« Jour du Mitan de l'année 1482.

La plus belle rose de la Comté vient de se flétrir.

Ma Rose.

Ma fleur que j'ai tant chérie et qui m'a apporté tant de bonheur.

Ma mie…

Je l'ai vu se faner entre mes bras et à présent, je me sens me faner à mon tour.

Les Années vécues dans la quiétude se sont écoulées que trop rapidement.

Il me semble que c'était hier encore que je quittais Cul-de-Sac, insouciants du danger qui nous guettait, moi et mon cher Maître. 

Maintenant, les Jours Glorieux s'achèvent et sur mon âme pèsent le labeur et le chagrin.

L'amertume de la perte est trop grande et le deuil trop difficile à traverser.

Un vide impossible à combler; une blessure qui ne peut guérir ici…

Mon vieux cœur souffre et, aujourd'hui, il n'aspire qu'à une chose; trouver la paix et la sérénité.

Mon heure est venue.

Une fois de plus, je quitte Cul-de-Sac, mais cette fois je sais très bien ce qui m'attend…

 

Ma douce Elanor, je te confie le Livre Rouge de la Marche de l'Ouest. Tu es digne d'en être sa détentrice. Entre tes mains se trouvent tous les souvenirs de notre passé et tout le savoir des Peuples du Milieu; des épopées en la Montagne Solitaire jusqu'au périple sur le Mont du Destin…Conserve-le et, surtout, continue d'y immortaliser les grands moments de l'Histoire de cette Terre.

Je pars et, moi aussi, je ne serai bientôt qu'un souvenir; un nom que l'on citera dans les vieux contes.  Fais en sorte qu'on oublie jamais tout ce qui s'est produit, tout ce qui fut accompli pour le Bien de ce monde. »

Une larme tombe sur la page. L'eau s'imprègne sur la dernière ligne et se mélange à l'encre, rendant flou les derniers mots écrits.

Je referme le précieux ouvrage et élève mon regard embrouillée vers l'horizon. J'entrevois une silhouette courbée sur elle-même, marchant vers l'Ouest. Je serre le vieux grimoire contre mon cœur et observe cette silhouette disparaître peu à peu de ma vue… de ma vie.

À travers mes larmes, je murmure :

« Non, Père. Personne ne pourra jamais oublier, je t'en fais le serment… »

Fin