Le Centre ainsi que les personnages de Jarod, Miss Parker, Sydney... sont la propriété des producteurs du Caméléon.
Merci de ne pas archiver sans mon autorisation.
L'histoire se déroule vers le milieu de la saison 4.
*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*
PERSPECTIVES
PREMISSE (BROOTS)
"Le monsieur est descendu il y a deux minutes."
Le crâne du chauffeur frôle le plafond de son bus et il est deux fois plus large que Mlle Parker. Je vois pourtant le moment où elle va se jeter sur lui et le frapper pour une mauvaise nouvelle dont il n'est en rien responsable. Ce qui ne serait pas une bonne idée. D'abord parce que le type serait capable de porter plainte, et je plains le flic qui devrait arrêter Mlle P pour voies de fait; ensuite parce que pendant ce temps, Jarod est en train de filer; enfin parce que je me trouve plus ou moins sur le chemin et que je n'ai aucune envie de prendre un mauvais coup. Je suis informaticien, pas punching-ball, pour présenter les choses à la façon du docteur McCoy (vous connaissez *Star Trek*, n'est-ce pas?)
Je la tire le plus discrètement possible par la manche, tandis que Sydney, moins raisonnable en dépit de sa plus grande expérience de la vie, lui pose gentiment une main sur l'épaule. Elle finit par se rendre à nos arguments et, sur un dernier regard glacial pour le chauffeur, redescend du car.
L'énorme véhicule repart aussitôt, le plus rapidement possible, nous laissant plantés en plein milieu d'une route déserte du Montana.
Mlle Parker remonte dans la Cadillac et redémarre, si rapidement que Sydney et moi avons à peine le temps de la rejoindre. Elle a déjà parcouru cent mètres lorsque je parviens à fermer ma portière et, lorsqu'elle tourne sur la gauche, comme le lui a conseillé le chauffeur du bus pour regagner l'arrêt où est descendu Jarod, j'entends les pneus crisser de protestation. Je ne m'habituerai jamais à sa façon de conduire; elle a l'air d'oublier que l'on n'est pas dans *Starsky et Hutch*, mais dans la réalité, même si notre réalité est la chose la plus étrange qui puisse exister.
A sa façon soudaine d'écraser l'accélérateur, je comprends qu'elle a repéré sa proie - je suis assis à l'arrière, évidemment, et je ne vois pas grand chose de ce qu'il se passe sur la route, ce qui n'est pas plus mal lorsque l'on songe à l'allure à laquelle est lancé notre véhicule. Je ne pensais pas qu'il soit possible de rouler plus vite, mais elle y parvient et, en passant la tête entre les sièges avant, j'aperçois effectivement une silhouette en noire en train de filer à toutes jambes sur le bas-côté de la route. Un haut mur coupe toute retraite à Jarod, l'empêchant de s'évanouir dans les champs environnants, mais nous arrivons presque au bout.
"Et merde!" s'exclame Mlle P lorsque ladite silhouette disparaît au détour du mur.
Elle braque violemment, m'envoyant bouler contre la portière et cette fois, même Sydney s'accroche à l'accoudoir de son siège. Elle coupe la route dans toute sa largeur, sans se préoccuper d'éventuels voitures arrivant en sens inverse, et fonce droit sur le champ. Je suppose qu'il est parfaitement inutile que je la mette en garde contre la barrière qui clôture la parcelle car...
Voilà, il n'y a plus de clôture, elle vient de voler en éclats sous l'impact de notre berline. Une voiture de location, soit dit en passant. Le bureau du Centre à Helena ne comprend que quelques personnes, équipées de deux véhicules. L'un d'eux est tellement vieux que Mlle Parker n'a même pas dû envisager de monter dedans. Et la directrice du satellite a écrasé l'autre, un ravissant coupé sport, contre un lampadaire en poursuivant Jarod hier. D'où la location.
Lorsque Mlle Parker commence à rouler dans le champ en friche sans vraiment ralentir l'allure, je me dis qu'une jeep aurait sans doute été préférable. On est secoués dans tous les sens, mais elle ne semble ni s'en inquiéter, ni même s'en rendre compte, bien que la suspension soit en train de hurler de protestation. Elle avance en zigzag sur quelques centaines de mètres, la voiture rebondissant sur les accidents du terrain, tandis que Jarod perd peu à peu de son avance. Mais visiblement pas assez vite aux yeux de Parker, puisqu'elle arrête soudain la voiture et en descend à la vitesse de l'éclair. Avant que Sydney et moi ayons eu le temps de réagir, elle a claqué la portière et a sorti son arme. Elle la pointe sur le fugitif, lui ordonnant de s'arrêter, ce qui n'a pas le moindre effet, bien sûr, et elle tire et le manque. Encore une fois. J'ai vu dans le stand du Centre les cibles sur lesquelles elle s'entraîne: il est impossible qu'elle rate systématiquement Jarod sans le vouloir.
Le coup de feu ayant été inutile, elle se lance à la poursuite du Caméléon. Sur des talons haut de huit centimètres: ni son père ni M. Raines ne pourront prétendre qu'elle y met de la mauvaise volonté! Sans hâte, Sydney et moi descendons à notre tour de la Cadillac et étudions la course de la proie et de son chasseur. Au bout de quelques centaines de mètres, Jarod bifurque soudain, et Mlle Parker modifie sa trajectoire pour lui couper la route.
Ce n'est qu'à ce moment là que je remarque le profond ravin qui creuse le champ sur plusieurs kilomètres, interdisant toute retraite à Jarod. Sa seule issue, des plus incertaines, est un petit pont en bois qui se balance au-dessus de la crevasse et semble avoir été construit des siècles plus tôt.
Un pont en piteux état contre la perspective de retourner au Centre: je n'ai aucun besoin d'être un Caméléon pour savoir ce que Jarod va choisir. Et effectivement, il s'engage sur l'étroit passage. Mlle P arrive dix secondes plus tard, il a déjà parcouru la moitié du chemin. Elle hésite un bref instant puis, le voyant arriver de l'autre côté et près à lui échapper, elle le suit, bondissant de planche en planche sans même se tenir au fragile rail de sécurité en corde. Je secoue la tête, incrédule: la municipalité devrait se retrouver devant un juge pour laisser en place ce genre de construction instable. Ce truc oscille dangereusement de droite à gauche sous la course de Parker. Jarod doit être aussi inquiet que moi car, alors qu'il devrait être en train de filer aussi vite que possible, il s'est immobilisé au bord du ravin et observe sa poursuivante.
Et, alors qu'elle se trouve à moins de trois mètres de la terre ferme, le pont craque.
La corde se déchire, la structure lâche soudain et se brise par le milieu. Le sang reflue de mon visage et j'ai l'impression que je vais me trouver mal. Près de moi, Sydney s'agrippe à la portière de la voiture tandis qu'à quelques mètres de nous à peine, Mlle Parker semble tomber dans le vide. J'entends son hurlement tandis que le sol se dérobe sous elle. Elle lance frénétiquement sa main gauche vers le haut - la droite tient toujours son Smith et Wesson en un geste de pur réflexe - et parvient à accrocher une planche. Des morceaux de bois de toutes tailles volent autour d'elle.
Figé, je regarde sa silhouette mince, fine forme bleue et noire, se balancer dans le vide, à trente mètres au-dessus du sol. J'ai l'impression que la scène dure des heures, alors que quelques dixièmes de seconde à peine ont dû s'écouler.
Jarod se penche au-dessus de la crevasse, puis se laisse tomber à plat ventre, glissant si loin vers l'avant que je me demande comment il ne bascule pas le long de la paroi. Il essaye de saisir Mlle Parker par le poignet, mais elle se trouve beaucoup trop bas pour qu'il puisse l'atteindre.
"La corde, Jarod," murmure Sydney près de moi.
Un morceau du rail de sécurité se balance mollement près du Caméléon. Comme si celui-ci avait entendu son mentor, il attrape et teste rapidement le fragment de corde rescapé et le lance en direction de Parker.
Vous pourriez croire que n'importe quel être humain sain d'esprit s'empresserait de le saisir. Pas elle. Elle coince la corde au creux de son coude, puis se démène pour ranger son arme dans le holster qu'elle porte à la taille et, seulement alors, attrape le câble, une main après l'autre, et commence à se hisser vers le bord du ravin.
Sydney et moi réalisons alors qu'elle est vraisemblablement tirée d'affaire et on arrive à reprendre suffisamment nos esprits pour partir au pas de course en direction de la crevasse, conscients que nous serons d'une parfaite inutilité mais incapables de rester sans bouger. Avant même que nous l'ayons atteinte, Jarod achève d'aider Mlle Parker à remonter et ils s'effondrent l'un sur l'autre sur le sol gelé. Ils restent là pendant une bonne minute, à quelques dizaines de centimètres à peine du vide. Un accident de terrain les soustrait partiellement à notre regard mais même sans voir l'expression de Parker, je sais que le voyage de retour vers Blue Cove va être animé: l'accident, plus l'aide de Jarod, plus cette proximité... elle ne va pas du tout apprécier.
Je place mes mains en porte-voix et appelle: "Mlle Parker!" sans le moindre résultat. J'espère qu'elle n'est pas blessée. Je me retourne vers Sydney, mais le psychiatre considère la scène avec son équanimité habituelle. Pourtant, pendant quelques secondes lorsque le pont a lâché, je l'ai vu devenir aussi livide que moi. Il s'est ressaisi rapidement: trente années passées au Centre lui ont inculqué un extraordinaire sang-froid; je devine même la trace de son habituel demi-sourire.
Au bout de ce qui semble une attente terriblement longue, Mlle Parker s'assoit par terre, tandis que Jarod se relève rapidement. Mon coeur fait de nouveau un bond dans ma poitrine: elle est blessée, elle ne resterait pas assise ainsi dans le cas contraire. Puis le Caméléon commence à reculer, lentement, sans la quitter du regard. Je devine qu'ils échangent quelques mots, mais je suis bien trop loin pour pouvoir entendre. Et, finalement, Jarod tourne les talons et se met à courir.
Elle est *vraiment* blessée pour ne pas même essayer de le suivre.
Elle se contorsionne et parvient à atteindre le pistolet rangé dans le holster au creux de sa taille: elle le dégaine et, prenant à peine le temps de viser, elle tire dans la direction du fuyard.
Et le manque.
Je sursaute lorsque mon téléphone portable se met à sonner dans ma poche. Pourtant, je l'ai vu balancer l'arme sur le sol et sortir son cellulaire.
"Mlle Parker, vous allez bien? lui demandé-je sans lui laisser le temps de placer un mot.
- Sortez la voiture de ce foutu champ, Broots, faites le tour et venez me chercher. Je ne peux pas marcher."
Je ne veux même pas songer à ce que va être le voyage de retour.
Merci de ne pas archiver sans mon autorisation.
L'histoire se déroule vers le milieu de la saison 4.
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PERSPECTIVES
PREMISSE (BROOTS)
"Le monsieur est descendu il y a deux minutes."
Le crâne du chauffeur frôle le plafond de son bus et il est deux fois plus large que Mlle Parker. Je vois pourtant le moment où elle va se jeter sur lui et le frapper pour une mauvaise nouvelle dont il n'est en rien responsable. Ce qui ne serait pas une bonne idée. D'abord parce que le type serait capable de porter plainte, et je plains le flic qui devrait arrêter Mlle P pour voies de fait; ensuite parce que pendant ce temps, Jarod est en train de filer; enfin parce que je me trouve plus ou moins sur le chemin et que je n'ai aucune envie de prendre un mauvais coup. Je suis informaticien, pas punching-ball, pour présenter les choses à la façon du docteur McCoy (vous connaissez *Star Trek*, n'est-ce pas?)
Je la tire le plus discrètement possible par la manche, tandis que Sydney, moins raisonnable en dépit de sa plus grande expérience de la vie, lui pose gentiment une main sur l'épaule. Elle finit par se rendre à nos arguments et, sur un dernier regard glacial pour le chauffeur, redescend du car.
L'énorme véhicule repart aussitôt, le plus rapidement possible, nous laissant plantés en plein milieu d'une route déserte du Montana.
Mlle Parker remonte dans la Cadillac et redémarre, si rapidement que Sydney et moi avons à peine le temps de la rejoindre. Elle a déjà parcouru cent mètres lorsque je parviens à fermer ma portière et, lorsqu'elle tourne sur la gauche, comme le lui a conseillé le chauffeur du bus pour regagner l'arrêt où est descendu Jarod, j'entends les pneus crisser de protestation. Je ne m'habituerai jamais à sa façon de conduire; elle a l'air d'oublier que l'on n'est pas dans *Starsky et Hutch*, mais dans la réalité, même si notre réalité est la chose la plus étrange qui puisse exister.
A sa façon soudaine d'écraser l'accélérateur, je comprends qu'elle a repéré sa proie - je suis assis à l'arrière, évidemment, et je ne vois pas grand chose de ce qu'il se passe sur la route, ce qui n'est pas plus mal lorsque l'on songe à l'allure à laquelle est lancé notre véhicule. Je ne pensais pas qu'il soit possible de rouler plus vite, mais elle y parvient et, en passant la tête entre les sièges avant, j'aperçois effectivement une silhouette en noire en train de filer à toutes jambes sur le bas-côté de la route. Un haut mur coupe toute retraite à Jarod, l'empêchant de s'évanouir dans les champs environnants, mais nous arrivons presque au bout.
"Et merde!" s'exclame Mlle P lorsque ladite silhouette disparaît au détour du mur.
Elle braque violemment, m'envoyant bouler contre la portière et cette fois, même Sydney s'accroche à l'accoudoir de son siège. Elle coupe la route dans toute sa largeur, sans se préoccuper d'éventuels voitures arrivant en sens inverse, et fonce droit sur le champ. Je suppose qu'il est parfaitement inutile que je la mette en garde contre la barrière qui clôture la parcelle car...
Voilà, il n'y a plus de clôture, elle vient de voler en éclats sous l'impact de notre berline. Une voiture de location, soit dit en passant. Le bureau du Centre à Helena ne comprend que quelques personnes, équipées de deux véhicules. L'un d'eux est tellement vieux que Mlle Parker n'a même pas dû envisager de monter dedans. Et la directrice du satellite a écrasé l'autre, un ravissant coupé sport, contre un lampadaire en poursuivant Jarod hier. D'où la location.
Lorsque Mlle Parker commence à rouler dans le champ en friche sans vraiment ralentir l'allure, je me dis qu'une jeep aurait sans doute été préférable. On est secoués dans tous les sens, mais elle ne semble ni s'en inquiéter, ni même s'en rendre compte, bien que la suspension soit en train de hurler de protestation. Elle avance en zigzag sur quelques centaines de mètres, la voiture rebondissant sur les accidents du terrain, tandis que Jarod perd peu à peu de son avance. Mais visiblement pas assez vite aux yeux de Parker, puisqu'elle arrête soudain la voiture et en descend à la vitesse de l'éclair. Avant que Sydney et moi ayons eu le temps de réagir, elle a claqué la portière et a sorti son arme. Elle la pointe sur le fugitif, lui ordonnant de s'arrêter, ce qui n'a pas le moindre effet, bien sûr, et elle tire et le manque. Encore une fois. J'ai vu dans le stand du Centre les cibles sur lesquelles elle s'entraîne: il est impossible qu'elle rate systématiquement Jarod sans le vouloir.
Le coup de feu ayant été inutile, elle se lance à la poursuite du Caméléon. Sur des talons haut de huit centimètres: ni son père ni M. Raines ne pourront prétendre qu'elle y met de la mauvaise volonté! Sans hâte, Sydney et moi descendons à notre tour de la Cadillac et étudions la course de la proie et de son chasseur. Au bout de quelques centaines de mètres, Jarod bifurque soudain, et Mlle Parker modifie sa trajectoire pour lui couper la route.
Ce n'est qu'à ce moment là que je remarque le profond ravin qui creuse le champ sur plusieurs kilomètres, interdisant toute retraite à Jarod. Sa seule issue, des plus incertaines, est un petit pont en bois qui se balance au-dessus de la crevasse et semble avoir été construit des siècles plus tôt.
Un pont en piteux état contre la perspective de retourner au Centre: je n'ai aucun besoin d'être un Caméléon pour savoir ce que Jarod va choisir. Et effectivement, il s'engage sur l'étroit passage. Mlle P arrive dix secondes plus tard, il a déjà parcouru la moitié du chemin. Elle hésite un bref instant puis, le voyant arriver de l'autre côté et près à lui échapper, elle le suit, bondissant de planche en planche sans même se tenir au fragile rail de sécurité en corde. Je secoue la tête, incrédule: la municipalité devrait se retrouver devant un juge pour laisser en place ce genre de construction instable. Ce truc oscille dangereusement de droite à gauche sous la course de Parker. Jarod doit être aussi inquiet que moi car, alors qu'il devrait être en train de filer aussi vite que possible, il s'est immobilisé au bord du ravin et observe sa poursuivante.
Et, alors qu'elle se trouve à moins de trois mètres de la terre ferme, le pont craque.
La corde se déchire, la structure lâche soudain et se brise par le milieu. Le sang reflue de mon visage et j'ai l'impression que je vais me trouver mal. Près de moi, Sydney s'agrippe à la portière de la voiture tandis qu'à quelques mètres de nous à peine, Mlle Parker semble tomber dans le vide. J'entends son hurlement tandis que le sol se dérobe sous elle. Elle lance frénétiquement sa main gauche vers le haut - la droite tient toujours son Smith et Wesson en un geste de pur réflexe - et parvient à accrocher une planche. Des morceaux de bois de toutes tailles volent autour d'elle.
Figé, je regarde sa silhouette mince, fine forme bleue et noire, se balancer dans le vide, à trente mètres au-dessus du sol. J'ai l'impression que la scène dure des heures, alors que quelques dixièmes de seconde à peine ont dû s'écouler.
Jarod se penche au-dessus de la crevasse, puis se laisse tomber à plat ventre, glissant si loin vers l'avant que je me demande comment il ne bascule pas le long de la paroi. Il essaye de saisir Mlle Parker par le poignet, mais elle se trouve beaucoup trop bas pour qu'il puisse l'atteindre.
"La corde, Jarod," murmure Sydney près de moi.
Un morceau du rail de sécurité se balance mollement près du Caméléon. Comme si celui-ci avait entendu son mentor, il attrape et teste rapidement le fragment de corde rescapé et le lance en direction de Parker.
Vous pourriez croire que n'importe quel être humain sain d'esprit s'empresserait de le saisir. Pas elle. Elle coince la corde au creux de son coude, puis se démène pour ranger son arme dans le holster qu'elle porte à la taille et, seulement alors, attrape le câble, une main après l'autre, et commence à se hisser vers le bord du ravin.
Sydney et moi réalisons alors qu'elle est vraisemblablement tirée d'affaire et on arrive à reprendre suffisamment nos esprits pour partir au pas de course en direction de la crevasse, conscients que nous serons d'une parfaite inutilité mais incapables de rester sans bouger. Avant même que nous l'ayons atteinte, Jarod achève d'aider Mlle Parker à remonter et ils s'effondrent l'un sur l'autre sur le sol gelé. Ils restent là pendant une bonne minute, à quelques dizaines de centimètres à peine du vide. Un accident de terrain les soustrait partiellement à notre regard mais même sans voir l'expression de Parker, je sais que le voyage de retour vers Blue Cove va être animé: l'accident, plus l'aide de Jarod, plus cette proximité... elle ne va pas du tout apprécier.
Je place mes mains en porte-voix et appelle: "Mlle Parker!" sans le moindre résultat. J'espère qu'elle n'est pas blessée. Je me retourne vers Sydney, mais le psychiatre considère la scène avec son équanimité habituelle. Pourtant, pendant quelques secondes lorsque le pont a lâché, je l'ai vu devenir aussi livide que moi. Il s'est ressaisi rapidement: trente années passées au Centre lui ont inculqué un extraordinaire sang-froid; je devine même la trace de son habituel demi-sourire.
Au bout de ce qui semble une attente terriblement longue, Mlle Parker s'assoit par terre, tandis que Jarod se relève rapidement. Mon coeur fait de nouveau un bond dans ma poitrine: elle est blessée, elle ne resterait pas assise ainsi dans le cas contraire. Puis le Caméléon commence à reculer, lentement, sans la quitter du regard. Je devine qu'ils échangent quelques mots, mais je suis bien trop loin pour pouvoir entendre. Et, finalement, Jarod tourne les talons et se met à courir.
Elle est *vraiment* blessée pour ne pas même essayer de le suivre.
Elle se contorsionne et parvient à atteindre le pistolet rangé dans le holster au creux de sa taille: elle le dégaine et, prenant à peine le temps de viser, elle tire dans la direction du fuyard.
Et le manque.
Je sursaute lorsque mon téléphone portable se met à sonner dans ma poche. Pourtant, je l'ai vu balancer l'arme sur le sol et sortir son cellulaire.
"Mlle Parker, vous allez bien? lui demandé-je sans lui laisser le temps de placer un mot.
- Sortez la voiture de ce foutu champ, Broots, faites le tour et venez me chercher. Je ne peux pas marcher."
Je ne veux même pas songer à ce que va être le voyage de retour.
