Everybody wants to be a cat...
Chapitre III
Harry se réveilla doucement, blotti contre la poitrine de Snape. C'était le milieu de la nuit, et la large fenêtre de la chambre laissait passer les rayons argentés de la pleine lune. Le jeune chat resta un moment rêveur, savourant la fraîcheur nocturne et la lente respiration de son hôte; puis il se dégagea doucement et regarda l'homme.
Snape dormait torse-nu, légèrement tourné sur le côté. Son paisible abandon au sommeil était à l'opposé de son comportement quotidien, raide et froid. Son corps mince et étonnamment harmonieux reposait tranquillement au milieu des draps, et Harry devait admettre qu'il était somme toute… et bien… attirant.
Cela faisait plusieurs nuits qu'il se demandait, sans se l'avouer vraiment, ce que cela ferait de le toucher, mais réellement, avec ses mains… De ne plus avoir la barrière de sa fourrure noire entre leurs peaux… Mais il ne faisait aucun doute que si Snape se réveillait pour trouver Harry Potter en chair et en os dans son lit, il n'hésiterait pas à le jeter par la fenêtre. Dans le meilleur des cas.
Il poussa un soupir félin et se glissa légèrement de l'autre côté de l'homme; il se frotta langoureusement contre le large dos, puis nicha son nez dans sa nuque, grignotant son oreille et s'emmêlant dans ses cheveux. Snape marmonna dans son sommeil puis recala sa tête au creux de l'oreiller. Harry se recula légèrement, s'assit sur son arrière-train et resta un moment à le contempler. Puis ses yeux tombèrent sur la table de nuit. Et sur la baguette de Snape soigneusement posée dessus.
"… le rôle de la laitue frisée dans l'histoire de la Potion du XIVème siècle fut on ne peut plus important. En effet, la synthèse de Jus Vert n'ayant été mise au point que le siècle suivant, la Frisée a longtemps joué le rôle de catalyseur dans les potions curatives avant que ce dernier ne la remplace. Il est important de noter…"
- Harry!
Ron fit brutalement irruption dans la chambre, tout essoufflé.
- Est-ce que tu peux me prêter ton Eclair de Feu pour ce soir? Il y a un problème avec les balais du club et…
Harry leva un œil vague sur son ami.
- Gnhein?
- Ton-Eclair-de-Feu. Je peux te l'emprunter?
- Oui, oui…
Ron saisit le balai dans le placard, puis se retourna vers lui.
- J'y ferai attention, t'inquiète pas. C'est d'accord?
- D'accord, je lui dirai demain… marmonna Harry plongé dans son ouvrage.
Ron, sur le point de sortir, s'arrêta et lui jeta un regard inquisiteur.
- "Différentes salades pour différentes Potions"… C'est bien, ton bouquin?
- Super.
- Ah.
Le rouquin se gratta le nez en dissimulant un sourire.
- Tu te décides à bosser les Potions?
- Ouais.
- Mmh… C'est cool.
- …
- C'est bien, alors?
- Ouais.
- Bien.
- …
- Nan c'est vraiment très bien de te décider à travailler tes Potions. Vraiment.
- …
- Alors tu t'es pris d'un soudain intérêt pour les Potions, comme ça… C'est bien. C'est très bien.
- …
- Je me demande ce qui a pu te faire prendre d'un soudain intérêt pour les Potions… Oh, mais je ne critique pas, c'est vraiment très bien! Cependant je me demande…
- TU ME FOUS LA PAIX, OUI?! J'AI ENVIE D'ETUDIER LES POTIONS, UN POINT C'EST TOUT!!!
Ron s'enfuit de la chambre, mort de rire.
Harry reposa son livre, se retourna sur son lit et enfouit son visage dans l'oreiller.
Il avait menti. Du moins en partie. Etudier les Potions (c'était vrai, après tout: il y avait l'examen à la fin de l'année), même si le livre se révélait finalement bien plus intéressant que ce à quoi il s'attendait, ne lui servait qu'à s'empêcher de penser. Mais il l'avait terminé et n'avait pas le courage d'aller s'en chercher un autre. Et puis ça ne servait à rien de se voiler la face.
Comment et surtout pourquoi. Telles sont les véritables questions de l'existence. Comment et surtout pourquoi avait-il fait ça? Comment avait-il pu endormir Snape pour pouvoir dormir dans ses bras sous forme humaine? Et pourquoi?
* Et encore, dormir… et en profiter un peu, oui.*
Il soupira. Tout ça à cause de cette histoire de chat, et de laboratoire, et de casser tout, et… Merde! Et maintenant il était dans la panade la plus totale…
* Qu'est-ce qui m'arriiiiiiiiiiiiive?!*
- Tiens. Quand je te dis, tu appuies là.
Le chat posa délicatement sa patte sur l'interrupteur du réchaud et attendit que Snape ait saisi son flacon de jus de Mandragore.
- Miou?
- Vas-y.
Harry appuya fermement sur le bouton, tandis que l'homme versait soigneusement le liquide. Puis ils se reculèrent prudemment tous les deux et observèrent le contenu du ballon se mettre à bouillonner. Au bout d'une minute, Snape hocha la tête d'un air satisfait et lui donna une légère caresse sur la tête.
- Merci. C'est bon pour ce soir. Tu viens?
Le Survivant le précéda en bondissant vers le salon et sauta sur le canapé avec un regard tentateur. Snape se laissa tomber à côté de lui en souriant.
Ils se chamaillaient déjà depuis dix minutes quand on frappa à la porte. Harry, tel un sphinx, s'installa dignement au milieu du canapé tandis que son hôte allait ouvrir.
- Albus?
- Bonsoir, Severus. Navré de vous déranger…
- Je vous en prie.
L'ancien Mangemort invita son supérieur à entrer.
- En fait je voulais juste savoir… Qu'avez-vous fait à vos mains?
A l'accent étonné du vieux sorcier, Harry passa la tête par-dessus le dossier du divan.
- Oh. C'est mon chat… (Harry aurait pu jurer que Snape semblait embarrassé.) Il n'est pas très tendre, parfois.
* Hé! C'est qui qui me tire les moustaches?! Et puis toi aussi t'aime bien que je te mordille les doigts…*
- Vous avez un chat?!
Dumbledore avait l'air aussi étonné que si on venait de lui annoncer une rupture de stock d'esquimaux au citron dans les cuisines du Château.
- Il n'est pas à moi à proprement parler. Mais il vient souvent me rendre visite.
* Tous les soirs! Quoi, t'as peur de le dire?*
Harry sauta à terre et vint se frotter contre les jambes de Dumbledore, qui le prit dans ses bras et l'observa avec une curiosité enfantine.
- Et alors? A-t-il un nom, ce monsieur?
Harry et Snape échangèrent un regard, puis l'homme haussa les épaules.
- Non. Je ne sais même pas à qui il appartient.
Dumbledore sourit et lui gratouilla la tête – au chat, pas à son collègue. Mais ses yeux perçants étaient songeurs et détaillaient soigneusement la petite tache blanche qui ornait son front.
- Il a une cicatrice, observa-t-il comme si de rien n'était.
Harry sentit ses poils se hérisser.
- Il s'est peut-être battu, répondit Snape d'un ton indifférent. Que puis-je pour vous, Albus?
- Ah, oui! (Le Directeur reposa Harry à terre.) Je voulais vous demander de me prêter votre ouvrage sur les techniques moldues de congélation… (nda: pour ses esquimaux… c'est qu'il s'intéresse de près au problème…)
Snape hocha la tête et disparut dans sa chambre. Harry, réfugié sur le divan, vit avec terreur Dumbledore le rejoindre et s'installer près de lui. Il joua le parfait chat de maison et sauta sur ses genoux en ronronnant.
- Ce n'est pas la peine, dit simplement Dumbledore. (Et comme Harry reculait en crachant:) Je ne sais pas ce que tu fais, mais pas de bêtises, d'accord?
Harry hocha pitoyablement la tête.
- Et sois prudent, soupira encore le vieil homme en lui tirant la queue. Ah! Merci, Severus! s'exclama-t-il en se redressant tandis que Snape revenait. C'était tout, je vais vous laisser. Vous avez un chat très intelligent, ajouta-t-il gentiment.
L'homme eut l'air surpris, puis acquiesça. Une fois qu'il eut raccompagné son supérieur à la porte, il revint vers le canapé.
- Tu lui as tapé dans l'œil, constata-t-il en se réinstallant.
Harry préféra ne rien répondre, la gorge encore serrée.
- Tu fais la tête? Ne vas pas m'être infidèle, hein…
Le chat répondit par un coup de griffe outragé, puis sauta à terre et fila dehors.
Dumbledore savait. Dumbledore savait. Dumbledore savait. Dumbledore savait. Dumbledore savait. Dumbledore savait. Dumbledore savait. Dumbledore savait. Dumbledore savait qu'il était un Animagus non déclaré, qu'il se baladait dans le Château la nuit, qu'il rendait souvent visite à Snape, et, pire que tout, qu'il mordillait et griffait les mains de Snape.
Là, ça faisait vraiment mal.
* Qu'est-ce qu'il va bien pouvoir penser? Ô Merlin, mais qu'est-ce qu'il va bien pouvoir penser?*
Dans le meilleur des cas, que Harry jouait une farce à Snape. Mais malheureusement, Dumbledore n'était pas stupide.
Hélas.
- M. le Grand Héros Potter, puis-je humblement vous faire remarquer que votre potion déborde et à déjà parcouru la moitié de la salle, colorant par la même occasion un bon mètre carré de pavé d'un magnifique rose tendre?
Harry leva les yeux sur Snape qui se tenait victorieusement devant lui, les baissa sur ledit pavé rose, puis soupira.
- J'ai compris. Où est la serpillière?
Mais visiblement, la punition semblait trop gentille pour Snape.
- Vous viendrez me voir ce soir pour récurer le laboratoire et le couloir depuis les réserves à nourriture jusqu'à la statue d'hydre un peu plus loin.
Soit quarante mètres de couloirs.
- Ensuite, s'il vous reste un peu de temps – et il vous en restera, Potter, n'est-ce pas? – vous nettoierez les quinze gros chaudrons qui serviront pour la semaine prochaine.
- Ce va me prendre toute la nuit! protesta l'adolescent.
- Oh, mais vous pouvez commencer immédiatement après les cours, Potter, répondit l'homme, magnanime, en se détournant.
Harry se retint difficilement de lui jeter le reste de son chaudron à la tête pour l'accorder à sa salle de classe.
A la sonnerie, au lieu de sortir comme tout le monde, il retroussa ses manches et attendit que Snape daigne lui prêter attention. Celui-ci le regarda d'un air contraint.
- Vous m'ennuyez, Potter. J'ai autre chose à faire que de vous surveiller.
Harry réunit dans sa voix tous les trésors de politesse qu'il put dénicher.
- Dans ce cas, laissez-moi commencer par le couloir, Monsieur?
Snape accepta de mauvaise grâce, lui fit apparaître seau et serpillière, puis l'abandonna au milieu des cachots plains de courants d'air, après avoir ostensiblement fermé la porte de son laboratoire à triple tour. Et Harry se mit au travail.
Quand son professeur adoré revint deux bonnes heures plus tard avec l'air d'un homme qui vient de tranquillement faire un bon repas, Harry ne sentait plus ses épaules et son ventre criait famine. Snape jeta un coup d'œil à son travail, fit une moue critique, mais aucun commentaire et lui indiqua le laboratoire d'un geste négligent. L'adolescent contemplait la tâche rose d'un air désolé quand l'homme lui apporta une bouteille à l'étrange contenu vert pétillant.
- Vous aurez beau utiliser toutes les serpillières du monde, Potter, vous n'arriverez à rien, lança-t-il avec ennui. Il faut un dissolvant spécial. En l'occurrence, si cela vous intéresse ce dont je doute beaucoup, …
- … un concentré de Jus Vert, termina Harry à sa place.
Snape lui jeta le regard qu'il réservait habituellement aux potions ratées de Neville – c'est-à-dire hautement incrédule devant un tel phénomène.
- Etonnant, fut sa seule remarque – ironique.
- Je m'excuse de vous causer un tel choc, Monsieur, susurra Harry. Mais il se trouve que je possède également un cerveau, chose dont il faudra me croire sur parole étant donner que vous n'aurez jamais l'occasion de me disséquer comme vous semblez tant le désirer depuis sept ans.
- Peut-être un jour enverrai-je ma carrière au diable et m'offrirai-je ce petit plaisir, murmura Snape en retour. (Mais, Harry l'aurais juré, ses yeux pétillaient.) Maintenant, nettoyez-moi cette tâche avant que ce jour béni ne s'avère être celui-ci.
Harry obéit sans mot dire.
Le nettoyage du laboratoire ne lui prit qu'une heure. Il s'attaquait donc aux vingt – et non quinze – chaudrons qui trônaient au fond de la classe, quand Snape revint et, l'avisant, le congédia d'un geste énervé.
- Votre ventre fait trop de bruit, Potter. Allez remplir ce gouffre sans fond typiquement gryffondoresque et foutez-moi la paix.
- Bien, Monsieur.
Harry partit sans croire à sa chance. Ce devait être la première fois de sa vie – peut-être la première fois de la carrière de Snape? – qu'il quittait une retenue sans l'avoir terminée.
Pour la peine, magnanime, il décida qu'il reviendrait pour la nuit. Et puis ça lui manquait beaucoup.
Snape l'avait accueilli d'une remarque ironique – "Sa Majesté est enfin de retour?" – et d'un grattouillis sur le ventre qui avait rapidement dégénéré. A présent, il dormait tranquillement, aidé par un petit sortilège de Profond Sommeil, à côté d'un Harry pensif revenu à sa forme humaine.
Il était vraiment dans le caca – passez-moi l'expression. Pour résumer la situation avec une parfaite objectivité, lui, Harry Potter, passait actuellement ses nuits avec son professeur de Potions. Sans que personne ne le sache, certes, mais sans que le principal intéressé – donc Snape – ne le sache non plus. Le problème se poserait à partir du moment où quelqu'un l'apprendrait. Soit ce serait Snape, et Harry n'y survivrais sûrement pas plus d'une minute et vingt secondes, temps moyen pour que l'homme comprenne les faits et lui fasse ingurgiter l'un de ses plus puissants poisons. Soit ce serait quelqu'un d'autre, et là:
1. Harry serait accusé d'Animaguisme non déclaré.
2. Il se ferait passer un savon par tous les Aurors de sa connaissance pour s'être conduit "de manière irréfléchie mais enfin Harry pense un peu à…" etc. Sachant que Maugrey, Tonks et Kingsley étaient Aurors, que Lupin prenait sa sécurité très à cœur, sans parler de M. et Mme Weasley…
3. Ses amis refuseraient sûrement de lui parler ("Tu as passé la nuit avec QUI?!").
4. Sa vie sociale était du même coup foutue.
5. Snape le tuerait (cf. première éventualité).
6. Snape aurait des ennuis, quoiqu'il dise, ce qui serait injuste…
Finalement il préférait que Snape le tue immédiatement.
Il y avait une autre solution, assez simple: qu'il ne revienne plus. Mais contrairement à ce qu'avait préconisé Ron, ça ne passait pas. Il commençait un peu à s'en inquiéter, d'ailleurs. Les ASPICs étaient pour bientôt, et après… ben après… y'aurait plus de Snape. Ce qui le faisait délirer de joie quelques semaines plus tôt lui occasionnait à présent un curieux poids sur l'estomac.
Et puis d'un autre côté… il aurait bien aimé… non, rien.
Il s'assit au bord du lit en soupirant, son regard vagabondant autour la chambre. Bizarrement, même sans lunettes, il voyait mieux la nuit. Peut-être pourrait-il lancer une contre-théorie comme quoi la forme Animagus influait vraiment sur le sorcier. Ses yeux s'arrêtèrent sur un gros volume relié qui traînait sur le bureau habituellement méticuleusement rangé. Il s'en approcha avec curiosité.
C'était un album photo. Un curieux recueil de photographies moldues et sorcières, en noir et blanc ou en couleur, et qui ne semblaient pas dater d'hier. Il alluma doucement une bougie et les observa plus attentivement.
La première lui arracha un sursaut de surprise et un grognement. Un groupe d'adolescents, dont Snape, en uniforme de Poudlard, souriaient angéliquement à l'objectif. C'était l'hiver et un épais tapis de neige recouvrait le sol. Derrière eux, les têtes furibondes des Maraudeurs émergeaient d'un impressionnant bloc de glace où ils se trouvaient enchâssés. Harry se demanda comment Snape et les autres Serpentards avaient réussi ce coup-là. Son professeur semblait plus vieux que dans le souvenir que Harry avait exploré dans la Pensine deux ans auparavant. Environ son âge. Et il avait l'air de bien s'amuser – au sens snapesque du terme, bien entendu.
Quelques photos suivantes le représentaient toujours avec les mêmes élèves, pendant l'année scolaire. Sérieusement penchés sur leurs cours, glandant sur l'herbe, passant la serpillière dans un laboratoire de Potions ravagé… Il retrouvait souvent les mêmes têtes: Snape, un type qui ressemblait de très près à Draco Malefoy et dont il ne fallait pas être sorcier – de toutes façons… - pour deviner de qui il s'agissait, un autre, grand et mince, au visage calme et souriant, et un dernier, assez petit et presque frêle, qui ressemblait fort au précedent mais parraissait un peu plus jeune, sans doute son frère.
Au fil des photos il les vit travailler, persécuter les Gryffondors – jamais l'inverse, curieux… - et s'amuser. Si Malefoy Senior était déjà plein de morgue et Inconnu No 1 plutôt sérieux, Inconnu No 2 semblait intenable. Le regard malicieux, il n'arrêtait pas de les entraîner dans des plans foireux qui finissaient généralement de façon catastrophique, sans que les autres ne s'avisent même de lui en vouloir tellement il semblait irrésistible. Le plan "Et si on mettait du CocaBulle dans les encriers des Gryffondors?" en était un des plus éclatants exemples. Il lui arrivait même de taquiner Snape qui…
Harry s'arrêta brusquement sur la photo suivante, les yeux écarquillés, et faillit se ramasser par terre. Celle-ci n'avait sûrement pas dû être prise avec la permission de Snape, sur le coup. Snape, donc, installé par terre au pied d'un divan, avec, assis entre ses jambes et le dos contre sa poitrine, Inconnu No 2 dont il avait entouré l'épaule de son bras et à qui il semblait expliquer un problème de Potions plutôt complexe. Lequel Inconnu No 2 n'en avait visiblement rien à péter et roupillait tranquillement, la tête appuyée au creux du cou de son aîné. Sans être totalement compromettante, la pose était plus que douteuse.
Douteuse et confirmée par la suite. Qui que fut l'auteur des photos, il n'avait visiblement pas l'air choqué par l'attachement que se portaient les deux adolescents – au contraire. Inconnu No 2 en train de pérorer gravement, perché sur les épaules d'un Snape rouspétant à côté d'un Malefoy goguenard; Inconnu No 2 tendant avec des yeux pleins d'étoiles sa copie balafrée de rouge à un Snape soupirant d'accablement; Inconnu No 2 minaudant et battant outrageusement des cils sur le passage de Lily Evans et de James Potter, l'air furibond, pendant que Snape s'étouffait discrètement dans sa manche; Snape en train de dormir sur l'herbe, avec Inconnu No 2 se servant de son ventre comme oreiller…
Puis les photos quittaient le cadre de Poudlard. Le décor changeait. Ils y avaient le parc d'un château; une sorte de campus d'université; une maison qui semblait être celle de Snape… Et toujours les mêmes protagonistes. Un peu plus âgés. Harry s'arrêta devant un cliché qui lui arracha un frisson: les quatre Serpentards, en longues robes sombres de Mangemorts, en train de porter un toast. Alors même l'amant de Snape… Car c'était bien son amant, décida-t-il à la photo suivante, où Snape avait les mains plongées sous les vêtements du jeune homme.
L'album s'arrêtait net un peu plus loin. Il n'était pas difficile de savoir pourquoi, conclut Harry en se remémorant les paroles de Malefoy. "Il l'a tué et tu ne le reverras…" Plus jamais. Il se sentait secoué. Il avait toujours haï Snape. Mais en même temps…
Il se retourna vers l'homme qui dormait toujours – et pour cause. Ce truc avait donc un cœur. Comme quoi tout est possible dans la vie.
…
Houlàlà.
Ca n'allait pas du tout.
Du tout. Il n'avait pas à se sentir jaloux. Non mais oh. De quoi, d'abord? D'un mort?
° On dit que ce sont les fantômes, les plus encombrants en amour… ° lui souffla une petite voix.
* Et en quoi ça me concerne? * répliqua-t-il.
° Oh, comme ça… C'est vrai, quoi, tu es juste tout nu dans la chambre de Snape, au beau milieu de la nuit, après l'avoir endormi pour pouvoir – °
* Ta gueule.*
Harry retourna s'asseoir au bord du lit, et se tourna vers son "hôte". Bon. D'accord. Il lui arrivait un truc bizarre en ce moment. Mais pas de quoi penser qu'il avait pu tomber amoureux de…
L'homme bougea et effleura sa cuisse, lui hérissant tous les poils du dos. Houlàlà. Par pitié. C'était trop bon… Non. Si. Non, hors de question. PAS-QUES-TION.
Il se retrouva collé contre son professeur, frottant voluptueusement sa peau contre la sienne. Bof, qu'est-ce qu'il faisait de mal? Personne ne le saurait jamais. Ce n'était peut-être pas dans les strictes limites de la moralité et du respect d'autrui, mais il s'en foutait. C'était pas un viol. Un innocent câlin, voilà.
° Un câlin avec Snape!° conclut la voix en se marrant. ° MWARF MWARF MWARF MWARF MWAAAAAAAARF!!!°
Pâques. Joyeuse et légère fête, ô combien éloignée du faste de Noël et des paillettes du Nouvel An, mais par là-même tellement savoureuse…
Pâques, donc. Dumbledore avait fait remplacer pour la journée l'habituelle sonnerie par de puissantes cloches qui assourdissaient une fois par heures élèves et professeurs, ces derniers ne semblant guère apprécier de voir leur cours interrompu par de graves et lourd résonnements qui noyaient toute possibilité de se faire entendre. Et, prit d'une soudaine lubie, il avait supprimé les cours de l'après-midi pour organiser une gigantesque chasse aux œufs dans le parc de l'Ecole. Et les Septièmes Années n'étaient pas les derniers à chercher activement.
- Regarde çuila, il a une drôle de couleur, fit Ron d'un ton sceptique en ressortant d'un fourré en bordure de la Forêt Interdite.
Hermione jeta un coup d'œil.
- C'est normal, répondit-elle tranquillement, ce n'est pas un œuf en chocolat.
- Ah bon? A quoi, alors? Pâte d'amande?
- Non. C'est un œuf de Griffon. Ca ne se mange pas. A vrai dire, je ne pense pas que ce soit Dumbledore qui l'ait mis là. Et puis j'entends sa maman qui arrive.
Ron s'empressa de le remettre à sa place.
- Si on se rapprochait un peu du château? proposa la brunette. Il y a quand même l'air d'y en avoir plus par la-bas. Harry?
Le Gryffondor avala la grosse bouchée de chocolat qu'il avait dans la bouche et hocha la tête.
- J'aime bien Dumbledore, remarqua-t-il philosophiquement tandis qu'ils marchaient.
Ron acquiesça en se léchant les doigts et Hermione sourit.
- Alors les pitits n'enfants, on cherche des chocolats?
Le ton de Draco Malefoy était tout sauf attendri. Plutôt mortellement dédaigneux.
- Ouaip, répliqua Ron sans se démonter. C'est dommage que ton rang de Digne-Héritier-de-la-Grande-Famille-Malefoy t'en empêche, tu sais. Ils sont super-bons.
Il lui colla un œuf dans la bouche et continua sans se retourner, abandonnant un Serpentard incapable de répliquer, ses deux gorilles jetant un regard envieux sur les trouvailles des trois amis.
- Tu sais, Ron, on dirait presque que Malefoy t'amuse, en ce moment, dit sérieusement Hermione.
- Ah bon?
Mais leur attention fut interpellée par un grand attroupement près du Saule Cogneur. Visiblement il sa passait quelque chose, et quelque chose d'important.
- Qu'est-ce qu'il y a? demanda Harry à un Troisième Année qui trépignait.
L'autre lui bondit presque dans les bras d'enthousiasme.
- Il y a un œuf ENORME dans le Saule! Plusieurs élèves ont déjà essayé de l'attraper, mais ils se sont pris des gnons impressionnants! (Il leur montra un petit empilement de corps inanimés dix pas plus loin, puis continua) Alors ils ont commencé à faire des paris, et ils ont convenu que la Maison qui parviendra à se l'approprier se verra gagner le droit d'exploiter les trois autres pendant une semaine… Déjà plus de la moitié des élèves ont signé…
- Les professeurs ne vont pas apprécier, remarqua Hermione.
- Arrête c'est cool! s'exclamèrent en même temps les deux garçons.
Puis ils échangèrent un regard entendu.
- Ron…
- Ouais. Je compte sur toi.
Et partirent à l'assaut de l'Œuf Géant.
- N'empêche, je me demande comment il a atterrit là…
- Peut-être que les Cloches existent vraiment, après tout, répliqua Ron en haussant les épaules. Waouh!
L'œuf n'était pas énorme. Ni gigantesque. Il était dément.
- Comment on le descend?
- Chais pas. On le pousse?
Un grand cri suivit d'un "CRAAAAC!" inquiétant les coupa. Un élève venait d'être éjecté d'un coup de branche.
"… et on attend de nouveaux candidats!" hurlait une fille aux cheveux châtains d'une voix amplifiée par un Sonorum. " Allons, qui veut tenter de décrocher l'œuf géant pour faire gagner sa Maison?! Ah! Je vois deux nouveaux courageux! Il s'agit de… Harry Potter et Ron Weasley! "
Une ovation monta de la foule des élèves, agrémentée de quelques huées de la part des Serpentards présents. Les deux amis inspirèrent à fond, puis s'avancèrent.
" Ils s'avancent avec hésitation, Mesdames et Messieurs… Rappelons qu'il s'agit des vingt-quatre et vingt-cinquième candidats à tenter l'escalade du Saule Cogneur… Peut-être les premiers à s'en sortir indemnes, qui sait… Ah! Ron Weasley vient d'éviter la première branche! Un magnifique réflexe qui… Attention! Mon Dieu mon Dieu, celle-ci est passée près… Harry Potter a presque atteint le tronc, mais comment va-t-il faire pour monter?… OH BRAVO! Weasley a saisit une branche au vol et se retrouve propulsé… Hé, mais il n'est pas si loin de l'Œuf! Mais va-t-il parvenir à le déplacer seul?! Potter est parvenu à grimper lui aussi et se hâte vers le haut… OUCH! Elle a dû faire mal celle-là… Holàlà… Le tronc commence à s'agiter dans tous les sens… Nos deux candidats semblent bien secoués…"
Secoués, secoués… Harry se cramponna de toutes ses forces en pensant in extremis à maintenir ses lunettes.
" Les choses semblent stagner… Il faut dire que je n'aimerais pas être à leur place… WEASLEY A ATTEINT L'ŒUF! Mais il ne sembla pas parvenir à de faire bouger… Potter le rejoint… OH MON DIEU! Non! Ils s'accrochent toujours! Allez, encouragez-les! CA Y EST! L'œuf bouge!"
- Harry… tu me… paieras ça… souffla Ron.
- C'est toi… qu'a… eu l'idée…
- Putain c'est lourd ce truc…
" Ils semblent avoir beaucoup de mal… Vont-ils y arriver? Le Saule semble redoubler d'énergie et… BRAVOOOOOO!!!! L'ŒUF EST TOMBE! IL EST REMPLI DE CHOCOLATS, ET GRYFFONDOR GAGNE LE DROIT D'EXPLOITER LES TROIS AUTRES MAISONS DANS LES LIMITES DE LA DECENCE PENDANT UNE… semaine… oh bonjour professeur Sape…"
Avec un grand cri, Harry et Ron suivirent l'Œuf qui venait de s'écraser par terre.
Harry ouvrit péniblement un œil. Le referma aussitôt en sentant une cavalerie de centaures pénétrer par son oreille gauche, faire trois fois le tour de son cerveau et ressortir par le milieu de son front. Il attendit patiemment que l'écho de leurs sabots se fut calmée, et refit une seconde tentative un peu plus fructueuse.
- Albus. Promettez-moi que vous allez les renvoyer. Vous ne pouvez pas ne pas les renvoyer. Vous avez vu ce qu'ils ont fait?! Vous avez vu?!
- Oui mais… c'est un peu de ma faute… l'un des œufs s'est accroché là-haut et…
- Ils ont grimpé en toute connaissance dans le Saule Cogneur, Albus! (Snape semblait au bord de l'hystérie) Tout ça pour épater une galerie de petits crétins qui… Non, franchement, si vous permettez cela alors je ne vois plus ce qu'il y a à interdire. Albus? Promettez-moi.
Harry entendit le Directeur rechigner.
- Ils ont leurs ASPICs dans quelques semaines… Ce ne serait pas…
- Les cours par correspondance! intervint violemment Snape.
Dumbledore soupira.
- Severus… Ils vont partir, de toutes façons, fit-il d'un ton qui avait retrouvé tout son sérieux. Et toute l'Ecole a participé à cet… incident. Vous ne voudriez pas que je renvoie toute l'école?
- Ce sont Potter et Weasley qui sont grimpé, siffla la voix furieuse.
- Après une vingtaine d'élèves dont des Serpentards. Ils quittent l'Ecole dans deux mois, Severus. Ils seront punis, mais pas renvoyés.
L'homme ne répondit pas.
- Bon. Je vais aller faire mon petit discours moralisateur au dîner. Et infliger sa première punition à M. Weasley. Bonne soirée, Severus.
Harry entendit un bruit de pas quitter la pièce et décroître dans le couloir. Alors Ron n'avait rien… Tant mieux. Comme ça, c'est lui qui prendrait toutes les remontrances de Hermione. C'était chouette. Il allait pouvoir faire faire ses devoirs à un autre. Voyons… Il y avait un type assez fort à Serdaigle… Enfin sûrement que tout le monde aurait la même idée que lui…
Il tressaillit quand quelqu'un bougea dans la pièce. Merde. Snape était encore là. Faisons semblant de dormir…
Il entendit l'homme faire quelques pas furieux, puis s'approcher de lui. Priant pour que l'homme ne pète pas les plombs et n'attente pas à sa petite vie – à laquelle il tenait, quand même – Harry serra les dents. Une chaise racla juste à côté de lui et il sentit le souffle de lourdes robes sur sa joue droite. Puis plus rien.
Silence.
* Kess ki se paaaaaasse? Allô allô, y a kelkun?*
Snape réfléchissait au meilleur moyen de le faire disparaître sans laisser de traces, réalisa-t-il soudain. Ca ne pouvait être que ça. Un meurtre. Il crispa ses doigts sur les draps.
A bout de nerfs, il allait bondir du lit en hurlant, quand l'homme soupira profondément. Un autre bruit de chaise, un "Allez vous faire foutre, Potter." prononcé d'une voix fatiguée, et Snape quitta la pièce.
A suivre…
