Gundam Wing - Clair-obscur : chapitre 7.

Titre : Clair-obscur, chapitre 7
Auteur : Meanne77
E-mail : meanne77@noos.fr
Base : Gundam Wing
Affinités : globalement la ronde habituelle...
Genre : POV alterné ! (Duo, puis Heero, puis Duo). Prise de tête (comme d'hab'), petit topo médical (ça vous saoulera peut-être mais c'est comme ça !), action ! lol ! Et... oh, et pis lisez et pis c'est tout !

Disclaimer : Duo, Heero, Deathscythe Hell (basique et Custom) et Wing Zero Custom sont à moi. Si. Je les ai achetés en ligne directement depuis le Japon. Et le fait que je n'ai toujours pas monté les maquettes ni peint les figurines ne change pas le fait qu'ils sont à MOI !
Duo : Tu as besoin de vacances...
m77 : A moi ! A *moi* ! A *MOI* !!!! HA HA HA HA HA HA HA !!!
Duo : -_-

Notes :
1) Duo : "C'est la lu-tte fina-le ; Groupons-nous et de-main..."
m77 : -_-; Ça te fait tant plaisir que ça que ce soit le dernier chapitre ?
Duo : Et comment ! T'imagines même pas à quel point !
m77 : Mourf ! Moi, je suis triste... Ça fait plus d'un an que je suis dessus, ça fait bizarre que ce soit fini... Snif...
2) Une fois de plus, que dire au sujet de ma vitesse d'écriture ? Je suis une limace et en plus j'ai tendance à hiverner... Et encore, on peut tous remercier le Ciel qu'en cette période de fête (Halloween et Noël), il y ait eu des Schokobons. On peut remercier les gens qui m'en offrent, qu'ils savent que je ne peux pas écrire sans ou pas. Enfin bref, tout ça pour dire qu'une fois encore, je ne peux qu'espérer que le chapitre valait l'attente... A vous de me le dire.

Background music pour les dernières pages (qui me donnent bien du mal... -_-) :
"J'y crois encore / On est vivant tant qu'on est fort / On a la foi tant qu'on s'endort / La rage au ventre.
J'y crois encore / A tout jamais, jusqu'à la mort / Le silence a eu tort / J'y crois encore."
[Lara Fabian, "J'y crois encore"]
Parce qu'il est trop pour Duo, ce refrain-là...


Clair-obscur :
Chapitre 7


J'émerge le lendemain matin et il y a comme un instant de flottement. Mon corps est à la fois lourd et parfaitement réveillé. Mes yeux restent clos mais mon esprit est parfaitement alerte. Et je reste comme ça, complètement immobile, comme dormant encore, le temps de deux battements de coeur. Ensuite, mes yeux s'ouvrent. Je suis seul, une fois de plus. Je dois être abonné aux réveils étranges. Enfin...
Je baille et m'étire dans tous les sens. Au moins n'ai-je pas fait de rêve particulier...
Je me lève et rassemble mes affaires puis me dirige vers la salle de bain. Au moment où j'atteins la porte, Yuy en sort. Ça, c'est du timing ! Même si c'était pas fait exprès...
J'ai le droit à un froid "dépêche-toi" (quel sens du rythme dès le matin ! Je m'épate !) avant de pouvoir prendre possession des lieux. Vu que j'ai pas à me laver les cheveux, ma douche est effectivement rapide. Je m'habille en évitant soigneusement mon reflet dans le miroir puis m'inspecte les mains. Mieux vaut les épargner et remettre encore un léger bandage aujourd'hui. Puis je croise Lena dans le couloir et lui dis bonjour ; je suis un être civilisé, moi ! Et comme elle l'est aussi, elle fait de même, bien que son sourire soit un peu assoupi. Cute.
J'ai la joie et le bonheur suprême de déjeuner en tête à tête avec Yuy _ enfin, lui est en tête à tête avec son ordinateur portable et sa tasse et moi je suis en face, quoi _ puisque juste au moment où j'entre dans la cuisine, Barton se lève pour me laisser la place. Précisons qu'il avait le dos à la porte. Il lave rapidement son bol et dépose mon p'tit-dej' (je suppose) sur la table, puis après un signe de tête que je décide d'interpréter par "bonjour, tiens c'est pour toi, bon appétit, on se revoit tout à l'heure", il quitte la pièce.
Ce qui me laisse donc en tête à tête avec Yuy.
En silence.
Depuis mon réveil, j'ai cette drôle impression de danse, comme si tout était réglé comme du papier à musique. Et comme pour confirmer mes pensées, pendant que je savoure mon chocolat chaud (je crois déceler une dose de café dedans), la présence de Winner apparaît et il dit : "Heero". Lequel acquiesce, ferme son ordi et se lève, sans dire un mot. Winner disparaît après qu'il m'ait dit bonjour.
Je me sens bêtement impressionné par leur... comment dire ? Enfin, vous voyez, quoi. Sont en parfaite osmose, ces gars-là. Et c'est là que je me rends compte à quel point je suis l'instrument désaccordé de l'orchestre : je m'étais attendu à ce que Yuy quitte à son tour la pièce mais non, il se tient bien droit et attend que le poids de son regard me fasse lever les yeux. Et comme je ne suis pas du genre à décevoir les attentes de mes fans, et surtout parce que j'aimerais pouvoir déguster mon chocolat-café admirablement bien sucré tranquille, je m'exécute, levant par là même un sourcil interrogateur et un peu agressif. Moi aussi, je peux communiquer corporellement et ce sourcil-là dit clairement "quoi ? Qu'est-ce que tu veux ? Fous-moi la paix !". Ce à quoi Yuy réplique en me tendant un truc. Mon copain Beretta. Pour un peu, j'en lâcherais mon bol. Je relève lentement les yeux vers lui et scrute son visage, à la recherche d'un quelconque indice qui me permettrait de savoir ce qui peut bien lui passer par la tête, mais niet, que dalle. Il semblerait que je n'ai pas encore suffisamment de pratique pour passer mon brevet es Yuy. Mieux vaut alors dans ce cas lui poser directement la question.
- Uh ? je fais donc.
- On sort, il répond. Pour au cas où.
Ah...
Je prends le flingue et une fois de plus mes doigts agissent tous seuls, expulsant le chargeur _ oui, il est plein _ puis le réarmant et mettant en place la sécurité. Les yeux de Yuy se sont légèrement rétrécis, comme s'il analysait le plus petit de mes mouvements, mais il n'a pas l'air spécialement surpris. Il n'a l'air rien du tout en fait, son visage étant aussi vide que d'habitude.
- Hm, merci, je fais en posant avec bonne volonté le pistolet sur la table, à côté de mon bol.
Il hoche la tête une fois, puis sort. Je finis mon p'tit-dej' pensivement.
Sincèrement, j'arrive pas à comprendre. Je me réveille et suis totalement amnésique. Mes soit-disants coéquipiers m'embarquent de force au fin fond d'une forêt perdue au milieu de Dieu sait où. Ils me laissent seul dans ma chambre, me donnant la possibilité de tenter une évasion ou pas, et surtout, que ce soit volontaire ou non n'étant pas le problème, me permettant de me retrouver armé. Il ne fait pas l'ombre d'un doute qu'ils m'élimineront s'ils estiment devoir le faire. Je m'échappe, enfin j'essaye, me fais rattraper et blesser. Ils me soignent. Ils me font passer un test pour savoir si ça vaut le coup de tenter de m'épargner. J'échoue.
Et ils me rendent mon arme. Chargée.
Non, vraiment, je comprends pas...
Je soupire malgré moi en mordant dans ce qui reste de pain. Yuy a dit hier que j'allais me refaire examiner par Jolie Fille _ Sally _ pendant qu'eux allaient faire leur marché. Les filles vont m'accompagner. S'ils me donnent un flingue _ au cas où _ c'est qu'ils supposent qu'on est jamais trop prudent et qu'il pourrait nous arriver des crosses. Ce qui en un sens se tient puisque je suis censé être un terroriste recherché et dangereux (ha, ha, ha). Mais dans ce cas, pourquoi l'un d'eux ne vient-il pas avec nous ? J'ai du mal à croire qu'ils aient tous besoin d'être là pour réceptionner leurs pièces de rechange. D'un autre côté, Hilde est aussi un soldat, et même si c'est une fille, elle a l'air de savoir se débrouiller. Ça se voit à sa façon de bouger, elle a reçu un entraînement. Elle arrive pas au niveau des quatre autres, ça aussi c'est évident rien qu'à les observer _ elle fait un peu de bruit en marchant, elle, par exemple ; Yuy, non _ mais elle doit être capable d'assurer sa... notre protection. Bref, de mon point de vue, elle est capable de réagir au "au cas où", ou bien l'un d'eux devraient venir avec nous. Mais non, ils me donnent une arme à moi.
... Ça me dépasse vraiment...
Bon, et bin c'est pas la peine non plus que je me triture les méninges pour rien ! J'improviserai bien le moment venu ! Après tout, je ne fais qu'aller voir mon médecin de famille...

Le trajet est plutôt peinard et moins long que ce que j'aurais pensé. Enfin, ça nous prend quand même une bonne demi-journée et on a le temps de casser la croûte dans la camionnette avant d'arriver. Bien sûr, on ne fait qu'une courte halte le temps que Heero et Blondinet permutent entre pilote et copilote et on (je) reste séquestrés à l'arrière mais bon, la présence des filles allège quand même vachement l'atmosphère. Je me suis toujours pas excusé auprès de Chang et Winner mais... oh et puis merde ! pourquoi j'aurais réellement à m'excuser, d'abord ? En plus, ils se sont comportés comme si de rien n'était tous les deux, alors je vais pas faire d'excès de zèle non plus ! Bref.
On arrive donc, et franchement, rien que de me retrouver dans un environnement urbain me remonte le moral. Enfin un peu de vie et de normalité autour de moi ! Winner prend Hilde à part pendant un instant et lui dit quelque chose. J'ignore quoi mais elle acquiesce. Ensuite, on se sépare en deux groupes, les gars d'un côté, vers le port j'imagine, puisque d'après ce que m'a dit Hilde, ce mec, Howard, a un bateau, pendant que moi et les filles nous rendons vers le centre-ville. J'ai la furieuse envie de tenter de les semer, juste pour voir si Hilde serait capable de m'en empêcher ou si elle essayerait de m'en empêcher. Mais il semblerait que Yuy me connaisse définitivement mieux que moi-même puisque après avoir considéré le pour et le contre, je décide de ne rien faire. Non que je ne pense pas pouvoir être capable de leur fausser compagnie, mais plus parce que honnêtement... j'irais où ? Pour l'instant, je suis nourri, plus ou moins logé, avec une menace de mort qui plane au-dessus de ma tête, certes, mais ce serait le cas aussi si je me retrouvais seul, non ? Tant que je n'aurai pas décidé de ce que je veux faire, je suis aussi bien, et probablement même mieux, avec eux qu'ailleurs.

C'est Hilde qui a l'adresse, elle nous sert donc de guide. Relena a natté ses cheveux (ça lui va plutôt bien) et porte des lunettes de soleil. C'est assez amusant, en fait... Je me demande si on aura le temps d'aller sur la plage, après. Je me rappelle pas y avoir jamais été et j'aimerais bien mettre les pieds dans l'eau. Accessoirement, j'aimerais aussi savoir si je sais nager ou pas. Le genre d'info qui peut toujours servir... Au cas où...
Je laisse les filles faire la majorité de la conversation et on finit par arriver au cabinet de Jolie Fille. Doit y avoir une magouille quelque part, parce que la plaque indique un autre nom. Je me demande s'il s'agit d'une identité d'emprunt ou d'une identité empruntée, mais que ce soit l'un ou l'autre, je suppose que ça n'a pas tellement d'importance. Je retiens simplement qu'ils sont plutôt bien organisés, dans la "résistance"...
Jolie Fille nous reçoit et ne perd pas de temps ; pendant que les filles s'installent dans la salle d'attente _ vide _ je suis Sally dans le cabinet proprement dit. On parle un peu, elle m'explique principalement quels genres de tests elle souhaiterait me faire passer et j'apprécie l'emploi du conditionnel. Mes tripes me disent que je n'aime pas tellement recevoir d'ordres, mais si elle me connaît, elle aussi doit le savoir.
Et des tests, j'en passe ! Je réponds à quelques questions et surtout me fait scanner le crâne de tous les côtés. J'ai horreur de ça. Je suis pas claustrophobe, enfin je crois pas, mais me retrouver allongé dans cette sorte de machine énorme... Je me sens comme traqué, pris au piège, sans issue de secours et... okay, peut-être que je suis un peu claustrophobe.
Les clichés de mon cerveau sont rapidement développés et Jolie Fille passe plusieurs minutes à les examiner. Mon pied bat la mesure sur le sol. Oui, je suis impatient, et alors ? Finalement, elle pousse un soupir et s'assoit en face de moi.
J'le sens mal.
- Duo... elle commence, puis s'arrête, indécise.
- Vas-y, abrège. Je m'attendais pas tellement à un médoc miracle de toute façon.
Elle prend une inspiration puis se lance.
- Tout d'abord, je tiens à te signaler que je ne suis pas spécialiste. Depuis ton réveil, je me suis renseignée un maximum afin de pouvoir au mieux répondre à tes questions, mais je n'ai pas toutes les réponses. A l'heure actuelle, le cerveau reste encore un mystère et même un expert ne pourrait te dire tout ce que tu voudrais savoir, mais néanmoins j'ai dressé une liste de personnes compétentes avec qui tu pourras entrer en contact si tu le souhaites...
- J'ai dit que tu pouvais abréger. Viens-en aux faits.
- Très bien. Pour commencer, il faut que tu saches qu'il y a différentes causes possibles à l'amnésie. Bien sûr, à ton âge, tu n'es pas concerné par le vieillissement naturel de la mémoire et ton état de santé nous permet de dire que ce qui t'arrive n'est pas dû à une maladie...
- Hey ! Ho ! Je sais parfaitement à quoi "ce qui m'arrive" est dû, okay ? J'ai percuté un putain de mur, vous me l'avez déjà dit ! Alors, viens-en-aux-faits, je la coupe en détachant bien les dernières syllabes.
- Ce n'est pas aussi simple, Duo. Est-ce que tu veux bien faire l'effort de m'écouter ? demande-t-elle du ton du bon médecin compatissant, et "maternaliste" par-dessus le marché.
Là, c'est moi qui soupire, et me cale dans mon fauteuil.
- Vas-y...
- Une amnésie peut donc également être causée par un choc, reprend-elle, et je lève les yeux au plafond. Ou encore par le stress ou un choc émotionnel. Dans ton cas, ce qui m'importait en tout premier lieu, c'était de savoir à quelle... catégorie tu appartenais. Les résultats de tes scanners montrent... que certaines parties de ton cerveau ont effectivement été lésées. Dans l'hypothèse où tes pertes de mémoires auraient été causées par un phénomène psychologique, on aurait pu beaucoup mieux te traiter... Je suis désolée.
- Donc... je vais rester comme ça toute ma vie, c'est ça ? je demande d'un ton brusque pour cacher la boule que j'ai dans la gorge.
- Non, pas nécessairement. Il y a de bonnes chances pour que ton état évolue et s'améliore. Dans quelles mesures, ça, je ne peux pas te le dire, mais il y a tout de même de l'espoir, Duo. C'est encore trop tôt pour que nous puissions établir un réel diagnostic. Et le fait que tu présentes des lésions n'exclut pas que ton amnésie puisse être en partie psychologique.
- Ça veut dire quoi ? Je ne refuserais de me souvenir ?
- Ce n'est pas conscient, Duo, mais c'est une possibilité. Des souvenirs pourraient te revenir graduellement. Je vais essayer de t'expliquer un peu mieux tout ça. Vois-tu, tu souffres de ce que l'on appelle une amnésie rétrograde, c'est-à-dire l'oubli d'une période plus ou moins longue du passé...
- Ouais, j'suis amnésique, quoi ! Et dans mon cas, ta période, c'est toute ma vie !
- Une autre forme d'amnésie, l'amnésie antérograde, se caractérise par l'incapacité de mémoriser des choses nouvelles. Une personne atteinte se souvient parfaitement du passé datant d'avant son accident mais est incapable d'apprendre quelque chose de nouveau. Par exemple, elle peut rencontrer quelqu'un pour la première fois et ne pas s'en souvenir le lendemain, alors qu'elle aurait dû. Les tests montrent que ce n'est pas ton cas...
- ... Non... Je... retiens ce que j'apprends... J'ignorais que ça pouvait marcher... dans l'autre sens. Lequel des deux cas est le plus grave ?
- Ça dépend des personnes et de la gravité de l'amnésie. Je pense que les deux sont... difficiles à gérer...
- Ouais... Donc... je suis rétrograde. Mais encore ?
Elle esquisse un sourire. Okay, elle a réussi à m'intéresser suffisamment au sujet pour que je l'écoute et elle jubile intérieurement, c'est clair.
- Avant de te parler de l'oubli, je vais t'expliquer rapidement le mécanisme de mémorisation puis les différents types de mémoires. Vois-tu, la mémoire se divise en plusieurs types, selon ses fonctions, et ces mémoires ne se situent pas toutes dans la même région du cerveau. C'est ce qui explique que tu puisses toujours apprendre, mais pas te souvenir. Tu me suis ?
- Ouais...
- Donc, basiquement, on mémorise un événement nouveau en trois étapes : on a d'abord la perception. Les données sensorielles, une image, un son, etc. sont captées par des organes spécialisés. Les informations sont ensuite envoyées dans le cortex sensoriel.
Elle prend une feuille blanche et dessine ce que je devine être le schéma d'un cerveau.
- Le cortex sensoriel est situé à peu près là. La phase de perception est extrêmement rapide, elle ne dure que quelques centaines de millisecondes. Ensuite entre en jeu la mémoire immédiate, ou à court terme, et la mémoire de travail. Les informations y sont stockées pendant environ une minute. C'est ce qui te permet par exemple de te souvenir du sujet de conversation que nous avons, ou bien du début d'une page que tu viens de lire lorsque tu arrives à la fin...
- Hmm...
Je fais une légère grimace en imaginant ce que ce doit être d'être en train de lire ou d'écouter quelque chose et de pas s'en souvenir au fur et à mesure qu'on avance. Un peu comme si une info venait en remplacer une autre... Pas cool.
- Oui... fait-elle, songeant probablement à la même chose que moi. Et enfin, on a le stockage à long terme. La mémoire à long terme se divise elle aussi en plusieurs catégories, et en différentes régions du cerveau... C'est principalement ces mémoires-là qui peuvent être touchées par l'amnésie. Bien sûr, les délimitations entre les divers types de mémoires ne sont pas aussi simples que ça ; tu te doutes bien qu'il ne suffit pas de tracer un trait sur une feuille pour les séparer. La mémoire de travail peut aussi être considérée comme une sorte de... mémoire à long terme de moyen terme, si je puis dire. Je t'avoue que ce n'est pas très très clair et que ça varie selon les sources... Je continue ?
Je hoche la tête en silence.
- D'accord... Alors, euh... Toi, tu as perdu tes souvenirs, ton passé, ce qui met en jeu la mémoire épisodique. Je vais essayer de te donner des exemples pour illustrer les différents types de mémoires...
Elle jette un petit coup d'oeil à une feuille, une fiche, probablement...
- La mémoire procédurale, c'est la mémoire des automatismes. C'est ce qui fait que... tu sais toujours te servir d'une arme à feu, par exemple, fait-elle avec un regard appuyé.
Hin, hin... Je vois mieux ce que Yuy voulait dire par "Sally est prévenue"...
- Et faire du vélo, je suppose, je réplique.
Ça me donne de l'espoir quant à mon permis de conduire et le fait de savoir nager. Sauf que...
- Sauf que je ne sais pas piloter une armure mobile.
Elle remue sur son siège. Mal à l'aise ?
- Les choses ne sont pas aussi tranchées que ça, Duo, ce n'est pas du tout ou rien, j'essaye juste... de t'illustrer pour t'aider à comprendre...
- Hn. Continue...
- La mémoire sémantique, c'est la mémoire des concepts et de la compréhension, poursuit-elle. C'est la mémoire des connaissances accumulées au court du temps, la mémoire que tu as du monde qui t'entoure. C'est ce qui fait que tu sais lire, que tu as connaissance de l'existence des colonies, de l'Alliance...
Elle a l'air hésitante.
- Oui. Lena m'a... rafraîchi la mémoire à ce sujet mais elle ne me l'a pas appris.
- D'accord. Je crois que tu as compris ce qu'était la mémoire sémantique. Elle se situe dans le neocortex. Ici, fait-elle en traçant un vague rond sur son dessin. Ensuite, on a la mémoire épisodique. Les mémoires sémantique et épisodique sont en étroite relation, mais elles sont en même temps différentes. Avec la mémoire épisodique, c'est réellement les souvenirs qui te concernent toi, dans lesquels tu as été acteur. Si elle est endommagée, tu perds tes souvenirs. Comment tu t'appelles, le nom de ton lieu de naissance, ce que tu as mangé la veille, ce genre de choses. C'est la composante de la mémoire qui est le plus souvent touché par l'amnésie. Je vais passer rapidement sur les autres mémoires. La mémoire de travail, on l'a donc déjà vue, elle te permet de savoir que si tu es sorti de chez toi, c'était pour faire les courses, et se situe dans le cortex préfrontal, c'est-à-dire là. La mémoire prospective, c'est en quelque sorte celle qui te projette dans le futur, comme par exemple le fait que tu te souviennes que tu dois aller retrouver les garçons en sortant d'ici... C'est bon ? Je vais trop vite ?
- Mal au crâne. Nan, c'est bon, j'te suis je crois. Sélectivement, je suis amnésique rétrograde et c'est ma mémoire épisodique qui est touchée. C'est ça ?
Elle acquiesce.
- C'est ce que j'ai pu déduire de tes différents tests en tout cas. La mémoire épisodique siège dans le thalamus, ici, le cortex préfrontal, ici donc, et dans l'hippocampe, là. Et si on regarde tes scanners... ton hippocampe est là. Tu vois ?
Je plisse les yeux.
- On dirait... qu'il y a un tout petit trait dessus ?
Elle hoche la tête.
- C'est... la lésion la plus visible. Il y en a peut-être d'autres, je ne sais pas. Comme je te disais, je ne suis pas spécialiste. Et toutes ne seront pas nécessairement visibles... L'hippocampe est primordial dans le processus de la mémoire épisodique. Il jouerait aussi un rôle très important dans les rêves et dans l'incorporation de données récentes... Si tu n'as pas de difficultés à apprendre des choses nouvelles, c'est que ton hippocampe continue de fonctionner. Mais il a été... blessé, endommagé. Les souvenirs encodés depuis longtemps dans la mémoire à long terme peuvent finir par se passer de l'hippocampe. C'est en particulier le cas des connaissances générales de la mémoire sémantique, qui impliquent d'autres régions du cortex... La mémoire procédurale, elle, ne met pas du tout en jeu l'hippocampe, mais plutôt le cervelet, entre autre...
Je la fixe et on échange un regard.
- C'est compliqué... je dis à mi-voix.
Ses épaules s'affaissent.
- Je sais, fait-elle avec un ton désolé, j'ai moi-même du mal à suivre ce que je te raconte. Je n'ai pas les compétences en ce domaine, je suis désolée...
- ... C'est pas grave. Grâce à toi, je comprends un peu mieux ce que j'ai et pourquoi. Merci, Sally.
Son expression s'adoucit et elle sourit légèrement.
- Bon... Alors, maintenant qu'on sait pourquoi je sais ceci et pas cela... y'a un moyen d'arranger ça ?
- Et bien... Comme je te le disais au début, si tes symptômes avaient été d'origines psychologiques, on aurait pu envisager une sorte de thérapie. Mais il semblerait que dans ton cas, ce soit principalement dû au choc causé par l'explosion. Il faudra mieux déterminer l'étendue de tes connaissances et de tes pertes, et on pourra probablement malgré tout te faire suivre une rééducation pour t'aider, mais ça reste pour l'instant incertain. Il n'y a pas de cas général, tu comprends ? Disons qu'un trauma crânien léger peut récupérer totalement en quelques mois. Dans les cas plus graves, les troubles de la mémoire durent en général toute la vie... Mais c'est évolutif ! On constate bien souvent des progrès plusieurs années après l'accident, même chez les cas les plus gravement atteints...
Elle marque une pause, et moi aussi.
- Hem... Ce que je veux dire, reprend-elle après un temps de silence, c'est qu'il est très possible que tu aies des sortes de flash et que tu recouvres certains de tes souvenirs. Quand, comment, dans quelle mesure et avec quelle étendue ou précision, on ne peut pas le prédire.
- Il... il y a des choses que je sais sans savoir que je les sais... C'est... bizarre. Je parle pas du fait de savoir me servir d'un flingue, là c'est les doigts qui agissent tous seuls, mais par exemple... je savais que Relena était... euh... tu sais ?
- Oui, je sais qui elle est.
- Ouais... Enfin, quand je l'ai vue, c'était comme si je la rencontrais pour la première fois. Je continue de pas me souvenir d'elle, et je me suis jamais dit : cette fille est une princesse. C'est sorti tout seul. Je le savais sans savoir que je le savais... Et puis, y'a d'autres choses... des trucs que je pense ou fais et je suis sûr qu'il doit y avoir une raison derrière, je le sens, mais j'arrive pas à m'en souvenir ! Mais c'est là, comme incrusté en moi... Comment ça se fait ? Cette... méfiance instinctive que j'ai. Au début je croyais que c'était dirigé spécifiquement envers vous autres, mais plus j'y pense et plus je crois que c'est juste une façon générale d'être, et que si je me méfie à ce point d'eux, c'est que je sens qu'ils sont dangereux et que j'ai oublié pourquoi j'ai décidé un jour que je pouvais leur faire confiance...
... Si on admet que je sois jamais arrivé à une telle conclusion, bien sûr, ce dont je continue de douter dans un coin de ma tête, par pure sécurité et paranoïa. Je n'ai toujours pas décidé si je resterai ou pas, mais les chances sont faibles.
- ... Comment tu expliques ça ?
- Je ne sais pas, Duo, elle fait en soupirant puis en se massant les tempes. Je suis désolée. Je ne pense pas qu'il y ait d'explication rationnelle à ça. Peut-être que ça veut dire que les souvenirs sont là et bloqués, mais pas oubliés.
- Mais je veux me souvenir, Sally !
- Consciemment, oui. Mais peut-être qu'inconsciemment... pas tant que ça ?
Je fronce les sourcils, mécontent.
- Ou peut-être que ça veut dire qu'il ne faudrait qu'un stimulus pour les faire resurgir, s'empresse-t-elle d'ajouter.
- Ouais... ou peut-être aussi que je passerai le reste de ma vie à avoir ces souvenirs sur le bout de la langue.
Elle prend un air navré.
- Peut-être... Je ne sais pas... Mais... peut-être qu'on peut essayer de provoquer les choses...
- C'est-à-dire ?
- Ces stimulii dont je parlais. Les souvenirs sont d'autant plus profonds et précis qu'ils sont associés à une émotion forte. Joie, peur, colère... Peut-être qu'un jour tu te retrouveras dans une situation où tu retrouveras une émotion particulière, et un souvenir qui lui est associé... Ou peut-être qu'une image te marquera et fera resurgir des choses...
La faux de la Mort... Deathscythe. Le moins qu'on puisse dire, c'est que j'ai réagi violemment en le voyant. Mais je n'ai pas recouvré quoique ce soit de mon passé. Sauf... quand j'étais dedans... Là, il s'est passé un truc, mais je sais pas exactement quoi. Et peut-être que Sally a raison, finalement ; peut-être qu'en fin de compte je n'ai pas si envie que ça de m'en souvenir... Mais je n'ai pas vraiment l'impression que cette... vison que j'ai eu était un souvenir. Peut-être en partie mais... Ah, je sais pas ! Mal au crâne !
- ... odeur...
- Uh ? Quoi ?
- Je disais qu'on pourrait essayer de travailler avec les odeurs. Il semblerait que ce soit plus efficace que les images ou les sons...
- Les... odeurs ?
Dire que je reste sceptique est un euphémisme. Mais elle hoche la tête, pourtant.
- Regarde... fait-elle en reprenant son schéma de mon cerveau. Là, c'est le centre olfactif. Tu vois, il est extrêmement proche de l'hippocampe, alors quand tu le stimules par une odeur, ça peut facilement déclencher un souvenir, m'explique-t-elle en traçant une flèche sur son dessin.
Je reste quand même sceptique...
- Mouais... si tu le dis...
- Quant à cette méfiance... Disons que comme les autres, tu as dû avoir une enfance difficile et tu as développé un puissant instinct de survie. Ça dépasse le stade de la mémoire, c'est plus primaire, animal. De l'instinct à l'état pur...
- Hm...
J'ai vraiment mal à la tête.
- Tu veux une aspirine ? elle me demande gentiment.
- Je cracherais pas d'ssus...
- D'accord, donne-moi un instant.
Elle se lève et rapporte dans la minute une boîte avec un verre d'eau. Elle me laisse prendre moi-même un comprimé, et oui, c'est bien de l'aspirine, ou tout comme. Le nom imprimé sur l'aluminium est le même que celui sur la boîte, avec la mention "paracétamol" en dessous.
L'est intelligente, cette fille...
Eau et comprimé, j'avale le tout.
- Bon... si je résume, y'a des chances pour que des choses me reviennent, sans prévenir, mais dans tous les cas, je ne récupérerai jamais la totalité de ce que j'ai perdu, c'est ça ?
- ... Dans tous les cas... tu ne seras plus jamais celui que tu étais avant... Je suis désolée, Duo.
- Ouais... Mieux vaut ça que d'être crevé, comme on dit...
... Qui m'a dit ça ? 'De Dieu, j'ai presque l'impression de pouvoir entendre sa voix ! Un... garçon ? Ça sonne comme quelque chose qu'un garçon m'aurait dit, pas une fille... Mais qui ?
- Duo ? Ça va ?
- ... Oui... juste... une impression furtive. C'est rien, c'est déjà passé.
On garde le silence pendant une minute ou deux.
- Tu as d'autres questions ?
- ... Non... pas pour l'instant en tout cas. Y faut que je... digère tout ça et que je réfléchisse un peu...
- Très bien, je comprends. Je garde la liste des personnes spécialisées dans la rééducation et la réadaptation des traumatisés crâniens. Je vais te donner le moyen de me joindre, pour au cas où...
Décidément, ils sont tous du genre prévoyants, dans la famille.
- 'Kay...
Elle m'inscrit une série de chiffres sur un papier et me le tend. Je le lis et le relis, l'imprime bien, puis le lui rends.
- Tu ne le gardes pas ?
- Nan, pas de trace, comme ça. Et puis... j'ai bonne mémoire... je fais en forçant le ton ironique de ma réplique.
- Très bien. Dans ce cas, tu peux y aller. Je garde les résultats de tes tests également. Si tu les veux, tu sais que je les ai.
- D'accord. Merci... pour les infos...
- Je t'en prie.
- Bon, alors à plus. Peut-être.
Je sors de la pièce en me demandant si je la reverrai... mais j'ai pas tellement le temps de m'en préoccuper vu que je me sais sauter dessus par deux filles impatientes d'en savoir plus.
- Alors ? s'exclame Hilde comme si je devais lui annoncer si c'était un garçon ou une fille.
- Alors quoi ? Je suis amnésique, je vais le rester, et mon état va probablement évoluer mais faut pas se faire d'illusions non plus... je réponds en m'efforçant de supprimer toute trace d'amertume de ma voix.
- Oh... elle fait, visiblement déçue.
- Je suis désolée, Duo, ajoute Relena d'un ton compatissant.
- Uhu... Ça vous dirait d'aller manger une glace ? J'ai repéré un marchand tout à l'heure sur la promenade, et j'ai envie d'aller faire un tour sur la plage.
- Soleil, glace et plage ? Je vote pour !
Des fois je me demande si cette fille a vraiment été dans l'armée...
- Ça me convient tout à fait... approuve Lena avec plus de réserve.
- Tant mieux, parce que je fournis l'idée, mais j'ai pas un rond pour payer ! Les tunes étaient pas incluses avec le modèle...
- Ne t'inquiète pas, rit Lena, je suis en fonds et je vous invite.
- Qu'est-ce qu'on attend, alors ? je souris, leur présentant à toutes deux l'un de mes bras pour qu'elles s'y accrochent. Au fait... vous n'auriez pas une vague idée de quels sont mes parfums préférés par hasard ?
- Chocolat, pistache, fruits de la passion, réplique Hilde avec sérieux.
- Ensemble ? T'es sûre ?
Elle fait "oui" de la tête avec un air grave.
- Ah... Bon...
- Eurk ! Duo ! Tu ne me feras pas goûter ça ! m'avertit Lena avec une mimique de dégoût comique.
- Toi, je parie que t'es du genre vanille-fraise, je contre.
Elle sourit avec amusement.
- En fait, je suis plus vanille-menthe... Et toi, Hilde ?
- Vanille, chocolat et caramel ! nous apprend-elle avec un haussement de sourcil gourmand.
- Trouillardes, je réplique en souriant.

Je laisse les filles faire un peu de lèche-vitrine pendant que je me charge d'aller acheter nos glaces, sponsorisé par le Royaume de Sank. C'est vrai qu'il fait beau et si on me demandait là maintenant tout de suite, alors que j'examine d'un oeil critique le panel de parfums qui s'offre à moi, je dirais que la vie n'est pas si mal...
Ils ont plus de choix que je le pensais, c'est cool... Mince, y z'ont pas caramel... vais lui prendre praline-noix de pécan à la place, ça doit être bon. Oh ! Nougat ! Y z'ont au nougat ! Je veux !! J'espère que j'ai de quoi financer quatre boules, j'ai pas envie de devoir en remplacer une par une autre... Ouais, Lena est prévoyante, je dois avoir assez... Oh, du nougat... La vie est merveilleuse !
- Vous avez choisi ? me demande mon ami le vendeur de glace d'un ton amusé, probablement parce que ça fait cinq minutes que je trépigne sur place d'un air extatique.
- Yep ! Alors je voudrais une double vanille-menthe s'il vous plaît... une triple vanille-chocolat-praline-noix de pécan... et enfin, une quadruple chocolat-pistache-fruits de la passion-nougat !
Là, il hausse un sourcil.
- Vous êtes sûr ?
- Mon vieux, j'ai jamais été aussi sûr de quelque chose de toute ma vie !
Ça le fait rire et je lui adresse un sourire ravageur digne d'une publicité pour un dentifrice.
- Va pour chocolat-pistache-fruits de la passion-nougat alors. Vous me direz si c'est bon !
- Ça peut pas êt'e mauvais, je fais avec un clin d'oeil, ce qui me vaut de nouveau un petit rire de sa part et des boules un peu plus grosses que le format réglementaire.
J'en bave d'impatience.
- Tiens, tiens... Mais ne serait-ce pas notre ami le pilote zéro deux ? fait avec moquerie une voix derrière moi en même temps que quelque chose de pointu s'enfonce dans mon dos.
Je me fige sur place. Quelque chose me dit que la journée ne va pas être si ensoleillée que ça, finalement... Cette impression est confirmée par l'expression que prend mon marchand préféré.
Je tourne lentement la tête, sans geste brusque, pour tomber nez à nez avec un flingue. En tout, quatre hommes m'encerclent. Trois d'entre eux portent des uniformes vert, et l'autre... L'autre est plus grand, il a de hautes bottes noires sur un pantalon blanc moulant et une veste rouge avec de larges épaulettes. Ses cheveux sont blonds et pourraient rivaliser avec les miens en longueur, sauf que les siens sont libres. Il porte un masque sur la moitié haute du visage.
- Mais oui, c'est bien Zéro deux, dit-il encore d'un ton plaisant et poli, sous lequel je crois déceler une immense satisfaction personnelle.
Je décrète que je ne l'aime pas.
- Uh, bonjour... On se connaît ? je fais avec autant de calme que je peux, même si mon instinct me crie "danger !!", une fois de plus.
Lui aussi a le sourire éclatant.
- Il est vrai que nous n'avons jamais été officiellement présentés... dit-il, et si tout ce qu'on m'a raconté jusqu'ici est vrai, je comprends mieux pourquoi en remarquant le sigle "OZ" sur son uniforme. Je me nomme Zechs Merquise, il ajoute avec simplicité et cordialité.
Oh-pu-tain. Merquise. Le pilote du Tallgeese. Celui qui rend Heero nerveux.
Mais pourquoi ça tombe toujours sur moi ?
- Enchanté.
Je souris avec ce que j'espère être du naturel.
- Que faites-vous par ici, Zéro deux ?
- Ah, il doit y avoir erreur sur la personne, je dis sans me démonter. Je m'appelle...
- Duo Maxwell, pilote du Gundam zéro deux, dit Deathscythe, me coupe-t-il.
Ah. Okay, y'a peut-être pas erreur sur la personne alors...
- Uh... euh...
Il a un sourire en coin.
- Ne perdez pas votre langue, jeune homme, répondez plutôt à ma question.
- J'achète une glace, je réponds, ce qui est techniquement vrai. Je me promène un peu, j'ajoute, ce qui n'est techniquement pas faux.
- Vraiment ? Seul ?
- J'ai l'air d'être accompagné ? je demande en accompagnant ma question d'un geste circulaire des bras.
Les soldats me visent de plus près. Oki, compris, moi pas bouger.
- Du calme, commande Merquise. Je suis sûr que notre ami va nous suivre gentiment...
Honnêtement, j'ai le choix ?
- Vous avez de la glace au nougat chez vous ?
Il semble être déstabilisé pendant une fraction de seconde mais il récupère vite.
- J'ai bien peur que non, avoue-t-il avec amabilité.
- J'ai vraiment pas que chance...
- En effet. Suivez-nous sans opposer de résistance, je vous prie.
Je soupire et acquiesce. La vie est définitivement une salope.
Je les laisse me fouiller et me désarmer puis les suis, jetant au passage un coup d'oeil sur ma gauche. Mon regard croise celui horrifié de Hilde et j'ai juste le temps de la voir tirer Relena de force dans une rue perpendiculaire avant que l'angle ne devienne mort.
Bon, Hilde saura quoi faire ; elle aussi est un soldat après tout. Elle saura protéger Lena jusqu'à ce qu'elles rejoignent Yuy. Ensuite, elles seront en sécurité.

Merquise et ses hommes me font monter dans une navette, et je devine qu'on va rejoindre un bateau, ou une île peut-être. La seule chose qui me console, dans l'histoire, c'est qu'au moins, j'ai pas eu le temps de payer pour les glaces...
Les soldats d'OZ continuent de me tenir en joue pendant tout le trajet. Sans doute craignent-ils que je tente de m'échapper en plongeant dans l'eau, ce qui est en effet tentant. Mais considérant le fait que d'une, il est tout à fait possible que je coule comme une pierre et que de deux, la probabilité que je me récolte une ou deux balles au passage est assez élevée, je préfère ne pas forcer la chance que je n'ai pas. D'autant que Merquise s'est plutôt comporté courtoisement jusqu'ici. Okay, j'ai des flingues braqués sur moi, mais Yuy en a fait tout autant.
Merquise attend qu'on se soit suffisamment éloignés du port pour reprendre notre "conversation".
- Très bien, à présent que nous sommes entre nous, parlons un peu. Dites-moi réellement ce que vous êtes venu faire par ici.
Je promets que je fais pas exprès, mais je me mets à rigoler. Mes épaules se secouent en silence au début, et puis finalement je ris pour de bon, parce que c'est juste... trop.
- Puis-je savoir ce qui cause votre hilarité ?
- Oh, je suis sûr que ça va vous faire rire aussi... Vous voyez... je ne sais absolument pas ce que je suis censé vous répondre ni ce que vous attendez de moi au juste. Mais j'ai un scoop pour vous : je suis amnésique ! Un amnésique rétrograde, ça vaut dire que je ne me souviens absolument de rien. Rien du tout. Je sais absolument pas qui je suis, ni qui vous êtes et ce que vous et moi faisons exactement de notre misérable petite existence !
Je regrette qu'il porte un casque ; j'aurais aimé voir son expression.
- Génial, non ? je fais, et je ne ris plus du tout.
Il y a un très court instant de silence.
- Vous ne pensez tout de même pas que je vais vous croire, n'est-ce pas ?
- Ecoutez, je dis avec un profond soupir, je sors de chez un médecin ; c'est ce que, pour répondre à votre question, je suis venu faire dans les parages. Je sais plus ou moins qui vous croyez que je suis, seulement voilà, votre... Zéro deux, comme vous dites, il existe plus. Alors si vous aviez l'intention de me poser des questions, ça me paraît mal parti. C'est même pas que je ne veux pas vous répondre, c'est que je ne peux pas...
Malgré son casque, je sens qu'il me regarde lourdement.
- Vous allez quand même m'interroger, c'est ça, hein ?
Le bas de son visage reste immobile.
- Nous reprendrons cette conversation plus tard, Zéro deux. Ce n'est ni l'heure, ni le lieu.
Je hausse les épaules.
- C'est pas ce qui me fera recouvrer la mémoire... je l'informe à toute fin utile.
- C'est ce que nous verrons... Zéro deux, réplique-t-il d'un ton sombre.
Pendant un bref instant, mes tripes se nouent.

*******

Je la fais tourner entre mes doigts et sais que malgré la chaleur qui la traverse elle redeviendra froide si je la lâche. Je me demande si je devrais y voir une symbolique... Duo aimait sortir les théories les plus tordues sur tout et n'importe quoi. Je me suis toujours demandé s'il y avait un fond de croyance derrière ses plaisanteries. Je sais que le passé nous marque toujours plus qu'on ne le croit. Ou qu'on ne le voudrait.
Je me demande ce qu'il en est pour Duo, à présent. Je sais, et je vois. Je l'ai observé, depuis son réveil. Mais au final, j'ai toujours plus de questions que de réponses...
Relena et Hilde nous sont revenues en courant, et seules. Je n'aurais jamais dû les laisser, tous les trois, c'est de ma faute. Je pensais connaître suffisamment la nature profonde de Duo pour prendre le risque de le laisser sans surveillance, si bien que j'en ai oublié de prendre en compte les autres paramètres. Ceux qui font que les meilleurs plans ne tiennent pas deux secondes face au premier contact avec l'ennemi. Duo appelait ça la loi de Murphy. Et Duo est prisonnier d'OZ, à présent...
J'avais espéré ne pas avoir à en arriver là.
Je la fais tourner entre mes doigts et attends que le docteur J me rappelle. Howard m'a laissé sa cabine et les autres attendent un peu plus loin. J'ai contacté les professeurs pour les informer de ce qui venait de se passer. Je sais que la nouvelle ne les réjouit pas plus que moi. J a dit qu'ils devaient se consulter avant de prendre une décision définitive, et m'a demandé d'attendre. Alors j'attends, dans l'obscurité de la cabine, et je pense à Duo. Je m'inquiète de ce qu'il pourrait dire ou révéler, de façon volontaire ou non. Le problème est qu'il en sait probablement plus qu'il n'en a conscience. Le problème est aussi qu'il n'a pas plus de raison de se taire que de se battre. Je suppose que nous ne pourrons pas lui en vouloir s'il songe d'abord à se sortir de là. Je me demande s'il nous en voudrait de ce que nous allons être obligé de faire...
Je réceptionne l'appel de J, mais je sais déjà ce qu'il va me dire.
- Heero...
- Docteur J.
- Tu sais que nous avions déjà envisagé cette possibilité et quelle décision s'imposait en une telle circonstance. Il connaît vos noms, vos visages, il a vu les Gundam et vous lui avez fourni bien trop d'informations. Nous avons tenté de le récupérer une fois déjà, et les conclusions du docteur Po ne sont pas suffisantes pour que nous puissions prendre le moindre risque. Nous avons un informateur potentiel chez l'ennemi. Fais ce que tu as à faire.
Je me souviens d'une journée particulière passée à camper avec Odin. Il m'avait appris à pécher.
Je me souviens d'un rêve que Duo avait fait et qu'il m'avait raconté au réveil, avant un combat.
Je me souviens d'une discussion que je lui avais promis et que nous n'aurons jamais.
- Ryukai.
- Recontacte-moi après.
Je coupe la communication sans répondre.
Je la fais tourner entre mes doigts et je me demande quoi en faire à présent. Sans doute devrais-je la jeter.
La chaîne a dû se briser lors de l'explosion. Je l'avais ramassée pour lui lorsque nous l'avons trouvé inconscient contre ce mur. J'ignore encore exactement pourquoi la bombe a explosé plus tôt que prévu et je suppose qu'à présent personne ne le saura jamais.
J'avais pensé la lui rendre à son réveil, je sais combien elle comptait à ses yeux. Mais maintenant... maintenant elle ne représente plus rien pour personne.
Je devrais la jeter, oui, c'est ce que j'aurais de mieux à faire, mais étrangement, je n'arrive pas à m'y résoudre. Après tout... c'était la croix de Duo...

Je vais rejoindre les autres pour leur faire part de ma décision. Ils sont tous là, assis en silence, et leurs yeux se braquent sur moi lorsque j'entre.
- Heero ! Alors, qu'est-ce qu'ils ont dis ? Qu'est-ce que vous allez faire pour Duo ?
Relena... Toujours à vouloir sauver tout le monde au lieu de sauver le monde. Elle n'a rien à faire ici.
- Howard.
Il hoche simplement la tête en réponse à mon regard. Je ne lui avais encore jamais vu cet air sombre ; ce qui arrive à Duo nous affecte tous.
Il retrouve le sourire rapidement pourtant lorsqu'il se retourne vers nos "invitées".
- Allez les petiotes, laissons les garçons discuter tranquillement. Je vais vous faire visiter en attendant.
- Attendez ! Heero, je veux vous aider à aller le chercher ! Je sais me battre !
- Laisse-moi parler à Milliardo, Heero, je suis sûre que je peux...
- Non.
- Mais ! protestent-elles ensemble.
- Hilde, tu nous gênerais ; Relena, il ne t'écoutera pas. Et officiellement, tu n'as aucun lien avec les pilotes de Gundam. Cela doit rester ainsi.
- Va t'faire, Yuy ! Duo est aussi mon ami et si tu crois que...
Mes yeux se rétrécissent et la voix de Hilde s'éteint.
Duo s'est souvent moqué de mon regard, mais il n'en demeure pas moins qu'il reste efficace. Sur la majorité des gens.
Hilde est un mauvais soldat, elle ne sait pas obéir aux ordres. Relena, au moins, a déjà compris qu'il était inutile de discuter, et Howard met à profit l'instant de flottement qui suit pour les faire sortir toutes les deux. Ce qui me laisse avec le poids de trois regards sur moi.
- Heero... commence Quatre, et je ne peux m'empêcher d'être une fois de plus impressionné par tout ce qu'il arrive à transmettre en un seul mot. Il me supplie de ne pas dire à voix haute ce qu'ils savent déjà tous en même temps qu'il me menace des pires représailles si jamais j'ose le faire. Oui, Quatre peut supplier et menacer en un seul mot. On se méprend souvent sur Quatre ; je ne le voudrais pas pour ennemi. Mais je ne le crains pas non plus.
Et c'est réciproque. Eux n'ont jamais été intimidés par mon regard... mais ce n'est pas tellement surprenant, ce sont des pilotes de Gundam après tout.
- J'ai informé les professeurs de la situation. Je suppose qu'il est inutile que je vous fasse part de leur décision.
- Heero ! Il est hors de question que nous fassions cela à Duo ! s'exclame Quatre en se levant d'un bond, les poings serrés à s'en faire blanchir les jointures. L'expression des deux autres indique clairement qu'ils feront front tous les trois. Il faut croire que l'esprit d'équipe fait véritablement partie de nous à présent...
Je poursuis, en reprenant les mots de J :
- Nous avons un informateur potentiel chez l'ennemi, on ne peut pas prendre le risque qu'il leur dise quoique ce soit.
- Heero...
- Yuy...
Ils ont grondé ensemble et cela me fait presque sourire. Mais je choisis de les ignorer.
- La mission est la suivante : retrouver Duo et le ramener. Vivant.
J'observe avec un amusement dissimulé Quatre s'apprêter à rétorquer quelque chose de virulent avant de se rasseoir en silence.
- Pardonne-moi, dit-il à voix basse après un temps, et je ne relève pas parce qu'il n'y a rien à pardonner. Je ne fais que suivre les ordres qui m'ont été donnés.
Wu Fei se détend légèrement et Trowa hoche à peine la tête.
- Mission acceptée, déclare-t-il d'une voix imperturbable.
- Si Zechs Merquise se trouvait dans les environs, c'est qu'il doit y avoir une bonne raison, réfléchit à voix haute Quatre.
J'acquiesce en prenant place à leurs côtés tout en mettant en marche mon ordinateur portable. Enfin, il redevient professionnel.
- OZ a une base pas très loin d'ici, dit calmement Trowa en se levant pour venir me rejoindre derrière l'écran.
On peut lui faire confiance pour connaître ce genre de choses.
- Je doute que nous puissions trouver des traces de la présence de Duo, continue Quatre. C'est trop tôt ; et de toute façon, cela fait longtemps que OZ a arrêté de nous donner aussi facilement les informations dont nous avons besoin...
- Mais nous devrions pouvoir retrouver celle de Merquise, intervient Wu Fei, et nous approuvons tous de la tête en silence.
Je demande tout en commençant les recherches :
- Trowa. Tu as déjà infiltré cette base ?
- Non. Mais une fois qu'on a compris comment elles étaient construites, on les a toutes vues. Celle-ci fait plus office de point de ravitaillement qu'autre chose.
- Il faut savoir pour quelle raison Merquise se trouve ici. Nous devons également découvrir quelles sont exactement leurs forces en présence. Le fait que Zechs soit là indique peut-être un renforcement de leurs unités armées dans cette zone ?
- Si c'est le cas, il sera facile de le savoir. On ne camoufle pas un déplacement important d'hommes et d'armures mobiles aussi aisément.
- ... Oui, c'est cette base, acquiesce à mon attention Trowa.
- Treize est aussi ici ?
- Aux dernières nouvelles, il est toujours en Europe...
- Vérifie.
Je m'exécute rapidement mais cette réflexion ne mène nulle part, aussi je dirige de nouveau mon attention sur la base qui nous préoccupe.
- Pas d'apport de troupes significatif...
- Pourquoi est-il là alors ?
Oui, pourquoi ?
Hm...
- Il a suivi Relena.
Je vois dans le reflet de l'écran Quatre et Wu Fei échanger un regard.
- Relena n'est pas là à cause de nous, mais pour participer à cette conférence avec la Fondation Romefeller... murmure Quatre, et j'acquiesce en fronçant les sourcils.
Tous les membres de la Fondation ne sont pas nos ennemis ; ce sont les plus hauts dignitaires qui se servent du pouvoir que la Fondation leur confère pour mener à bien leurs projets.
- Il a dû se demander pourquoi elle n'était pas rentrée directement à Sank... suppose Wu Fei.
- Il l'a suivie pour assurer sa sécurité, je complète.
C'est probablement l'un des seuls points communs que je partage avec cet homme...
- Duo a manqué de chance, conclut calmement Trowa.
- Hn.
- Duo n'a pas besoin de chance ! s'exclame soudain Quatre. Il nous a nous ! poursuit-il avec détermination, et nous esquissons tous un sourire à cette déclaration enfantine. Heero, sors-moi les effectifs exacts en présence, leur nombre, leur armement. Wu Fei, va trouver Howard. Il faut que nos Gundam soient opérationnels le plus tôt possible. Nous aiderons aux réparations si nécessaire.
- Qu'est-ce que tu proposes, Quatre ?
- Nous n'allons pas nous contenter de faire une diversion pour récupérer Duo, nous allons également détruire la base. Tu as dit qu'elle servait principalement de point de ravitaillement, et je pense que tu as raison, Trowa. Regardez... dit-il en pointant sur l'écran. Cette base est très stratégiquement placée par rapport à celles aux alentours.
- La détruire les handicaperait sérieusement, constate Wu Fei.
- Exactement. L'un d'entre nous devra s'occuper de Zechs, c'est l'ennemi le plus dangereux, pendant qu'un autre ira chercher Duo. Les deux autres devront se charger du reste des armures mobiles. N'oubliez pas que nous ne pouvons pas compter sur un quelconque effet de surprise. Zechs est loin d'être idiot, et nous ignorons ce que Duo révélera ou pas. Nous sommes également en infériorité numérique. Restez prudents.
- Nous sommes toujours en infériorité numérique, Winner, fait remarquer Wu Fei avec un brin d'amusement dans la voix.
- L'absence de Duo nous affaiblit.
Je réponds simplement :
- Je me charge de Duo.
- Non, Heero. Il vaut mieux que ce soit moi.
Je me retourne vers Quatre et le fixe.
- Tu sais que Duo ne te...
- Nous ne savons pas où ils le détiennent, Heero. Pour réussir, l'opération doit être menée le plus rapidement possible. De nous tous, je suis celui qui a le plus de chance de le retrouver facilement.
Nous nous affrontons un instant du regard.
- Je m'occupe de Zechs.
Il acquiesce.
- Très bien.

Trowa et Wu Fei nous laissent régler les derniers détails stratégiques pendant qu'ils vont s'occuper de nos Gundam. Si tout se déroule au mieux, nous pourrons partir dans quelques heures et arriver sur place peu avant l'aube. Et ramener Duo ici.
Après tout, je ne lui ai pas encore dit qu'il pouvait partir.

*******

Ce qui est marrant avec la vie, c'est qu'elle prend un malin plaisir à vous jeter à terre pour vous rouer de coups. Ma vie à moi, en ce moment, a pris la forme de deux molosses hargneux qui me tabassent pour m'interroger. Sauf qu'ils oublient de poser leurs questions. L'éclate totale quoi.
Alors me voilà, roulé en position foetale sur le sol d'une cellule lugubre et humide d'une base d'OZ, en train de tenter tant bien que mal de protéger mon visage et mes organes vitaux. J'ai arrêté d'essayer de me défendre au moment où j'ai touché le sol. On peut encore espérer se battre et vaincre ou fuir tant qu'on tient debout, mais une fois que votre ennemi a réussi à vous mettre pour de bon la main dessus (et surtout des mains de cette taille-là), y'a plus qu'une chose à faire : subir et attendre que ça se passe.
Rien n'empêche bien sûr de jouer un peu la comédie pour que ça passe plus vite
- Il a perdu connaissance, le chien, j'en entends un dire alors que je m'applique à faire l'évanoui.
- Connard de pilote, fait l'autre en ponctuant son propos d'un bon coup de pied bien placé.
Pas évident de ne pas "humfer"
- Allez viens, on va bouffer, conclut le premier avant de me cracher un peu dessus.
Abandonné pour un sandwich Je sais pas comment je dois le prendre
J'attends bien cinq-dix minutes avant d'ouvrir un semblant d'oeil puis de me redresser avec précaution. Vache ! Je commençais à plus pouvoir maintenir ma position de poupée désarticulée, moi ! Sans compter que j'ai mal partout.
J'essuie le crachat du revers de ma manche. Dix minutes à se retenir alors qu'il glisse le long de votre joue Insupportable. Encore pire que de pas pouvoir se gratter quand ça vous démange Et merde, j'ai vraiment mal partout !
Je fais prudemment quelques pas en silence, tente de jeter un coup d'oeil sous la porte, mais je peux pas dire que ça m'apprenne grand chose. Tout ce que je sais, c'est qu'on se trouve sur une île, relativement pas trop loin de la ville où on était, encore qu'on a quand même embarqué sur un gros navire pour y aller. J'ai comme l'impression que ma situation ne fait qu'empirer un peu plus à chaque minute depuis quatre jours.
J'arrive pas à croire que ça fait que quatre jours J'chais pas si y'a un Dieu ou quoi, mais y doit y avoir quelqu'un qui me hait sacrément, en Haut ou en Bas Et bin j'en ai autant à ton service, mon gars ! Et si tu crois que je vais sagement rester croupir ici en attendant que de hautes instances décident de mon sort, c'est que t'es complètement à côté de la plaque ! Compte sur moi pour saisir la première occasion de me casser ! Compte aussi sur moi pour faire le maximum pour la provoquer, cette occaz' !
Ouch ! Et voilà, je m'excite tout seul et j'en oublie que j'ai le bide couvert de bleus Sales brutes. Me souviens même pas de tout ce qu'ils ont pu me reprocher Okay, c'est p't-être pas une excuse, mais honnêtement, je vois pas l'utilité de m'amocher comme ça si c'est pour même pas m'interroger. Bon, dans le cas présent, c'est vrai aussi que je verrais pas l'utilité de me poser des questions, mais bon Yuy au moins avait eu la courtoisie de me soigner, après !
Bon, y m'avait fait vachement plus mal aussi Sont nuls, ces Ozzies, savent même pas tabasser quelqu'un correctement. Notez que je suis pas en train de me plaindre, hein ! J'essaye juste de passer le temps

Un peu ou beaucoup plus tard _ difficile de savoir au juste combien, je sais juste que je commence à avoir sacrément faim _ ils sont venus me chercher. J'ai à peine eu le temps de me fourrer dans un coin, mais faut bien dire ce qui est, la cellule est pas grande et on en a vite fait le tour.
J'étais en train d'évaluer mes chances d'évasion, considérant que malgré les gardes, la porte était restée ouverte, lorsque ce qui devait se vouloir être un médecin s'est mis en tête d'examiner ma condition. Je sais pas s'il s'attendait vraiment à ce que je lui réponde lorsqu'il m'a demandé si j'avais mal quelque part mais même moi je suis pas assez stupide pour révéler ce genre d'information à des gens qui me considèrent comme leur ennemi.
L'homme était un brave. Ou un parfait imbécile. Qu'il soit l'un ou l'autre, au moment où il a levé la main pour me toucher le visage, j'ai décidé de tenter le coup. Faut pas déconner non plus, j'ai rien d'un agneau.
J'ai failli réussir. Je crois les avoir tous surpris quand j'ai chopé et tordu le poignet de l'autre bon Samaritain, l'envoyant bouler contre un des gardes et me précipitant vers la sortie. Pas de bol pour moi, j'étais pas dans ma forme olympique et le deuxième molosse a dû pratiquer du rugby dans sa jeunesse _ et rater sa vocation. Si j'en avais pas été la pauvre victime, je crois que j'aurais applaudi le placage ; de toute beauté, vraiment. J'ai nettement moins apprécié le coup de poing dans les reins qui a suivi. Mais qu'est-ce qu'ils ont tous à en avoir après mes reins, merde ! Y peuvent pas frapper ailleurs de temps en temps ?
Ensuite, y'a eu ce coup de crosse au visage _ donc si, y peuvent, merci pour cette preuve percutante _ qui m'a sonné et plus qu'un peu calmé, et la froideur d'un flingue contre ma tempe. J'ai donc fait le loup apprivoisé et subit le plus stoïquement que j'ai pu la pluie de poings et de pieds qui s'est abattue sur moi. Encore. Et puis le bon doc' a décrété tout en se massant le poignet que j'étais en pleine forme et ils m'ont emmené. Si vous voulez mon diagnostic perso, je tiendrais pas le pari que j'ai pas une petite commotion cérébrale qui traîne...
Et c'est donc comme ça que je me suis retrouvé en presque tête à tête avec le dénommé Zechs Merquise, pilote du Tallgeese. Le presque, c'est pour les quatre gardes qui attendent derrière la porte et les trois caméras que j'ai repérées en entrant.
Il est toujours aussi grand, il porte toujours ses bottes noires et hautes, son pantalon blanc qui n'a rien à envier au spandex de Yuy (la classe en plus), la même veste rouge et ce même casque qui barricade ses émotions du reste du monde.
D'un geste gracieux, il me fait signe de m'asseoir sur la chaise qui se trouve au centre de la pièce. Lui se tient derrière un bureau, et il a un fauteuil.
Et bien, je ne dirai qu'une chose... Que le spectacle commence !
- Vous avez trébuché sur le chemin ? me demande-t-il de ce ton blasé et aristocratique qui commence déjà à me porter sur les nerfs.
Si j'avais pas aussi mal aux côtes, je crois que j'aurais bien rigolé.
- Je suis terriblement maladroit, je réplique en m'asseyant, mais heureusement pour moi, vos hommes se montrent très prévenants à mon égard.
- Toujours amnésique ?
- Hélas !
- Je ne m'attendais pas à ce que vous nous facilitiez la tâche, confie-t-il.
- Au risque de vous surprendre, je n'aime pas tant que ça recevoir des coups...
- J'avais d'autres méthodes en tête, pour tout vous dire, me répond-il avec amabilité. Des méthodes qui laissent moins de marques, si vous voyez ce à quoi je fais allusion.
- Je ne suis pas sûr... mais j'ai l'imagination fertile.
- Souhaitons donc que votre parole le soit tout autant... Du café ?
Euh ! Je m'y attendais pas à celle-là !
- Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, j'aimerais autant quelque chose à manger.
Il me regarde quelques instants en silence puis dit :
- Je pense que finalement il vaut mieux que vous restiez à jeun.
C'est juste moi ou vous le sentez mal, vous aussi ?
- Je suis plus coopératif le ventre plein, je fais avec un sourire charmeur.
On vous a déjà dit qu'il ne fallait jamais montrer aux animaux qu'on avait peur d'eux ? Je teste la théorie...
- Il m'avait pourtant semblé remarquer que vous aviez déjà eu votre comptant de "marrons"...
Mon sourire se crispe en une légère grimace.
- Je n'ai jamais très bien digéré ces fruits-là, je confesse.
- C'est pourquoi j'avais pensé que quelque chose de plus "électrifiant" vous conviendrait mieux.
Et vous savez quoi ? Etrangement, j'ai plus du tout envie de sourire. Mais que je sois damné si je le lui montre !
- Je peux pas dire que vos menus me mettent beaucoup en appétit...
- Ceci est regrettable ; il ne tient pourtant qu'à vous de passer rapidement à table...
- ... Ecoutez Zechs _ je peux vous appeler Zechs n'est-ce pas ? _ laissons de côté notre joute culinaire pendant un moment, d'accord ? Je ne sais pas exactement ce que vous savez sur moi mais je suis prêt à parier que vous en savez plus que moi-même. Je suis amnésique ! Je n'ai pas d'information à vous donner parce que je n'en possède aucune ! Non enfin franchement, réfléchissez trente secondes, okay ? Vous pensez vraiment que je m'attends à ce que vous me croyiez sur parole ? Que c'est une tactique pour que vous ne me torturiez pas ? Je crois que vous êtes intelligent et je sais que je suis pas stupide. Vous allez perdre votre temps ! Je me souviens de rien ! Je vous dis pas ça par stratégie, je vous dis ça parce que c'est vrai !
- Très bien... admettons... que vous soyez sincère... Cela ne signifie pas que vous ne détenez aucune information pour autant.
- Mais puisque je vous dis que je..., je commence, mais il m'interrompt avant que je puisse aller plus loin.
- Votre dernière opération s'est effectuée à cinq ; vous étiez avec eux, Zéro deux. Vous connaissez leur nom, leur signalement. Vous connaissez au moins un, si ce n'est plus, de vos refuges. Vous connaissez la localisation actuelle de vos compagnons et les raisons de votre venue ici, il déclare, sans poser une seule question.
Merde.
Il a raison ; je sais tout ça. Tout comme je saurais probablement les mener aux Gundam, si je le voulais vraiment. Tout comme je saurais leur fournir le signalement des autres savants fous. Je pourrais leur vendre Sally, et Hilde, et Lena, et les autres gars, Howard et les Sweepers. La résistance, en somme.
Je crois que je commence à mesurer le poids que je représente. Je sais peut-être beaucoup d'autres choses encore, sans en avoir conscience, comme il vient de si bien me le démontrer. J'imagine qu'on en sait toujours plus qu'on le croit...
Je garde le silence et on s'affronte du regard. Mon soudain mutisme doit valoir tous les acquiescements du monde. Il a les questions et d'une façon ou d'une autre, j'ai certaines réponses.
Alors je suppose que c'est sans issue, je vais devoir passer par la case torture. Parce que je ne dirai rien.
Pas par loyauté, j'estime ne rien devoir aux autres boy-scouts.
Pas par conviction, je ne défends aucune cause et si je peux trouver un moyen de m'en sortir vivant et relativement intact, je n'ai aucune raison d'hésiter.
Même pas par rancune parce qu'ils m'ont tabassé tout à l'heure, non. Simplement parce que je n'aime pas cet homme. Sa tête masquée ne me revient pas, sa voix m'énerve, ses manières m'horripilent (oui, m'horripilent !). Mais plus que tout, je n'ai pas de raison de l'aider. Et ça reviendrait à choisir un camp, ce que je ne me sens pas encore prêt à faire.
Alors je m'installe du mieux que je peux sur ma chaise, m'affaissant légèrement, j'étends les jambes que je croise au niveau des chevilles et je joins les mains sur mon ventre, entrelaçant mes doigts. Puis je le regarde bien, cherchant et trouvant ses yeux _ bleus _ parmi le métal et je lui souris nonchalamment.
Le jeu peut reprendre, sauf que j'en change les règles.
- J'ai une meilleure idée, je lui dis donc avec désinvolture. Convertissez-moi.
Le coin de sa bouche tressaute, trahissant sa surprise.
- Je vous demande pardon ?
- Je suis un soldat qui a oublié pour quelle cause il se battait, je suis un soldat qui n'a plus de raison de se battre, je lui explique, et il me semble voir la lueur de ses yeux changer. Je suis un soldat qui n'a actuellement ni allié ni ennemi, et si j'en crois votre comportement à mon égard, je suis plutôt bon dans mon domaine... je continue, mon sourire s'incurvant sur les coins. Alors... convertissez-moi.
Inutile de lui préciser que je suis également un soldat incapable de piloter une armure mobile, n'est-ce pas ?
Il bouge légèrement sur son fauteuil et ses mains viennent se croiser sous son menton.
- Vous êtes sérieux ?
- Pourquoi pas ? je lui demande sincèrement. Je ne m'engage jamais dans une partie sans avoir vu le dessous de toutes les cartes.
Il me jauge un long moment avant d'esquisser un sourire et je ne saurais dire s'il a décidé de me croire _ et je suis vraiment sérieux ! _ ou s'il a simplement décidé de jouer le jeu.
- Très bien...

*******

Retour à la case départ sans toucher le pactole, ni même la bouffe promise.
Mon entretien avec Zechs a été... instructif, j'imagine. Encore qu'il va pas mal me faire cogiter, je le sens. Comment vous expliquer ? Y'avait les mots qu'il prononçait et y'avait tout le reste, tout ce qu'il ne disait pas. Vous avez déjà parlé à quelqu'un qui essaye de vous vendre quelque chose et plus vous l'écoutez et plus vous êtes persuadé qu'il ne croit pas un mot de ce qu'il est en train de vous raconter ? Bin... un peu pareil. Blondie Boy _ j'appelais Blondinet comme ça ? J'avais tort, Zorro mérite bien mieux ce surnom que l'autre sucre en poudre _ Blondie Boy donc m'a exposé le point de vue d'OZ. Le point de vue d'un autre. Avec les mots d'un autre. J'arrive pas à me défaire de cette impression. J'avais pas le bon interlocuteur, c'est avec l'autre que j'aurais voulu parler...
Et je me demande vraiment ce qui peut pousser Blondie à se battre pour OZ lorsqu'il m'apparaît évident qu'il se contrefout de son idéologie. Non qu'il se soit même donné la peine d'essayer de le cacher. Je sais, il sait que je sais, et je sais qu'il sait que je sais. Vous suivez ?
Je dois avoir un truc, pour tomber constamment sur des schizophrènes... Ah, arrêtez ! Personne ne peut porter un truc pareil sur la tronche et prétendre être normal !
Enfin bref. Pour résumer, je me retrouve donc avec un porte-parole pas convaincu mais relativement convaincant. En fin de compte, c'est peut-être une bonne chose que ce soit Zechs qui ait joué l'agent de propagande... Ça va peut-être me permettre de séparer les informations de l'homme. Je n'aime pas Zechs. Je n'ai pas encore décidé, pour OZ...
Côté pile, j'ai des gosses, à peine des adolescents, qui obéissent à des reliques du passé et qui combattent de toute leur âme pour l'Homme et pour la Liberté, parce que ça leur semble juste. Ils tuent et se feront tuer pour que la paix règne sur la Terre et dans les colonies, pour qu'elle règne entre la Terre et les colonies. Ils sacrifient tout à leur idéal. Ils luttent contre OZ et revendiquent leur droit d'exister.
J'ai été comme eux, jadis, j'ai été l'un des leurs. Moi aussi je me suis battu, moi aussi j'ai souffert. Et j'en suis mort, en quelque sorte.
Côté face, j'ai un homme qui oeuvre pour unifier la Terre et les colonies, un homme qui a décidé de consacrer son existence à son propre idéal, qui utilise tous les procédés mis à sa disposition pour dégoûter éternellement l'être humain de la guerre. La méthode employée peut paraître radicale mais ne dit-on pas que la fin justifie les moyens ? Et si l'Homme avait véritablement besoin d'un carnage pour enfin ouvrir les yeux ? Et le plus beau dans tout ça, c'est que pour atteindre son but, OZ a besoin des pilotes de Gundam.
Et sur la tranche, car rien n'est jamais simplement noir ou blanc, j'ai une partisane convaincue du pacifisme total et une puissante organisation qui finance OZ et que je soupçonne d'avoir des intentions moins louables qu'elle veut le faire croire.
Et moi, et moi, et moi... Et moi au milieu, et moi dans tout ça ?
Dois-je réellement faire un choix ? Pourquoi ? Ce n'est pas exactement comme si ça pouvait faire basculer les choses d'un côté ou de l'autre... n'est-ce pas ?
Pff... De toute façon je me demande vraiment pourquoi je me prends la tête à ce sujet alors que ma seule préoccupation du moment devrait être : mais comment je vais bien pouvoir sortir de ce trou ? Pas que j'envisage pas spécialement de me battre pour OZ... C'est juste que pour l'instant la seule chose qui m'intéresse, c'est de me battre pour moi. Contre toutes les parties adverses s'il le faut. Je ne veux me battre pour personne, je veux sortir d'ici.
Blondie m'a clairement dit à la fin de notre conversation qu'il attendait de pieds ferme la venue des autres, que c'était surtout pour ça qu'ils me gardaient ici, pour que je serve d'appât, de piège. J'ai éclaté de rire, malgré mes côtes, mais Zechs a l'air persuadé qu'ils viendront me libérer. Ridicule. S'ils se déplacent, à la rigueur, ça sera pour me faire taire une bonne fois pour toute. Mais venir me chercher ? Bien sûr que non.
Pourquoi le feraient-ils ?

*******

Je somnole vaguement, l'esprit trop agité et le corps encore trop douloureux pour pouvoir vraiment dormir. Ce qui est probablement une bonne chose, d'ailleurs, considérant les flashes peu plaisants qui me viennent quand je ferme trop longtemps les yeux... J'ai beau essayer de faire abstraction des cris et des explosions, ils se font de plus en plus forts dans ma tête...
...
Minute...
Ils ne sont pas dans ma tête ! Bordel ! Qu'est-ce qui se passe ? Me dites pas que... Oh... merde... Je crois savoir pour qui est en train de sonner le glas...
Le vacarme se fait de plus en plus proche à présent, bien trop proche à mon goût. Ai-je une chance de pouvoir m'en sortir ?
Des pas s'arrêtent devant ma cellule. Je pense pas que Yuy soit le genre de type qu'on puisse avoir au baratin...
Un coup de feu fait sauter la serrure et une silhouette se découpe en contre-jour dans l'encadrement de la porte. Je vais peut-être mourir cette nuit, mais certainement pas comme un chien. Debout, sur mes deux pieds. J'emporterai au moins ça avec moi.
- Je crois que même Zechs ne vous attendait pas si tôt, je fais en me redressant. ... Et bien, qu'est-ce que tu attends pour tirer ?
La silhouette vacille légèrement et prend appui contre l'embrasure de la porte.
- Duo... Dépêche-toi... on n'a pas beaucoup de temps...
Que...?
- Blondinet ??
- Tu peux marcher ?
- ... Moi, oui, je fais en remarquant qu'il se tient suspicieusement le côté droit.
Il acquiesce puis se retourne et inspecte les alentours.
- On doit rapidement rejoindre le hangar des mobil suits... m'informe-t-il dans un souffle.
A présent que je suis à sa hauteur et en pleine lumière, je peux voir un filet de sang lui couler au milieu du front. Il transpire et est essoufflé mais ne semble pas avoir d'autres blessures sérieuses. Il ne lâche pas ses côtes pour autant.
Il me jette ensuite un coup d'oeil, examinant à son tour ma condition puis hoche la tête avant de me désigner du menton la direction à prendre.
- Par-là.
J'aimerais dire qu'on y va en courant mais faut bien avouer qu'on se traîne plus qu'autre chose. Et les cris qui se rapprochent de nous me font dire qu'on va pas tarder à avoir de la compagnie.
Winner nous fait prendre plusieurs couloirs, vérifiant à chaque tournant que la voie est libre, et je le suis de près. C'est lui qui tient l'arme après tout. Et les soldats d'OZ ne cessent de se rapprocher de nous. Et sans vouloir être méchant... Blondinet a du mal à avancer et il nous retarde...
Assez rapidement d'ailleurs, il marque une pause et s'appuie contre le mur, ferme les yeux et prend un air que je qualifierais d'inspiré... Je me demande s'il va pas s'évanouir dans mes pattes. Quand il se retourne vers moi, ceci dit, il a l'air plus en forme.
- Duo, il dit puis s'arrête, et son expression s'adoucit pendant un court instant. Duo... Tout droit puis gauche, gauche, droite, tout droit et gauche. Prends une armure mobile, je vais les retenir.
On s'observe et je note mentalement qu'il ne s'est même pas donné la peine de dire qu'il me rejoindrait plus tard. Je ressens une étrange émotion face à ce garçon... cet homme qui s'apprête à donner sa vie pour la mienne. Parce que je sais que quoiqu'il arrive, il ne les laissera pas le prendre vivant. La dernière balle reste toujours pour soi.
Je me demande si je devrais lui dire quelque chose, du genre merci ou... je sais pas. En vérité, tout me paraît déplacé. Alors je me contente de hocher la tête et de partir.
Sans me retourner.

Je suis ses instructions à la lettre, me cachant dans les recoins voire prenant le risque de tomber sur quelqu'un en me réfugiant momentanément dans une pièce adjacente pour éviter les soldats. Toute la base semble être en ébullition et les appels ici et là des militaires se font l'écho des nombreuses explosions qui retentissent. Le sol tremble souvent et je jurerais que l'air a pris une vingtaine de degrés.
Je ne suis plus très loin du hangar lorsque je me planque de justesse dans une pièce minuscule alors que quatre gardes font une halte près de moi. Par la porte entrouverte, je peux distinguer les armures mobiles et je peux pas m'empêcher de me demander comment diable je vais bien pouvoir sortir de cet enfer, sachant que je ne sais pas piloter ces machins !
- "... en tient un !" grésille leur radio.
Dès qu'ils seront partis _ ou peut-être vais-je devoir prendre le risque de les assommer, l'effet de surprise jouant pour moi _ je file tout droit sur la première armure qui passe. Ouvrir un cockpit, ça, je dois savoir faire...
- "... cet enfoiré a tué six de nos hommes !"
Six ? Pas mal, Blondinet...
- Salopards de pilotes de Gundam ! commente l'un de mes quatre gêneurs.
... ensuite, j'appuie un peu sur tous les boutons...
- "... demande de renforts !" la radio grésille encore.
...j'arriverai bien à faire bouger ce tas de ferraille !
- Allez, on y va les gars ! Muston, tu restes là !
L'autre problème va être de quitter la zone sans dommage. En admettant que je parvienne à faire voler cette boîte de conserve, ça reste un carnage, là dehors ! Comment je vais pouvoir passer entre les deux lignes de tirs adverses ?
- Compris !
... Je peux pas.
Je peux pas faire ça...
J'ouvre brutalement la porte et avant que "Muston" ait eu le temps de réagir, il se prend un coup de coude dans le bide enchaîné de mon poing en pleine gueule. Une fois encore, je laisse mon corps parler tout seul. J'ajouterai que l'adrénaline est un anesthésiant merveilleux.
Il ne me voit même pas m'emparer de son flingue et lorsque je le pointe sur lui, il me fixe avec un air hébété, du sang coulant de son nez brisé et gouttant de son menton.
- A... attends...
Sa tête éclate comme une pastèque.
Dans le boucan ambiant, le coup de feu ne se remarque même pas.
Son corps glisse le long du mur et gît à mes pieds, désarticulé.
Je baisse les yeux sur ce qui était il y a quelques secondes encore le dénommé Muston et je m'étonne de la facilité avec laquelle je viens de tuer cet homme. Je le regarde, et je ressens exactement la même chose que lorsque j'avais assommé cet autre homme, quelques jours seulement plus tôt. Comment Chang l'avait-il appelé, déjà ?
Dimitri. Ouais, c'est ça, Dimitri.
Je m'étonne encore plus de... ne rien ressentir du tout. Je pensais être incapable de tuer un homme. Je me trompais.
Je tue comme je respire.
- "... On l'a coincé ! Section RC4-71 !"
J'enjambe le corps et poursuis mon chemin. Ecartez-vous, soldats, si vous tenez à la vie. Ecartez-vous... car je suis celui qui donne la mort.

*******

Lorsque j'arrive, Blondinet a encore réussi à descendre deux de ses assaillants et je sais, nous savons tous, qu'il a atteint sa limite. Son souffle est court, son regard, vitreux, et il a déjà un genou à terre. Les trois hommes qui sont encore debout ne remarquent même pas mon approche. Deux pastèques de plus s'ajoutent à ma liste de course et j'égorge le dernier avec un couteau récupéré un peu plus tôt sur une autre de mes victimes.
Je n'avais plus de balle.
Je ne prononce pas un mot alors que je me tiens en silence devant Winner, les pieds dans une mare de sang. Il relève péniblement le visage vers moi et ses yeux s'écarquillent alors qu'il me reconnaît.
Je suis probablement la dernière personne qu'il s'attendait à voir faire demi-tour pour venir le chercher.
Il a plus de blessures que lorsque je l'ai quitté mais je devine à la pâleur de sa peau que les principaux dégâts sont internes. Il a besoin d'un médecin, et rapidement.
- Tu peux marcher ? je lui demande, ma question faisant écho à celle qu'il m'avait posée seulement quelques minutes plus tôt.
- Je... vais essayer.
Je hoche la tête et profite qu'il rassemble ses forces pour reconstituer notre stock de balles. Je l'aide ensuite à se relever et le laisse reporter une partie de son poids sur moi. Nous échangeons un regard. Il va avoir besoin de mon aide. Je hoche de nouveau la tête et raffermis ma prise autour de sa taille.
- On y va.

Nous marchons presque comme un seul homme, Winner se défendant de façon acceptable en tirant de la main gauche lorsque c'est nécessaire, me couvrant le plus souvent le temps que j'achève de nous déblayer le passage. Atteindre une armure mobile se révèle moins compliqué que je l'avais craint. C'est la panique, limite la débâcle parmi les soldats d'OZ et les nuages de fumée qui s'élèvent çà et là nous facilitent encore plus la tâche.
Comme je l'avais pensé, ouvrir le cockpit lui-même s'avère être un jeu d'enfant. Mais les difficultés ne font que commencer ; il est évident que Winner n'est pas en état de piloter cette armure...
Je l'installe du mieux que je peux et prends place aux commandes, me sanglant consciencieusement. Quelque chose me dit que je vais avoir besoin du harnais...
Je laisse mon regard errer sur les tableaux de commande ; ils semblent présenter des similitudes avec ceux de Deathscythe.
- Guide-moi, Winner, je ne sais pas faire marcher ce truc. ... Winner ? Winner !
Je me tords le cou pour voir pourquoi il ne me répond pas et mon coeur s'accélère alors que je constate que ses yeux sont fermés et que sa tête pend selon un angle inquiétant. Une contorsion plus tard et je m'assure qu'il a simplement perdu connaissance.
Me laissant seul pour nous sortir de là.
- Okay... Pas de problème. C'est comme le vélo, ça s'oublie pas... J'ai plus qu'à espérer encore savoir faire du vélo.
Je touche quelques boutons et finalement la machine prend vie, les moteurs vrombissent et les écrans s'allument, me transmettant ce qu'il se passe à l'extérieur.
Il faut déguerpir, et vite !
- Okay... okay...
J'essuye mes mains moites sur mon pantalon et empoigne fermement les commandes.
- C'mon baby...
Mes premiers pas sont chaotiques mais le bébé bouge.
- Allez... montre-moi c'que t'as dans l'ventre... Et sors-nous d'là !
Serrez les dents avec moi les gars, et Dieu pour tous !

La sortie même du hangar s'effectue plutôt mieux que moins bien et je parviens même à prendre un peu d'altitude. Je semble mieux maîtriser la bête lorsqu'elle n'a plus de contact avec le sol, d'ailleurs, même si quelque chose me dit qu'elle n'a pas spécialement été pensée pour le vol. Ce qui est bien le cadet de mes soucis à l'heure actuelle.
Je suis plus inquiet quant au fait que je n'arrive pas à me servir des armes rattachées aux bras ou incorporées à même l'armure. En gros, je suis aux commandes d'une machine de destruction parfaitement inoffensive au milieu d'un champ de bataille.
Un bref instant, je pense à Lena, avant de de nouveau me concentrer sur ce que je suis en train d'essayer de faire. A savoir rester en vie.
Je m'efforce de me faufiler, repérant les zones où les Gundam ne sont pas, mais ils semblent malheureusement être partout à la fois. Vous conviendrez que ce n'est pas la meilleure des choses lorsque vous vous trouvez à bord d'une armure ennemie...
Il me semble avoir déjà vu ces deux Gundam, ils étaient dans le hangar avec Deathscythe, mais je suis incapable de savoir qui des trois les pilote. Pas que ça change quelque chose puisque je ne sais pas comment les contacter pour qu'ils ne me tirent pas dessus. Autant dire que j'ai envie de me faire le plus petit et le plus discret possible...
Pas très loin sur ma droite, deux étoiles filantes se livrent une danse mortelle et j'essaye de toutes mes forces de ne pas me laisser hypnotiser par leur ballet.
Elles se déplacent à une vitesse fulgurante et j'ai du mal à croire que ce soit de simples hommes qui les commandent. Elles se rapprochent et je peux distinguer le troisième Gundam, celui ailé qui trônait aux côtés de Deathscythe, ainsi qu'un autre mobil suit inconnu.
Je n'ai entendu parler que d'une seule armure mobile particulière dans les rangs d'OZ...
Ils se rapprochent encore. Ils se battent à l'épée thermique. Seigneur...
Seigneur Dieu, faut que je bouge !!
Un éclair blanc me frôle de près alors que le Tallgeese, si c'est bien lui, percute violemment et arrache la moitié du hangar, rendant encore plus difficile la sortie des derniers MS. Ce qui me laisse nez à nez avec le Gundam aux ailes d'oiseau. A moins que ce ne soit des ailes d'ange, auquel cas je ne suis pas sûr d'en apprécier l'ironie.
L'ange métallique pointe son énorme canon droit sur moi et je ne doute pas un seul instant que lui sait s'en servir...
Je ferme les yeux.
- "Mobil Suit, demande d'identification", j'entends la voix de Yuy dire au travers de l'intercom. Oh bon sang, je suis en train de faire une crise cardiaque, mon coeur bat trop vite, il va pas tenir le coup !
Pourquoi y tire pas ?
... Parce que... je n'émets aucun signal de reconnaissance ?
- "Mobil Suit, demande d'identification !" il répète. Merde ! Comment je peux lui répondre ?
Je cherche frénétiquement des yeux la radio et repère un bouton qui clignote. Je me jette dessus.
- Ici... euh... Zéro deux, je tente, incertain d'être sur le bon canal. D'être sur un canal tout court, d'ailleurs.
- "Bien reçu, Zéro deux. Ici Zéro un. Statut ?
- Moi, ça va, mais... Je suis avec... euh...
Merde ! C'est quoi le numéro de Winner ?
...
Oh, j'suis con ! Suffit que je dise pas son nom, pas vrai ?
- Je suis avec Blondinet, je reprends avec plus d'assurance. Il est salement blessé je crois, il a perdu connaissance.
- "Bien reçu. Tu peux piloter ?"
- Je semble pouvoir me débrouiller... je réponds avec déjà nettement moins de conviction.
- "Bien reçu, Zéro deux. Rendez-vous au point AX-96-P."
- Quoi ? Hey, attends ! Comment je sais où... Oh...
Je m'interromps en voyant carte et coordonnées s'afficher sur un de mes écrans.
- Uh, okay. Merci.
- "Je vous dégage la voie", il dit encore et effectue un quart de tour sur sa gauche. Il lève son canon et tire dans le tas. Le ciel s'embrasse de lumière et l'éclat est si fort que je dois protéger mes yeux pendant un instant.
Lorsque je recouvre la vue, la scène autour de nous semble s'être momentanément suspendue. Ah ça, pour la dégager, il l'a dégagée, la voie !
Sans demander mon reste, j'emprunte le tapis rouge qu'il m'a dressé, lui souhaitant mentalement bonne chance alors que je le vois de nouveau aux prises avec Merquise.
Chapeau bas, Messieurs, je tire ma révérence.

*******

Assis aux commandes de Deathscythe, j'écoute attentivement Quatre m'expliquer les différentes fonctions du Gundam et hoche régulièrement la tête pour lui montrer que je le suis.
J'apprends vite.
Heero est venu tout à l'heure avec son ordinateur portable cracker tous les codes d'accès, afin de pouvoir entrer de nouveaux mots de passe.
Je les ai choisis devant lui, juste au cas où...
Tout à l'heure, je dois rejoindre Trowa à la planque ; c'est moi qui suis de corvée de bouffe aujourd'hui et je sais vraiment pas pourquoi, il a insisté pour me superviser. Dites tout de suite que je cuisine mal !
J'espère qu'ils aiment les omelettes...
Faudra que j'aille trouver Wu Fei un peu plus tard, j'aimerais qu'il me donne quelques cours d'art martiaux. Pas que je fasse pas confiance à mes réflexes, ils m'ont prouvé que je pouvais me fier à eux, mais je dois tout réapprendre et un peu de technique se complètera bien avec mon style d'improvisation.
Et puis je n'oublie pas que je dois une raclée à Trowa et à Heero...
Je suis toujours amnésique, bien sûr. Je ne pense pas que je recouvrerai un jour la mémoire maintenant, mais je prendrai toutes les bribes qui voudront bien me revenir.
Je n'ai toujours pas de vraie réponse à la question de Lena mais j'y travaille. Mais en un sens, ça ne me paraît plus aussi important. Parce que aujourd'hui, je sais qui je suis.

Je suis Duo Maxwell. Je suis pilote de Gundam. Et je lâche Deathscythe au cul du premier qui prétendra le contraire !


Owari


*******

[Clair-obscur, 17 septembre 2002 / 26 décembre 2003]

Duo : SHINIGAMI LIVES !!!!!!!!!
m77 : ^^;
Duo : YES ! I RULE THE WORLD !! Mais dis-donc, toi ! T'aurais pas pu me faire recouvrer la mémoire, nan ?
m77 : Nope ! Trop attendu, trop classique, trop facile ! Tu resteras amnésique toute ta vie ! ^_^
Duo : Et ça la fait sourire en plus ! Hey... et Hee-chan ? Tu peux pas finir l'histoire comme ça, j'ai pas conclu avec Hee-chan !
m77 : J'ai jamais dit qu'il y aurait des couples...
Duo : Mais tu donnes plein d'indices tout partout !!
m77 : Et ? C'était pas la thématique de la fic.
Duo : Arrête, après on va croire que t'y as vachement réfléchi...
m77, vexée : Mais j'y ai réfléchi !! *mourf !*
Duo : Ouais ouais... mais et mon couple, hein ? Et Hee-chan et moi alors ? Tu nous as fait poireauter pendant plus d'un an, et rien ??
Quatre : Et Wu Fei et moi, on devient quoi ?
m77 : Je rêve... ... Tu veux une séquelle, Duo ?
Duo : OUI !
m77 *soupir* : Tu veux une séquelle, Quatre ?
Quatre : Si ce n'est pas trop demander...
m77 : Hee-chan ? Séquelle ?
Heero : Hn.
m77 : ^^; Fei ?
Wu Fei *hausse un sourcil* : Pourquoi faire ?
m77 : ^^;;;
Quatre : v_v
m77 : Tro ?
Trowa : ...
m77 : Okay je vois ! ^^; Alors on va dire trois voix... et demie pour.
Trowa : ...
m77 : Bon... Bin séquelle alors...
Duo & Quatre *dans les bras l'un de l'autre* : Yatta !!!!
m77 : Un jour ils me tueront... v_v


Note (LISEZ, DAMNIT !) :
[26/12/03] : La séquelle de Clair-obscur se nomme "D'ombres et lumières/Of lights and shadows" (j'aimais bien les deux titres alors... ;p). Elle comportera un prologue, quelques chapitres (sais pas du tout combien mais probablement pas beaucoup) plus un épilogue et s'occupera du cas Heero/Duo. Elle aura également une "side fic" nommée "Ombres et Poussières" qui se chargera de régler le cas Quatre/Wu Fei.
Si au moment où vous lisez ces lignes vous ne trouvez pas ces fics sur mon compte FFNET ou sur mon site In Love With Death (les url sont donnés tout en haut de la page), c'est tout simplement qu'elles n'ont pas encore été écrites ! Inutile donc de me mailer pour me demander où vous pouvez les trouver !!
De même, je n'ai absolument *aucune* idée de *quand* je les écrirai... Tout arrivera en son temps (lointain). Mais vous devriez le savoir, depuis le temps ! ;p

Merci d'avoir suivi cette histoire, j'espère qu'elle vous aura plu.
C'est toute une page que je tourne... je me sens un peu bizarre. A mi-chemin entre la joie et la tristesse... ^^; Mais purée, ça fait un an et trois mois que je voulais écrire la dernière ligne !! Et *ça*, ça fait du bien !! ;p