Entre Lune et Etoile
Disclaimer : Non, rien de rien, je ne possède Rien. Dans ce chapitre, par ordre d'apparition, Remus, Hagrid, Dumbledore.
Version comparable à celle de l'epub publié en 2020
3- La leçon du professeur
"Poudlard !", murmura Remus à l'entrée du parc.
Les piliers moussus, la grille, l'allée qui serpentait dans les arbres, rien n'avait changé. C'était comme s'il n'était jamais réellement parti. Comme si rien ne s'était passé. Le parc et le château, qu'il entrevoyait déjà, semblaient toujours hors des atteintes du temps, de toutes les fureurs et folies des hommes.
Et là résidait peut-être la magie de Poudlard, réalisa Remus, pour la première fois de sa vie.
Quand il y était venu pour la première fois, âgé de onze ans, le château lui avait déjà paru un sanctuaire, mais pour des raisons différentes : ici, il pourrait apprendre ; il pourrait peut-être avoir des amis, devenir un sorcier et oublier sa lycanthropie. Aujourd'hui, il savait que cela était vrai et faux en même temps. Hors de Poudlard, la haine des hommes et sa différence l'avaient rattrapé.
Pourtant en cette matinée froide mais ensoleillée, il aurait presque pu croire que tout ici restait possible, que la richesse, la renommée ou le statut n'étaient rien face à l'intelligence et à la volonté de bien faire. Pour la première fois depuis quatre ans, il mettait un frein à son pessimisme viscéral et se laissait même à l'espérer. Pas pour lui, non, mais pour Harry. C'était sa supplique et sa force.
Pour Harry, il avait déjà plus transplané ces trois derniers jours que pendant les quatre dernières années réunies. Pour lui, sa baguette avait retrouvé sa place dans sa poche toute la journée. Pour lui, il avait cessé d'ignorer un pan entier de son identité. Il n'était pas seulement Remus, le pauvre documentaliste, ou Remus, le Monsieur Ombre des enfants du quartier, ni même Remus, le loup-garou. Il était Remus, le sorcier, qui pouvait et allait utiliser tous les moyens à sa disposition pour que les choses changent. Et c'était presque étonnamment facile de redevenir un sorcier, il devait le reconnaître. C'était comme si une part entière de son âme, de son cerveau, de son cœur et de son corps n'avait attendu que cela.
Plus il s'enfonçait dans le parc, plus les souvenirs heureux l'assaillaient. Là, James s'était caché pour tendre un piège à Rogue. Ici, Sirius avait gagné son pari et escaladé sans aucune aide magique le grand cèdre jusqu'à la dernière branche. Peter s'était foulé la cheville en voulant le suivre. Partout, ils avaient couru, ri. Tout cela lui serrait le cœur, bien sûr, mais moins qu'il ne l'aurait cru. Il n'avait pas le temps de se laisser aller à la mélancolie. Chaque minute qui passait, Harry pouvait, devait, souffrir encore dans son intolérable famille maternelle. Et si personne n'avait agi ces quatre dernières années, ceci allait changer ! Rien que d'y penser son pas se faisait plus long.
L'immense ombre de Hagrid s'avança à sa rencontre bien avant qu'il ne puisse le voir.
"Qui va là ?", tonna sa voix grave à faire trembler les fenêtres.
"Bonjour Hagrid !", le salua-t-il, réellement content de revoir le demi-géant en bonne santé.
"Mais, c'est le jeune Lupin !" Hagrid avait perdu toute expression menaçante en le reconnaissant. "Bienvenue ! Qu'est-ce qui vous amène ?"
"Je viens voir le professeur Dumbledore."
En affirmant cela, Remus se rendit compte qu'il n'avait pas vérifié que le vieux professeur était toujours à Poudlard. Après tout, il était peut-être ministre de la Magie à cette heure, ou mort ou...! Il sentit toute sa belle et nouvelle assurance se fissurer : tout son plan reposait sur Dumbledore ! Mais Hagrid n'eut pas l'air surpris de sa demande.
"Il vous attend ?", s'enquit-il simplement.
"Non, pas vraiment", reconnut Remus, se reprochant encore une fois de ne pas avoir mieux préparé son entrevue. Tu es encore bien Gryffondor, toi, finalement ! Tu fais d'abord, tu réfléchis ensuite !
"Alors je vais vous accompagner !", décida Hagrid avec bonhomie.
"Merci, Hagrid", répondit Remus avec reconnaissance.
Les deux hommes avancèrent sans rien dire dans le parc. Dans les souvenirs de Remus, Hagrid avait pourtant toujours été bavard. Il suffisait de le lancer sur un sujet qui l'intéressait, et le garde-chasse devenait intarissable. Les Maraudeurs étaient souvent allés lui rendre visite et avaient appris des tas de choses utiles, que ces choses ne soient pas toutes reconnues utiles par l'institution scolaire n'y changeait rien.
Peut-être est-ce moi qui ai changé, songea Remus. Je ne sais plus lui parler. Mais ça faisait tellement de temps qu'il n'avait pas vu de créatures magiques, pas même un veracrasse ! Tellement de temps qu'il n'avait même pas ouvert la Gazette ou même adressé la parole à un autre sorcier. De quoi lui aurait-il parlé ?
Plus ils s'approchèrent du château, plus ils rencontrèrent d'étudiants, la plupart les observaient avec curiosité. Les visiteurs n'étaient pas si courants à Poudlard et jamais anodins, se rappela Remus. Et je suis sans doute le moins intéressant qu'ils aient pu croiser depuis des années ! Dans le Hall d'entrée, tandis que Hagrid cherchait Rusard pour connaître le mot de passe du moment, une étudiante de cinquième année lui demanda même :
"Vous êtes notre nouveau professeur ?"
"Moi ? Non, non", se récria Remus avec nervosité. Professeur de quoi ? songea-t-il, plus inquiet des attentes possibles de ces jeunes gens qu'amer. Comment rater sa vie ?
Au même moment, Albus Dumbledore apparut lui-même dans le Hall, et les élèves reculèrent un peu – pas moins curieux mais plus respectueux.
"Ah, Remus !", l'accueillit calmement le vieil homme, en le reconnaissant. "Vous voici enfin !"
"Professeur, vous... vous m'attendiez ?", commença Remus sidéré de son accueil.
"Remus, enfin !", se moqua gentiment Dumbledore, en lui prenant le bras et en l'attirant sans plus de cérémonie vers le célèbre escalier tournant, qui lui rappelait tant de souvenirs – pas tous agréables ! – de sa vie de maraudeur. "Vous ne pensiez quand même pas pouvoir transplaner deux fois près de la maison de Harry, passer les sorts de surveillance, pratiquer la magie et l'hypnose dans le jardin, sans que je le sache ! Je sais que les Maraudeurs n'ont jamais douté de rien, mais quand même ! Comme vous n'étiez pas venu me voir avant, je vous attendais avec d'autant plus d'impatience. Peut-être même que si vous n'étiez pas venu aujourd'hui, je me serais mis à votre recherche."
La voix du vieux professeur n'était plus aussi aimable à la fin de cette tirade. Remus prit son inspiration. Il avait toujours su que ce serait difficile. Convaincre Dumbledore serait le plus difficile ! Mais il devait réussir, sinon il ne pourrait plus se regarder dans une glace pour le restant de ses jours. Il commença un peu maladroitement alors qu'ils montaient l'escalier :
"Professeur, professeur, je n'ai pas voulu vous inquiéter..." – Tu aurais dû penser que la maison était surveillée, se morigéna-t-il en pensées. Tu as plutôt eu de la chance que ce soit Dumbledore et non le Ministère. Tu serais déjà convoqué au Bureau d'enregistrement des Créatures Magiques, voire à Azkaban. Magnifique retour dans le monde magique !
Mais son vieux professeur ne dit rien de plus avant d'être entré dans son bureau, où il s'assit et se mit à le regarder sans mot dire. Il attendait davantage que des excuses, c'était évident. Remus se revit sept ans plus jeune, essayant de se justifier devant le même homme de la transformation en salamandre du préfet des Serpentards, Lucius Malefoy, en plein milieu du réfectoire. Ses yeux étaient aussi sévères qu'aujourd'hui, jugea-t-il nerveusement, avant de reprendre ses explications.
"Avant-hier, c'était Halloween. J'ai parlé avec des enfants de mon quartier. Ils avaient l'âge de Harry, et j'ai... j'ai voulu voir à quoi Harry ressemblait. Comment vous dire... Je sais que je ne suis rien légalement pour lui. Mais pour moi, il est tout ce qui reste dans ma vie qui pourrait s'approcher d'une famille."
Le vieux professeur savait que les parents de Remus avaient été tués quelques mois après les Potter. On pouvait dire que le monde de Lupin s'était écroulé en 1981. Il avait compris la fuite du jeune lycanthrope dans le monde moldu, même s'il l'avait regrettée. Malgré la fin de Voldemort, le monde magique britannique restait arc-bouté sur des préjugés solides concernant "les créatures". Il imaginait sans peine que Harry représentait quelque chose de particulier pour Remus même s'il lui avait fallu quatre ans pour le reconnaître. Il lui fit signe de continuer.
"Professeur, je voulais juste le voir et redisparaître. Mais rien ne s'est passé comme prévu", expliqua-t-il avec plus d'assurance, maintenant qu'il sentait Dumbledore prêt à l'écouter.
Il raconta en détail son entrevue avec Pétunia et Harry, le peu d'estime que sa tante professait pour l'enfant, la maigreur du petit garçon, les travaux physiques sans doute récurrents qu'il l'avait vu accomplir et ses vêtements qui ne ressemblaient à rien.
"Et je travaille dans une école moldue, je sais comment s'habillent les enfants !"
Remus insista sur l'accident, le manque de surveillance d'un enfant si jeune et le peu d'inquiétude face à sa douleur. Il ne cacha pas combien cette scène le hantait depuis. À la fin de ce long monologue, Dumbledore soupira avant de répondre :
"J'entends, Remus, j'entends. Vous trouvez qu'ils ne sont pas de bons tuteurs. Arabella Figg m'a laissé entendre la même chose."
Comme Remus allait s'engouffrer dans ce boulevard ouvert à ses projets, Dumbledore reprit plus fermement :
"Mais je pense d'abord à sa survie – il faut qu'il grandisse le plus loin possible du monde magique, qu'il construise sa propre personnalité loin de toute idolâtrie ou de toute pression. Sa famille reste en outre la meilleure protection contre..."
"Professeur, je suis désolé de vous contredire mais que se serait-il passé si je n'avais pas été là ? L'auraient-ils soigné ? Comment ?", intervint Remus vivement. Comme Dumbledore soupirait, comme pour dire qu'il exagérait, il ajouta d'une voix étranglée : "Je ne crois pas que ce que j'ai vu soit une exception, Professeur. Il n'est pas le bienvenu dans cette maison, il n'est pas heureux, et c'est le fils de mon meilleur ami..."
Et celui de Lily ! ajouta-t-il silencieusement avant de plonger son visage dans ses mains quelques minutes. Il ne le releva que pour ajouter avec une colère profonde qui s'adressait autant à lui-même qu'à son interlocuteur : "Siri... Son parrain l'a peut-être trahi mais, moi, je ne l'abandonnerai pas. Si vous ne faites rien, moi, je ferai quelque chose !"
"Remus, Remus, ne vous emportez pas comme cela ! Je n'ai pas dit que je ne souhaitais pas réfléchir avec vous aux possibilités. Mais... la situation est compliquée. Harry n'est pas seulement un orphelin ou le fils de vos meilleurs amis", s'empressa de répondre Dumbledore. "Il a déjà été difficile de le cacher du monde magique, de ses bonnes comme de ses mauvaises intentions, il y a quatre ans. Toute décision le regardant soulève des montagnes d'intérêts contradictoires. Enfin... ne vous formalisez pas de ma question, Remus, mais que pensez-vous réellement pouvoir faire pour lui ?", interrogea le vieux professeur.
Une part de Remus avait envie de dire : je vais aller le chercher et vous ne nous reverrez plus jamais. Franchement, il avait dû se faire violence pour laisser l'enfant à Pétunia. Il avait dû se répéter que le monde n'était pas assez grand pour les cacher durablement des Aurors et du Ministère s'ils se mettaient à sa poursuite. Et ils se mettraient à sa poursuite. Il n'aboutirait à rien sans plan, c'est ce qu'il s'était répété en rentrant chez lui. Et à force de réfléchir à ce possible plan, de prendre du recul sur sa colère, il s'était dit que les possibilités légales existaient.
"Il y a les lois moldues aussi, Professeur. Je peux envoyer des assistantes sociales que je connais le voir, leur faire retirer la garde de Harry et entamer ensuite une procédure d'adoption moldue !", expliqua-t-il – et la réalité était qu'il s'était effectivement renseigné sur ce point.
"Vous croyez que le monde magique vous laissera faire ça ?", s'amusa presque Dumbledore.
"Vous croyez que j'attends encore quelque chose du monde magique ?", cracha Remus, se levant de frustration – comme Sirius ou James l'auraient fait.
Le vieux professeur ne l'avait jamais vu comme cela, dans cette rage froide et déterminée. Lupin avait toujours été le plus raisonnable des Maraudeurs et, surtout, celui qui maîtrisait le mieux ses émotions – peut-être parce qu'il sait que le loup dort en lui, conclut une nouvelle fois Dumbledore pour lui même.
"Asseyez-vous, Remus", demanda-t-il doucement. Remus obéit comme l'ancien étudiant qu'il était. Le silence entre eux dura quelques minutes. "Remus, est-ce que je me trompe ou est-ce que vous venez de parler d'adopter Harry ?"
"Vous ne vous trompez pas, Professeur", répondit Remus, le cœur un peu battant. Il était venu pour cela. Pour que Dumbledore le fasse nommer tuteur de Harry. Ce qui était à la fois peu de choses et toute la solution, lui semblait-il.
"Vous y avez bien réfléchi ?"
"Comment cela, Professeur ?", répliqua Remus un peu sur ses gardes.
Dumbledore prit le temps de changer de position sur son siège, de trouver ses mots avant de répondre :
"Remus, je me suis laissé dire que vous viviez chez les Moldus."
"Je ne vois pas le rapport", remarqua Remus, "Harry vit déjà chez les Moldus de toute façon."
"Vous travaillez dans une école, me disiez-vous ?"
"Je suis documentaliste", répéta Remus en se demandant s'il devait mentir au sujet de sa rémunération si la question en venait aux moyens matériels dont il disposait. Si Harry venait vivre avec lui, il devrait sans doute déménager, peut-être pas tout de suite mais à terme, pour qu'ils aient chacun une chambre... et il y avait toutes ces choses dont l'enfant aurait besoin... Comment l'enfant de James et Lily aurait-il pu manquer de tout ?
"Comment vous occuperiez-vous d'un enfant, Remus ? Attendez avant de me répondre. Harry n'est pas seulement un enfant. C'est un très jeune enfant", insista Dumbledore doucement, et Remus sentit immédiatement que c'était pour le dissuader de son projet. Il eut l'impulsion de se lever de nouveau et de partir : il n'était pas venu là pour qu'on dresse de nouvelles barrières sur sa route, par Merlin ! Il arriva de justesse à se calmer en se répétant qu'il n'aurait rien comme cela. "Un futur grand sorcier a priori. Déjà mondialement célèbre. Vous êtes vous aussi encore très jeune. Vous êtes seul, et vous travaillez, comment pensez-vous..."
"C'est une question de priorités, Professeur. Je trouverai des solutions. Je ne suis peut-être pas James, mais je pense que je peux l'aider et l'aimer plus que ces injures aux Moldus que sont son oncle et sa tante !", affirma Remus avec toute la force de conviction qu'il put réunir. Ça faisait longtemps qu'il n'avait pas eu autant envie de se battre pour quoi que ce soit.
Croisant le regard songeur de Dumbledore, il ajouta un ton plus bas mais avec autant de force : "Je ne vais pas l'abandonner, professeur. J'ai peut-être mis trop de temps à m'en rendre compte mais cet enfant est tout ce qui me reste. À quoi sert ma vie si je le laisse tomber ?"
De nouveau le silence emplit tout l'espace entre eux. Dumbledore le regardait, et Remus essayait de faire bonne figure face à ces deux yeux bleus, leur expérience et leur perspicacité. Une horloge tiquait dans un coin, une clepsydre émettait des sons liquides. Le temps passait. Finalement, Dumbledore se pencha en avant :
"Remus, je sais que l'on peut vous faire confiance et je mesure combien vous tenez à Harry", commença Albus, un peu moins impersonnel peut-être. "Je ne vois pas pourquoi vous inventeriez cette histoire, et les rapports d'Arabella vont dans le même sens. Maintenant, changer le statut de Harry va être très difficile. Fudge ne va pas avoir envie de voir redéballer toute cette histoire. Il s'est très bien fait à la "disparition" du Survivant de son quotidien finalement. Sans parler du fait que vous êtes un loup-garou..."
Comme Remus ouvrait déjà la bouche pour répondre, le directeur de Poudlard conclut : "Il va falloir être prudent et patient !"
En disant ces derniers mots, Dumbledore plongea son regard dans celui de Remus, attendant sa réaction. Et le jeune homme répéta de sa voix calme et résolue : "Professeur, je lui ai promis que je le sortirai de là. Avec ou sans vous."
Le directeur de Poudlard prit de nouveau le temps de composer sa réponse. Tellement de temps que Remus craignit sincèrement qu'il cherchât à lui dire non. Quand il parla enfin, sa voix était posée et amicale :
"Remus, je vous promets de tout essayer pour le faire par des voies légales. Ça ne sera ni rapide, ni facile, je ne vous le cache pas. Pour y arriver, vous aussi, vous devez me faire confiance. Encore une fois."
Le lycanthrope n'hésita pas. Il était venu à Poudlard certain que, une nouvelle fois, Dumbledore était la seule personne du monde magique qui pouvait l'aider et il était venu prêt à accepter des concessions, du moment que ces dernières pouvaient lui apporter la victoire. Il acquiesça.
"Je vous fais confiance, Professeur."
"Merci Remus. J'espère ne pas vous décevoir", répondit simplement Dumbledore en continuant de l'observer par-dessus ses petites lunettes en demi-lune. "Pour vous occuper en attendant, et aussi renforcer votre crédibilité auprès du Ministère, que diriez-vous de devenir professeur à Poudlard ?"
"Moi ? Professeur ? Professeur de quoi ?", balbutia Remus, totalement pris au dépourvu par la tournure de l'entretien.
"Votre matière favorite, si ma mémoire ne me fait pas défaut : Défense Contre les Forces du Mal", répondit Dumbledore, avec un sourire de grand-père. "J'aurais dû penser à vous plus tôt. Si vous aviez vu les candidats que m'a envoyés le Ministère, vous vous seriez peut-être même proposé tout seul ! Les vrais experts sont trop rares pour être disponibles."
Sauf que personne n'a envie d'embaucher un expert qui soit un lycanthrope, même au département des Mystères, même chez les Langues de Plombs, même chez les Aurors, compléta amèrement et silencieusement Remus, en décalage complet avec le sourire amusé qui venait de se plaquer sur les lèvres du directeur de Poudlard :
"Sachez enfin que, si vous refusez, je serais contraint d'accepter la seule candidature sérieuse que j'ai à ce jour. Et il faudra que Severus Rogue assume ce cours en plus des potions. Je ne sais pas si les élèves vont résister !", ajouta-t-il avec un petit rire.
Remus aurait pu voir dans la présentation une forme subtile de chantage, mais de la même façon que revoir le parc l'avait ému, le nom de leur ancien ennemi le laissa sans défense et sans cynisme :
"Severus ?"
"Votre grand ami Severus, oui."
Dumbledore n'ignorait évidemment rien de leurs anciennes querelles. Combien de fois était-il intervenu ? Compter les étoiles était sans doute plus rapide que de les dénombrer. Mais Severus, ici, à Poudlard, alors qu'il avait été un Mangemort de premier rang ?
"Severus est..."
"Severus a presque toujours été de notre côté, Remus", lui rappela fermement Dumbledore. "Vous vous rappelez que c'est lui qui nous a informés que Voldemort comptait attaquer les Potter, n'est-ce pas ?"
Pour ce que ça a été utile, regretta Remus in petto.
"Et vous croyez qu'il va accepter ma présence ?", osa-t-il néanmoins, un peu intimidé à l'idée que Severus soit déjà un professeur, qu'il ait survécu à une guerre où il avait, tour à tour, aidé les deux camps, qu'il ait fait visiblement mieux que lui en d'autres termes !
"Vous croyez que je vais lui laisser le choix ?"
Remus rit doucement. Non, Dumbledore n'avait pas plus changé que Poudlard. Il n'avait pas peur des défis et des épreuves. Il croyait toujours autant en l'humanité de chacune des personnes qu'il rencontrait. Il avait vu l'humain dans le petit garou de onze ans qu'il avait été. Il voyait la lumière dans l'âme sombre de Rogue. Il le voyait même, lui, en professeur. C'était peut-être utopiste, mais c'était une force profonde et déstabilisante. C'était ce qui lui faisait croire qu'il pourrait effectivement arracher Harry à la sœur de Lily. Mais penser à Harry lui donna la force d'en faire plus encore :
"Moi aussi, je suis têtu, Professeur", prévint-il loyalement. "Si Harry n'est pas sorti de sa famille au plus vite, je ne réponds de rien !"
"Me voilà prévenu, Remus, me voilà prévenu."
