être mise de côté. Geena sentit qu'ils n'étaient pas prêts de ne plus entendre la voix de la jeune femme.

« De toute façon, comment pourrais-je me sentir seul à présent puisque je suis deux personnes en une ? Cela va plutôt être les moments de solitude qui vont me manquer.

— Hé bien ! Dis-le que tu regrettes, protesta Cypria.

— ça fait très bizarre de voir un individu se parler et se répondre, constata Severus. Tu vas passer pour un schizophrène, Lucius.

— Il faut juste que Cypria arrête de parler à voix haute, c'est tout. Tout ira bien.

— ça me paraît une excellente idée, approuva Geena.

— Oh, je vois : on veut me faire taire, me bâillonner, me censurer ! » protesta Cypria, faussement scandalisée.

~oOo~

« Monsieur Londubat, soyez attentif à ce que vous faites. Y a-t-il besoin de poudre de griffes de dragon pour cette potion ?

— Heu… » Neville jeta un coup d'œil discret à son manuel. « Non.

— Bien, alors, pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous êtes prêt à verser de cet ingrédient dans votre chaudron ?

— Je ne sais pas. J'aurais juré l'avoir lu », bredouilla Neville en refermant gauchement le pot qu'il tenait en main.

Severus avait l'air passablement fatigué. Il regarda la recette. Il n'y avait pourtant rien qui commençait par "poudre" dans cette recette. Neville lui avait déjà fait ce coup-là : il lisait le début de l'ingrédient et "inventait" la fin. C'est ainsi qu'il avait failli mettre des pattes de cafard à la place de pattes d'araignée au cours de la leçon précédente. Severus avait ainsi compris le problème de Neville avec les potions (en tout cas, l'un des problèmes). Il avait bien insisté sur le fait que lorsqu'il faisait une potion avec le livre sous les yeux, le mieux était d'en profiter pour lire les ingrédients et ce jusqu'au bout.

Là, ce n'était apparemment pas ce qui s'était produit.

Il fallait qu'il trouva la raison de l'erreur de Londubat, ainsi, il pourrait sans doute le faire encore progresser puisqu'il s'était rendu compte que le problème avec cet élève, ce n'était absolument pas qu'il était nul – au contraire, il avait énormément de capacités, y compris en magie pure –, mais juste qu'il était maladroit et distrait.

« Si vous commencez par lire la recette d'une page et que vous continuez sur celle de la suivante, c'est sûr que vous n'allez pas vous en sortir… s'exclama Severus en se rendant compte que l'ingrédient incriminé figurait sur l'autre page. C'est un problème facilement soluble, continua-t-il en cachant la page suivante avec une feuille de parchemin vierge. Dorénavant, à chaque fois que vous suivrez une recette sur votre livre, vous cacherez ainsi l'autre page de façon à ne pas vous mélanger.

— Bonne idée », approuva Neville en se posant pour la énième fois depuis trois semaines la question suivante : Qu'est-ce qui s'était passé chez son professeur pour qu'il se mette à être gentil et compréhensif avec lui ?

Il n'avait pour l'instant obtenu aucune réponse à cette question. Ce n'était pourtant pas faute d'avoir cherché. Il avait aussi demandé aux autres élèves ce qu'ils en pensaient, mais tout le monde avait haussé les épaules.

-

Le pire dans cette histoire était que, à part que les cours avec Neville étaient fatigants et qu'il faisait beaucoup trop d'heures supplémentaires, Severus commençait à y prendre goût. Il était excellent pédagogue, Dumbledore lui donnait toute son estime, un salaire plus important, les autres professeurs étaient admiratifs devant lui.

Tout ça n'était pas déplaisant.

Sans compter que tous les élèves semblaient maintenant le placer en haute estime – mis à part quelques Gryffondor méfiants qui étaient trop habitués à l'ancien Rogue et aux Serpentard pour ne pas se demander si cela ne cachait pas quelque chose –, ce qui était assez valorisant. Il s'était appliqué pendant des années à se faire haïr des Gryffondor, cela avait été distrayant, mais ce n'était pas mal non plus d'être admiré, d'être un exemple… d'être même aimé !

Oui, il y prenait goût et nourrissait maintenant l'ambition d'être le meilleur professeur que la Terre ait porté. Ses collègues lui demanderaient conseil. Il écrirait un livre pour faire part de sa méthode infaillible et de son expérience. Les autres écoles de sorcellerie lui feraient des offres alléchantes. Dumbledore se battrait à coups de galions et d'avantages divers pour conserver son employé, repoussant les chasseurs de têtes obstinés hors de Poudlard à grands renforts de sa magie la plus puissante.

Oui, bon, on se calme tout de même.

Neville reprit le cours de sa potion. Severus continua à le surveiller. Il était lui-même surveillé par Hermione qui tout en gardant l'œil sur lui se pencha vers la table de Drago et Luciano de l'autre côté de l'allée.

« Mes parents sont d'accord », souffla-t-elle à Luciano avant de se redresser d'un seul coup et de faire mine de n'avoir jamais quitté son chaudron alors que son professeur jetait un coup d'œil méfiant derrière lui. Il avait cru entendre quelque chose. Ne voyant rien à reprocher aux élèves, il revint au travail de Londubat.

Drago montra une feuille à Hermione.

Tu as l'autorisation pour finir tes études en Italie ?

Hermione hocha vigoureusement et silencieusement la tête, le sourire d'une oreille à l'autre, sourire qui gagna les deux Serpentard.

-

A la sortie du cours, Hermione se plaça entre Drago et Luciano.

« J'ai eu la réponse ce matin au petit déjeuner.

— Ils ont pris leur temps ! s'exclama Drago.

— Ils y ont beaucoup réfléchi. It il se trouve qu'ils sont d'accord et trouvent même que c'est une excellente idée ! Comment ça se passe de ton côté avec ton père ? Après tout, tu peux bien critiquer mes parents, ton père, lui, ne t'a toujours pas répondu.

— Quand on parle du loup… »

Lucius Malefoy était au bout du couloir en compagnie de Karkaroff. Il vit son fils, s'avança vers le groupe d'élèves, suivi par Igor, et tendit une lettre à Drago.

« Je l'ai reçue ce matin, je pense que ça t'intéressera. »

Il adressa un hochement de tête amical aux deux autres élèves pour tout salut et reprit sa marche et sa discussion avec Igor.

Drago enleva prestement la lettre de l'enveloppe. Un sourire éclaira son visage. Il brandit la feuille devant ses amis.

« T'es inscrit ? s'exclama Luciano en remarquant l'en-tête de la lettre aux couleurs de l'école Santa Circea.

Il m'a inscrit !

— Cela doit probablement signifier qu'il est d'accord », conclut Hermione.